Comment le professionnel du chiffre doit

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Comment le professionnel du chiffre doit
IPCF | Institut Professionnel des Comptables et Fiscalistes agréés
SOMMAIRE
p. 1/ C
omment le professionnel du chiffre
doit-il aborder en pratique une
entreprise cliente en difficulté après
la récente modification des articles 10
et 12 de la LCE ?
p. 5/ Cession de goodwill et taxation étalée
des plus-values : une relation tendue ?
Comment le professionnel du chiffre doit-il
aborder en pratique une entreprise cliente
en difficulté après la récente modification
des articles 10 et 12 de la LCE ?
La loi du 27 mai 2013 modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises (M.B., 22 juillet 2013) a
apporté plusieurs modifications à la loi du 31 janvier 2009
relative à la continuité des entreprises (LCE).
Certaines adaptations sont particulièrement importantes
pour les professionnels du chiffre. Pour plus d’informations
sur la portée de ces adaptations, nous vous renvoyons aux
articles en la matière publiés précédemment1.
Vous trouverez ci-dessous quelques directives pratiques
qui doivent permettre aux professionnels du chiffre de se
conformer à l’art. 10 modifié de la LCE.
Quels faits ?
Le professionnel du chiffre devra signaler les faits graves et
concordants précis susceptibles selon lui de compromettre la
continuité de l’entreprise cliente.
A titre d’exemples, nous reprenons ci-dessous un certain
nombre de faits pouvant faire l’objet de la communication
obligatoire.
(a) faits de nature financière :
1. Informer l’entreprise cliente en
difficulté, une obligation légale pour
tous les professionnels du chiffre
Obligation d’information
Le nouvel art. 10, 5e alinéa LCE stipule que « l’expert-comptable
externe, le conseil fiscal externe, le comptable agréé externe, le
comptable-fiscaliste agréé externe et le réviseur d’entreprises
1
qui constatent dans l’exercice de leur mission des faits graves et
concordants susceptibles de compromettre la continuité de l’entreprise du débiteur, en informent de manière circonstanciée
ce dernier, le cas échéant au travers de son organe de gestion ».
B. BEKAERT, « La responsabilisation du professionnel du chiffre
dans le cadre d’entreprises en difficulté », Pacioli, 2013, n° 371, 1 ;
BEKAERT, B., LEMMENS, J., « De economische beroepsbeoefenaar en
de continuïteit van de onderneming (WCO) : het (knipper)licht gaat
aan », Acc.Bedr.(M), 2014, n° 2, 2-17.
1
– évolution défavorable de la structure financière ou de
la rentabilité, comme des capitaux propres négatifs, un
fonds de roulement négatif, une sous-capitalisation, un
cash-flow négatif, des ratios financiers défavorables ou un
recours excessif aux crédits à court terme ;
– difficulté d’assurer la disponibilité des moyens de financement, comme un refus de crédit par les fournisseurs, l’impossibilité de payer les créanciers à échéance, y compris le
professionnel du chiffre même (plus particulièrement, le
précompte professionnel, la TVA et l’ONSS), des difficultés
à respecter les conditions d’emprunts, la dénonciation de
crédits, le retrait d’un support financier, l’absence de perspectives réalistes de reconduction ou de remboursement
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P 309339 – Bureau de dépôt 9000 Gent X – Bimensuel – Ne paraît pas dans les semaines 28-36
Introduction
d’emprunts (venant à échéance), l’impossibilité d’obtenir
un financement pour des investissements essentiels ;
– d’autres indices comme la modification de la politique de
dividende, le changement de la politique comptable en vue
d’anticiper des résultats positifs, la réalisation de recettes
mais sans effet sur le cash-flow, la modification de la politique d’activation des frais de recherche et développement
ou autres immobilisations incorporelles, des opérations
discrétionnaires entre sociétés liées, des réévaluations,
des reprises d’amortissements, réductions de valeur ou
provisions.
(b) faits de nature opérationnelle :
– départ de personnel-clé sans qu’il soit remplacé ;
– changement important au sein de l’organe de gestion,
susceptible de modifier la vision de la stratégie, la politique et le reporting ;
– troubles sociaux ;
– perte d’un marché ou d’un client important ;
– pénurie de matières premières indispensables ;
– crise économique dans le secteur d’activité de l’entreprise.
On ne peut conclure de l’article 10, 5e alinéa LCE que le professionnel du chiffre doit surveiller ou contrôler en permanence
la continuité de l’entreprise. Le professionnel du chiffre doit
uniquement tenir compte des faits dont il a connaissance
dans l’exercice de sa mission. Il est donc parfaitement possible
qu’en cas d’assistance apportée à une affaire unipersonnelle,
le professionnel du chiffre ait moins rapidement connaissance des faits problématiques. Par conséquent, l’obligation
d’information naîtra aussi moins rapidement.
