Langue et nation en France

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Langue et nation en France
[Hérodote, Revue de géographie et de géopolitique] Langue et nation en France
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Hérodote, Revue de géographie et de géopolitique n°126 - Géopolitique de la langue française
(troisième trimestre 2007)
«Langue et nation en France» par BARBARA LOYER
http://www.herodote.org/article.php3?id_article=293
Hérodote, Revue de géographie et de géopolitique
126 - Géopolitique de la langue française (troisième
trimestre 2007)
«Langue et nation en France»
par BARBARA LOYER
Les passages de cet article portant sur le rap ont été écrits avec l’aide de Jérémy Robine, doctorant à
l’Institut Français de Géopolitique (thèse : "La question postcoloniale : Enfants de l’immigration et
nation en France").
Résumé : Langue et nation en France
La relation entre langue et nation en France peut s’étudier sous deux aspects. Celui des langues
régionales par rapport à la langue française, qui fait apparaître une grande diversité de situations
concrètes. Celui des usages différenciés de la langue française elle-même, qui fait émerger d’autres
espaces, comme par exemple, dans le cas d’une étude des chansons de rap, certains territoires
urbains. Dans les deux approches, on analyse une figure du langage qui est commune aux discours
développés autour des langues régionales et au rap : la figure de la victime. Les deux exemples
sont développés afin d’ouvrir d’autres perspectives pour l’analyse géopolitique de la nation.
Abstract : Language and nation in France
The link between language and nation in France may be analyzed under two different aspects. On
one hand the regional languages in relation with the French language, which shows a great
diversity of real situations. On the other hand the different uses of the French language itself,
which brings out other spaces and dimen-sions, as for example, in the case of a study of rap songs,
certain urban territories. In the two approaches, there is a common figure of speech developped
around regional languages and rap : the image of the victim. Both examples are developped in
order to open other perspectives for the geopolitical analysis of the nation.
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La francophonie, comme mode de relation diplomatique de la France, est une réalité qui évolue
rapidement face à la croissance de l’influence anglophone. Disons en simplifiant qu’on a longtemps
envisagé la langue française à l’aune de statistiques sur le nombre de ses usagers, l’évolution de cette
quantité étant interprétée comme autant de victoires ou de défaites dans une bataille mondiale contre
l’anglais. Aujourd’hui, au contraire, dans les milieux des experts de la francophonie, on parle de
« langues partenaires ». C’est une façon de mettre l’accent non plus seulement sur des quantités de
locuteurs ou de pages lues en langue française, mais sur la manière dont les populations peuvent devenir
ou rester polyglottes en gardant la langue française dans leur bagage linguistique. Le concept de
francophonie s’est donc transformé avec la conscience que dans les pays dits « francophones » d’autres
langues s’imposaient aux côtés du français, langues nationales de substrat local et anglais. Le
changement de paradigme, de la « grande » langue aux côtés des petites langues locales, à la langue dite
« partenaire », envisagée sur un pied d’égalité avec celles qui sont parlées dans tel ou tel pays, traduit en
fait la conviction nouvelle qu’il faut relativiser la place du français dans les différentes nations
indépendantes qui l’ont en usage afin d’en préserver la pérennité à long terme. Le français est présenté
comme un atout pour le développement d’une mondialisation pluriculturelle dans laquelle les échanges
se font dans plusieurs grands idiomes internationaux (anglais, espagnol, arabe, français). Le programme
de l’Agence universitaire de la francophonie est, par exemple, présenté dans les termes suivants : « La
langue française cultivera sa relation aux langues du monde, l’anglais, l’espagnol, le portugais, mais
aussi l’arabe et les langues nationales en contact avec elle. » De même, l’Organisation internationale de
la francophonie « favorise le plurilinguisme au sein de l’espace francophone par le développement
équilibré du français et des langues partenaires, particulièrement les langues africaines transfrontalières,
vecteurs d’expression, de développement, d’éducation, de formation et d’information. À l’échelle
mondiale, elle noue des alliances et établit des synergies entre le français et les grandes langues
internationales ».
Cette évolution soulève donc la question de la relation de la langue française aux autres langues. Dans
les pays anciennement colonisés, pour contourner l’obstacle associant la langue française à une forme de
néocolonialisme, il faut envisager sa place relative dans un ensemble complexe d’idiomes divers. Le
concept de « langue partenaire » est ainsi le résultat d’une réflexion sur les relations entre les langues.
En France, la relation entre langue française et langues régionales est en général perçue comme un
combat historique, à l’issue duquel la première a vaincu les secondes. Les partisans ou les défenseurs de
ces dernières réclament en quelque sorte réparation de ce qu’ils voient comme un dommage historique.
Au lieu de langues partenaires, on est plutôt donc face à des langues adversaires, et c’est cette rivalité
que l’on veut étudier.
Par ailleurs, le rapport entre langue et nation est aussi une question de contact entre classes sociales. Les
linguistes ou sociolinguistes ont mis en valeur l’importance des déviances dans l’évolution de la langue
française et des relations sociales induites par la domination des normes : le bien parler ou la maîtrise de
l’orthographe classent une personne. C’est particulièrement vrai pour notre langue dont l’orthodoxie est
réglée par l’Académie et le système scolaire qui donne tant d’importance à la dictée. Pour explorer les
pistes de ce rapport entre langue et nation en France (pistes qui pourraient être aussi empruntées dans
d’autres pays francophones), on ébauchera aussi une analyse des représentations géopolitiques qui
concernent la nation dans un genre musical : le rap. Le rap souvent décrit comme l’expression d’une
communauté française de la banlieue. On verra à travers cet exemple comment la langue française et les
différentes façons de la parler relèvent de l’analyse géopolitique.
Français et langues régionales : des langues adversaires
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Une représentation communément admise est que le rapport entre la langue française et les autres
langues de France a toujours été fondé sur la force, alors que cela se discute, comme nous le verrons par
la suite. Selon les défenseurs des langues régionales, le temps devrait venir où cette relation, qu’ils
estiment inégalitaire et injuste, devrait être réparée. De leur point de vue, les langues régionales
devraient se voir reconnaître un statut égal à celui du français. Par exemple, la coofficialité du français et
du basque est demandée par les nationalistes basques et un ensemble d’associations pour la défense de
l’euskara, appelé plate-forme batera. La singularité du cas de la langue basque est qu’elle est adossée à
une communauté autonome du Pays basque espagnol appelée Euskadi, dans laquelle l’euskara est langue
co-officielle, et qui est gouvernée depuis 1980 par le même parti nationaliste basque. La politique
linguistique de ce gouvernement autonome a donc été très volontariste, au point qu’aujourd’hui environ
la moitié des élèves de l’enseignement primaire et secondaire d’Euskadi étudient en langue basque, dans
un système bilingue mis en place, pour la première fois dans l’histoire de cette région, à partir des
années 1980. Les statistiques du gouvernement basque évaluent en 2001 que 43 % des moins de 30 ans
connaissent le basque [1] contre 26% en 1991 (population Euskadi 2,1 millions d’habitants). Cela ouvre,
bien sûr, des perspectives au mouvement basque favorable à l’usage de l’euskara en France et d’ailleurs,
depuis 2007, le gouvernement d’Euskadi finance une partie des actions linguistiques en France [2].
Rappelons que l’idéologie nationaliste basque comprend explicitement la volonté de réunir en une seule
nation souveraine les territoires bascophones d’Espagne et ceux de France.
En Bretagne, pour une population de 3 millions d’habitants, on compte 263 850 locuteurs de breton, les
deux tiers ayant plus de 65 ans, et moins de 2% des élèves étudient en filière bilingue françaisbreton [3]. La deuxième langue régionale de Bretagne est le gallo. Elle suscite beaucoup moins de
mobilisation que le breton. Diverses associations, et le parti Union démocratique bretonne, travaillent
pour que la langue bretonne soit co-officielle avec le français. Si ce parti n’a obtenu que 4,8 % des voix
aux élections régionales de 2004 (4 élus sur 83), il participe néanmoins activement au conseil
régional [4]. La langue bretonne présente les mêmes caractéristiques que la langue basque du point de
vue de son faible rayonnement géographique : elle n’est parlée nulle part ailleurs, et la difficulté de son
apprentissage est grande pour un adulte. En revanche elle s’en différencie complètement par l’isolement
et la petitesse dans lesquels se trouve le territoire où l’on parle breton. Ce n’est pas du tout la même
situation géopolitique que celle du basque.
Dans toute la zone langue d’oc, du sud de la France au nord du Limousin, les tenants d’une seule grande
langue d’oc s’opposent à ceux qui veulent une politique favorisant l’épanouissement de diverses langues
ou dialectes parlés dans l’aire d’oc, notamment le provençal. Il n’y a pas de réelle intégration en un seul
mouvement des multiples associations de défense des langues d’oc, sans doute parce qu’il n’y a jamais
eu de territoire du Languedoc qui corresponde à l’extension de ces langues ou dialectes.
Le catalan est un cas qui pourrait se rapprocher de la situation basque puisque la Catalogne espagnole
mitoyenne du Roussillon est complètement catalanophone et a été dirigée par des nationalistes catalans
de 1980 à 2003. Mais ce qui la différencie beaucoup du pays basque c’est que, d’une part, le parti au
pouvoir n’a jamais mis l’accent sur l’expansion de la nation catalane vers le Roussillon et, d’autre part,
cette langue est très proche de l’espagnol et du français, il n’y a donc pas besoin de l’apprendre pour
pouvoir la lire (mais il faut l’étudier pour la parler).
En Corse, les régionalistes et nationalistes ont choisi de tourner le dos à l’italien pour faire du dialecte
insulaire une langue régionale singulière avec ses formes écrites. En Alsace, les milieux investis dans la
diffusion du bilinguisme ont fait le choix de promouvoir l’enseignement de l’allemand plutôt que la
langue parlée par les Alsaciens bilingues. « Il n’existe qu’une seule définition scientifiquement correcte
de la langue régionale en Alsace, ce sont les dialectes alsaciens dont l’expression écrite est l’allemand »
(site de l’Office pour la langue et la culture en Alsace). Ce choix a provoqué quelques polémiques car
des défenseurs de la langue alsacienne se sont émus du risque, bien réel, de voir ces formes parlées
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disparaître si elles ne sont pas enseignées à l’école.
