Mission type d`expertise - T.Papart

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Mission type d`expertise - T.Papart
L’expertise judiciaire pour évaluer le préjudice corporel…..
A. Mission d’expertise d’évaluation du préjudice corporel.
I Procédure
Les parties ayant, expressément renoncé conformément à l’article 972 §1 à la réunion
d’installation, le tribunal désigne en qualité d’expert judiciaire:
M………….. , docteur en médecine avec la mission suivante au terme de laquelle :
1.
L’expert convoquera endéans les 8 jours de la notification de sa mission
-Par pli recommandé les parties à la cause : M……,
-Par pli simple :
Les conseils juridiques réciproques soit :
Pour……
Maître
Pour……
Maître
Les conseils techniques de chacune des parties à la cause soit :
Pour….
Le docteur
Pour….
Le docteur
En informera le tribunal par pli simple
En mentionnant les lieu, date et heure de la première réunion d’expertise, laquelle ne pourra en
aucun cas être postérieure de plus de deux mois de la notification officielle de sa mission.
2.
L’expert désigné
-entendra M…..
explications,
et les conseils juridiques et médicaux respectifs en leurs
-prendra connaissance des dossiers et documents médicaux des parties, documents
qui auront du lui être communiqués 15 jours avant la première réunion.
-établira (en tête de son rapport) une fiche reprenant l’identité complète de la victime
son état civil, sa situation familiale, sa formation scolaire, sa situation professionnelle
passée et actuelle, ses antécédents médicaux, ainsi que s’il y a lieu ses loisirs
favoris déclarés;
-décrira avec précision les lésions et troubles constatés et plaintes formulées, il
précisera dans quelle mesure ils sont imputables à l’accident.
- Dans l’hypothèse où il serait démontré que la victime est ou était atteinte d’un défaut
physiologique ou d’une maladie avérée indépendante de l’accident, l’expert
déterminera si et dans quelle mesure cet état antérieur avéré a été modifié par
l’accident ou a modifié les conséquences de l’accident.
1
II Préjudice temporaire :
3.
L’expert déterminera sur une échelle de 0 à 100 le taux d’atteinte à l’intégrité
physique et psychique (AIPP) durant les périodes temporaires totales et
dégressives ( en précisant le cas échéant, les barèmes auxquels il aura eu
égard) Ce taux théorique sera d’ordre strictement médical sans égard aux
répercussions concrètes qu’il a pu avoir sur la victime.
4.
L’expert précisera si des prothèses, orthèses, aménagements d’immeuble (en
ce compris d’un point de vue domotique) ou de véhicule sont de nature à
faciliter la vie personnelle, domestique ou professionnelle de la victime. Dans
l’affirmative, il en précisera le coût.
L’expert précisera également si, durant ces périodes temporaires dégressives,
l’état de la victime a nécessité l’aide d’une tierce personne, qualifiée ou non ,il
en précisera la nature et l’importance horaire en tenant compte des moyens
d’assistance existants et disponibles.
5.
Incapacité personnelle temporaire
L’expert déterminera en distinguant les périodes d’hospitalisation des autres
périodes sur une échelle de 0 à 100 les taux d’Incapacité personnelle
temporaire totale et dégressive.
6.
Incapacité économique temporaire.
L’expert déterminera en les précisant et en les quantifiant sur une échelle de 0 à
100 les répercussions éventuelles de cette AIPP temporaire totale et dégressive
sur l’activité professionnelle passée et présente de la victime ( en ce compris en
tenant compte des éventuels efforts accrus consentis ou non par la victime en
cas de reprise totale ou partielle du travail).
7.
Incapacité ménagère temporaire
L’expert déterminera en les précisant et en les quantifiant sur une échelle de 0 à
100 les répercussions éventuelles de cette AIPP temporaire totale et
dégressive sur les activités domestiques et ménagères de la victime (en tenant
compte d’une éventuelle aide extérieure antérieure à l’accident d’un conjoint ou
d’un tiers).
8.
L’expert déterminera en les précisant les répercussions éventuelles de cette
AIPP temporaire totale et dégressive sur les préjudices particuliers dont il n’a
pas été tenu compte dans les taux précédents compte tenu de leur importance
particulière (préjudice esthétique, préjudice sexuel, préjudice d’agrément).
