Molitg, la preMière pierre - Chaîne Thermale du Soleil

Transcription

Molitg, la preMière pierre - Chaîne Thermale du Soleil
L a Ch a î n e T h er m a le du Solei l — 16
L a Ch a î n e T h er m a le du Solei l — 17
M o litg ,
l a pre m i è re pi e rre
[1947 – 1958] Lorsqu’on lui demande de définir en quelques
mots le domaine thermal de Molitg-les-Bains dont elle a la charge
depuis 1972, Biche Barthélémy parle d’un « cadeau du ciel ». Et
en effet, comment ne pas être charmé par ce condensé de paradis,
niché au milieu des arbres centenaires de la haute vallée de la
Castellane ? Comment ne pas être séduit par l’onctuosité de ses
eaux, par la beauté mélancolique de son Grand Hôtel au sommet
duquel flottent les drapeaux français et catalan, et par la majesté
du château de Riell qui le surplombe ?
Pourtant, quand Adrien Barthélémy en prit le contrôle en 1947, les
« bains de Molitg » (els Banys de Molig) n’étaient guère florissants.
Bases de repli des Républicains espagnols vers la fin de la Seconde
Guerre mondiale, les bâtiments avaient beaucoup souffert. Il
n’était d’ailleurs pas rare d’y découvrir une grenade ou quelque
arme dissimulée au détour d’une visite. Quant aux curistes, ils se
faisaient plutôt rares et venaient pour la plupart du voisinage…
Pour relancer l’établissement, il fallait donc repartir quasiment
de zéro.
Pour Adrien Barthélémy, la tâche n’était pas des plus aisées.
Désormais installé avec sa femme et ses trois filles à Paris, non loin
de la Comédie française, le jeune courtier en publicité consacrait
l’essentiel de son temps à développer les activités commerciales de
sa nouvelle société, la Régie Nationale de Publications Officielles
(RNPO). Plusieurs ouvrages, tels que le Guide national administratif, juridique et commercial du rapatrié, le Livre d’or de la Résistance
| Le Grand Hôtel de Molitg-les-Bains au début des années 1950.
L a Ch a î n e T h er m a le du Solei l — 18
L a Ch a î n e T h er m a le du Solei l — 19
et de la Libération et le Guide national de l’agriculture, furent édités
grâce à ses infatigables prospections auprès des annonceurs. Dans
de telles conditions, la petite station thermale roussillonnaise,
située à quelque 900 kilomètres de son lieu de travail, ne pouvait
guère figurer, pour l’heure en tout cas, parmi ses priorités !
La famille s’y rendait néanmoins pendant les vacances d’été. À
l’occasion de ces séjours de détente, l’homme d’affaire prit la mesure de son aubaine : le lieu était magnifique, édifié au flanc d’une
gorge profonde et étroite, et surmonté des ruines romantiques
d’une forteresse du xe siècle, le château de Paracolls. Les eaux,
quant à elles, jouissaient d’une excellente réputation depuis des
lustres.
Avec le concours des anciens propriétaires et médecins, René et
Xavier de Massia, le publicitaire chercha à mieux cerner les propriétés de ces sources renommées et sollicita de nouveaux travaux
de recherche. En 1951, Pierre de Joyet soutint sa thèse de doctorat
de médecine sur les Indications thérapeutiques des eaux sulfureuses
de Molitg-les-Bains en dermatologie. Deux ans plus tard, ce fut le
tour de la thèse de pharmacie d’Henry Montaner : Contribution
à l’étude des eaux thermo-minérales de Molitg-les-Bains.
Parallèlement, le publiciste fit appel à Augusta, sa sœur
­bien-aimée, qui s’était installée aux États-Unis après avoir épousé
Derral Gateley, un fringant G.I. rencontré à la Libération. Adrien
la convainquit de revenir régulièrement à Molitg pour veiller au
bon déroulement des saisons thermales, ce qu’elle accepta de bon
cœur. Ces va-et-vient transatlantiques se prolongèrent pendant
plus d’une trentaine d’années ! Sa sœur cadette Juliette la rejoignit bientôt pour lui prêter main forte, ainsi que leurs parents,
Augustin et Sidonie, qui vinrent finir leur vie dans ce petit coin
du Roussillon. Ainsi, l’établissement et ses dépendances voyaient
se recomposer la famille un temps dispersée…
Augusta et son cousin Ephren à Boston. |
L a Ch a î n e T h er m a le du Solei l — 2 0
L a Ch a î n e T h er m a le du Solei l — 21
À partir de 1952, Adrien Barthélémy entreprit de grands travaux
afin de rénover de fond en comble la station et d’en faire une des
plus belles et attractives de France. Il se découvrit à cette occasion
une âme de bâtisseur… dont il ne se départira jamais plus.