Enfin le créole est entré en 2000 dans les programmes de CAPES pour les Créoles des Antilles, de
Guyane et de l’océan Indien. Là aussi il existe une polémique sur le concept même de langue créole au
singulier, car il crée une unité factice entre des langues différentes [Chaudenson, 2002]. Même en se
limitant au cas des Antilles, la réalité du rapport au créole fait apparaître la différence entre Guadeloupe,
Martinique et Guyane puisque la majorité des étudiants de créole sont guadeloupéens (en 2005 : 60 %
d’étudiants guadeloupéens, 30 % de Martiniquais et 10 % de Guyanais). La Guadeloupe est plus
créolophone que la Martinique [Desroses, 2005]. En Guadeloupe, la population est majoritairement
noire car la révolte des esclaves en 1793 contre les planteurs blancs a provoqué le départ de ces derniers.
En Martinique, les békés, planteurs blancs, sont restés (en 1794, l’île est sous contrôle anglais), la
population est très métissée, les relations à la France et aux Français sont différentes [Lacoste, 1996].
On a donc une panoplie de situations différentes : deux langues isolats, le breton et le corse, deux
langues transfrontalières de faible rayonnement international et culturel, le basque et le catalan, une
langue transfrontalière de grande projection internationale et culturelle, l’allemand, un ensemble de
dialectes de langues d’oc, une langue partagée entre des territoires discontinus très lointains de la
métropole, le créole antillais. Malgré cette diversité, il existe une communauté d’esprit dans les textes et
demandes des militants engagés pour la reconnaissance et la diffusion des autres langues de France,
constituée autour de l’idée que l’État français a opprimé leur expression au nom d’une idée de la nation
unitaire qu’ils jugent factice et opprimante. Ainsi, la disparition progressive des langues régionales sert
de support à un discours et à une représentation négative de l’État, considéré comme l’artisan de leur
quasi-disparition avec l’enseignement obligatoire du français dans les écoles.
De la langue au territoire historique
Dans le cas de l’Alsace, le rapport au territoire est peu affirmé, ce qui peut s’expliquer par l’histoire de
la région. Les Allemands et les Français se sont fait trois fois la guerre pour le contrôler et ses habitants
ont été contraints de choisir l’une ou l’autre nation sans que la perspective d’une quelconque
souveraineté alsacienne fût envisageable. Le choix de la langue allemande comme langue régionale
écrite va dans ce sens. « Le dialecte alsacien a besoin de l’allemand pour se ressourcer, pour acquérir
des mots nouveaux ou pour dire les réalités nouvelles. Les dialectes alsaciens se sont limités
progressivement à la famille, aux relations de voisinage, à la vie associative. Ainsi le dialecte alsacien
échappe à la modernité et régresse. Il régresse d’autant plus que les seuls emprunts sont faits au
français » [Morgen, 2003]. En outre, l’ensemble linguistique germanophone dépasse la ligne bleue des
Vosges et englobe la Moselle, elle-même partie prenante d’espaces internationaux plus complexes avec,
notamment, le Luxembourg.
En Bretagne ou au Pays basque, la relation entre langue et territoire est beaucoup plus forte. Dans les
deux cas, en effet, la revendication linguistique est très souvent liée à la question territoriale, comme si
le mouvement pour la défense de la langue était plus efficacement médiatisé par ceux qui veulent aussi
la reconstitution d’un territoire historique, aux limites de l’ancien Duché de Bretagne et à la réunion des
sept provinces basques. Au Pays basque français, cette vision unitaire se décline soit sur un plan
politique, c’est l’idée nationaliste, soit sur un plan culturel, sans recherche de la souveraineté politique
de l’ensemble linguistique. Les militants politiques sont cependant plus en mesure d’imposer un
calendrier et des ordres du jour aux seconds, car un tel projet est une motivation beaucoup plus claire et
efficace sur le plan de l’action qu’un simple désir de culture. L’Occitanie quant à elle n’existe pas en
tant que territoire politique. C’est un vaste ensemble culturel assez diversifié dans le détail, une
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évocation plus qu’un projet, une représentation de la France du Sud.
Enfin, la Corse et les Antilles sont des îles. Les limites de leur territoire sont de ce fait une évidence,
mais en vérité les Antilles sont composées de diverses îles aux caractéristiques politiques, sociales et
économiques assez différentes et dans lesquelles les populations défendent des intérêts parfois
contradictoires. On sait que la Guadeloupe est plus indépendantiste que la Martinique, les syndicats, la
lutte des classes et l’évocation des méfaits de l’esclavagisme y sont plus prégnants qu’en Martinique.
La demande de reconnaissance de statut officiel pour une langue régionale fait partie des débats sur la
décentralisation en France ; ainsi, par exemple, pour les législatives de 2007, le conseil culturel de
Bretagne a envoyé un questionnaire aux candidats bretons en leur demandant s’ils favoriseraient : « la
création d’un service public breton de radio et de télévision propre à l’ensemble de la Bretagne, à
l’instar de ceux qui existent dans des régions comparables dans tous les pays démocratiques d’Europe,
pour permettre une réelle expression des langues, de la culture et de la vie économique et sociale de la
Bretagne ; la pérennité et le développement de l’enseignement en breton par les filières bilingues, en
particulier par immersion, permettant d’accéder au multilinguisme ; le développement de l’enseignement
du breton et du gallo, la généralisation de l’enseignement de la connaissance de la Bretagne, de son
histoire, de sa culture dans ses différentes expressions ; le transfert des compétences et des moyens à la
Région pour l’enseignement des langues et de la culture de la Bretagne, pour la politique culturelle et
pour la promotion de la création culturelle bretonne dans tous les domaines (édition, audiovisuel, danse,
musique, création artistique, diffusion) ; la ratification de la Charte européenne des langues régionales
ou minoritaires et la modification de la Constitution pour garantir l’existence, la protection et la
promotion de la diversité des langues des différents territoires de la République ».
L’évolution de la force mobilisatrice des représentations
Nous avions présenté la Charte européenne des langues régionales dans le numéro d’Hérodote « Langues
et territoires » pour montrer que le refus du Conseil constitutionnel de ratifier la Charte était motivé par
le fait qu’elle obligerait à reconnaître des groupes (brittophones, bascophones, germanophones...) à qui il
aurait fallu concéder des droits particuliers en vertu de cette appartenance [Loyer, 2002]. La loi étant la
même pour tous sur l’ensemble du territoire, la Charte a été déclarée anticonstitutionnelle [5]. L’élection
de Nicolas Sarkozy met un terme au débat pour les cinq ans à venir : « Si je suis élu, écrit-il dans son
programme de candidat, je ne serai pas favorable à la Charte européenne des langues régionales. Je ne
veux pas que demain un juge européen ayant une expérience historique du problème des minorités
différentes de la nôtre, décide qu’une langue régionale doit être considérée comme langue de la
République au même titre que le français. Car au-delà de la lettre des textes il y a la dynamique des
interprétations et des jurisprudences qui peut aller très loin. J’ai la conviction qu’en France, terre de
liberté, aucune minorité n’est opprimée et qu’il n’est donc pas nécessaire de donner à des juges
européens le droit de se prononcer sur un sujet qui est consubstantiel à notre identité nationale et n’a
absolument rien à voir avec la construction de l’Europe. »
Le contexte dans lequel se développent ces revendications sur la diversité linguistique en France a
beaucoup changé depuis 2004. D’une part, l’élargissement de l’Europe à 27 a porté un coup d’arrêt aux
utopies d’une Europe dans laquelle les régions pèseraient un poids déterminant, même si elles
continuent d’apparaître comme des relais de la « gouvernance » et de la subsidiarité européennes.
D’autre part, la majorité des votes « non » lors du référendum français sur le traité constitutionnel s’est
également accompagnée d’un renouveau des discours sur la nation française et ses valeurs
universalistes. À droite, les arguments du « non » tournaient autour du refus de voir se diluer la nation
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dans l’Europe, à gauche, on craignait de voir disparaître dans le « libéralisme » européen un avatar chéri
du jacobinisme, les services publics uniformes. Enfin, le phénomène de l’inscription des électeurs sur les
listes électorales pour l’élection présidentielle de 2007, y compris dans les quartiers présentés volontiers
comme « exclus » de la nation, a mis sur le devant de la scène l’enjeu d’une dynamique d’intégration de
tous les Français à la politique nationale. La question des communautarismes religieux [6] est passée
devant celle des langues régionales. Même les déclarations d’intention sur la décentralisation se sont
accompagnées, chez les deux candidats à l’élection présidentielle, de protestations d’attachement aux
pouvoirs de l’État et à sa capacité d’arbitrage dans le sens de l’égalité des Français sur l’ensemble du
territoire.
En Bretagne, l’attachement de la population aux langues régionales est plus symbolique que concret. Élu
à la présidence de la région en 2004, le socialiste Jean-Yves Le Drian a reconnu officiellement le breton
et le gallo comme langues de Bretagne et fixé pour 2010 l’objectif de scolariser 20 000 élèves dans les
écoles bilingues. Le site de la région annonce en 2006 un budget de 5 566 000 euros consacré à la
politique linguistique, soit une augmentation de 12 % par rapport à 2005 [7]. Pourtant le nombre des
inscrits dans l’enseignement bilingue françaisbreton est faible : 11 092 [8] à la rentrée 2006, soit 1,24 %
des élèves (2005-2006) bien que le taux de croissance des filières bilingues entre 2001 et 2006, soit
50,2% ; mais cette évolution est apparemment fragile puisque l’augmentation de 6,4% enregistrée en
septembre 2006 est la plus faible depuis 1981.