Il est cependant conseillé au professionnel du chiffre,
lorsque la continuité est menacée, d’être particulièrement
attentif à la documentation et à la constitution du dossier.2
Afin qu’il puisse justifier son point de vue et prouver sa rigueur, il est par conséquent conseillé au professionnel du
chiffre de consigner dans son dossier les considérations et
faits concordants sur lesquels il se base.3
(c) autres faits :
Dans un seul cas, la LCE même stipule que la continuité de
l’entreprise est supposée être menacée, à savoir lorsque les
pertes ont réduit l’actif net à moins de la moitié du capital
social (art. 23 LCE). Dans ce cas, le professionnel du chiffre
n’hésitera pas et informera le client conformément à l’art.
10, 5e alinéa LCE.
– le non-respect d’obligations statutaires et/ou découlant du
droit des sociétés ;
– risques environnementaux ;
– risques fiscaux ;
– procédures judiciaires qui risquent de déboucher sur un
jugement pouvant avoir des conséquences (financières)
graves ;
– problèmes de renouvellement d’un permis d’exploitation ;
– modifications dans la législation ou la réglementation
susceptibles d’influencer négativement les activités de
l’entreprise.
Attention, comme nous l’avons déjà indiqué plus haut, l’entreprise cliente ne devra pas seulement être informée en cas
de paramètres économiques défavorables. Une infraction au
Code des Sociétés commise par l’organe de gestion peut par
exemple aussi compromettre la continuité de l’entreprise
cliente et doit lui être communiquée le cas échéant. L’obligation d’information peut donc naître sans qu’un bilan récent
ou des informations financières récentes ne soient disponibles. Plus encore, l’absence de bilan et/ou d’informations
financières peut déjà en soi faire naître l’obligation d’information dans le chef du professionnel du chiffre.
Le professionnel du chiffre doit en tout cas informer l’entreprise cliente de manière circonstanciée. Une simple communication de la menace pesant sur la continuité de l’entreprise
cliente ne suffit pas.
Comment ?
L’art. 10, 5e alinéa LCE ne va toutefois pas jusqu’à obliger le
professionnel du chiffre à formuler des mesures de redressement.
Dans cette optique, le professionnel du chiffre adressera de
préférence une lettre recommandée, un e-mail avec accusé
de réception, un fax… à l’entreprise cliente, concernant la
menace éventuelle de la continuité de l’entreprise. Il est important que le professionnel du chiffre puisse prouver ultérieurement que l’entreprise cliente a effectivement pris ou a
pu prendre connaissance des informations fournies par le
professionnel du chiffre. La preuve sera également apportée si l’entreprise cliente signe « pour prise de connaissance »
une lettre ordinaire.
Il est cependant recommandé d’attirer l’attention de l’organe
de gestion d’une entreprise cliente lorsque les conditions
de la procédure de la sonnette d’alarme prévue en droit des
sociétés sont réunies.
Quand ?
Le législateur ne donne aucune indication claire quant au
moment où l’entreprise en difficulté doit être informée. Le
professionnel du chiffre devra lui-même estimer quand la
continuité de l’entreprise cliente est susceptible d’être compromise.
2
Le professionnel du chiffre doit pouvoir prouver qu’il a respecté son obligation d’information.
2
A titre d’illustration, voir D. VAN ONZENOORT, « Dreigende
discontinuïteit bij uw cliënt. Toelichtende paragraaf in verklaring
verplicht ? », Accountant Adviseur 2008, mars, 42.
3
K. AERTS, Taken en aansprakelijkheden van commissarissen en
bedrijfsrevisoren, Gand, Larcier, 2002, 23, n° 21.
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2. Informer volontairement le tribunal
de commerce, une possibilité légale
pour certains professionnels du chiffre
Lettre type
A l’att. de
[personne physique]
Possibilité d’information
[gérant]
[Conseil d’administration]
Cher client,
En vertu de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des
entreprises, nous sommes tenus de vous informer de manière
circonstanciée des faits suivants susceptibles de compromettre
la continuité de votre entreprise :
1) Faits de nature financière
2) Faits de nature opérationnelle
3) Autres faits
Veuillez noter qu’il ne s’agit pas ici d’une énumération limi-
L’art. 10 de la LCE prévoit la possibilité pour certains professionnels du chiffre d’informer le président du tribunal
de commerce si l’entreprise cliente ne prend pas de mesures
de redressement durables dans un délai d’un mois à dater
de l’information qui lui a été faite par le professionnel du
chiffre : « Si dans un délai d’un mois à dater de l’information
faite au débiteur, ce dernier ne prend pas les mesures nécessaires pour assurer la continuité de l’entreprise pendant une
période minimale de douze mois, l’expert-comptable externe,
le conseil fiscal externe ou le réviseur d’entreprises peuvent
en informer par écrit le président du tribunal de commerce. »
Qui ?
tative des faits susceptibles de compromettre la continuité de
votre entreprise. Nous ne vous informons ici que des faits dont
nous avons pu prendre connaissance jusqu’à présent.
Cette possibilité d’information, sans risque de violation du
secret professionnel, n’existe que pour le conseil fiscal, l’expert-comptable externe et le réviseur d’entreprises.