9.
L’expert déterminera s’il convient de retenir des souffrances physiques ou
morales spécifiques qui n’ont pas été intégrées dans les taux d’incapacité
personnelle, économique et ménagère , et dans l’affirmative, il décrira et
évaluera ces souffrances dans le temps sur une échelle de 1 à 7.
II Préjudice permanent :
10.
L’expert donnera un avis circonstancié quant à la date de guérison ou de
consolidation des lésions,il déterminera la date de consolidation du tableau
2
séquellaire et déterminera en précisant le cas échéant le barème utilisé le taux
d’atteinte à l’intégrité physique et psychique ( AIPP) dont restera définitivement
atteinte la victime.
11.
L’expert déterminera si, après la date de consolidation des lésions, une
prothèse ou autre moyen d’assistance sera nécessaire ou simplement utile ;
Dans l’affirmative il précisera qu’il en a été tenu compte dans la fixation des
différents taux d’incapacité permanente et en déterminera le coût ainsi que la
fréquence de renouvellement et d’entretien.
12.
L’expert déterminera si, après la date de consolidation des lésions, la victime
devra recourir à l’aide de tiers, qualifiée ou non et précisera la nature et
l’importance horaire de cette aide en tenant compte des moyens d’assistance
existants et disponibles.
Dans l’affirmative, l’expert précisera qu’il en a été tenu compte dans la fixation
des différents taux d’incapacité permanente.
13.
L’expert déterminera :
-Sous le verbo « Incapacité personnelle » :
Si et dans quelle mesure ( sur une échelle de 0 à 100) les
séquelles permanentes imputables à l’accident ont ou auront
des répercussions sur la vie de tous les jours de la victime (
incapacité personnelle).
-Sous le verbo « Incapacité économique » :
Si et dans quelle mesure ( sur une échelle de 0 à 100) les
séquelles permanentes imputables à l’accident constituent, à
titre définitif, un handicap professionnel pour la victime, en
considérant tant ses professions antérieures, sa profession
actuelle et les autres activités lucratives, qui lui demeurent
raisonnablement accessibles en fonction de ses possibilités
réelles de réadaptation compatibles avec son age, sa
qualification et l’orientation de sa vie professionnelle antérieure
ainsi que du marché du travail. Il aura également égard aux
éventuels efforts accrus consentis ou non par la victime en cas
de reprise partielle ou totale du travail ( incapacité économique).
-Sous le verbo « Incapacité ménagère » :
Si et dans quelle mesure ( sur une échelle de 0 à 100) les
séquelles permanentes imputables à l’accident ont et auront une
répercussion sur la capacité ménagère de la victime ( incapacité
ménagère).
-Sous le verbo des « Préjudices particuliers » :
Si et dans quelle mesure les séquelles permanentes imputables à
l’accident ont ou auront une répercussion objectivable
particulière et significative dont il n’a pas été tenu compte dans
la fixation des différents taux d’incapacité permanente sur :
-Le préjudice esthétique
3
Il décrira et évaluera ce préjudice esthétique permanent sur une
échelle de 1 à 7.
Dans la mesure où des possibilités de corrections existent de le
préciser et de déterminer le risque et le coût de cette ou de ces
interventions éventuelle(s) les périodes d’incapacité résultant de
cette opération et le préjudice le cas échéant qui subsisterait
après celle(s)-ci.
-La sexualité de la victime et de son partenaire:
-Les activités sociales, culturelles ou sportives menées avec
assiduité avant l’accident par la victime. ( préjudice d’agrément)
-Les souffrances physiques ou morales permanentes spécifiques
qui n’ont pas été intégrées dans les taux d’incapacité
personnelle, économique ou ménagère , et dans l’affirmative, il
les décrira.
14
L’expert déterminera si, compte tenu de l’état de santé de la victime, des
réserves doivent être prévues,
15
De manière générale, l’expert éclairera le Tribunal, relativement à l’état de la
victime, sur toutes les conséquences dommageables de l’accident tant avant
qu’après consolidation.
16
L’expert répondra aux questions pertinentes posées par l’une ou l’autre partie
endéans les délais impartis.
17
L’expert tentera de concilier les parties ( art 977 CJ)
18
L’expert déposera rapport final sous la foi du serment au Greffe de la présente
Juridiction endéans les 6 mois soit au plus tard le……..
