LePSG«nouveau» neconnaîtpaslacrise

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LePSG«nouveau» neconnaîtpaslacrise
0123
page deux
Samedi 31 décembre 2011 - Dimanche 1er - Lundi 2 janvier 2012
Démocratie et marché
à l’épreuve de 2012
sont la Chine, l’Inde ou le Brésil
imposent certes un commerce
mondial régulé. Mais il ne faut
jamais l’oublier : après le krach
boursier de 1929, ce qui a précipité
le monde dans la dépression, la
vraie, avec un effondrement de la
production et une explosion du
chômage autrement plus violents
que ce que nous avons connu jusqu’à présent, ce sont les barrières
douanières, décidées d’abord par
les Etats-Unis – suivis par d’autres
pays.
Après une année 2011 particulièrement agitée, 2012 s’annonce
donc, à son tour, à hauts risques.
L’instauration de la démocratie
dans de nouveaux pays ne suivra
sûrement pas les voies imaginées
dans nos vieilles démocraties. Le
basculement économique du monde devrait en revanche se poursuivre, voire s’accélérer. Dans les pays
développés, enfin, les difficultés
économiques ne disparaîtront pas
du jour au lendemain. La sortie
d’une crise de surendettement est
toujours un long tunnel. Elle nécessite un effort collectif, une solidarité à toute épreuve. L’ampleur de la
dette conduit à penser que, cette
fois-ci, le tunnel sera long, très
long, pénible aussi. Mais ce n’est
pas en laissant l’Europe exploser
et l’euro disparaître que l’on accélérera la sortie du tunnel.
Ce sera, en France, au printemps, l’un des enjeux principaux
de l’élection présidentielle. On
attend, très vite, sur ce thème, des
différents candidats des projets et
des agendas crédibles. Pour que
l’on puisse croire aux vœux de
bonne année qui ne vont pas manquer de nous parvenir dans les
jours à venir. Ceux qu’ici notamment Le Monde adresse à toutes
ses lectrices, à tous ses lecteurs et à
tous ses internautes. p
aaa Suite de la première page
Certes, l’année 2012 sera riche de
scrutins électoraux dans nombre
de ces pays, avec notamment les
présidentielles française et américaine. Mais un vote, même au suffrage universel, ne fait pas une
démocratie. On va beaucoup surveiller, en 2012, les chemins escarpés et parfois dangereux suivis
par les nouvelles démocraties. Il
faut espérer que, dans le même
temps, les vieilles démocraties sauront trouver les moyens de leur
propre revitalisation.
Editorial
Erik Izraelewicz
La crise financière enfin, l’autre
grand feuilleton de l’année 2011, ne
facilitera pas les choses. Celle-ci
conduit aujourd’hui à une remise
en cause, un peu partout sur la planète, d’une autre dictature, celle du
tout-marché. Cette crise est le fruit
de trente ans de dérégulation économique et financière, à l’excès. Le
balancier était parti loin, trop loin.
En 2008, l’affaire des subprimes,
ces crédits immobiliers accordés à
des ménages modestes que les prêteurs savaient par avance insolvables, en a été l’une des illustrations
les plus spectaculaires.
Le risque est que, par réaction,
ce même balancier ne soit renvoyé
trop loin dans l’autre sens, que la
crise ne conduise à une remise en
cause totale du marché, du marché mondial en particulier. Un
peu partout, la demande en faveur
de mesures protectionnistes progresse et se fait, de plus en plus
souvent, entendre. Les nouveaux
rapports de force économiques
liés à la montée en puissance de
ces géants démographiques que
Les indégivrables Xavier Gorce
Récit Profitant de la trêve du championnat de France, le club de la capitale
accélère sa mutation. Le Paris-Saint-Germain devait officialiser, le 30décembre,
laprise de fonctions de son entraîneur vedette, l’Italien Carlo Ancelotti
Le PSG «nouveau»
ne connaît pas la crise
Carlo Ancelotti et Leonardo, en mai 2009, lors d’un match entre le Milan AC et l’AS Roma.
Les deux hommes se sont succédé cette année-là au poste d’entraîneur du Milan AC. BUFFA/ICON SPORT
A
ux abords du Parc des Princes, les journalistes se
livrent à une curieuse partie
de cache-cache. Certains
sont calfeutrés dans leur voiture. D’autres errent, transis
de froid, sur la chaussée qui jouxte l’enceinte. Encerclant la sortie du parking souterrain, ils guettent, en cette soirée du mercredi 28 décembre, le départ du véhicule
de Carlo Ancelotti, le nouvel entraîneur
du Paris-Saint-Germain.
