Page 63 - Clicanoo
Transcription
Page 63 - Clicanoo
63 JOURNAL DU DIMANCHE du 30 mars 2008 L’ÉQUIPE MAGAZINE PORTRAIT Un destin foudroyé ? THIERRY GILARDI. Le journaliste de TF1 est mort mardi, à quarante-neuf ans, d’une crise cardiaque. Il a consacré sa vie professionnelle au sport, avec rigueur et enthousiasme. C’est l’histoire d’un type normal. «C’est», parce qu’il y a des moments où l’imparfait ne convient pas. Où l’image figée d’un sourire ne peut suffire pour évoquer une boule de vie hyperactive. Où les brassards noirs et la minute de silence de France Angleterre, mercredi au Stade de France, hommages sincères et dérisoires, ne disent rien d’autre que l’absence, le vide sur un fauteuil de commenta teur en tribune de presse. Pour le grand public, Thierry Gilardi, c’est une voix rocailleuse très appréciée, à en croire l’abondant courrier reçu a? France Football, un visage heureux, un regard bienveillant sur le football. Mais, dans cet univers parfois en trompe l’?il qu’est le monde de la télé vision, une fois les caméras rangées, il reste le même, affable, curieux, attentif aux autres. Comme en "C’était un travailleur, il travaillait trop à la limite, un boulimique de travail... J’espère que ce n’est pas ça qui l’a tué" Jean-Claude Dassier témoigne son engagement contre le mal logement auprès de la fondation Abbé Pierre. Serein ? Content de lui ? Sûrement pas. N?ud d’angoisse, surnommé «la Bouillotte», travailleur acharné, toujours inquiet sur la qualité de ses passages à l’antenne, il débarque sou vent le matin avec les cernes violets de celui qui n’a guère dormi. Surtout pendant la période, «éprouvante» selon ses propres mots, durant laquelle il a présenté la matinale de I-télé au printemps 2004. Un détour professionnel naturel pour lui, qui se veut «journaliste avant tout», ajoutant même : «Journaliste sportif, cela ne veut rien dire, à part peut-être “ journaliste qui pratique un sport ”.» Amoureux du sport. Et pourtant, même s’il a débuté en radio à France Inter, après être sorti de Sciences Po, c’est au service des sports qu’il fait ses premières armes sous la houlette de Jacques Vendroux. Ce dernier lui cédera d’ailleurs quelquefois sa place comme gardien de but du Variétés Club de France, la vaste et influente équipe au sein de laquelle, en dehors du ter rain, Gilardi occupa un temps le poste de trésorier, s’y autorisant à fumer le cigare en compagnie d’autres amoureux du ballon. Authentique passionné de sport, Gilardi adore le football et la F1, mais n’a véritablement joué qu’au rugby, qu’il a pratiqué pendant des années en région parisienne, incité par la harangue Les obsèques de Thierry Gilardi auront lieu lundi à Mont-fort-l’Amaury (78). L’ensemble de la rédaction de France Football s’associe à la douleur de sa famille, de ses proches, et leur présente ses plus sincères condoléances. (Photo : Fred Mons) médiatique de Roger Couderc «Allez les petits !», devenant même bien plus tard un vice-président très présent du Stade Français. Conscient de ses lacunes balle au pied, après avoir rejoint Canal + en 1987, il préfère potasser ses fiches plutôt que de s’entraîner, comme Biétry aimait à le faire, avec les joueurs du club visité. «Quand j’ai quitté France Inter pour Canal +, j’étais venu pour la Formule 1, racontait-il (maudit soit cet imparfait qui s’immisce insidieusement). Il m’est même arrivé de commenter le snooker ! » Et puis, le foot s’est imposé comme l’une des deux jambes de la chaîne cryptée. Il a fallu des commenta teurs supplémentaires et, parfois, puis régulièrement, remplacer Michel Denisot qui formait avec Biétry le duo phare de Canal + jusqu’en 1991. Une fois Denisot devenu président délégué du PSG en 1991, Thierry Gilardi lui suc cède au poste de commentateur des grands matches de Canal +, devenant également la figure de proue de Jour de foot (1992-1995) et de L’Equipe du dimanche (1995-2002) ainsi que directeur de la rédaction des sports de Canal + (entre 1999 et 2001). Le sourire facile, Gilardi a aussi un sang qui s’échauffe facilement. Un peu de rose aux joues, un ton qui grimpe vite et le compteur des tours par minute qui s’emballe. Pour redescendre aussi vite qu’il est monté. Sans rancune. Passionné et généreux. Un type vrai, sympa, voilà tout. Qui, fréquentant par profession des vedettes, reste à sa place : «Les stars, ce sont les joueurs.» Il est ravi de remet tre, au côté de France Football, plusieurs Ballons d’Or (Weah en 1995, Sammer en 1996, Nedved en 1997, sur Canal + ; Kaká en 2007, sur TF1), ainsi que le trophée du Numéro 1 de l’année (Ribéry en 2007, sur TF1) . Alors, forcément , l’hommage est unanime, tou chant, surpris par la froide réalité de la mort soudaine. Jean-Pierre Escalettes (président de la Fédération française de football) : «Il incarnait la passion et le professionnalisme .» Bernard Laporte, secrétaire d’Etat aux Sports : «C’était un homme généreux, gentil, qui avait une très forte humanité, et quelqu’un de passionnant.» Michel Platini, qui a commenté avec lui les soirées de Ligue des champions : «Il y a des voix et des gens qui ont marqué le sport, comme Thierry Roland, Roger Couderc et Thierry Gilardi. Thierry a fait beaucoup pour la promotion du sport et il a contribué à populariser un peu plus ce sport qu’est le football.» Michel Denisot, ancien directeur des sports de Canal + : «Il avait toujours beaucoup d’exigences. Il avait un côté insatisfait. Il s’emportait beaucoup, mais unique ment pour faire avancer les choses. Il était à la fois joueur et entraîneur.» Jean-Claude Dassier, directeur général de LCI : «C’était de très loin le meilleur commentateur de football. C’était un travailleur, il travaillait trop à la limite, un boulimique de travail ... J’espère que ce n’est pas ça qui l’a tué, mais je me le demande tout de même. C’était un grand professionnel, très angoissé, toujours d’une grande méti culosité.» ? Jean-Philippe Bouchard