Nous vous invitons à prendre, dans un délai d’un mois à compter d’aujourd’hui, les mesures de redressement nécessaires
pour assurer la continuité de votre entreprise pendant une
période minimale de douze mois, le cas échéant après concerta-
En revanche, si le comptable agréé externe ou le comptablefiscaliste agréé externe informent le président du tribunal de
commerce, ils violent le secret professionnel.
tion avec notre cabinet.
Lettre type
(Facultatif : Vous êtes également tenu de convoquer une assemblée générale conformément au Code des sociétés, ce en raison
Madame la Présidente, monsieur le Président,
Dans un courrier daté du JJ/MM/AA, j’ai informé COMPANY
du constat de la diminution des fonds propres (procédure de la
sonnette d’alarme)).
(inscrite dans la BCE sous le n° 0000.000.000) de faits graves et
Nous souhaitons aussi attirer votre attention sur le fait qu’en
concordants susceptibles de compromettre la continuité de son
cas de cessation définitive des paiements sans chances réelles
entreprise. Vous trouverez en annexe une copie de ce courrier.
de redresser l’entreprise, vous devez en faire l’aveu au greffe du
tribunal de commerce conformément à l’article 9 de la loi sur
les faillites dans le mois de la cessation des paiements.
Plus d’un mois s’est écoulé depuis ce courrier et à ma connaissance, COMPANY n’a pas pris les mesures nécessaires pour
assurer la continuité de son entreprise pendant une période
A défaut de réaction de votre part à ce courrier dans un délai
minimale de douze mois.
d’un mois, la responsabilité personnelle de l’organe de gestion
de la société peut être engagée.
Je tenais à vous en informer conformément à l’art. 10, 5e alinéa
de la loi relative à la continuité des entreprises.
Par l’envoi de ce courrier, nous nous sommes acquittés de notre
obligation d’information.
[NOM]
Pour prise de connaissance
[NOM]
[conseil fiscal]
[comptable agréé]
[comptable-fiscaliste agréé]
[CLIENT]
[conseil fiscal]
[expert-comptable]
[réviseur d’entreprises]
[expert-comptable]
[réviseur d’entreprises]
3
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3. Prévenir l’entreprise cliente des
autres conséquences de l’obligation
d’information, une preuve de la
qualité des services fournis par le
professionnel du chiffre
fiscal externe, du comptable agréé externe, du comptable-fiscaliste agréé externe et du réviseur d’entreprises du débiteur
des informations concernant les recommandations qu’ils ont
faites au débiteur et, le cas échéant, les mesures qui ont été
prises afin d’assurer la continuité de l’entreprise. Dans ce cas,
l’article 458 du Code pénal n’est pas applicable.
L’information de l’entreprise cliente a certains effets juridiques qui ne sont pas sans conséquences pour elle.
a. L’entreprise cliente est avant tout en principe tenue,
dans le mois de la cessation de ses paiements, d’en faire
l’aveu au greffe du tribunal de commerce conformément à
l’article 9 de la loi sur les faillites. L’organe de gestion doit
faire l’aveu de la cessation des paiements pour le compte de
la société.
Une déclaration tardive de la cessation des paiements n’engage toutefois pas automatiquement la responsabilité de l’organe de gestion. L’organe de gestion n’est responsable que
s’il savait ou aurait dû savoir que la société avait cessé ses
paiements et que son crédit était ébranlé4. Pour qu’une faute
d’un administrateur soit retenue, il faut prouver qu’il savait
ou aurait dû savoir que les conditions d’une faillite étaient
réunies, et ce avant que le tribunal de commerce n’ait prononcé la faillite d’office5.
Dès l’instant où le professionnel du chiffre a informé (l’organe
de gestion de) l’entreprise cliente concernant des faits graves
et concordants susceptibles de compromettre la continuité de
l’entreprise, l’organe de gestion pourra plus difficilement prétendre par la suite qu’il ne savait pas ou ne pouvait pas savoir
que les conditions d’une faillite étaient réunies, s’il n’a pas
tenté de mettre en place des mesures de redressement adéquates après avoir été informé par le professionnel du chiffre.
Il est recommandé au professionnel du chiffre d’attirer l’attention (de l’organe de gestion) de l’entreprise cliente sur ces
conséquences.
b. Enfin, il est aussi conseillé au conseil fiscal, à l’expertcomptable externe et au réviseur d’entreprises de mentionner la possibilité que leur donne la LCE d’informer directement le président du tribunal de commerce, comme expliqué
au point 2.
Le juge peut, dans le cadre d’une enquête commerciale, recueillir auprès du professionnel du chiffre des informations
concernant les recommandations qu’il a faites et les mesures
qui ont été prises afin d’assurer la continuité de l’entreprise
cliente (art. 12 LCE). Le secret professionnel est levé dans ce
cas.
En outre, il est loisible au juge de rassembler d’office toutes
les données nécessaires à son enquête. Il peut entendre toute
personne dont il estime l’audition nécessaire, même en l’absence du débiteur, et ordonner la production de tous documents utiles.