Dansunevoitureauxvitresteintées,l’ancien coach du Milan AC (2001-2009) et de
Chelsea (2009-2011) était arrivé, en début
d’après-midi, en compagnie du directeur
sportif du PSG, le Brésilien Leonardo. A
52 ans, le technicien transalpin de renom
Depuis son rachat par les Qataris,
le PSG, doté d’un budget
de 150millions d’euros, est entré
dans une nouvelle ère économique
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doit parapher un contrat qui le lierait au
club parisien jusqu’en 2014. «Avec sa carte
de visite, il va attirer de grands joueurs au
Parc», souffle un supporteur venu à sa rencontre. Carlo Ancelotti ne quitte l’enceinte
parisienne que tard dans la nuit, avant une
nouvelle journée de négociation.
La venue de Carlo Ancelotti, qui devait
être officialisée par le club vendredi
30 décembre, est emblématique de la
mutation du PSG. Les médias ont ébruité
le montant de son salaire : 500 000 euros
mensuels. Une somme qui ferait de Carlo
Ancelotti l’entraîneur le plus onéreux de
l’histoire de la Ligue 1. Surtout, la signature à Paris d’un manageur d’envergure
internationale reflète la stratégie décomplexée des propriétaires du club, les
actionnaires du Qatar Sports Investments
(QSI). Déjà approché en novembre par Leonardo, Carlo Ancelotti était, depuis cet été,
la cible des investisseurs de Doha. A son
actif : deux reprises Ligues des Champions (2003 et 2007) et deux titres nationaux, en Italie et en Angleterre. Son aura
semble en phase avec les visées sportives
du nouveau président du PSG, Nasser
Al-Khelaïfi.
« On doit chercher à tout remporter,
confiait récemment au Monde le capitaine
parisien Mamadou Sakho. Le Barça ne se
pose pas de question. Paris doit désormais
avoir cette mentalité. L’équipe est armée
pour jouer toutes les compétitions. » L’arrivée du coach transalpin pourrait attirer
cet hiver plusieurs recrues de choix. Au
premier rang desquelles figure l’attaquant brésilien Alexandre Pato, ancien
protégé au Milan AC d’un certain… Carlo
Ancelotti. Le technicien italien souhaite
également choisir lui-même les membres
de son staff. Selon cette logique, il devrait
incorporer l’ex-Bleu Sabri Lamouchi qu’il
a côtoyé dans le championnat italien. Ce
dernier a aussi l’avantage d’avoir clos, en
2009, sa carrière de joueur au Qatar.
Depuis son rachat par les dignitaires du
QSI cet été, le PSG échappe à l’habituelle
grille de lecture des clubs de Ligue 1. Le
club de la capitale est entré dans une nouvelle ère économique. Doté d’un budget
de 150 millions d’euros, il a d’emblée exprimé sa suprématie marchande lors du mercato estival. Au cortège de nouvelles
recrues (Kevin Gameiro, Jérémy Ménez,
Salvatore Sirigu et Diego Lugano) s’agrège
le transfert du prodige argentin Javier Pastore pour la somme record de 42 millions.
En coulisse, une révolution s’opère sur
le plan politique. Milieu de terrain adulé
lors de son passage au PSG, le Brésilien Leonardo est recruté comme directeur sportif
par les décideurs de Doha. Fin négociateur, cet homme de réseau devient la clé
devoûte de l’organigramme parisien. Malgré l’éviction de l’ex-dirigeant Robin
Leproux, l’intrigant « Leo » choisit initialement de conserver Antoine Kombouaré,
l’entraîneur en poste depuis deux saisons.
Cettemarque de confiancese meut rapidement en sursis pour le technicien kanak.
« Je m’attendais à ce qu’il y ait changement, va inlassablement répéter l’intéressé. On m’a dit que ma situation dépendrait
des résultats. Il y a des dirigeants au-dessus
de moi. C’est leur argent. Ils font ce qu’ils
veulent. »
Malgré des résultats satisfaisants qui
placent le PSG en tête du classement à la
trêve et sa popularité auprès des supporteurs, Antoine Kombouaré est perçu tel un
choix par défaut à Doha. Pour les nouveaux maîtres du PSG, il appartient à une
ère révolue. Celle de l’ancien propriétaire
du club, le fonds d’investissement américain Colony Capital. Leonardo ne tarde pas
à entamer des pourparlers avec son ancien
entraîneur au Milan AC, Carlo Ancelotti.