Au Pays basque en 2005-2006, dans les 1er et 2e degrés, environ 20 % (47 579) des élèves étudient le
basque, dont 11,7 % dans l’enseignement public bilingue, 5,7% dans le privé bilingue et 4,3 % dans
l’école associative d’immersion en euskara, Seaska. Le nombre d’enfants scolarisés en deux langues
baisse à mesure que les enfants grandissent (35 % en maternelle, 18 % en collège) [9], ce qui laisse
supposer que les familles voient dans l’acquisition de la langue basque en petites classes un facteur
favorable pour le développement intellectuel de l’enfant, et son insertion dans un contexte culturel
régional. Mais l’euskara est relégué à une place secondaire ou abandonné dès que l’élève passe dans les
niveaux supérieurs.
En Corse, depuis 2002, la langue corse doit être une matière « enseignée » dans le cadre de l’horaire
normal des écoles maternelles, élémentaires et collèges à raison de 3 heures par semaine. En lycée, le
même enseignement est offert selon des modalités adaptées à la diversité des options choisies par les
élèves. En 2004, en maternelle l’inspection académique estime que 92,64 % des élèves reçoivent cet
enseignement. Globalement, le rectorat a chiffré le plafond maximal à 130 postes du second degré si tous
les élèves faisaient du corse : plus de 100 postes sont dès à présent en place [10].
Environ 80 000 élèves sur 8 académies étudient l’occitan, surtout dans l’académie de Toulouse, avec
près de 10 % de la population scolaire dans le primaire et secondaire [11]. Partout, le nombre exact de
familles demandeuses d’enseignement bilingue fait l’objet de polémiques car le nombre de postes
ouverts aux concours en 2006 est faible : trois pour le corse, un en euskara, deux en breton, un en
catalan, quatre en créole, quatre en occitan.
Au-delà de l’enseignement des langues régionales, il n’est pas sûr que les promesses pour leur assurer
une plus grande diffusion apportent beaucoup de voix aux candidats à l’élection. Ainsi, à l’occasion des
législatives de 2007, un « pacte des langues » demandait la modification de la Constitution française
pour donner, aux côtés du français, un statut officiel aux langues régionales de France, exiger la
ratification par la France de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires et la
reconnaissance officielle des langues régionales par la création d’un ministère des Langues de France.
Le site pour ledit « pacte » annonçait, à la veille du premier tour, la signature de 129 candidats, ce qui
est peu (il y eut plus de 7 555 candidats). Au lendemain des élections législatives de 2007, sur les 577
députés de la nouvelle législature, deux signataires du Pacte des langues étaient élus et les auteurs du
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pacte dénombraient 56 autres députés s’étant « déjà exprimés de façon favorable aux langues régionales,
soit lors d’un précédent mandat, soit au cours de la campagne pour ces législatives [12] ».
Cet apparent affaiblissement sur la politique locale de l’influence des réalités linguistiques régionales et
des activistes qui tentent de les faire connaître, ouvre la question du décalage entre l’énergie de certains
élus et militants et l’opinion publique majoritaire. Les premiers diffusent l’idée que l’approfondissement
de la démocratie passe par la diversité visible ; on peut se demander, au contraire, si la relation entre
unité, uniformité et démocratie n’est pas une composante encore importante de la conception française
de la démocratie.
Des langues de France aux langues françaises
La relation entre langue régionale et identité régionale semble aller tellement de soi, qu’elle évacue
quelque peu d’autres façons d’aborder la relation entre pluralités des langues et nation française, comme
celle de l’écrivain occitan Félix Cassant (1920-2001) qui avait par exemple développé l’idée d’une
mission des cultures régionales dans la définition de la nation française. « Je suis convaincu que la
littérature occitane a une mission en France, ce que beaucoup de militants occitans ont du mal à
admettre. Ils ne veulent pas que leur langue, que leur littérature, que leur culture, ait une mission pour la
France. Ils veulent qu’elle ait une mission pour eux. Cette sorte de pensée nationalitaire occitane est une
impasse totale. Je pense plutôt que la littérature et la culture occitanes sont des leviers pour transformer
la nation française [13]. » « En développant l’idée du pluralisme culturel, il est évident qu’au départ la
littérature occitane plaidait pour sa propre existence, pour la reconnaissance de son existence au sein de
la France, c’est-à-dire, d’une dualité littéraire, d’une dualité culturelle. Mais, en défendant sa propre
identité, il se trouve que la philosophie qu’elle élabore, a une portée universelle, c’est une philosophie
qui peut être reprise par toutes les cultures du monde : la philosophie même de l’avenir culturel de la
planète [14]. »
Cette conception de la relation entre langue régionale et nation française est aujourd’hui développée et
défendue par un groupe qui chante en occitan et en français, les Fabulous Trobadors : « Pas de rose sans
épines/Pas de France sans français/ Pas de français sans racines/Pas de race sang-mêlé/Pas de mêlée
consanguine ? Pas de France sans étrangers/Pas d’Europe sans Euskara » (Pas de ci). Dans les années
1990, un des deux piliers de Fabulous Trobadors, Claude Sicre (né en 1947), développa le mouvement
ou l’idée « Lina Maginot [15] » avec le groupe Massalia Round System (MSS), qui chante aussi dans les
deux langues en mariant culture urbaine, racines musicales jamaïcaines, reggae, langue occitane et
football marseillais. Pour MSS, l’occitanisme est une forme d’affirmation individuelle : « On parle
patois par choix, parce que ça n’appartient à personne [...]. C’est notre espace, à moi, aux Arabes de
Marseille, à tous. Il n’y a pas d’État ou de pouvoir, c’est une langue vraiment à tout le monde » [cité
dans Boucher, 1995, p. 81]. C’est aussi ce que l’on dit du rap.
Dans une approche géopolitique de la langue française, il nous importe ici de montrer que l’étude d’un
style musical en vogue permet d’aborder la question de ce qu’on dit en français sur la France. Parlant du
rap, le propos est délicat car ce genre est difficile à cerner correctement. C’est à la fois un style de
musique, une communauté artistique et une communauté sociale, un mouvement collectif et une forme
de devenir pour des individus talentueux.
Le rap personnification de la cité de banlieue : rap langue d’un
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territoire
Le rap français est connu pour être une copie du rap américain mais avec un caractère français tiré du
substrat culturel national. Il est notamment plus métissé que celui des États-Unis (presque seulement
composé par des chanteurs noirs). En France, les groupes rassemblent des Noirs et des Blancs, arabes ou
non. La réputation du mouvement français d’être l’héritier le plus abouti du rap américain, met
également l’accent sur l’originalité en Europe des banlieues françaises. Elles sont singulières par
l’urbanisme mais aussi pour les représentations qu’elles véhiculent.
Le rap est un puissant vecteur de représentations au sujet de la France, comme le fait apparaître, par
exemple, cet entretien avec les Fabulous Trobadors. « C’est le rap qui a créé la banlieue, ce n’est pas la
banlieue qui a créé le rap. Le surgissement des banlieues n’est pas dû aux MJC, aux ZEP, aux ZUP, au
théâtre populaire, aux plans économiques ou aux politiques de la ville. Le concept moderne de banlieue,
c’est le rap qui l’a fait naître. Avant, le concept de banlieue, c’est un concept de sociologues, d’une
niaiserie infernale. Les banlieues qui prennent la parole et s’insurgent contre la société française, c’est le
rap [16]. »
On peut discuter sur la niaiserie des sociologues, des architectes et des multiples acteurs politiques ou
associatifs qui ont travaillé pour éviter des explosions autres qu’artistiques dans cette banlieue. Le rap a
été très tôt repéré par les intervenants en territoires urbains, élus, animateurs de MJC, écoles de
musique, fonctionnaires territoriaux, comme un élément de politique sociale à développer dans le cadre,
par exemple, des projets de développement social des quartiers. Ce que signifie sans doute la phrase des
Fabulous Trobadors, c’est que le rap a fait émerger la représentation d’une communauté humaine
nommée « banlieue » qui aurait « pris la parole » comme si elle était un personnage agissant. On dit
souvent qu’en France la « banlieue » est devenue un véritable personnage historique et le rap n’est sans
doute pas étranger à ce phénomène géopolitique. De territoire complexe, elle est devenue une
représentation simple, ou simpliste. Rappelons que cette musique se développe à la fin des années 1980,
grâce à l’éclosion des radios libres, et dans le contexte de l’émergence sociale et politique des enfants
de l’immigration. C’est la période où la croissance du Front national est concomitante de celle de SOS
Racisme, association qui élabore progressivement une représentation du « ghetto » français [Robine,
2004].
Mais, autant que la « banlieue », les rappeurs évoquent leurs quartiers. La cité est centrale dans le rap et
c’est même une de ses raisons d’être. Bien des chansons reprochent aux rappeurs qui ont réussi d’avoir
quitté leur quartier. L’argent obtenu grâce à la dénonciation de la misère remet en cause la crédibilité du
chanteur comme rappeur. Si la cité disparaît, le rap disparaît-il avec elle ? Sûrement un certain rap, le
premier, largement majoritaire et le plus dynamique, celui qui est homologué par le public enfermé dans
les cités comme l’expression de son existence, sa représentation culturelle. Ce rythme, dans lequel il y a
peu de mélodies, est une forme de ring duquel le chanteur ne doit pas descendre, car toute sa bataille,
aux yeux de son public, tient dans ces cordes. « Qui sait où je serai dans dix ans... à traîner dans ces
mêmes rues, devant ces mêmes immeubles » (Fonky Family, Dans la légende). Les territoires évoqués
sont définis par un critère principal : tout y est problème, que ce soit pour lutter contre l’adversité ou
baisser les bras face à elle, la cité est d’abord le lieu de la difficulté et de la lutte. La crudité des mots
(« j’vais t’lyncher j’vais te lyncher t’auras beau crier à l’aide, j’vais t’brûler », Neg’Marrons) porte en
elle la violence de l’existence d’une partie de ces jeunes, y compris entre eux, qui se jugent rapidement
et se punissent encore plus vite (violence physique, réputation), entre filles et garçons... Ceux qui
n’écoutent que du rap s’immergent dans un monde terrible. Ils se voient comme différents des autres
Français, qui écoutent, outre le rap, des musiques diverses. Le rap énonce qu’il existe en France un
territoire où la violence règne. Si le rappeur en sort, par le succès, il n’est plus vraiment un rappeur pour
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son public d’origine, celui de la cité, ou en tout cas il devient suspect, et doit d’autant plus prouver que,
maintenant qu’il a de l’argent et des relations, il ne trahit pas. C’est aussi le public qui définit le rappeur,
ce qui provoque des incertitudes sur l’objet dont on parle. Kamini est-il un rappeur quand il chante son
spleen dans un village rural ?
