Sinai. - Envol31
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Sinai. - Envol31
Sinaï Désert mais pont entre Afrique et Asie Nous allons faire un voyage, initiatique pour beaucoup, dans cette péninsule triangulaire et désertique bordée par la méditerranée au nord, par Israël à l’est et par les golfes d’Aqaba et de Suez au sud. Mais il ne faut pas s’y tromper, le terme désert recouvre une grande variété de paysages et nous allons évoluer depuis les sables d’Aqaba, jusqu’aux calcaires et grès du Gunna avant de rejoindre l’ensemble montagneux du sud qui entoure le monastère de Ste Catherine avec des sommets prestigieux tels que le Jbel Serbâle, le Jbel Moussa (mont Moïse 2637m) Ste Catherine (2438m). Ces massifs montagneux sont entaillés de profondes vallées (Wadis). Cet ensemble est appelé Mont Moïse dans la Bible et Mont Horeb par les Egyptiens. Cette contrée est peuplée depuis la nuit des temps. La Bible y situe l’errance des Hébreux qui y séjournèrent pendant 40 ans (chiffre biblique ) entre leur départ d’Egypte et leur arrivée en pays de Canaan (terre promise qui se dit Israël en Hébreux). C’est au sommet du Mont Moïse (mais il y en a 3 possibles) que fut scellée l’alliance entre les Israëlites et leur dieu Yahvé. Cette région a été occupée par les égyptiens, puis, au Ivème, siècle des colonies monastiques chrétiennes se sont installées, avant de voir l’arrivée de tribus bédouines nomades. C’est un lieu stratégique entre l’Orient et l’Occident, une terre de passage fortement convoitée ;l’empire ottoman s’y installe jusqu’en 1919 et, depuis la création de l’Etat d’Israël, le Sinaï connaîtra 5 guerres successives avant de retrouver sa quiétude en 1982 à partir de la restitution à l’Egypte par Israël. Juste avant notre arrivée, la bande côtière du Sinaï a été secouée à nouveau par des relents de conflits. Une série d’explosion à Taba et Nueiwba a perturbé la vie calme et paisible de cette zone. Celle-ci était ,depuis longtemps, la terre de prédilection de vacances pour tous les amoureux de la Mer Rouge et de ses fonds marin, mais surtout pour des israéliens en vacances.Une série d’attentats visant donc les hôtels et les campings où se trouvaient des israéliens faisant comme d’habitude des victimes innocentes. Nous arrivons 10 jours après la série d’attentats, après une nuit difficile car l’accès à Sham El Sheikh, plaque tournante du trafic dans le Sinaï est difficile par une voie aérienne autre que charter. Partis de Toulouse dans l’après-midi, nous avons rallié Milan en soirée, puis arrivés au Caire à 3 h30, redécollage vers sharm el Cheickh à 4 h 30 arrivée à 5 h 30 puis 3 h de route pour atteindre Nuweiba. Une route magnifiquement asphaltée (stratègie oblige) relie shamel sheikh à la frontière israélienne en longeant la côte de la mer Rouge jusqu’à Eilath. Déjà , les décors grandioses : massifs montagneux enchâssés dans une garrigue de sable blond, avec de loin en loin une petite oasis. Nous arrivons à Nuweiba à 10 h du matin, la température est très agréable. Nous sommes en transit dans un village de vacances en paillotes sur le bord de la mer rouge. Après les évènements que cette zone vient de connaître, nous sommes pratiquement les seuls occupants. Malgré la nuit très courte que nous avons connu beaucoup profitent de la plage inoccupée, du soleil et même de la plongée. Babette nous a reçus fort gentiment, j’ai vu à son regard, qu’elle était un peu inquiète en ayant lu nos dates de naissances, mais nous lui avons démontré que nous étions des solides et des expérimentés et non des tamalous ; elle se détend un peu. Briefing sur le trajet que nous allons parcourir carte à l’appui, un périple de 4 jours dans le complexe montagneux à l’est de Nuweiba puis transfert dans le complexe du monastère Sainte-Catherine pour l’ascension du mont Moïse. Questions habituelles sur le danger des scorpions, des vipères à corne ou autre danger ; réponse rassurante c’est l’époque de l’hivernage donc rien à craindre de ce côté là. Un déjeuner copieux et nous partons en