Val-David 1989 (41 ans)

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Val-David 1989 (41 ans)
Val‐David 1989 (41 ans) Je suis divorcé depuis deux ans et j’ai une petite amie depuis quelques mois, que j’appelle affectueusement Lison. Je l’ai rencontrée au centre de ski Belle‐Neige, à Val‐Morin où, à cette époque, le mercredi c’était la journée des dames. Les femmes pouvant skier gratuitement, vous pouvez imaginer combien il y avait de mâles chasseurs sur les pistes de ski. En fait le ‘’fun’’ commençait dans ce qu’il est convenu d’appeler l’après‐ski et c’est précisément à l’une de ces soirée mémorables (et j’en ai vécues plusieurs) que j’ai fait la connaissance de cette petite femme délicate et énergique. Nous avons beaucoup de plaisir à être ensemble et je vais la retrouver sur son lieu de travail dès que j’en ai l’occasion. À cette époque, Lison est « barmaid « dans un petit bar à Ste‐Agathe‐des‐Monts appelé ‘’Le Saint‐Moritz ‘’ L’établissement est situé à l’extérieur de la ville, sur la route 117, juste à coté d’un lave‐auto. Le propriétaire de ce lava‐
auto est un personnage bien connu du milieu criminel et par le fait même de la police. Il à été pendant de nombreuses années propriétaire d’un club de danseuses nues situé sur cette même route 117 à Val‐David. Quand il a vendu son club, cet individu (je vais l’appeler Marcel : nom fictif) que je trouvais quand même sympathique pour l’avoir rencontré à quelques reprises, du temps où j’étais le président de la Chambre de Commerce de Val‐David, s’est recyclé dans un tout autre domaine : le lave‐auto. Puisqu’il ne s’était pas fait uniquement des amis (dans son ancienne vie) la rumeur voulait qu’il porte en permanence une veste anti‐balles. Trois morts dans un lave‐auto Or un jour, où j’étais allé voir mon amie Lison au St‐Moritz, on entend, à l’extérieur, ce que l’on croyait être le bruit de pétards. Lison me demande d’aller jeter un coup d’œil à l’extérieur pour voir si les enfants ne jouaient pas trop près de l’établissement. Là, une scène ahurissante s’offre à moi. Trois hommes étendus par terre avec chacun au moins une balle dans la tête. Laisser moi vous raconter : Vers 18.30 (si ma mémoire est bonne) ce jour là, une grosse voiture de luxe s’arrête devant le lave auto. La voiture n’avait de toute évidence pas besoin de lavage. Trois hommes en descendent, on a su plus tard, au cours du procès, qu’ils faisaient partie du gang de motards les Rock‐Machines. Donc les trois hommes pénètrent dans le local et ils ‘’invitent’’ (sic) le propriétaire à faire une petite balade en voiture. Marcel comprend très vite que ce n’est pas pour aller admirer les rives du majestueux lac Des Sables de Ste‐Agathe‐des‐Monts. Il connait très bien ses visiteurs et il ne doute pas une seconde qu’il ne reverra plus jamais son lave‐auto. Tout juste avant de passer la porte, il demande à prendre son manteau (une sorte d’imperméable d’automne). On l’oblige à s’assoir sur la baquette arrière de la voiture pendant que deux des hommes prennent place sur la banquette avant et un autre tout juste à coté de lui en arrière. Les portières ne sont pas encore fermées que Marcel, tire un premier coup de feu, avec une arme cachée dans la poche de son manteau. Il abat le costaud assis à coté de lui. Le conducteur n’a pas le temps de réagir qu’il reçoit à son tour une balle dans la tête. Son corps tombe entre la voiture et la portière encore ouverte. Le troisième homme n’a pas le temps de faire plus de quatre pas qu’il est lui aussi abattu derrière la voiture. Marcel prend le temps de descendre calmement de la voiture et va loger une dernière balle dans la tête de chacun des ses assaillants. Au moment où j’arrive sur les lieux, presqu’en même temps que la police, Marcel est dans son local assis sur une chaise. Le moteur de la voiture est encore en marche. Je passe par‐dessus les cadavres encore chauds des assaillants portant des vestes de cuir aux couleurs des Rock‐
Machines. Je remarque aussi les douilles des balles qui ont été tirées. À ce moment seulement un sergent détective‐ enquêteur m’ordonne de dégager pour ne pas contaminer la scène de crime. Fait étonnant, aucun policier présent n’a cru bon m’interroger sur les évènements dont je fus le premier témoin. Je reste sur place, la noirceur tombe déjà lorsque les journalistes de Montréal arrivent sur les lieux. Je me rappellerai toujours que, juste à quelques pas de moi, Mme Cazin de TVA fera un reportage. Elle devait être à ses débuts puisqu’elle a dû reprendre et reprendre le topo puisque qu’elle s’enfargeait dans ses mots. Si Jocelyne Cazin lit ce livre cela va certainement lui rappeler de nombreux souvenirs. M’enfin, moi, je m’en rappelle très bien. Des années plus tard quand je raconterai à l’émission de Denis Lévesque une autre scène de crime dont j’ai été témoin, l’animateur me demandera comment j’ai pu retourner si calmement à la maison après avoir vu un homme se faire tirer par la police à quelques pas de moi. Peut‐être que j’ai trop de vécu ou suis‐je difficilement impressionnable? En fait, je dois avouer que comme tout le monde, je reste une personne très sensible à des événements semblables mais dans mon cas, la réaction vient toujours après coup.