Le débiteur peut produire tous autres documents de son choix.
Le juge peut également descendre d’office sur les lieux de l’établissement principal ou du siège social de la société, si le débiteur omet de comparaître. Le juge pourra dresser seul procèsverbal de ses constatations et des déclarations recueillies.
Le juge ne peut toutefois, dans le cadre de l’enquête commerciale, infliger des sanctions au professionnel du chiffre qui
n’a pas rempli son obligation d’information.
Le professionnel du chiffre doit être bien conscient des
risques éventuels liés aux recommandations qu’il fait concernant les mesures à prendre ou les démarches à entreprendre
pour assurer le redressement ou la continuité de l’entreprise.
Le simple fait de donner des avis non contraignants ne suffit
pas pour que le professionnel du chiffre puisse être qualifié d’administrateur de fait. La prise de décisions est en revanche inhérente aux actes de gestion.6 Le professionnel du
chiffre ne peut donc en aucun cas se substituer à la direction
de l’entreprise et poser ou faire poser des actes de gestion ;
sinon il viole non seulement les règles d’indépendance qui
lui sont applicables mais il court aussi le risque que sa responsabilité soit engagée en tant qu’administrateur de fait de
l’entreprise.7
4. Répondre aux questions du juge
concernant l’entreprise cliente, pas une
obligation légale pour le professionnel
du chiffre
Bert BEKAERT
Avocat – Partner Everest Advocaten
Enquête commerciale
Le nouvel article 12, §1er, 4e alinéa LCE stipule que le juge
peut recueillir auprès de l’expert-comptable externe, du conseil
4
Cass., 22 septembre 1988, RG 8124, Arr.Cass., 1988-89, 91, Bull.,
1989, 80, JT, 1989, 110, Pas., 1989, I, 80, RCJB, 1990, 203 et Rev.
prat.soc., 1989, 180 ; Cass., 7 septembre 1990, TRV, 1991, 86, note M.
Wyckaert.
5
Bruxelles, 24 février 2000, JDSC, 2002, 126.
4
6
J. TIMP, « De feitelijke bestuurder in het vennootschapsrecht », Jura
Falconis, 1995-1996, n°2, 195-210.
7
INSTITUT DES REVISEURS D’ENTREPRISES, Activités qui, conformément à l’article 13, § 2, b) de la loi coordonnée de 1953, mettraient un
réviseur d’entreprises dans une position d’administrateur de fait, Avis
2011/8 du 25 novembre 2011, www.ibr-ire.be/fr/reglementation/doctrine/avis ; INSTITUT DES REVISEURS D’ENTREPRISES, Vademecum
du réviseur d’entreprises, II, Législation, normes et recommandations,
Bruxelles, IRE, 2007, 634, n° 18.2 (spécifiquement pour le commissaire) ; E. WYMEERSCH, “Perspectieven in het bedrijf van de accountants en de belastingconsulenten”, Acc. & Tax, 2002, n° 2, 42.
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Cession de goodwill et taxation étalée des
plus-values : une relation tendue ?
Beaucoup d’encre a déjà coulé dans le passé sur la question
de savoir si les plus-values réalisées lors de la cession d’un
goodwill entraient en ligne de compte pour le système de taxation étalée des plus-values, conformément à l’article 47 du
CIR 1992. Deux problèmes se posent essentiellement dans ce
contexte : un goodwill constitué en interne entre-t-il en ligne
de compte et dans quelle mesure le goodwill actuellement cédé
doit-il encore trouver son origine dans un goodwill acquis antérieurement, et que se passe-t-il si celui-ci a déjà été entièrement
amorti ? Ces deux problématiques ont récemment fait l’objet
d’une décision de jurisprudence qui a clarifié plusieurs points.
Introduction
Comme chacun sait, les plus-values réalisées sur des actifs
professionnels sont en principe imposables tant à l’impôt des
personnes physiques qu’à l’impôt des sociétés, à quelques
exceptions près.
Mais un système optionnel de taxation différée et étalée est
spécialement applicable aux plus-values taxables réalisées
sur les immobilisations corporelles et incorporelles (article
47 du CIR 1992). En résumé, le système qui s’applique
aux plus-values réalisées volontairement (dans la présente
contribution, nous ne nous attarderons pas sur les plusvalues dites « forcées », réalisées p.ex. en cas de sinistre ou
d’expropriation) implique que les plus-values réalisées sur
de tels actifs soient taxées de manière étalée, pour autant
que les actifs aliénés aient eu la nature d’immobilisations
depuis plus de 5 ans avant leur aliénation. Selon les travaux
préparatoires et le commentaire administratif, n’entrent en
ligne de compte que les actifs qui ont la nature d’immobilisations corporelles ou incorporelles telles qu’elles sont définies
dans la législation relative à la comptabilité et aux comptes
annuels des entreprises.