Le Grand Hôtel fut ainsi édifié sur les fondations des anciens bâtiments plus que centenaires. Le bel édifice régionaliste de granit et
marbre rose fut réalisé par l’architecte perpignanais Édouard MasChancel, qui agrandit et modernisa également les thermes tout en
maintenant leur cachet d’origine : les éléments les plus précieux
(les superbes baignoires et coiffeuses en marbre, en particulier)
furent créés pour le site. La route d’accès au domaine fut élargie
et un magistral garage hélicoïdal vit le jour à flanc de montagne.
Quelques résidences de curistes furent construites aux alentours.
| Travaux de rénovation à Molitg-les-Bains.
L’heure du verre d’eau à la fontaine des thermes de Molitg, sous la surveillance
d’une doucheuse (haut). Fiche de suivi d’un curiste en 1953 (bas).
L a Ch a î n e T h er m a le du Solei l — 2 2
L a Ch a î n e T h er m a le du Solei l — 23
Au fond de la gorge, le torrent de la Castellane fut transformé en
un joli lac d’agrément, avec promenade pittoresque, passerelles,
plongeoirs, pédalos et terrains de tennis. Depuis la rive droite,
plusieurs petits sentiers de randonnées, bien balisés, conduisaient
à des points de vue à couper le souffle.
Tous ces aménagements requirent beaucoup d’argent, de patience
et d’enthousiasme, mais dès 1954, le rêve devint réalité. La publicité, qu’Adrien Barthélémy coordonna de main de maître, se
révéla à la hauteur des efforts consentis : une affiche envoûtante
fut commandée à P. Gurtler, tandis que des textes vantaient tout
à la fois la majesté du site, le « parc de 12 hectares […] sillonné de
sentiers faciles conduisant au tennis, aux ruines de Paracolls, ou
dans les gorges de la Castellane », le petit lac doté d’une « plage
modernement équipée, de portiques pour les enfants », sans
oublier le torrent qui « ne [manquait] pas de truites ».
| Dépliant pour Molitg-les-Bains (milieu des années 1960).
Affiche 62x100 cm et dépliant dessinés par Paul Gurtler. |
L a Ch a î n e T h er m a le du Solei l — 2 4
L a Ch a î n e T h er m a le du Solei l — 25
Dotée désormais d’un des hôtels les plus prestigieux du pays catalan,
la station thermale, par ailleurs « agréée par la Sécurité sociale »,
prit l’habitude d’héberger des hôtes de passage et de marque. Par
exemple, les artistes internationaux invités à se produire dans le
cadre du Festival de musique classique de Prades (ville située à 7
kilomètres), créé quelques années plus tôt par le violoncelliste Pablo
Casals et ses amis : les noms de Rudolf Serkin, Yehudi Menuhin,
Mieczyslaw Horszowski et de bien d’autres figurent ainsi dans le
Livre d’or de l’établissement. Quant au piano Steinway utilisé par
Casals pour ses répétitions, il est resté en majesté, au bout d’une
vaste galerie à arcades menant aux étages supérieurs de l’hôtel :
intemporel, le bel instrument perpétue le souvenir des concerts
jadis improvisés par le maestro, au grand bonheur des curistes
mélomanes, dont la Reine Elisabeth de Belgique, nièce de Sissi.
Dernière-née des destinations thermales « haut de gamme »,
Molitg-les-Bains vivait, sans trop s’en douter en cette seconde
moitié des années 1950, les ultimes soubresauts du thermalisme
select d’avant-guerre. « Station du beau teint mondain », plaisantait à son propos l’acteur de cinéma Jacky Blanchot dans le
Livre d’or : venu tourner en juillet 1954 quelques scènes du film
Le Fils de Caroline chérie, il y était logé, tout comme Jean-Claude
Pascal, Georges Descrières, Bernard Lajarrige, Albert Dinan et
le réalisateur Jean Devaivre. Biche Barthélémy garde un souvenir
particulièrement ému de la Fête nationale 1954, son « plus beau
14 Juillet », assure-t-elle. Elle n’était âgée que d’une dizaine d’années et, ce soir-là, l’équipe de tournage organisa un somptueux
feu d’artifice dans la vallée de la Castellane pour remercier ses
hôtes.
Pablo Casals devant le clavier permettant d’animer le carillon,
lors de son inauguration en 1959.
Le Livre d’or de Molitg-les-Bains recèle des autographes des plus grands musiciens
des années 1950 : Pablo Casals et Yehudi Menuhin…
L a Ch a î n e T h er m a le du Solei l — 2 6
| … et le fameux chanteur d’opérette Luis Mariano.
L a Ch a î n e T h er m a le du Solei l — 27
Un dessin facétieux de Jean Pruvost. |