J’m’appelle Kamini, J’viens pas de la téci, J’viens d’un p’tit village qui s’appelle Marly Gomont [...].
À Marly Gomont, y’a pas d’béton, 65 ans la moyenne d’âge dans les environs, un terrain d’tennis, un
terrain de basket, trois jeunes dans l’village donc pour jouer c’est pas chouette, J’viens d’un village
paumé dans l’Aisne, en Picardie, Facilement, 95 % de vaches, 7% d’habitants, et parmi eux, Une seule
famille de Noirs, fallait qu’ce soit la mienne, putain un vrai cauchemar [...] moi j’voulais m’révolter,
mais là bas, y’a rien à cramer Y’a qu’un bus pour le lycée, c’est l’même pour le centre aéré, Pas la
peine d’aller brûler, l’voiture du voisin, Les gens y z’en ont pas, y z’ont tous des mobylettes.
La fidélité à la cité est un défi permanent des groupes qui réussissent. Fonky Family introduit une très
longue chanson par la phrase : « Faut représenter là/Ou on va passer pour des putes » (Fonky Family,
Maintenant ou jamais), et « J’prends parti pour les miens », « Moi seul j’te représente plus que ton
député » (Fonky Family, Dans la légende). Le rap comme une tribune, une chaire d’où l’on prêche pour
sa communauté ?
Le confinement du rappeur entre quatre rues toujours identiques est également une représentation,
nécessaire à l’existence même du style musical, mais pas toujours réelle. Les rappeurs sont aussi des
voyageurs, notamment vers les États-Unis (New York, San Francisco, Brooklyn, Philadelphie). Dee
Nasty, qui a lancé le style musical rap en France, l’a découvert lors d’un voyage aux États-Unis en
1979, Philippe Fragione (Akhenaton) a découvert le rap pendant un séjour dans la famille de son père,
installée à New York. En outre, le rapport à l’Afrique des Noirs de France est beaucoup plus concret
que chez les rappeurs d’Amérique du Nord : ils ont encore souvent de la famille en Afrique, dans des
pays où l’on parle le français. MC Solaar est né à Dakar de parents tchadiens ; Serigne M’Baye Gueye
(Disiz la Peste), de mère française et de père sénégalais, séjourne en 2004 au Sénégal ; Stomy Bugsy est
né à Sarcelles, de parents cap-verdiens ; Abdoulaye Diarra (Oxmo Puccino) est né au Mali. Enfin les
Noirs de Guadeloupe et de Martinique (Doc Gynéco est antillais) ont un attachement particulier à la
nation française et se distinguent souvent volontiers des Africains autant que des métropolitains. Les
Maghrébins ont aussi une double culture, même si la relation au pays d’origine des parents n’est pas
simple : « J’sais plus qui j’suis,/j’ai jamais su où j’vais,/jamais su où j’allais,/dans mon bled je suis
étranger,/obliger de venir ici dérange » (Rival, Je sais d’où vient ma peine).
L’identité collective par un type de langue française
En France, il n’y a quasiment pas de rap en langue arabe, même pas de citations ou de rengaine pour le
plaisir de la sonorité [17]. C’est la langue française que l’on s’approprie et sur laquelle on exerce un
pouvoir, une influence : « Évolution de la langue française, ça vient de la rue » (IAM, Ça vient de la
rue). Par mimétisme avec les rappeurs américains, le rap français crée une image du « jeune »
abandonné par la société, sans travail, sans moyen de dominer son destin, et révolté. Mais, de la même
manière que les « quartiers » français se différencient des ghettos américains par des interventions de
l’État, insuffisantes peut-être, mais réelles, pour y améliorer les conditions de vie, les artistes français du
rap ne sont pas tous issus du « Lumpenproletariat ». Certains ont fait des études avant de revêtir leur
nom de chanteur : MC Solaar passe le bac en 1988 ; Mohamed Bourokba (Hamé), du groupe Rumeur,
est allé jusqu’à la faculté de sociologie ; Philippe Fragione (Akhenaton, groupe IAM) a commencé un
DEUG de biologie ; Bruno Beausire (Doc Gynéco) avait débuté des études de comptabilité. D’autres
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sont en effet fâchés avec l’école, comme Stormy Bugsy et Passy, du groupe Ministère AMER (Action,
musique et rap). De même, les rappeurs représentent la jeunesse, mais une bonne partie de ces artistes
ont aujourd’hui la quarantaine ou s’en approchent.
Les mots que l’on ne comprend pas toujours, le verlan, les paroles crues construisent une sorte de ghetto
linguistique où semble s’enfermer le chanteur, comme dans un milieu social et artistique clos. « Le rap
est comme la banlieue : c’est devenu un endroit où il ne faut pas aller. C’est synonyme de mauvaise
musique, violente et contestataire [18]. » De ce point de vue, il est difficile d’écrire seulement sur les
paroles du rap, car le rythme syncopé et la prononciation font arriver à l’entendement un choix de mots
accolés, sans raisonnement, pour dire la violence :
Nos ruelles, nos quartiers, nos zones c’est synonyme d’échec, chacal ; vandale, morfale, chacal,
ambiance scandale, danse de vandale, voilà la rue « dramatique, triste, larme, quartiers pleurent du
sang, frère derrière les barreaux », c’est ça la vie dans le quartier, agression de passant, misère
transpirer sur les murs, cage d’escalier, arrestation palier, combat palier, parent désespéré, balance,
parano, menace, enfoiré, personne se fera de quartier c’est ça la vie de quartier (Fonky Family).
Pourtant, au-delà de cette image, une fois encore, on note que les textes ne sont pas non plus tous
confinés dans les quartiers. Dans la chanson Matière grasse contre matière grise de MC Solaar, on voit
apparaître le Shah d’Iran, le Bangladesh, Beyrouth, l’Amérique latine, les Roumains, dans La Concubine
de l’hémoglobine, on passe du Vietnam (référence au Vietminh), à la Chine, Guernica, la Corée du
Nord. Dans la chanson d’Assassin, Écrire contre l’oubli, on dénonce le manque de liberté au Vietnam,
en Chine, en Syrie, au Maroc, au Malawi, au Nigeria.
La France
Si l’on s’éloigne des textes les plus connus et que l’on visite le site , sur lequel sont insérés
régulièrement des nouveaux titres et textes de rap non commercialisés, on trouve un classement (juin
2007) qui fait apparaître, pour l’ensemble des 8 618 titres recensés par le site, 2 792 titres sur les joutes
entre groupes (clashes), 821 sur l’amour, 468 sur la vie et la mort, 416 sur le chanteur lui-même, 356
dits « hip-hop », 321 sur la vie dans les cités, 243 sur la famille, 202 sur la « politique ». Ces derniers
parlent explicitement de la politique française, la France y est un personnage à part entière. Par exemple,
dans ce florilège de textes écrits après l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République :
La France et une pute et ont s’ait fait trahir elle n’avait quel seul but c’est de nous voir mourir alors le
peuple a parler, le peuple a pleurer mais la France n’écoute plus elle rêve de l’avenir (Syron, Les
Maux de la France).
La France est masochiste, raciste et machiste/Se joint à une copie de l’extrême, et qui même dessus
insiste/Ce vote m’insupporte et je le crie à voix haute/Le p’tit nous a carrot, et ses chiens bleus
viendront défoncer nos portes/Pour nous faire ravaler cet espoir qu’on avait/Ils sont enragés et pourtant
c’est nous qui allons en baver/Interpellations sans cesse et sans un soupçon d’décence/Voilà donc
comment éteindre un feu avec un bidon d’essence [...] (Snàke, D’où vient l’erreur).
Je suis le nouveau souffle de résistance/mon texte n’est pas une menace mais un avertissement pour la
France (Sir-ya, Ennemi2l’éta).
La France n’est pas une garce, ne nous a pas trahi, c’est bien elle la victime du système qui se barre en
couille... quand y a embrouille on lui crache dessus prise en sandwich par les deux cotés (Mcyaya,
Manipulation).
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Un beau jour après/ses cinq ans on va lui mettre une chaîne/Alors ce jour ça sera plus qu’une
vermine/Et on l’enverra en chine Ptét qu’il n’accepte pas s’que j’dis et qu’il va censurer ma
chanson/Mais moi j’en écrirais d’autre et j’ai de quoi en dire long/Et seul’ment après il va nous
comprendre/Enfin là on aura gagné et la France sera tendre (T-rex, Nouveau président).
Tous vos idéaux se crachent par terre, on s’doute que ces cinq années seront cauchemardeskes
[...]/j’dois l’avouer ça fout la rage quand ils t’disent : « Si t’aime pas la France t’a cas bouler »/[...] si
comme moi certain d’entre vous sont pas français, on s’retrouvera pt’être sur l’chemin d’l’aéro port
(Ka$h, Pfffff...).
Il est vainqueur et sans contestation/Pire qu’un direct du droit dans les dents, honte à la
nation !/Comparé à d’autre, la France j’y es jamais craché dessus/ Et là j’me rends compte qu’elle est
en train d’me chier dessus (Art-2-Corp, 6 mai 2007).