La taxation étalée requiert le remploi de la totalité de la
valeur marchande dans des immobilisations corporelles ou
incorporelles amortissables qui sont utilisées pour l’activité professionnelle dans un État membre de l’Espace économique européen. Un tel remploi doit avoir lieu dans les
trois ans à compter du premier jour de la période imposable
au cours de laquelle la plus-value a été réalisée, sauf en cas
de remploi en immeuble bâti, bateau ou avion, auquel cas le
délai est porté à cinq ans et le contribuable peut alors choisir
de faire courir ce délai de cinq ans à partir du premier jour
de l’avant-dernière période imposable qui précède la réalisation de la plus-value.
L’étalement de la taxation s’effectue durant chaque période
imposable, proportionnellement aux amortissements admis
fiscalement sur les actifs de remploi. Toutes ces données
5
doivent être mentionnées dans un relevé 276K joint à la
déclaration. La mise hors service de l’actif de remploi ou la
cessation de l’activité professionnelle entraîne la taxation
immédiate de la valeur fiscale résiduelle.
En ce qui concerne plus particulièrement les immobilisations incorporelles qualifiantes (essentiellement les frais de
R&D, les droits de propriété intellectuelle comme les brevets,
licences, marques, ... ainsi que le goodwill et la clientèle), la
loi prévoit que celles-ci n’entrent en ligne de compte que si
elles ont fait l’objet d’amortissements admis par le fisc. Sur
le plan fiscal, les immobilisations incorporelles (à l’exception
des œuvres audiovisuelles) sont amorties par au moins cinq
annuités fixes (ramenées à au moins trois annuités fixes
pour les investissements en R&D)1.
Actifs incorporels produits par
l’entreprise
La condition relative aux amortissements fiscaux pose parfois problème en ce qui concerne les actifs que l’entreprise
n’a pas acquis de tiers, mais a produits elle-même. Les conditions pour porter à l’actif et amortir de telles immobilisations
incorporelles produites par l’entreprise même sont assez
strictes, comme il ressort de l’article 60 AR/C.Soc. et d’un
avis de la Commission des normes comptables du 10 octobre
2012 relatif au traitement comptable des immobilisations
incorporelles (avis CNC 2012/13).
L’article 60 AR/C.Soc. précise que les immobilisations incorporelles produites au sein même de l’entreprise ne peuvent
être portées à l’actif pour leur coût de revient que dans la mesure ou celui-ci ne dépasse pas une estimation prudemment
établie de leur valeur d’utilisation ou de leur rendement futur pour l’entreprise, c.-à-d., selon la CNC, qu’il ne dépasse
pas l’estimation des futurs flux de trésorerie générés par ces
actifs (flux actualisés).
Bien que le goodwill fasse sans aucun doute partie des
immobilisations incorporelles, la CNC évoque simplement,
dans son avis concernant les actifs produits en interne, un
« produit » ou un « processus » qui doit être suffisamment
identifiable et générer des avantages économiques futurs, de
sorte que son caractère d’investissement soit établi de manière incontestable. Un goodwill et une clientèle constitués
en interne semblent dès lors difficilement s’inscrire dans ce
cadre.
Dans sa signification comptable (voyez article 95, § 1er, II,
alinéa 4 AR/C.Soc.), le goodwill est le coût d’acquisition d’une
1
Article 63 du CIR 1992.
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entreprise ou d’une branche d’activité dans la mesure où il
excède la somme des valeurs des éléments actifs et passifs
qui la composent. Il semble donc, par définition, relever de la
catégorie des actifs acquis de tiers. La clientèle, qui constitue
généralement une partie importante du poste goodwill, doit
dès lors avoir été acquise de tiers pour entrer en ligne de
compte pour une inscription à l’actif et un amortissement.
Il est dès lors traditionnellement admis qu’un goodwill/une
clientèle produit(e) en interne (contrairement à un goodwill/
une clientèle acquis(e) de tiers) ne peut pas être repris(e)
dans les immobilisations incorporelles à l’actif du bilan. Vu
que pour sa cession, un goodwill/une clientèle propre n’a pas
la nature d’immobilisation incorporelle au sens de la législation comptable et n’est pas non plus amortissable, il/elle
tombe en dehors du champ d’application de la taxation étalée. La Cour de Cassation s’est récemment prononcée dans
ce sens (Cass. 25 octobre 2013, www.cass.be ; voyez également Liège 13 juin 2012, JDF, 2012, 319. Plusieurs auteurs
ont déjà critiqué ce point de vue, étant donné qu’il conduit à
une réduction drastique du champ d’application de l’article
47 du CIR 1992 en cas de plus-values réalisées sur des cessions d’actifs, telles que des cessions de branches d’activité
et d’universalités de biens, de fonds de commerce, ... (voyez
e.a. D.-E. Philippe et N. Denis, « Bedenkingen rond het stelsel van gespreide taxatie van de meerwaarden die werden
verwezenlijkt op immateriële activa », Pacioli, n° 270, p. 1 et
sv.).