Dès les premières défaites, la succession
d’Antoine Kombouaré, sous contrat jusqu’en juin 2013, se précise. Acculé par ses
dirigeants, le coach parisien s’accroche au
soutien de ses joueurs et des médias. « Le
groupe vit dans une bulle. Il est autour de
son entraîneur », confessait, début décembre, le défenseur Zoumana Camara. Le sort
d’Antoine Kombouaréest scellé dès lespremières heures de la trêve hivernale.Au lendemain d’un succès (1-0) à Saint-Etienne,
le technicien est limogé le 22 décembre par
Leonardo. Il paie notamment l’élimination précoce du club en Ligue Europa, l’un
des objectifs sportifs définis par les investisseurs qataris.
La veille de ce licenciement, les médias
avaient annoncé pour janvier 2012 l’arrivée fastueuse de la star britannique David
Beckham. Estimé à 800 000 euros mensuels, le salaire du « Spice boy » confirme
le virage économique pris par le PSG. Par
son impact commercial, la « marque Beckham » devrait contribuer au rayonnement planétaire du club parisien. A près
de 37 ans, l’ancienne idole de Manchester
United et du Real Madrid sera-t-elle présentée, début janvier, lors du stage de son
équipeà Doha ? Si l’ex-capitaine de la sélection anglaise ne sera probablement pas aligné, dimanche 8 janvier, en Coupe de France, Carlo Ancelotti devrait diriger ce jour-là
son premier match pour le PSG, face aux
amateurs deLocminé. Comme uneopposition entre deux mondes. p
Rémi Dupré
D Lire aussi dans « M »
« David Beckham, pop star du foot »
Frédéric Thiriez : «Le football français a besoin de stars »
Le président de la Ligue de football professionnel salue la politique du club parisien
Que vous inspirent les mouvements actuels
au Paris -Saint-Germain (PSG) ?
C’est une très bonne nouvelle, on a besoin
de clubs qui tirent tout le monde vers le haut,
comme le PSG, Lyon, Marseille ou Lille. Et puis,
on a besoin de stars. Cela fait des années qu’on
se plaint de ne pas en avoir en France. Là, on ne
parle pas de n’importe quelles stars. L’arrivée
d’un joueur comme Beckham va susciter un
engouement considérable.
Comprenez-vous le désarroi des supporteurs parisiens qui ont le sentiment que le
club perd son identité ?
Quand on voit que le Parc des Princes est
plein à chaque match, je ne suis pas sûr que
cela traduise un désarroi. Pour autant, je peux
comprendre les inquiétudes de certains, qui
sont liées à ce qu’est le football moderne. Mais
ceux qui supportent Paris devraient être heureux que le PSG soit en train de devenir un
grand club, de niveau mondial.
ce du championnat de France a toujours été
d’être équilibré. L’argent, Dieu merci, ne fait
pas tout. Ça aide, mais ça ne fait pas tout.
Le PSG risque-t-il de créer un déséquilibre
néfaste au championnat de France ?
Le modèle idéal serait-il une Ligue 1 avec
vingt PSG ?
Pour l’instant, ce n’est pas le cas, il n’y a qu’à
voir les affluences dans les stades ou les
audiences à la télévision. Vous me parlez du
fameux problème d’un football à deux vitesses. Je vais vous répondre par une métaphore :
prenez un train, vous observerez que le dernier wagon roule aussi vite que la locomotive.
Le vingtième club de Ligue 1 a besoin d’une
locomotive, notamment en termes de marketing et de sponsoring.
La saison dernière, Lille a fait un très beau
champion. Et Lille, ce n’est pas le plus gros budget, ce ne sont pas les plus grandes stars. La for-
Tout le monde sait que le football français a
besoin de capitaux. La France est dans le top 5
des championnats européens, mais elle est
bonne dernière sur le plan financier. La Ligue 1
pèse, en gros, un milliard d’euros. Le championnat anglais, 2,5 milliards. Et on joue les
mêmes coupes d’Europe ! Si de nouveaux
investisseurs arrivent, qu’ils soient français ou
étrangers, je dis banco, à deux conditions :
qu’il s’agisse d’un engagement pérenne et de
capitaux propres. Sur ces deux points, les Qataris sont au-dessus de tout soupçon. p
Propos recueillis par Henri Seckel