véhicule 4x4 vers notre premier bivouac. Nous faisons une halte au camp de base pour prendre le matériel : tente, matelas, matériel de cuisine, le tout étant transporté par le véhicule d’assistance. Départ pour le premier campement. Nous sommes installés dans un Wadi (vallée d’un oued à sec), il y avait une grande tente faite de poils de chèvre tissés, pour nous accueillir mais chacun, prudemment, préfère monter sa tente hermétiquement fermée. Il y a quelques tâtonnements pour monter la tente pour former un campement qui s’étire dans le wadi (on se méfie des ronfleurs !) Le repas du soir est excellent, il est préparé par notre cuisinier avec des moyens tout simples. Une bonne nuit et au matin le petit déjeuner est grandiose surtout grâce aux galettes toutes fraîches faites avec de la pâte qui cuit sur un cône métallique. Certains vont repartir un peu tâché avec le miel qui a coulé à travers la pâte ou l’huile des œufs en omelette. Après le copieux déjeuner, nous faisons le plein d’eau traitée, il faut au moins 2 litres pour la matinée. Nous partons sur le plateau encerclé de montagnes abruptes. Episode délicat pour Agnès dite la « princesse du désert » qui fait la connaissance de son futur compagnon immédiatement baptisé Hugo. Il est jeune et vigoureux et regarde Agnès s’approcher l’œil un tantinet coquin. Elle tourne autour l’inspecte et le trouve de taille un peu imposante. Babette et toute la troupe lui dit : « Allez, il te faut te lancer, c’est toujours un peu difficile la 1ère fois, tu vas être un peu secouée au départ mais après tu verras c’est formidable. Précautionneusement Agnès s’installe et quand Hugo se dresse c’est évidemment un cri d’effroi car elle se trouve projetée en avant puis en arrière, surtout elle trouve qu’elle est trop en hauteur. Toute la troupe l’encourage et devant l’inquiétude persistante, pudiquement, tout le monde s’écarte la laissant seule avec Hugo et Babette. Cette dernière l’initie peu à peu au fonctionnement avec Hugo et un moment plus tard nous les voyons arriver rassurées. Agnès caresse la bosse de son compagnon qui à l’air de la trouver plaisante, ses longs cils clignotent par moment peut-être de joie. Nous pouvons continuer notre route dominés par notre princesse du désert sur son dromadaire personnel. Hugo est effectivement le dromadaire de monte de la doyenne du voyage. Après une heure et demi de marche dans un décor de création du monde, nous nous arrêtons sous l’arbre, (car il n’y en a qu’un) une sorte d’acacias parasol avec des épines très longues et très aérées mais elles ne rebutent pas Hugo qui s’en délecte malgré l’inquiétude de sa passagère. Nous remontons un autre Wadi dans lequel il faut rechercher le sable le plus dur possible pour éviter une marche très vite fatigante pour les mollets et après avoir dépassé un campement bédouin nous nous arrêtons chez une autre tribu bédouine, à l’ombre d’une tente, et le cuisinier nous prépare le repas pendant que les femmes bédouines proposent au groupe des objets artisanaux : bijoux, colliers, foulards, lithams etc… Repas toujours très copieux et derrière, une sieste réparatrice, car nous nous levons le matin à 6 h et ,de plus, les nuits sont des nuits de pleine lune et sous le double toit on a l’impression d’être en plein jour. Nous repartons toujours sous une température très convenable (25° à 30°), nous passons devant des constructions rondes, avec une porte tournée vers l’est qui, d’après les archéologues , sont des tombeaux anciens ; nous marchons dans un décor à nouveau fantastique sur du sable presque blanc entre des falaises qui semblent décorées d’une dentelle de pierre, elles ont été taillées par une érosion fluviatile sous un paléoclimat puis reprises et sculptées par l’érosion éolienne qui enlève toutes les parties tendres. Le soir au bivouac Babette, nous apprend qu’elle a voulu tester notre capacité et notre résistance et avoue qu’elle est un peu surprise de l’excellente forme physique par rapport aux….dates de naissances. Demain commenceront donc les choses