Revente d’une entreprise avec goodwill
acquis de tiers
Si une société a précédemment acquis de tiers, porté à son
actif et amorti un goodwill (en particulier une clientèle) et
vend ensuite son activité ou son fonds de commerce, se pose
la question de savoir si la plus-value réalisée se rapporte
encore, en tout ou partie, au goodwill acquis initialement
et peut par conséquent entrer en ligne de compte pour une
taxation étalée conformément à l’article 47 du CIR 1992.
Deux scénarios peuvent se présenter : soit le goodwill acquis
a entre-temps été entièrement amorti dans les livres du vendeur, soit ce goodwill a toujours une valeur résiduelle.
Goodwill entièrement amorti
Dans ce scénario, l’administration, suivie en cela par certains cours et tribunaux, ose considérer qu’en raison de
l’amortissement complet du goodwill acquis, la plus-value
réalisée sur la vente de l’entreprise ne peut en fait se rapporter qu’au propre goodwill produit par la suite. Comme celuici ne peut être ni porté à l’actif, ni amorti, les conditions
prévues à l’article 47 du CIR 1992 pour pouvoir bénéficier de
la taxation étalée ne sont pas remplies.
Une décision bien connue est celle de la Cour d’appel de Gand
du 21 septembre 2010 (Gand, 21 septembre 2010, FJF, N°
2011/282), qui a finalement été confirmée par la plus haute
cour (Cass. 15 mars 2012, FJF, N° 2014/72). En résumé, l’af-
6
faire concernait une entreprise individuelle (notamment l’exploitation d’un café) qui avait été apportée dans une SPRL en
1986. Lors de cet apport, le goodwill repris avait été estimé
par le réviseur d’entreprises à un peu plus de 37 000 euros.
Après quelques restructurations, le goodwill acquis avait été
entièrement amorti durant l’exercice d’imposition 1994. Au
cours des années qui suivirent, l’existence du goodwill avait
encore été mentionnée dans l’annexe aux comptes annuels.
Début 2001, le fonds de commerce (goodwill inclus) avait été
cédé à un tiers pour une valeur d’environ 570 000 euros.
Alors que le contribuable avait obtenu gain de cause en première instance, la Cour d’appel de Gand avait réformé le jugement en déclarant que le goodwill acheté en 2001 concernait
un goodwill nouveau, produit en interne, qui n’avait plus
rien à voir avec celui acquis initialement en 1986 et entretemps entièrement amorti. Le régime de la taxation étalée
avait donc été refusé, point de vue qui, ultérieurement, fut
également suivi par la Cour de cassation.
L’absence d’unanimité de la jurisprudence sur ce point ressort d’une décision rendue par la Cour d’appel de Bruxelles
(Bruxelles, 3 juin 2010, FJF, N° 2011/223). Il s’agissait en
l’espèce d’un contribuable qui avait repris une pharmacie en
1986, moyennant paiement de quelque 40 000 euros pour le
goodwill. Ce goodwill avait été amorti pendant dix ans (c.-àd. de 1986 à 1995). En septembre 1997, la pharmacie avait
été cédée à une association de fait, moyennant paiement
d’environ 185 000 euros.
Alors que l’administration estimait que l’amortissement
complet du goodwill acquis en 1986 avait fait en sorte que
le goodwill vendu en 1997 concernât un goodwill produit en
interne, non amortissable, qui n’entrait donc pas en ligne de
compte pour un remploi, la Cour d’appel de Bruxelles avait
suivi la thèse du contribuable, à savoir (i) que l’administration réduit à tort le concept de goodwill à celui de « clientèle », alors que pour une pharmacie, le goodwill inclut également un emplacement commercial, une bonne réputation,
un savoir-faire, des spécialités et la licence d’établissement
et d’exploitation, (ii) que l’amortissement complet du goodwill initial n’enlève rien au fait que concrètement, la licence
d’exploitation acquise à l’époque et au moins une partie de
la clientèle d’origine aient été cédées en 1997 et (iii) qu’une
éventuelle ventilation du goodwill vendu entre une partie
ancienne et une partie nouvelle est contraire à l’article 47
du CIR 1992, qui exige uniquement que des immobilisations
aient été comptabilisées et que des amortissements aient eu
lieu sur le plan fiscal.
Le fait que le juge soit prêt à accepter qu’un goodwill entièrement amorti puisse encore entrer en ligne de compte pour
la taxation étalée des plus-values s’avère donc dépendre fortement de la situation factuelle concrète. Alors que l’affaire
sur laquelle s’était penchée la Cour d’appel de Gand concernait un goodwill afférent à un café (quasiment en faillite,
d’après l’administration) – dont on pourrait se demander
si l’exploitation comporte plus d’actifs incorporels qu’une
simple clientèle qui, de surcroît, peut être très volatile –, il
s’agit tout de même, dans le cas de la reprise d’une pharma-
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cie, d’une autre forme de goodwill, plus substantielle, qui
recouvre davantage qu’une simple clientèle. Dans ce sens,
ces deux décisions semblent ne pas être nécessairement en
totale contradiction.