Situation écologique, économique, au bord du cataclysme/T’as bien voté utile si tu désirais
l’apocalypse/France jamais plus je n’croirais un mot qui sort de ta boca lisse./France sache qu’en toi on
avait confiance/Mais malheureusement, ton vote inspire la méfiance/Une nation de plus qui ferme ses
frontières/France, je suis peut-être vulgaire mais va niquer ta mère (Snàke, Un doigt en l’air).
Le classement des textes dans le site n’est pas forcément pertinent puisque les catégories alcool (62),
drogues (132), guerre (126), pauvreté (72), police (91), racailles (97), racisme (127), richesse (33), télé
et médias (34), vie dans les cités (321), violence (194) sont distinguées de la catégorie « vie politique »
alors qu’on y parle aussi beaucoup de la France et du racisme, des problèmes sociaux. Toutes ces
catégories définissent me semble-t-il une figure géopolitique fondamentale : celle de la victime.
En effet, la figure de la victime est étroitement liée à la définition de celle de l’oppresseur, et cette
figure est importante car elle est à la base de la légitimation d’un combat. Il est beaucoup plus difficile
de s’opposer à la raison d’une victime, et donc à ses revendications. Dans le rapport entre langues et
nation, qu’il s’agisse des langues régionales ou des langues exprimant la marginalité, l’oppresseur est
souvent l’État, la nation française jacobine ou raciste. Il ne s’agit pas pour nous d’argumenter dans le
sens d’une plus ou moins grande vérité de cette représentation mais d’exposer de quelle manière elle
peut être utilisée et pourquoi elle est dans certains cas, à certaines époques, un levier efficace pour
l’action politique ou au contraire un concept peu mobilisateur. La réflexion vaut à mon sens dans les
deux cas étudiés, langues régionales ou français des banlieues.
Langues régionales et figure de la victime
La préséance du français risque d’entraîner la disparition des langues régionales. Le breton est parlé par
un nombre de locuteurs en baisse et vieillissants, le basque est délaissé par les jeunes générations, le
corse n’est pas parlé en ville dans la vie courante. Mais ce qui nous intéresse d’analyser ici ce n’est pas
la réalité de la domination du français, c’est le sens que l’on peut donner aux mots désignant les
oppresseurs et les opprimés dans le cas des évolutions linguistiques. Dans l’histoire de la langue
française, vainqueur et vaincus ne sont pourtant pas si simples à définir.
Le français est la langue d’un État ancien et fort. On connaît le rôle par exemple de l’édit de VillersCotterêts en 1539 stipulant dans ses articles 110 et 111 que tous les actes et opérations de justice se
feraient désormais en français. Il met donc les patois hors des pièces officielles, puis hors des papiers
privés, on perd l’habitude de les lire en moins d’un siècle. Il est fort possible, explique Ferdinand
Brunot, que le patois joue un grand rôle dans les assemblées villageoises, mais, quand on en venait à la
pièce écrite, impossible de rédiger en patois un acte, une requête, une écriture quelconque, l’interdiction
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était absolue. C’est aussi le regret d’avoir à recourir à des tiers et la volonté de savoir lire et écrire pour
se débrouiller qui amènent les gens à apprendre le français ou le faire apprendre à leurs enfants.
La prééminence de la langue française est accentuée un siècle plus tard, avec l’ordonnance de Louis
XIII, de janvier 1629, qui étend la prescription de Villers-Cotterêts aux tribunaux ecclésiastiques. Petit à
petit, des prêtres qui parlent plus ou moins le français font part, en chaire, des événements du Royaume.
Mais il faut joindre, à l’action de l’État, l’évolution de la société. La diffusion du français en France est
en effet étroitement liée à la formation d’une élite intellectuelle, c’est-à-dire qu’elle accompagne la
complexité grandissante des affaires politiques. Les grands de la Cour ignoraient souvent le latin, et pour
améliorer le niveau culturel de l’entourage du roi il fallut avoir recours au français. C’est pourquoi au
XVIe siècle divers classiques latins sont traduits en français. La diffusion du français, comme celle des
autres grandes langues devenues langues nationales, est ensuite liée à une première démocratisation des
sociétés et des savoirs. C’est ainsi qu’au XVIIIe siècle le latin cesse définitivement d’être une langue
écrite, comme d’ailleurs dans un grand nombre de pays d’Europe. En France, il faut faire le lien entre
cette désuétude et l’apparition d’écrivains de langue française au XVIIe, Molière, Racine, La Fontaine.
Les libraires ne veulent plus imprimer en latin car ils ne retrouvent pas le montant de leur
investissement sur leurs ventes.
À la fin du XVIIe siècle, la langue scientifique est encore le latin, mais le français s’impose ; les gens du
monde se passionnent pour la recherche scientifique, on écrit des manuels de divulgation. Si on les
traduit en latin c’est pour trouver des lecteurs hors de France, mais les ouvrages s’écrivent en français
parce qu’il y a un élargissement de l’audience dans le pays lui-même, soutenu par l’apparition des
premiers quotidiens. L’étude du français est réclamée de toute part, son ignorance est devenue une gêne.
Sa diffusion est donc liée à la démocratisation des connaissances, elle l’accompagne et la rend possible.
Ce mouvement n’est pas propre à la France, mais l’écho du français dans l’Europe du XVIIIe a joué
dans la rapidité et la profondeur de cette évolution. D’Alembert, lorsqu’il produit avec Diderot
l’Encyclopédie, est un peu inquiet de voir se perdre une langue commune comme le latin mais, dit-il,
« notre langue s’étant répandue dans toute l’Europe, nous avons cru qu’il était temps de la substituer à la
langue latine, qui depuis la Renaissance des lettres était celle des savants » [Brunot, 1979].
Cette pénétration, avec la langue française, des nouveaux horizons de la pensée laisse les patois et
idiomes non écrits sur le bord du chemin. Ceux-ci, écrit Ferdinand Brunot, sont « précipités dans la
gaieté vulgaire ou la blague burlesque, dans la paysannerie d’opéra-comique ou la naïveté pastorale et
enfantine. Le burlesque, chassé du français, prend un peu partout sa revanche dans les parlers
provinciaux ». Le patois devient alors un objet d’étude, mais un grand nombre des travaux le concernant
sont restés à l’état de manuscrits : ils ne trouvent pas d’éditeurs, pas de public, alors qu’à la même
époque sont publiées nombre de grammaires françaises.
Enfin, la représentation selon laquelle la disparition des patois et idiomes est une atteinte au peuple est
anachronique : à l’époque, sauf dans quelques régions comme le Béarn ou l’Alsace, un espace
linguistique n’est pas mis en relation avec un territoire politique. Évoquant les états généraux de 1787,
Ferdinand Brunot écrit que cet événement, « accordant aux provinces une sorte de consécration
officielle, donna lieu à un mouvement particulariste : il est remarquable que dans les revendications des
provinciaux qui ont alors fouillé les titres des archives, constaté les coutumes et les traditions, il ne se
trouve pour ainsi dire jamais une réclamation fondée sur les particularités du langage. L’idée qu’on peut
appuyer le groupement politique ou administratif qui doit se constituer sur cette parenté d’idiome ne
vient à personne » [Brunot, vol. VII, p. 187].
La diffusion du français traduit un progrès de l’idée nationale mais aussi de la démocratisation. Les deux
vont ensemble, c’est pourquoi la notion de vainqueur et de vaincus ne semble pas être appropriée pour
décrire ce mouvement. Dans le fond, la question n’est pas : qui est le vaincu ? Ou : qui est le
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vainqueur ? Mais : à quoi sert de se dire vainqueur et surtout vaincu ?
Comment obtenir gain de cause ?
On peut avancer l’hypothèse que le discours sur l’oppression des langues régionales, certains parlent
même de génocide, qui fait référence à la politique scolaire de la fin du XIXe siècle, est nécessaire pour
pallier l’absence de volonté du peuple, ou d’un nombre massif de citoyens, de s’investir dans le
sauvetage de langues patrimoines. Ces langues étaient des langues rurales qui meurent avec la société
qui les parlait. Aussi, comme il est impossible de mettre le train des sociétés en marche arrière, les
défenseurs des langues régionales ne peuvent-ils proposer que le retour à un droit antérieur. Pour cela, il
leur faut convaincre que la domination de fait du français est illégitime. Insister sur la seule dimension
politique de l’évolution linguistique qui aboutit à la domination du français, et faire fi des évolutions
sociales que traduit sa substitution aux langues régionales, est un moyen de justifier l’exigence d’un
effort financier de la communauté politique française.
« Au nom de quoi une langue et une culture dominantes devraient-elles étouffer toutes les autres sur le
territoire de la commune République ? », lit-on dans la préface du livre Bretagne, le fruit défendu ? de
Ronan le Coadic. Le Bureau européen pour les langues moins répandues, présidé en France par Tangi
Louarn (également vice-président du conseil culturel de Bretagne), dénonce aussi « l’acharnement de
l’État ou des institutions à s’opposer aux actions que ces mêmes populations et leurs élus tentent de
mettre en oeuvre pour défendre leurs langues et leurs cultures et assurer leur survie et leur
développement » (Le Journal du Pays basque, 16 mai 2007) [19]. Sur le site
www.eurominority.org [20], on parle de la « menace que représente l’État français pour la langue et la
culture bretonnes ».
Il est important d’accorder de l’attention à la vitalité de l’image de victime qui bloque tout débat
contradictoire. C’est pourquoi les services de l’Éducation nationale devraient être plus précis sur la
réalité des demandes d’ouverture de classes bilingues car c’est un sujet de polémiques permanent et
médiatique. Comme c’est l’État qui est jugé responsable de la pénurie d’enseignants, on en tire
facilement la conclusion que l’État est contre les langues régionales. Aux langues qui ne représentent
presque plus rien en nombre de locuteurs, leurs défenseurs cherchent donc à conférer un pouvoir
symbolique, celui par exemple de rendre visible une communauté régionale, de lui donner un élan
collectif.
Le basque dominé par le béarnais ?