sérieuse. En effet, nous partons vers une montagne que nous devons gravir pour avoir une vue sur l’ensemble du massif. L’escalade est aisée de bon matin et nous arrivons au sommet sans grand problème. La vue y est sublime à 380°nous voyons jusqu’au Mont Ste Catherine à 100 km, jusqu’à la mer Rouge et à nos pieds de grandes étendues de sable d’où émergent des massifs imposants. Tout en bas nous voyons de minuscules véhicules car ce sont nos véhicules d’assistance. Le ciel est bleu mais quelques cirrus font craindre un changement de temps. Nous revenons par une faille jusqu’au bivouac pour le repas de midi. Petite sieste. Nous repartons sous un ciel qui se voile un peu et nous escaladons note deuxième difficulté de la journée. Agnès déclare forfait et part avec Babette et Hugo pour contourner l’obstacle, elle nous a confié à son compagnon bédouin Khaled, lequel nous fait gravir, le mont sans difficultés, les roches sont cependant instables, et il faut faire attention en prenant appui. Lorsqu’elles bougent elles émettent une sonorité claire et cristalline. Nous redescendons sur l’autre versant pour nous retrouver au complet, pendant qu’un petit vent frais s’est levé et que, vers l’est, le ciel devient sombre. Au bivouac, le soir, nous pouvons apercevoir les éclairs qui nous prouvent que les prévisions météo de changement de temps étaient justifiées, mais cette fois l’orage n’est pas pour nous. La journée suivante nous escaladons, cette fois par un éboulis, qui donne de vives inquiétudes à Babette qui ne connaît pas nos talents de grimpeurs et nous montons sur la montagne de la sorcière ou du dragon et là, après avoir découvert un panorama à vous couper le souffle ,(déjà un peu court par la montée) on ne sait pour quelle raison tout à coup, le groupe se met à danser une danse un peu indienne qui s’apparente quelque peu à une danse de la pluie et dont les conséquences seront surprenantes ! Nous redescendons par une dune, pieds nus, dans une sorte de ski sur sable sur pieds. Il est certain que la descente prend beaucoup moins de temps que la montée. Une petite heure de marche et nous arrivons à une grotte, un peu haute pour certains car elle demande une dizaine de mètres de quasi escalade. Il y fait un courant d’air qui rafraîchit admirablement. Le soir au bivouac ces dames se maquillent avec de la terra cota et du kool et nous avons une soirée, en plein désert, où alternent les chansons bien de chez nous et les chants bédouins. Ce fut une soirée inoubliable à nouveau ponctuée par les éclairs, toujours à l’est qui donnent l’impression d’être dans une boîte disco. Au matin le soleil est un peu pâle et la vapeur d’eau est perceptible dans l’air, nous descendons par un wadi jusqu’au bivouac de midi, l’abri est difficile à trouver car le vent tourbillonne et le ciel noircit rapidement, le tonnerre gronde, les éclairs se multiplient. On pense que l’orage est passé cette fois au sud ouest ; nous nous mettons en marche, la chaleur est moite, les rafales de vent se multiplient. Nous arrivons en vue de la faille qui sépare notre massif gréseux de celui du complexe Ste Catherine/Jbel Moussa. Nous sommes sur la crête d’une dune, et devant nous s’ouvre l’énorme dépression avant le massif basaltique et granitique. Le ciel est d’un noir d’encre et nous pensons qu’il ne reste que quelques minutes avant la pluie. Nous partons très vite vers notre bivouac du soir, en espérant arriver à temps à une petite grotte ; inutile, la pluie nous rattrape, et là une phénomène extraordinaire se produit, les bédouins qui nous accompagnent dansent sous la pluie qui tombe, comme nous l’avons fait sur la montagne. Leur joie est énorme et ils nous disent qu’il y a 10 ans qu’il n’avait pas plu. Nous atteignons l’abri complètement trempés et, avec le vent, nous avons une désagréable impression de froid. La pluie cesse, mais au moment de repartir, l’orage revient, et, heureusement le 4x4 d’assistance vient nous chercher et nous abrite. Le spectacle est extraordinaire : de toutes les parties rocheuses