La doctrine accueille en tout cas de manière très critique la
thèse selon laquelle il y aurait nécessairement, en cas d’amortissement complet du goodwill (en particulier la composante
clientèle), une clientèle nouvellement constituée (non amortissable), eu égard au fait que du jour au lendemain (après
amortissement complet), on passerait à une clientèle entièrement nouvelle, ce qui pourrait engendrer des situations
absurdes (voyez e.a. D.-E. Philippe en E. Cassaer, « Cassatie
maakt gespreide belasting bij overdracht goodwill moeilijker », Fisc. Act., 2013, n° 18, p. 2).
Goodwill avec valeur résiduelle
Si le goodwill acquis initialement n’a pas encore été entièrement amorti, l’administration rappelle qu’une ventilation
du goodwill doit encore être opérée, notamment entre une
partie se rapportant au goodwill initialement acquis, pour
laquelle un étalement de la taxation est possible, et une autre
partie se rapportant au goodwill constitué par la suite en interne, en particulier la clientèle, pour laquelle un étalement
de la taxation n’est pas possible.
Cette problématique a été abordée dans une affaire qui a été
tranchée par la Cour d’appel d’Anvers (Anvers, 21 octobre
2003, Fisc. Koer., 2003/18, 648). Il s’agissait encore une fois
d’une pharmacie, exploitée par une société, qui avait vendu
son fonds de commerce dans le courant de 1996 pour environ 570 000 euros. Bien que lors de la création en 1988,
la société eût acquis un goodwill, l’eût comptabilisé comme
immobilisation incorporelle et lui eût appliqué des amortissements, l’administration considérait que la plus-value réalisée en 1996 ne se rapportait pas entièrement au goodwill
précédemment comptabilisé comme immobilisation. Selon
elle, une partie au moins de ce goodwill se rapportait à des
actifs qui avaient la nature d’immobilisations incorporelles
moins de cinq ans avant l’aliénation, notamment le goodwill
constitué par la société elle-même depuis sa création. Pour
cette partie, la société ne pouvait pas solliciter une taxation
étalée.
La Cour d’appel d’Anvers a constaté que lors de sa création
en 1988, la société avait acquis un goodwill par le biais d’un
apport en nature, évalué par le réviseur à quelque 152 000
euros qui avaient été comptabilisés comme immobilisations
corporelles et avaient été amortis. Lors de la vente du fonds
de commerce en 1996, ce goodwill avait, selon la Cour, la
nature d’immobilisation depuis plus de cinq ans et toutes les
conditions étaient donc remplies pour appliquer l’article 47
du CIR 1992. Interpréter autrement ces faits reviendrait à
ajouter une condition au texte de l’article 47 du CIR 1992, ce
qui est inadmissible dans les affaires fiscales.
La doctrine a applaudi cette décision, en ce que celle-ci apparaît comme réagissant à la vision administrative qui consi-
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dère comme nécessaire une ventilation entre l’ancien goodwill ou l’ancienne clientèle et le nouveau/la nouvelle (voyez
Commentaire in Fisc. Koer., 2003/18, 648 et sv. ; D.-E. Philippe et N. Denis, « Het stelsel van de gespreide belasting en
immateriële vaste activa : een verrassende toepassing door
de rechtspraak », Wekelijkse analyses FiscalNet, 7 mars
2009, www.fiscalnet.be). Elle confirmerait en outre la vision
inspirée du droit civil selon laquelle une clientèle a, en soi,
un caractère changeant et fluctuant et constitue une « res
nullius », un élément qui ne peut faire l’objet d’une appropriation, vu que la clientèle est libre de rester ou non fidèle
au fonds de commerce.
Très récemment, le tribunal de première instance, section de
Mons, a prononcé un jugement similaire dans une affaire
concernant une société de notaires (Civ. Mons, 22 septembre
2014, Fisc., 1402, p. 8 et sv.). Il s’agissait d’une société qui
avait repris en 1999 une étude notariale avec un goodwill
d’environ 500 000 euros, lequel avait été comptabilisé comme
immobilisation et avait été amorti sur le plan fiscal. L’étude
notariale fut revendue en 2008, cette fois avec un goodwill
d’une valeur d’environ 720 000 euros. À ce moment-là, la
valeur résiduelle du goodwill acquis initialement était d’environ 75 000 euros. La société de notaires avait souhaité soumettre la différence entre ces deux montants, soit environ
645 000 euros, à la taxation étalée. C’était sans tenir compte
de l’administration, qui estima que l’article 47 du CIR 1992
n’était applicable qu’à une partie de la plus-value, à savoir
celle qui pouvait encore être liée aux immobilisations incorporelles acquises en 1999.
Le tribunal rejette de nouveau la thèse de l’administration,
insistant tout d’abord sur le fait que les immobilisations
incorporelles comprennent non seulement la clientèle, mais
aussi l’ensemble des actifs incorporels liés au protocole notarial, comme la réputation, l’expérience, l’organisation et la
qualité des membres de l’association de notaires, un lieu de
résidence fixe, ... Le tribunal se réfère ensuite au caractère
évolutif et fluctuant de la clientèle (voyez plus haut : « res nullius »). Le tribunal refuse en outre de suivre le raisonnement
selon lequel l’amortissement comptable et fiscal du goodwill
permet de considérer que la partie amortie a disparu en tant
qu’actif.
