Ma Liberté, c`est la Laïcité

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Ma Liberté, c`est la Laïcité
Ma Liberté, c’est la Laïcité
Pour aller plus loin
Dictionnaire de la laïcité, dirigé par Martine Cerf et
Marc Horwitz, Armand Colin, 2011.
Martine Cerf est secrétaire générale de l’association
EGALE (Égalité-Laïcité-Europe).
Marc Horwitz est journaliste et administrateur de l’association EGALE (Égalité-Laïcité-Europe).
Créée en 2004, l’association EGALE (Égalité-LaïcitéEurope) œuvre à la promotion de la laïcité en France, en
Europe et dans le monde. Pour appuyer sa démarche, elle
organise des débats publics et publie des ouvrages pédagogiques, des essais historiques et politiques.
Elle est à l’initiative du Dictionnaire de la laïcité (Armand
Colin, 2011) qui a reçu le « Prix de l’initiative laïque
passée, présente » 2012. Ce prix, décerné par la MAIF, la
MGEN et la CASDEN, récompense une initiative laïque
significative.
Pour en savoir plus : www.egale.eu
Martine Cerf
Marc Horwitz
Ma Liberté,
c’est la Laïcité
Préface de Robert Badinter
© Armand Colin, 2012, 2015
www.armand-colin.com
Armand Colin est une marque de
Dunod Éditeur, 5 rue Laromiguière, 75005 Paris
ISBN 978-2-200-60380-9
Préface
Robert Badinter
On parle volontiers aujourd’hui d’une crise
de la laïcité.
Pour certains, la laïcité devrait être assortie
d’un adjectif. On évoque une laïcité « positive » (comme si la laïcité pouvait être négative) ou bien « ouverte » (comme si la laïcité
était refermée sur elle-même comme un
cercle), ou bien « moderne » comme s’il pouvait y avoir une laïcité antique ou démodée.
Méfions nous des adjectifs, ils sont l’acné
du style et servent trop souvent à cacher des
arrière-pensées plus qu’à préciser la pensée.
Tenons-nous en au terme de « laïcité », telle
qu’en elle-même la République l’a forgée au
long des temps.
À l’heure où certains invoquent parfois les
droits humains pour combattre la laïcité, il
faut rappeler haut et fort que la laïcité découle
de ces droits fondamentaux reconnus à tous
les êtres humains : la liberté et l’égalité.
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La laïcité en effet garantit à chacun l’exercice de la liberté d’opinion, « même religieuse » précise l’article 10 de la Déclaration
des droits de l’homme de 1789, c’est-à-dire la
liberté de croire en la religion de son choix ou
d’être agnostique ou athée.
S’agissant de l’égalité, la laïcité garantit à
chacun une égalité de droit absolue quelles
que soient ses convictions religieuses ou son
absence de conviction. La laïcité implique ainsi
l’interdiction de toute discrimination entre les
êtres humains à raison de leurs convictions religieuses ou philosophiques. Elle est source de
fraternité civique. Elle réunit dans les temps
d’épreuves collectives « celui qui croyait en
Dieu et celui qui n’y croyait pas ».
De cette liberté de conscience et de l’égalité
des citoyens qui en bénéficient découle nécessairement la neutralité de l’État à l’égard de
toute croyance religieuse. La conséquence
en est évidente : dans une République,
l’État doit être séparé radicalement de toute
Église, de toute communauté organisée religieuse ou philosophique. L’État les reconnaît
toutes, il les respecte toutes, mais il n’en privilégie aucune. Comme le disait Victor Hugo
« l’Église chez elle, et l’État chez lui ».
La laïcité n’est pas seulement le ­corollaire
nécessaire de la liberté d’opinion et de ­l’égalité
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entre croyants de toutes confessions et non-­
croyants. La laïcité est aujourd’hui dans la
République le garant de la dignité de chacune
et de chacun. Jean Jaurès disait déjà en 1905
que « la laïcité, c’était la fin des réprouvés ».
Propos admirable qui traduit exactement l’importance de la laïcité pour toutes les minorités
religieuses et spirituelles. Le respect par chacun de l’autre, de tout autre et de ses convictions est une exigence première de la dignité
humaine. Là s’inscrit le sens premier de la laïcité : « Je te respecte au-delà de nos différences
de religion ou d’opinion comme de sexe, de
race ou d’orientation sexuelle parce que tu es
comme moi un être humain, tu es ma sœur ou
mon frère en humanité ».
La laïcité est un bien conquis de haute lutte
par des décennies de combats républicains.
Sachons la préserver contre toute atteinte
d’où qu’elle vienne et la transmettre comme
un héritage précieux aux nouvelles générations. C’est le devoir de tous les Républicains.
