INTERRUPTION MEDICALE DE GROSSESSE, LA LOI FRANCAISE

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INTERRUPTION MEDICALE DE GROSSESSE, LA LOI FRANCAISE
INTERRUPTION MEDICALE DE GROSSESSE,
LA LOI FRANCAISE,
LES INDICATIONS
Fernand DAFFOS
Dès la première Loi sur l’Interruption Médicale de Grossesse ( IMG) le 17 Janvier 1975, la
France a distingué nettement la notion d’IVG (grossesse interrompue parce que non
souhaitée) et la notion d’IMG (appelée à l’époque Interruption Thérapeutique de Grossesse
ITG ) pratiquée sur une grossesse souhaitée mais qui présente des raisons fœtales ou
maternelles qui justifiaient son interruption.
D’emblée également la France a été le seul pays à mettre une limite raisonnable à l’IVG et à
permettre l’IMG « à toute époque de la grossesse ». Elle a depuis été rejointe dans ce sens
par de nombreux pays.
Cette possibilité d’IMG était encadrée strictement par une procédure médico-judiciaire
d’acceptation de la demande parentale ou maternelle par deux médecins dont un expert près la
cour d’Appel ou la cour de Cassation.
En 1975, les trois quart des IMG étaient pratiquées pour raison maternelles mais le
développement du diagnostic prénatal au cours des années 1980 a mis en exergue la fait que
les IMG pour raison fœtale étaient souvent signées par des médecins sans compétences
spécifiques dans le domaine du diagnostic prénatal leur permettant de décider à bon escient.
Des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal ont été créés par la Loi du 30 Juillet
1994 et leur fonctionnement a permis dès 1999 de faire ajouter à la Loi sur l’IMG que l’un
des deux signataires d’une IMG devait être membre d’un de ces centres. Ainsi il était acquis
que l’indication d’IMG avait fait obligatoirement l’objet d’un avis de spécialiste de médecine
fœtale.
Enfin le cadre légal concernant l’IMG a encore été modifié par la Loi du 4 Juillet 2001 à
l’occasion de l’extension de l’autorisation de l’IVG de 12 à 14 semaines d’aménorrhée et par
le décret du 3 mai 2002.
Le but de ces modifications semblant être de « déjudiciariser » l’IMG pour déculpabiliser les
femmes, et de donner plus de place à leur représentants (un médecin choisi par elle) ou les
milieux associatifs (psychologues, membres du planning familial).
Le texte final a été publié au Journal Officiel du 7 Juillet 2001 et complété par le décret du 3
Mai
Tout d’abord, l’intitulé même de l’interruption de grossesse a changé.
L’intitulé du Chapitre du code de la Santé sur le sujet est dénommé : « Interruption de
grossesse pratiquée pour motif médical » et les mots : « pour motif thérapeutique » sont
remplacés par les mots : « pour motif médical ».
Selon les deux indications, les procédures sont différentes
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1) Procédure administrative pour les IMG pour raison maternelle
Lorsqu’une femme enceinte envisage de recourir à une interruption de grossesse au motif que
la poursuite de sa grossesse met en péril grave sa santé, elle en fait la demande auprès d’un
médecin spécialiste qualifié en gynécologie obstétrique exerçant son activité dans un
établissement public de santé ou dans un établissement de santé privé satisfaisant aux
conditions de l’article L.2322-1 du code de la Santé.
Le médecin spécialiste qualifié en gynécologie obstétrique saisi de la demande ci-dessus
constitue et réunit, pour avis consultatif, l’équipe pluridisciplinaire prévue à l’article L.2313-1
du code de la santé.
Celle ci comprend :
- Un médecin spécialiste qualifié en gynécologie obstétrique,
- Un médecin choisi par la femme,
- Un assistant social ou un psychologue,
- Un ou des praticiens qualifiés pour donner un avis sur l’état de santé de la femme.
Un procès verbal de la réunion de cette équipe est établi.
La femme concernée ou le couple est entendu, à sa demande, par tout ou partie des membres
de l’équipe pluridisciplinaire avant sa concertation.
Si au terme de la concertation de cette équipe il apparaît à deux médecins que la poursuite de
la grossesse met en péril grave la santé de la femme, ceux ci établissent une attestation.
L’établissement de santé conserve pour chaque demande d’avis : les éléments du dossier
médical transmis par le médecin traitant, l’attestation de l’équipe pluridisciplinaire, le procès
verbal de la réunion et, le cas échéant, les résultats des examens pratiqués.
2) Procédure administrative d’IMG pour raison fœtale
Lorsque l’interruption de la grossesse est envisagée au motif qu’il existe « une forte
probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité
reconnue comme incurable au moment du diagnostic », l’équipe pluridisciplinaire chargée
d’examiner la demande de la femme est celle d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic
prénatal agréé qui rend un avis consultatif.
La femme concernée ou le couple est entendu, à sa demande, par tout ou partie des membres
de l’équipe pluridisciplinaire avant sa concertation.