Le cas de la langue basque est intéressant car, dans les Pyrénées, c’est la langue béarnaise qui jouait le
rôle de langue dominante avant le français. En Béarn, au Moyen Âge, dans les actes publics ou les
procédures, à défaut du latin c’est le béarnais qui est d’emploi officiel. Le Labourd, la Soule n’en
connaissaient pas d’autre : le béarnais, écrit F. Brunot, grâce à la supériorité de ses institutions et au
prestige des comtes souverains dans le pays du Béarn, s’est imposé au-delà des frontières féodales de
son domaine et a été perçu comme langue officielle et diplomatique. Un arbitrage entre les chanoines de
Bayonne et ceux qui résident en Navarre ou en Castille est libellé, non en latin, mais en béarnais (1418).
Les archives de Saint-Sébastien contiennent de nombreux textes béarnais. Dans les procès, les sentences
étaient prononcées en béarnais puis lues aux deux parties en basque. La langue française s’est donc
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introduite au Pays basque en se substituant au béarnais comme langue urbaine, mais pas plus que le
béarnais n’avait pénétré le monde rural basque, le français ne s’y développera avant le XIXe siècle, avec
la mise en place de l’école publique, le service militaire obligatoire, puis le développement touristique.
Pourtant, ici aussi, l’école publique française est maintenant accusée d’avoir annihilé la culture locale en
plongeant les enfants dans le bain francophone.
Le cas du Béarn est réellement surprenant si l’on songe que, malgré sa tardive intégration au Royaume
et le fait que son Parlement ait longtemps défendu l’usage de la langue locale, aucune mythologie de la
résistance ne s’y est développée au XXe siècle. Pourquoi n’y a-t-il pas de mouvement régionaliste
béarnais qui pourrait réinterpréter au goût du jour les épouvantables massacres des guerres de religion,
particulièrement âpres en Béarn, et l’imposition de la langue française ? « Pourquoi refuser l’union,
puisque la séparation ne nous a pas préservés du despotisme », aurait dit un membre des états généraux.
Le pragmatisme d’Henri IV aurait-il fait souche ?
Le rap : états de la langue et états d’âme
On se rend compte en parcourant les textes de rap que, le mouvement musical n’étant pas organisé, il
n’y a pas de consensus ni sur l’identité de la victime, ni sur celle de l’oppresseur. On sait que de
nombreux morceaux de rap expriment parfois avec des mots meurtriers ou pornographiques les malheurs
vécus dans « les quartiers » et la haine. Certains textes ont l’air d’être composés comme des
assemblages de mots évoquant la brutalité, sémantiquement ou phonétiquement. Mais on constate aussi,
à mesure que les groupes engrangent succès et notoriété, que le ton change. On trouve aussi de
nombreux appels au sursaut, des visions d’avenir de chanteurs qui se préoccupent des enfants ou des
« petits frères ». Généralement, cette évolution des représentations s’exprime dans une autre langue
française, plus policée, plus compliquée, comme si l’exhibition d’une langue maîtrisée était aussi
l’expression d’un destin contrôlé. Sur le site , l’usure, le dégoût, la fatigue se trouvent notamment dans
les chansons rassemblées dans le thème « vie de la cité ».
On est usé, désabusé par la vie/abusé, comme cette fille de dix ans sodomisée,/ mais rusé, le but étant
de concrétiser/la rue c’est difficile sé par la violence des policiers/ attaché, fiché, humilié/allongé les
points liés/sali, offensé comme si on t’avait pissé dessus/Et nos soeurs céssu pour un peu d’sous/car
elles sont déçus de l’issus tracées/par cette France et ces Français/sensations d’trahisons/la rue c’est
difficile (Mac Hades, Usé).
Moi j’ai mes frères,/mon rap et ma mère,/j’aime rapper la merde,/pour donner du goût à ma vie,/c’est
plus une question de survie,/j’sais plus j’suis,/j’ai jamais su où j’vais,/jamais su où j’allais,/dans mon
bled je suis étranger,/obliger de venir ici déranger,/pas d’refrain sur ce putain de son j’suis enragé
(Rival, Je sais d’où vient ma peine).
C’est là que s’exprime aussi l’idée de légitime défense, avec des textes qui cherchent à faire peur : « Tu
veux nous shooter au Kärcher chez nous ça ce règle au revolver/faut qu’on s’accroche/La revolution est
proche » (Hiko 70, Hommage Hericourt Carnage).
Certains n’ont d’autre illusion que d’obtenir du pouvoir grâce à l’argent.
Dans le quartier on a tous le seum khay/Car se batar de Sarko nous apelle racaille/Dans nos téci on doit
faire de la maille/C’est malheureux mais on se nouri avec de l’argent sale/J’ai la rage frero jveu des
dollars et des barilles de pétroles/ 2 ou 3 oinj pour que ton cerveau décolle (Dias ft Sanssy, La rage du
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ghetto, remix).
Mais je veux que l’agent lui-même vienne ce poser a mes pied/car faut croire que depuis ptit j’ai la
haine envers le système/et d’aller taffé chaque matin chez un patron j’ai la flém/donc ont teste ça vie
dans le rap biz (Stocri-M3C, Mon état déprit - stocri).
Meme si pour vous on fais parti de vos cauchemars/Ont ne vas pas arreter nos rêves ont na juré jusqu’a
a la mort on veut du cash facile malgrer que la vie est fort./Notre ressource ses de gagner l’argent dans
tes poches on crosse le systeme./ Meme si pour vous ses le probleme./Question de la vie, on connais ça
des mathematiques/ Ont nes pas sympathiques/Notre façon de vivre ces pas du magique/pous nous
l’argent ses du cronique./Ont fais sa pour qu’un jour qo sois riche (DoubleJ et Rutachris, Notre vie).
La police est l’ennemi désigné : le groupe Assassin s’étant fait attaquer en justice pour la chanson L’État
assassine, depuis on promet de ne pas oublier, mais plus de se venger, on dénonce les peines à
géométrie variable, les délits de faciès, le sentiment d’humiliation. Cependant, on trouve aussi des
références au rôle protecteur que devrait jouer l’État. Cela pourrait être interprété comme une forme de
« francité », pour reprendre le concept de Léopold Sedar Senghor, associant l’usage d’une langue à la
participation à certains traits de la culture qui y est liée.
De vouloir faire l’opération carchère/Dans nos citées on se perfectionnent en lanceur de pierres/Y’a
trop d’échecs scolaire/L’état nous reserve que des bats salaires (Les Incompris 9190, Message de paix).
On demande pas la lune des logis décents l’état nous donne quoi des flics. On demande pas grandchose des emplois l’État nous répond avec quoi des CRS des convois... L’État récolte ce qu’il sème
(Fonky Family, Dans la légende).
Les enfants d’immigrés apparaissent comme des victimes innocentes, des boucs émissaires.
La France et en crise et nous fait porter le chapeau elle nous accuse de mentir et nous voit sous les
barreau [...] elle va nous poussés du bords La France n’aime pas les couleurs leurs arc-en-ciel est gris
(Syron, Les Maux de la France).
Au fait toi qu’est-ce que tu veux qu’ils apprennent/Si dès le départ on leur dit qu’ils finiront à
Fresnes/C’est abusé, la confiance est parti/Et à la place il faut représenter la patrie (Snàke, Le Droit
Chemin).
La figure de ces victimes débouche aussi sur la question de cette communauté, le « nous » omniprésent
des chansons de rap. C’est à la fois un groupe unique et protéiforme. On l’a dit, le rap français rassemble
des artistes de toutes les couleurs, globalement issus de l’immigration, mais pas nécessairement,
masculins pour la plupart, mais la figure de Diams s’est imposée avec force, d’autant plus qu’elle parle
beaucoup des « mecs », quelques-uns seulement se déclarent musulmans. La période coloniale et son
histoire font partie de ces interrogations sur l’intégration dans la nation des enfants des anciens
colonisés.
Va y je sens que l’histoire se répète j’entends/Parler du rôle positif de la France durant les
colonies/Putain c’est quoi ses conneries/Quand nos pères étaient utiles et productifs ils étaient bons
pour ce pays/Ok mais quand leurs fils crient vengeance/ Ils sont bons pour leur pays d’origine la
France/Un pays régit par des irresponsables qui multiplient les maladresses/Et se demandent pas
pourquoi j’t’agresse (Sniper, Brûle).
On a connu les colonies, l’anthropophage économie/La félonie, la traite d’esclaves, la dette, le FMI
Bruno, Jean-Marie, si j’cours j’ai des raisons/Les mêmes que les deux nègres maigres sous un
avion./Avant c’était déjà grave de voir des fers qui entravent/Paysage de Gorée, maison des
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esclaves/Caves sans amour, sans retour ni recours/Sans cour de cassation, sans oreilles pour entendre
« au secours » (MC Solaar, On a connu les colonies).
Des politiques qui jouent les acteurs,/N’assument pas le passé colonial, et quand les banlieues pètent,
accusent les rappeurs,/Mauvaise foi exemplaire, aux mémoires sélectives,/Ô Douce France, de mon
enfance joue l’amnésique ! (Keny Arkana, Nettoyage au Kârcher).
Le rap des textes les plus élaborés apparaît certes comme un moyen d’expression de la cité, mais aussi
de réflexion pour ceux qui ne sont plus vraiment dedans, qui n’y restent que par fidélité, ou parce que
c’est le seul moyen de perdurer comme artiste. Ils diffusent alors des idées structurantes, celles qui
peuvent dessiner un avenir commun au-delà des difficultés de la vie. Par exemple, ce texte du groupe
Assassin pour l’indépendance des jeunes esprits et la critique de l’enseignement public ou des médias :
L’enseignement, c’est l’État, c’est l’Histoire, c’est l’État mais quelle histoire ? Ton histoire n’est pas
forcément la même que la mienne, connard ! Pourtant ton histoire fait que je me retrouve sur ton
territoire. Donc j’attaque, me cultive pour savoir pourquoi je suis là. Mais l’État ne m’aide pas, il ne
m’enseigne pas ma culture ! Nous cacher le passé n’est pas bon pour le futur. Comme une bombe qui
tombe sur une institution. Tous les jeunes à l’école doivent dire non à cette éducation ! (Assassin, À
qui l’histoire ? [Le système scolaire]).