l’eau dégringole en cascades et vient former un ruisseau qui grossit au centre du wadi. Nous regagnons notre bivouac sous la pluie, et au milieu de la joie sans pareille des bédouins qui se moquent éperdument que tout soit trempé. Ils nous disent que l’eau c’est la vie et que nous sommes bénis des dieux pour leur avoir apporté la pluie. Nous montons nos tentes pendant une accalmie, juste avant que l’orage ne passe une quatrième fois sur notre tête, mais cette fois c’est le comble : il grêle. Ceci laisse espérer ce que l’on appelle en météo une décharge de fin de famille de perturbation et effectivement, peu à peu le ciel va se dégager, nous allons avoir une nuit étoilée avec une lune qui brille d’une manière intense mais un peu …froide. Le lendemain matin, le soleil est au rendez-vous et tout le monde est ravi d’avoir vu un orage dans le désert car c’est un spectacle rare et impressionnant. Nous sommes transférés par des véhicules 4x4 jusqu’au complexe du monastère Ste Catherine. Arrivés à 9 h nous visitons d’abord l’imposant monastère entouré de hauts sommets. C’est le plus ancien monastère chrétien connu du plus petit diocèse du monde et surtout célèbre par la collection d’icônes et de manuscrits précieux qui ont trouvé refuge ici lors des querelles religieuses (ex. querelle des images) La fondation date du IXème siècle par l’empereur Constantin, ce monastère s’enrichit tellement par donations qu’il excite à plusieurs reprises les convoitises des tribus bédouines. En 530, Justinien ordonne la construction d’une basilique beaucoup plus grande, en lui donnant l’aspect actuel de fortification massive pour la protéger. En 640,ce monastère devient un bastion de la Chrétienté dans un monde colonisé. En 625, Mahomet accorde sa protection aux moines (copie du document visible au monastère) En 726 c’est la querelle des images (iconoclastie) et c’est là que se situe l’exode des icônes jusqu’au monastère. Celui-ci est épargné par les tourbillons des croisades et le monastère coula des jours paisible marqués seulement par la visite de hardis voyageurs attirés par l’aspect mystique du lieu. Avant que le tourisme moderne en fasse un lieu de visite privilégié (5000 personnes/jour) Le Mont Moïse que nous allons gravir s’élève à 2285m c’est paraît-il le mont Horeb de la Bible. Le dieu d’Israël y aurait donné à Moïse les tables de la loi avec les 10 commandements. Il est sacré pour les 3 religions monothéistes/ Deux voies s’ouvrent à nous : le sentier « sikket sayidna Masa » qui commence tout de suite après le monastères qui rend l’ascension facile mais elle dure 3heures, à mi-chemin on trouve la source « mayet musa » où le prophète faisait boire les troupeaux. « l’escalier de Moïse » qui compte 2300 marches taillées dans le granit par un seul moine qui les a faites en guise d’ex-voto.De là on arrive à la « porte des confessions » où les pèlerins se confessaient à un ermite : après l’absolution donnée par celui-ci, en passant par la « porte de la foi » avant la dernière ascension vers la cime. Depuis la chapelle plusieurs fois reconstruite sur les ruines de celle édifiée par Justinien, il reste 700 marches pour atteindre le sommet. Ce lieu mystique attire une foule de pèlerins et nombreux sont ceux qui gravissent le sommet à n’importe quelle heure du jour et même la nuit ! Nous assistons au coucher du soleil depuis ce véritable « toit du monde » entouré de montagnes déchaînées, disséquées par l’érosion, c’est un spectacle de création du monde, et il est vrai qu’ici on est bien loin des préoccupations quotidiennes. La descente se fait dans la nuit par le sentier. Nous croisons ceux qui vont passer la nuit au sommet pour assister au lever du jour. Quelle énorme symbolique que ceux qui vont assister à l’aube de la création qui croisent ceux qui viennent d’en voir le crépuscule ! Après une nuit à l’auberge du monastère nous repartons vers notre quotidien européen les yeux pleins d’images inoubliables. Michel MARTY Je dédie ce texte à deux amis extraordinaires Babette et Khaled