Le tribunal conclut que la ventilation proposée par l’administration entre une ancienne clientèle et une nouvelle clientèle méconnaît le caractère complexe et évolutif des actifs
incorporels, est artificielle et ne tient pas compte des autres
éléments incorporels de nature à attirer une nouvelle clientèle. C’est dès lors avec raison, nous semble-t-il, que le tribunal considère que la totalité de la plus-value réalisée sur le
goodwill entre en ligne de compte pour la taxation étalée.
En termes de contexte factuel, ce jugement est très proche de
ceux qui ont été prononcés concernant les pharmacies. Dans
les deux cas, on peut raisonnablement soutenir que le poste
goodwill ne peut pas être réduit à une simple clientèle (évolutive), mais comprend également d’autres éléments, comme la
réputation, l’expertise et surtout le lieu d’établissement fixe.
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Dans la pratique, les choses peuvent être un peu plus compliquées dans d’autres dossiers, où pratiquement tout tourne
autour de la clientèle qui, par définition, n’est pas stable et
fluctue dans le temps, même si un amortissement complet
ou partiel ne semble pas signifier que la clientèle n’est plus
présente.
Enfin, il est également utile de signaler une récente décision
anticipée qui semble tout de même aller dans le sens d’une
ventilation (limitée), à savoir la décision anticipée n°2014.046
du 10 juin 2014 (www.fisconetplus.be). L’affaire concernait
une société qui, en 2008, peu après sa création, avait acquis
une entreprise individuelle avec un goodwill comme principal actif. Ce goodwill avait été porté à l’actif et amorti.
En 2014, la société projeta de céder son fonds de commerce,
en ce compris l’actif incorporel déjà amorti pour moitié, à
une autre société. Le demandeur considérait qu’en 2014, au
moins 85 % du prix de vente du goodwill étaient censés se
rapporter à la cession de l’immobilisation incorporelle acquise en 2008 par le biais d’un quasi-apport.
Le service de ruling donna raison au demandeur, et ce sur la
base de la documentation produite, ainsi que de l’argument
selon lequel, en marge de la clientèle, un certain nombre
d’autres éléments représentant une valeur durable, comme
l’implantation du bureau, font également partie de l’actif
incorporel cédé. Le service de ruling conclut par conséquent
que, moyennant un remploi en temps voulu d’un montant
représentant 85 % de la valeur de vente de l’immobilisation
incorporelle, la plus-value réalisée sur le goodwill initialement acquis entre en ligne de compte pour le système de
taxation étalée, conformément à l’article 47 du CIR 1992.
Indépendamment de la question de savoir si la totalité de la
plus-value n’aurait pas dû entrer en ligne de compte pour la
taxation étalée, un tel ruling offre l’avantage d’établir clairement à l’avance quelle partie de la plus-value sur immobilisations incorporelles entre en ligne de compte pour la
taxation étalée moyennant remploi, ce qui permet d’éviter de
fâcheuses discussions avec le contrôleur.
Conclusion
Il est évident que la problématique de la taxation étalée des
plus-values sur immobilisations incorporelles suscite de
nombreuses questions.
Le fait qu’un goodwill/une clientèle développé(e) en interne
ne puisse pas bénéficier d’une taxation étalée paraît désormais indiscutable.
La question de savoir si l’amortissement complet d’un
goodwill/d’une clientèle a pour conséquence que les immobilisations immatérielles cédées doivent être considérées
comme développées en interne et donc inéligibles pour le
régime de taxation étalée fait, quant à elle, beaucoup moins
l’unanimité. Ce raisonnement nous semble excessif et signifierait la fin de toute taxation étalée des plus-values réalisées
sur des immobilisations qui ont dépassé leur période d’amortissement normale, même si elles semblent encore avoir une
valeur marchande.
Enfin, en ce qui concerne la ventilation de la plus-value
dans le cas d’un goodwill acquis qui n’a pas encore été entièrement amorti, elle nous semble être un exercice difficile
à réaliser. Dans la pratique, une telle ventilation portera
essentiellement sur la clientèle qui, par sa nature même,
est précisément une donnée évolutive et fluctuante qui se
laisse difficilement approcher d’un point de vue mathématique. On peut en outre, à juste titre, se demander si une
condition n’est pas ainsi rajoutée à l’article 47 du CIR 1992.
Il nous semble que la jurisprudence récente relative aux
pharmacies et pratiques notariales indique la bonne voie
à suivre.
Marc DE MUNTER
Tax Partner
SCRL civ. Baker Tilly Belgium Consultants
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Xavier SCHRAEPEN, Chantal DEMOOR. Comité scientifique : Professeur P. MICHEL, Professeur Emérite de Finance, Université de Liège, Professeur
C. LEFEBVRE, Katholieke Universiteit Leuven.
Réalisée en collaboration avec kluwer – www.wolterskluwer.be
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