Robert Badinter
Ancien président du Conseil constitutionnel
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Ma liberté, c’est la Laïcité
Il y a bien des choses qui ont changé en
France depuis les événements tragiques des
7 et 9 janvier 2015 et la marche, dans tout le
pays, le dimanche 11 janvier de quatre millions
de personnes descendues dans la rue pour
défendre les valeurs de la République. Crime
odieux contre Charlie Hebdo, journal satyrique
porte-­drapeau de la liberté ­d’expression, c’est
bien à la laïcité et à la liberté qu’au nom d’une
interprétation dévoyée de l’islam, les terroristes se sont attaqués. Crime odieux, et de fait
antisémite, contre un hypermarché kasher,
ce mouvement djihadiste a montré toute la
puissance de la haine et du racisme qu’il promeut. La réaction du peuple, le 11 janvier
appelait des actes forts de réaffirmation de
la liberté d’expression et de l’opposition à
l’antisémitisme.
Les pouvoirs publics ont réagi et remis la
laïcité au cœur du débat. Ils ont décidé de
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mieux la faire connaître et de commencer par
enseigner ses grands principes dès l’école primaire et de les rappeler en permanence en
réaffirmant la nécessité d’afficher la Charte
de laïcité à l’école dans tous les établissements
scolaires publics, comme le prévoit une circulaire du 6 septembre 2013. Au-­delà de cette
simple exposition, les enseignants ont été
invités à la faire connaître et comprendre par
leurs élèves. Des ressources pédagogiques ont
été mises à leur disposition, des référents laïcité nommés dans les académies pour les soutenir et une réserve citoyenne mise en place
pour les seconder. Les écoles supérieures du
professorat et de l’éducation (ESPE) ont été
vivement incitées à consacrer plus d’heures
à la laïcité dans le cursus de formation des
futurs enseignants. Sans doute était-­il temps
car tant de propos contradictoires sont écrits
sur la laïcité qu’il est aujourd’hui difficile de
faire la part entre le vrai et le faux, entre le
sincère et l’instrumentalisé.
Au nom de la laïcité, il est parfois d’inadmissibles discours d’exclusion, au nom de la
laïcité encore, il est réclamé des demandes
de subventions publiques pour construire
des édifices religieux ou former des ministres
des cultes, au nom de la laïcité toujours, des
mesures discriminatoires qui ne s’avouent
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pas cherchent à réhabiliter les « racines chrétiennes » de la France et uniquement celles-­là
ou à réintroduire la présence du religieux
dans une société qui pourtant se sécularise de
plus en plus. Il ne suffit pas de faire rimer laïcité avec liberté pour donner sa teneur véritable à ce principe trop souvent dénaturé,
corrompu ou mis en avant au mépris de sa
signification réelle. Acceptons-­le : les détracteurs de la laïcité ne cesseront d’en détourner
le sens premier pour mieux la combattre et
ceux qui la défendent, devront mille et une
fois remettre l’ouvrage sur le métier. Il est
indispensable de redonner à la laïcité son
« identité », indispensable de dire et redire ce
qu’elle est… et ce qu’elle n’est pas. Ces mises
au point permanentes, ces clarifications ne
sont jamais vaines : elles sont aussi l’occasion
de réinterroger des idées vieilles de quelques
siècles et si généreuses. Elles sont les seuls
moyens de démontrer l’actualité de la laïcité
au travers de l’histoire en lui ouvrant de nouveaux espaces.
Définir la laïcité est difficile. Il ne suffit pas
d’en rappeler les racines étymologiques (laos,
en grec, c’est le peuple, laïkos, c’est ce qui a
trait au peuple dans son unité, au peuple
indivisible) ou de revenir sur l’émergence de
ce concept essentiel sous la IIIe République
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f­ rançaise, dans la droite ligne de la philosophie du Siècle des Lumières. Il faut être plus
concret et considérer la laïcité comme un
principe de paix sociale et de respect mutuel :
la laïcité est ainsi ce « ciment » qui permet à
tous les citoyens de « vivre ensemble », sereinement. Cette notion de « vivre ensemble » est
constitutive de la Nation, mais elle n’est pas
figée une fois pour toutes ! Elle s’inscrit dans
l’histoire comme dans l’actualité, elle est évolutive. Elle ne remet pas en cause pour autant
ce fondement de la laïcité et l’acceptation
par chacun de l’autre, avec ses différences de
croyances et de convictions. Elle affiche ainsi
son universalité.
Pourquoi alors dit-­on que la laïcité est une
« spécificité française » ? Tout simplement
parce que la France a été la première Nation
d’Europe à décider, dès 1905, la séparation
effective des Églises et de l’État. Elle a inscrit ce principe dans sa Constitution au lendemain de la Seconde guerre mondiale, en
1946 et l’article 1er du texte fondateur de la
IVe République stipule que « La France est
une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». L’article 1er de la constitution de 1958, celle de la Ve République,
ajoute que « [La France] assure l’égalité
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