Le pouvoir des médias est dangereux pour des gens ignorant/La puissance que dégagent ces torrents de
documents./Un grand pourcentage de la population/N’a que le journal de 20 heures comme vision du
monde et de sa nation./Alors prêtez attention à ne pas faire votre éducation à travers les médias
(Assassin, L’Éducation à travers les médias).
Il est notable aussi de voir associés, aux insultes ou menaces contre la France, les fascistes, ou même
l’ensemble des ministres, des réflexions sur le peu de bénéfices apportés par la révolte.
Les émeutes [...] Sarko s’marre d’elles [...], on s’rebelle mais toutes nos plaintes sont minables/dis moi,
les émeutes elles nous ont apporter quoi appart des frères au mithard ? désolé, j’vois pas beaucoup
d’changement à travers des caisses brulées/t’a pas compris, man c’est par les urnes kon est senser
s’venger/le pouvoir du peuple est dans le vote, pourkoi crois-tu kils ne le donne pas aux étrangers ?
(Ka$h, Pfffff...).
Regarde en bas de chez toi quelques voitures en train de cramer/Ça fait peur aux gens n’espérez pas
d’eux d’être aimer/En plus toutes ces tensions inutiles entre quartier/Revienne simplement à se tirer
une balle dans le pied/Qui parle de solidarité, mon discours est fédérateur/Tous se rallier même si trop
on fait des ratures/ Le fait n’est pas s’taire mais démontrer leurs torts/Et c’est pas en foutant le feu que
t’arrivera à leur hauteur (Snàke, D’où vient l’erreur).
« Oublie un peu ta vidéo dont la haine est le thème/Et commence à vivre de vraies relations
humaines » (MC Solaar, Relations humaines).
Le refus du nihilisme s’exprime fréquemment à l’aide d’une autre langue française, plus proche de la
norme.
La mission du rap est de remettre dans le droit chemin tous ceux qui ont dérapé/Et de faire sortir tous
ceux qui se sont fait attaquer/On les a malmené pendant toute une vie/Maintenant faut assumer, c’est
comme une garanti/Qui casse paye [...]/ Ne tombe pas entre les armes, l’alcool et la drogue/Si tu veux
pas finir à la morgue/Car si tu pense avec la bite ou les poings/T’iras pas loin, suis mon conseil, suis le
droit chemin/Les gosses partent en couilles et tu le sais (Snàke, Le Droit Chemin).
Pour les posses hardcore [21] de la partie Nord,/À la multitude des posses [ 22] du Sud,/À tous les
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jeunes qui m’écoutent poursuivez vos études !/Pour avoir l’aptitude à contrer le pouvoir en
place,/L’éducation doit suivre le groove [23]/Quand elle est chantée dans les classes (Assassin, Le
Système scolaire).
Sans vantardise excessive le rap est l’une des solutions/Pour parler des problèmes sans
discrimination/On en a marre de voir très tard sur les boulevards/ Des bagarres de jeunes gens, on en a
marre des régimes totalitaires/La haine à l’extrême, total Hitler !/Alors bouge, bouge, bouge contre la
bêtise (MC Solaar, Matière grasse contre matière grise).
Qui vole un oeuf, vole un boeuf/Qui viole une meuf, se fait serrer par les keufs/ Alors un seul conseil
suivre le bon rail/Pour ne pas faire partie des gens que l’on appelle racaille (MC Solaar, Histoire de
l’art).
Je peux lire et je peux parler/Je peux écrire et mes enfants, j’pourrai les r’garder/ Je suis un jeune de
banlieue/Je sais que je fascine/Parce que là d’où je viens, réussir n’est pas facile/Et je garde les
stigmates, de ce milieu, de ma peau mate [...]/On est comme des nomades/Au-delà de nos cités,
beaucoup de gens nous regardent/ Comme si on allait partir, mais on est pas des nomades/On vit ici,
avec vous, on n’est pas des nomades/Et c’est toujours la même image :/Le guignol ou le rageur/ La
banlieue ne fait que rire ou que peur et c’est dommage/Y’a plein d’autres choses, pour l’amour, on a
nos codes/On sait aussi le célébrer sans drogue et sans alcool/J’ai des intenses instantanés/De bonheur
pendant tant d’années/De rire, de solidarité/Pendant que vous nous condamnez/Banlieusard, tu n’es pas
là pour rien/Et sois fier si tu es un jeune de banlieue (Disiz la Peste, Jeune de banlieue).
MC Solaar travaille particulièrement l’expression d’une langue, grammaire et références historiques
comprises, dominée par l’artiste.
Viking de l’empire du soleil levant/Moine athée et pourtant croyant/Que le type de prototype dont je
suis l’archétype/Profite de ce son synthétique pour que ma musique/Angélique balance en cadence
(MC Solaar, Quartier nord).
Le dormeur du val ne dort pas, il est mort et son corps est rigide et froid (MC Solaar, La Concubine de
l’hémoglobine).
Akhenaton joue beaucoup plus encore avec les mots, fait des métaphores à longueur de strophes,
emploie des vocables rares et raconte l’histoire du rap français et de sa progression face à la variété sur
le thème de la guerre de Troie. Mais on passe aussi d’une langue française à l’autre au sein d’une même
chanson. Par exemple on commence avec un style châtié : « Dans la forêt sombre des psychoses
diverses, Je verse mes émotions dans les notions qui me restent », en alternance avec des phrases plus
crues : « Ce putain de système parfois me mash up l’esprit » comme s’il fallait toujours un peu de colère
portée par une mélodie connue, dans des chansons décrivant en fait une réalité plus complexe (Assassin,
L’Égocentrisme de l’assassin).
L’expression de rapports sociaux compliqués
Dans les textes que l’on a consultés, les coupables des malheurs décrits sont, en vrac : la société
capitaliste, les guerres, la pollution, la pauvreté et, en général, le « système ». Derrière la violence de
certains textes contre le président de la République Nicolas Sarkozy, Jean-Marie Le Pen ou la police,
apparaît en fait une image assez impressionniste ou multiforme de l’adversaire.
Tout s’achète et tout se vend, même les gouvernements prêts à baisser leur froc... Le monde est plein
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de bombes. Maintenant tu sais à quoi sert le fric qui à lui seul pourrait stopper la famine en Afrique.
Mon amour pour l’argent [...]... Rien ne m’arrête pour l’acquérir donc je me fais prédateur pour une
poignée de papiers qui pour un jour ou plus me fera croire que l’argent fait le bonheur oui ! Je me
leurre (NTM, L’argent pourrit les gens).
« Où sont passés les baobabs et les hordes de gosses/Dans cette ère de négoce où ne vivent que les big
boss./Rentabilité - instabilité - imbécillité/N’ont fait qu’augmenter les taux de mortalité./Ce sont des
larmes qui coulent dans nos artères/Psychose séculaire j’ai peur quand j’entends charter/Parfois je rêve
de mettre un gun dans un paquet d’chips/De braquer la Banque mondiale./Pour tout donner aux
townships/C’est trop complexe » (MC Solaar, Les Colonies).
En outre, nombre de chansons expriment les rivalités internes aux quartiers ou les critiques internes au
monde du rap. Cette compétition n’est pas étrangère à l’escalade des outrances dans une partie du
répertoire. On se demande en l’occurrence si l’adversaire de La Rumeur n’est pas aussi, ou plutôt, la
concurrence des autres rappeurs et si l’élan donné par les mots crus ne vise pas aussi à franchir
l’obstacle de l’audimat : on trouve sur son site la présentation suivante du groupe :
Dix ans que La Rumeur torture des membranes de micro sur scène, comme en studio. Nous héritons de
cette tradition, d’activistes hip-hop qui consacrent le verbe au service d’une poésie vandale et
massacrent cette conception désormais consensuelle d’un rap dressé sur ces pattes arrières à qui l’on
jette des morceaux de sucre ().
Il y a, finalement, des adversaires plus géopolitiques que d’autres. Le Front national, incarnant le
racisme et l’injustice, force à donner une définition de la nation pour s’opposer à celle de Jean-Marie Le
Pen. Les discours frontistes poussent les rappeurs à décrire l’autre visage du pays où ils ont grandi et
qu’ils aiment, ce qui est une façon d’admettre aussi les rivalités idéologiques et la nécessité d’un combat
politique. Les appels au vote ont commencé à la fin des années 1990 et se sont multipliés après
l’élection présidentielle de 2002. Depuis cette date, la participation ne fait plus débat, et tous les groupes
- mais aussi toutes les associations - ont appelé à aller aux urnes, sans que l’on puisse évaluer
l’influence réelle des milieux musicaux sur le civisme dans les cités. En 2007, Ségolène Royal y a fait le
plein de voix, mais ce sont aussi les lieux où l’abstention a été massive aux législatives suivantes.
Depuis cette date de 2002, la réflexion des rappeurs s’est aussi déplacée sur le terrain de l’identité et de
la nation. Au-delà de l’image du ghetto urbain, les rappeurs suivent le même chemin que SOS Racisme
(qui, en 2002, a créé par exemple un autocollant : « La France, c’est nous »). Ils revendiquent leur place
au sein de la nation. Le mot est aujourd’hui utilisé. Ainsi par exemple :
Pas besoin d’inscription pour participer à ce cours./Il y a des blancs, des noirs, des jaunes, des riches,
des pauvres/Sur ce parcours. Nous parlons à tout le monde de la même façon./Nous n’avons pas
d’intérêt à diviser la nation./Pas d’examen en fin d’année, pas de diplôme à gagner./Simplement de la
musique et des textes pour aider/À affronter les problèmes qui nous entourent (Assassin, Entre dans la
classe).