Si au terme de la concertation de cette équipe il apparaît à deux médecins qu’il existe une
forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité
reconnue comme incurable au moment du diagnostic, ceux ci établissent une attestation.
Les deux médecins ci dessus doivent être mentionnés dans le 1er de l’article R 162-19 du code
de la santé c’est à dire qu’il doit s’agir : d’un gynécologue Obstétricien et/ou d’un
échographiste et/ou d’un généticien et/ou d’un pédiatre du Centre.
Il est établi une attestation qui comporte les noms et les signatures des médecins et mentionne
leur appartenance au centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal.
Un exemplaire est remis à l’intéressé.
Le centre pluridisciplinaire conserve, pour chaque demande d’avis relatif à une grossesse en
cours, les éléments du dossier médical, les avis, conseils, conclusions du centre, copie d’une
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attestation si elle a été faite, la date de l’IMG, et le cas échéant les résultats des examens
foeto-pathologiques.
Pour les deux indications, maternelle ou fœtale, l’IMG est donc l’aboutissement une
demande de la femme acceptée ou refusée par une équipe pluridisciplinaire.
Elle nécessite l’accord de deux médecins et, s’il s’agit d’un motif fœtal, les deux médecins
doivent être spécialistes de diagnostic prénatal et appartenir à un centre de diagnostic prénatal
agréé.
3° Les Indications D’IMG
Il n’existe fort heureusement pas de barème des pathologies maternelles ou fœtales pouvant
amener à une acceptation ou à un refus de l’IMG.
En effet, si le handicap fœtal peut en partie être prévisible et quantifiable en fonction de la
pathologie anatomique, les troubles de la relation mère-enfant ne peuvent être appréciés que
de façon individuelle en fonction de la mère ou du couple. Il peut donc y avoir plusieurs
réponses différentes pour une même pathologie anatomique en fonction de la demande et des
capacités du couple.
L’expérience des centres multidisciplinaires Français qui remettent annuellement un bilan de
leur activité à l’Agence de la Biomédecine montre qu’il existe globalement sur l’ensemble du
territoire national un assez fort consensus en ce qui concerne les pathologies qui sont
acceptées sans discussion.
Mais il existe également les mêmes hésitations et ambivalences en ce qui concerne les
pathologies qui apparaissent comme discutables et discutées et qui sont sensiblement les
même dans toutes les équipes.
Les bilans d’activité des centre multidisciplinaire de diagnostic prénatal agréés montrent qu’il
est réalisé en France environ 6000 IMG par an pour raison fœtale et environ 250 pour raison
maternelle..
Les tableaux I,II et III sont tirés de l’expérience de plusieurs experts réunis dans le centre
pluridisciplinaire de diagnostic prénatal agréé de l’Institut de Puériculture de Paris. Ils
montrent la répartition des indications d’IMG dans ce centre sur plus de deux mille expertises.
Tableau I : INDICATIONS DES IMG
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Indications maternelles
Cancers, pathologies organiques graves,
toxémies graves ( HELLP), troubles psychiatriques.
1,7%
Indications fœtales
98,3%
Anomalies chromosomiques ( avec ou sans signe écho) :
45,5%
Malformations échographiques ( sans anomalie chromosomique) :
39,5%
Maladies génétiques
3,8%
Syndromes ou séquences identifiés
2,9%
Infections congénitales
4,4%
Pathologies des gémellaires
1,3%
Pathologies environnementales ( Médicaments, alcool etc..)
0,8%
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Tableau II : TYPES D’ANOMALIES CHROMOSOMIQUES
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Trisomie 21libre
54,3%
Trisomie 21 par translocation
2%
Trisomie 18
11,3%
Trisomie 13
4,5%
Autres trisomies
2,3%
Syndrome de Turner ( 45X)
9,3%
Syndrome de Klinefelter ( 47XXY)
2,9%
Autres anomalies des gonosomes
2,5%
Triploïdie
2,5%
Divers
8,4%
Tableau III : DETAILS DES MALFORMATIONS ET DES ANOMALIES ECHOGRAPHIQUES
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Malformations du système nerveux
29,8%
Malformations du coeur et des gros vaisseaux
18,7%
Malformations du système urinaire
10,1%
Malformations des muscles, des os, des membres
10%
Oedèmes, anasarques, tumeurs des parties molles
9,1%
Malformations de l’abdomen et des parois
7,6%
Malformations de la face
5,1%
Malformations des organes génitaux, ambiguïtés sexuelles
0,6%
Retard de croissance extrème
3,8%
Anamnios avant 17 semaine d’aménorrhée
3,8%
Divers
1,4%
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Ces statistiques sont peu différentes de celles publiées récemment par l’Agence de la
Biomédecine (www.agence-biomedecine.fr/ ) et qui concernent le registre national des IMG
en 2004
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IMG totales réalisées
5989
Refus d’attestation d’IMG
91
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Indications
- Anomalies chromosomiques
33,8%
- Malformations
43,5%
- Autres indications fœtales
12,3%
- Pathologies génétiques
5,8%
- Infections
0,8%
- Non précisé
3,8%
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