Gouvernement honteux, que rien n’amène à la démission,/Le plus ridicule de toute l’histoire de la
nation !/Article 49-3, répression, couvre feu,/Dépassée, ta cinquième République a pris un coup de vie
(Keny Arkana, Nettoyage au Kärcher).
Y’a rien qui change à part le temps !/Le temps, et les gouvernements/Les rentrées d’argent/Sur l’dos
des gens/Sur l’dos d’tes parents/Sur l’dos d’ta nation (Mafia K1 Fry, Une vie de malheur).
Frein à main voiture de location regard de travers ma racaille effraie la nation (Algerino, Impact 13).
On est loin d’etres respectés/Parle à l’institution, à croire qu’on est pire qu’un poison pour la nation
garçon (LIM Menotté (Feat. Boulox Force et RAT), Menotté).
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Chirac, De Villepin, Sarko, Le Pen c’est la même homme diabolisé babylonien suprême prêt à
n’importe quoi pour que la nation soit sienne l’homme de loi porte un joli costard, il est beau parleur
comme Belzébuth ou Balthazar il aime le pouvoir et son esprit est pas clair il nous prend pour de la
merde avec son karcher allons enfants de la patrie oubliés nos parents, nos enfants, nos quartiers
(Sniper, Hommes de loi).
C’est pourquoi l’on peut dire que cette expression dans une des langues françaises qu’étudient les
linguistes, celle de la marge, participe du débat géopolitique en France. Cette constatation n’interdit pas
de s’interroger sur le fait de savoir si le rap contribue à la résolution des problèmes dénoncés, ce qui, on
l’a dit, signifierait sa fin, ou enferme au contraire certaines populations dans une représentation
invalidante d’elles-mêmes.
La réflexion sur les rapports entre les langues de France, mais aussi entre les langues françaises de la
norme et de la marginalité, ouvre d’autres perspectives pour l’analyse géopolitique de la nation. Elle
réfléchit les différentes figures du « nous », les rapports de force et les représentations qui les traversent.
Elle met également en valeur l’intérêt de l’approche territoriale de la langue, que ce soit pour faire
apparaître les caractéristiques des relations entre différentes langues sur le territoire d’un État, ou les
territoires dont l’existence est revendiquée au travers d’un usage singulier de la langue nationale. Cette
réflexion pourrait être ou devenir plus complexe encore, car il est possible qu’à l’avenir il faille aborder
l’analyse des territoires d’autres langues que celles des régions françaises, qui apparaîtront dans les
villes. Les auteurs de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ont exclu les langues
de l’immigration des droits qu’ils revendiquaient [24]. Pourtant on peut se demander si ce ne sont pas
au contraire celles-là dont l’usage va croître en France, sur de petits espaces (qui peuvent prendre une
grande importance géopolitique) : l’arabe, le berbère, ou une langue africaine comme le dioula (celle des
commerçants d’Afrique de l’Ouest) par exemple.
Bibliographie
BÉTHUNE C., Le Rap. Une esthétique hors la loi, Autrement, Paris, 1999.
BOUCHER M., Rap, expression des lascars, L’Harmattan, Paris, 1998.
BRUNOT F., Histoire de la langue française (1905-1938), Armand Colin, Paris, 1979, 23 volumes.
CACHIN O., L’Offensive rap, Gallimard, Paris, 1996.
CHAUDENSON R., « Le cas des créoles », Hérodote, n° 105, 2002.
DESROSES S., interview de Raphaël Confiant, maître de conférences en langue et culture régionales,
option créole à l’université des Antilles et de la Guyane, mardi 22 février 2005, sur le site
www.languefrançaise.net, www.languefrancaise.net/news/index. php ?id_news=228, consulté en juin
2007.
GIBLIN B. (dir.), Nouvelle géopolitique des régions françaises, Fayard, Paris, 2005.
LACOSTE Y. (dir.), Dictionnaire de géopolitique, Flammarion, Paris, 1996.
LOYER B., « Langues nationales et régionales : une relation géopolitique », Hérodote, n° 105, p. 1537.
MORGEN D. (IUFM d’Alsace), « La problématique de la langue régionale en Alsace, le
développement de l’enseignement bilingue et la formation des maîtres », mars 2003 .
PERRIER J.-C., Le Rap français : anthologie, La Table ronde, Paris, 2000.
ROBINE J., « SOS Racisme et les “ghettos des banlieues” : construction et utilisations d’une
représentation », Hérodote, n° 113, 2004.
BARBARA LOYER
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[1] Connaître le basque ne signifie pas qu’on l’utilise dans la vie quotidienne. Ces chiffres
del’Observatoire basque de la jeunesse sont utiles pour juger d’une évolution, .
[2] Une convention de partenariat a été signée entre la communauté autonome d’Euskadi et l’Office
public de la langue basque, le 7 février 2007, qui prévoit la mise en place d’un fonds de coopération
alimenté par les deux entités, dans le but de soutenir financièrement les projets de nombreux acteurs
associatifs. Un fonds de 1 450 000 euros a été alimenté par l’Office public de la langue basque
(organisme français) à hauteur de 1 million d’euros et par le gouvernement basque d’Espagne à hauteur
de 450 000 euros, soit pour la contribution du gouvernement basque une augmentation de 50 % par
rapport à 2006 (Sud-Ouest, 7 juin 2007).
[3] Observatoire de la langue bretonne 2005-2006 : Bretagne : 1,24% ; Côtes d’Armor : 1,66% ;
Finistère : 2,57% ; Ille-et-Vilaine : 0,38% ; Loire-Atlantique : 0,16% ; Morbihan : 2,38 %. Les effectifs
ont pourtant doublé entre 2001 et 2006 (taux de croissance des filières bilingues entre 2001 et 2006 +
50,2 %) mais cette évolution est apparemment fragile puisque l’augmentation de 6,4 % enregistrée en
septembre 2006 est la plus faible depuis 1981.
[4] Christian Guyonvarc’h, de l’UDB, est un des vice-présidents du conseil régional chargé des affaires
européennes et de l’international, et membre de la commission Aménagement du territoire,
infrastructures et finances.
[5] Pour une analyse récente de la Charte, voir le texte de Françoise Morvan publié sur le site de
l’Observatoire du communautarisme, .
[6] On connaît les exemples célèbres de Sarcelles ou de Marseille, villes dans lesquelles les
représentants de communautés ont le pouvoir de faire voter des électeurs dans une logique de groupe,
pour défendre des intérêts présumés collectifs. Ce phénomène prend une importance croissante dans les
grandes villes de France.
[7] Budget région Bretagne 2007 : 981,750 millions d’euros. Dépenses Culture et sport : 39 millions
d’euros.
[8] Observatoire de la langue bretonne 2005-2006.
[9] http://www.flarep.com/Actualites/OfficePublicJanvier2005.pdf.
[10] Rapport, n° 2006-39, juillet 2006, inspection générale de l’Éducation nationale, inspection générale
de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche, évaluation de l’enseignement dans
l’académie de Corse.
[11] http://cesr-aquitaine.fr/informations/avisrapports/rapports/2005/langues-regionales.
[12] http://pactedeslangues.com, consulté en juin 2007.
[13] http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/castan/castan.html.
[14] Félix-Marcel CASTAN, « Le message de la littérature occitane », extraits des actes du Forum des
langues à Toulouse, 1997. Carrefour culturel Arnaud-Bernard : .
[15] La ligne imaginaire, qui part de Marseille pour finir à Uzeste, regroupe des collectifs qui mènent
une réflexion entre autres sur la décentralisation et la défense des cultures régionales.
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[16] http://www.peripheries.net/article199.html.
[17] Sauf exceptions du groupe Sniper et d’Akhenaton.
[18] « Les vertus de l’ennui », interview d’Oxmo Puccino, propos recueillis par Mikaël Demets pour
evene.fr, mars 2007, .
[19] L’Assemblée des délégués de l’Union fédéraliste des communautés ethniques en Europe (UFCE)
adopte le 17 mai 2007 à Tallinn la résolution suivante : « Au vu de la volonté manifeste de l’État
français de poursuivre jusqu’à son terme l’éradication totale de la langue bretonne, la délégation
bretonne adjure ses compatriotes européens d’exercer sur l’État français, par le truchement de leurs
représentants, toute la pression nécessaire pour qu’il se conforme enfin à l’éthique internationale
concernant le droit des minorités autochtones sur leur territoire historique et cesse de pratiquer à leur
encontre une politique d’uniformisation linguistique inexorable tout en prêchant à l’extérieur les vertus
de la diversité culturelle » (sur le site ).
[20] « Le portail des Nations sans État, des conations, des peuples, des minorités nationales, culturelles
et linguistiques, des territoires à forte identité et à tendances autonomistes, indépendantistes ou
séparatistes en Europe » sur le site .
[21] Hardcore : le noyau dur du rap, celui qui s’oppose aux démarches commerciales, se veut sans
concession. Pour marquer son intransigeance, il n’hésite pas à recourir aux images les plus évocatrices,
aux paroles les plus crues... [Béthune, 1999].
[22] Posse : regroupement d’individus, d’amis, unis autour d’un concept, d’activités créatrices au sein du
mouvement hip-hop.
[23] Le parcours de l’aiguille suivant le sillon du disque, le terme « groove » renvoie à tout ce qui colle
bien.
[24] « Par l’expression “langues régionales ou minoritaires”, on entend les langues pratiquées
traditionnellement sur un territoire d’un État par des ressortissants de cet État qui constituent un groupe
numériquement inférieur au reste de la population de l’État ; et différentes de la (des) langue(s)
officielle(s) de cet État ; elle n’inclut ni les dialectes de la (des) langue(s) officielle(s) de l’État ni les
langues des migrants » (Charte, partie 1).
Hérodote, Revue de géographie et de géopolitique n°126 - Géopolitique de la langue française
(troisième trimestre 2007)
«Langue et nation en France» par BARBARA LOYER
http://www.herodote.org/article.php3?id_article=293
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