III Provisions et honoraires :
19
Sous réserves des dispositions reprises à l’article 988 CJ, invite la partie………
à payer entre les mains de l’expert endéans les 15 jours de la notification du
présent jugement une provision sur frais et honoraires de 750 euros.
Pour mémoire
La présente mission sera accomplie dans le strict respect de l'article 44 du Code d'instruction
criminelle ou des articles 962 et suivants du Code judiciaire (selon le type de procédure) et de
l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ce qui implique de manière
non limitative que:
Toutes les opérations doivent être effectuées contradictoirement et que toutes les parties
seront appelées afin d'y participer, à moins que celles-ci ne l'en aient expressément dispensé
vu le caractère strictement technique de certaines opérations.
4
L’expert communiquera aux parties un avis provisoire sous forme de préliminaires, en
permettant aux parties de formuler leurs observations endéans un délai raisonnable de 1
mois. (Art 976 CJ).
Le rapport définitif répondra à toutes les observations formulées dans les délais impartis par
les parties.
Si le dossier requiert des devoirs, investigations ou examens complémentaires ne permettant
pas à l’expert de déposer son rapport endéans le délai initialement fixé ou si la consolidation
apparaît très éloignée dans le temps, l'expert, rédigera un rapport intermédiaire au plus tard
avant l’expiration du terme de 6 mois et sollicitera de façon motivée une prolongation de
délais en se conformant à l’article 974 CJ.
L’expert exécutera sa mission sous le contrôle du juge, qui peut à tout moment, d’office ou à
la demande des parties assister aux opérations (art 973 §1 CJ). Les parties et l’expert
peuvent s’adresser à tout moment au juge par lettre missive motivée ( art 973 §2 CJ).
Le rapport final précédé du serment sera signé par l’expert (art 978 §1 CJ)
5
B.L’expertise pour évaluer le préjudice corporel…..
Les attentes du magistrat…….
Le magistrat n’est pas omniscient ; il est incapable d’établir le tableau séquellaire d’une
victime atteinte dans son intégrité physique et/ou psychique.
Conformément et dans les limites des articles 962 CJ et suivants tels que modifiés par la loi du
15 mai 2007 entrée en vigueur le 1 septembre 2007, il sollicitera l’avis éclairé d’un expert.
C’est nécessairement au travers du libellé de la mission d’expertise que les attentes du
magistrat vont se formaliser.
Le libellé de cette mission est ainsi capital puisqu’il cadrera précisément tout le processus
d’évaluation qui servira ensuite de matrice au calcul d’indemnisation.
Au-delà d’une description précise des différentes atteintes sous forme de tableau séquellaire
et d’un taux d’atteinte à l’intégrité physique et psychique, le magistrat souhaitera surtout être
informé sur toutes les conséquences fonctionnelles de cette atteinte et sur les répercussions
avérées et/ou potentielles qu’elles peuvent avoir sur la vie de la victime dans toutes ses
composantes, qu’elles soient économiques, ménagères et/ou personnelles.
L’expert se prononcera dans les limites de ses compétences juridico-médicales sur les
différentes questions qui lui sont posées.
Si la longueur du libellé de la mission proposée ci dessus peut étonner voire rebuter certains,
une fois assimilée comprise et maîtrisée, elle devrait sensiblement améliorer la qualité de
l’indemnisation de la victime sans surcharge significative du travail de l’expert.
Afin de prévenir les objections de certains détracteurs, il convient de préciser que cette
nouvelle approche n’a nullement ni pour objectif, ni pour effet de majorer l’indemnisation du
dommage corporel en multipliant les postes de préjudices.
Cette mission doit davantage être considérée comme un aide mémoire qui permettra à l’expert,
bien organisé, d’éviter omission ou redondance et d’éclairer aussi complètement que possible
le règleur, l’avocat et le magistrat sur les différents aspects du préjudice subi ou à subir par la
victime.
L’expert doit avoir le courage de la rigueur. Il ne reconnaîtra l’existence d’un dommage que
lorsque celui-ci aura été objectivement constaté ou reconnu.
L’expert doit aussi avoir le courage de la modestie. Lorsqu’il ne peut répondre à l’une ou
l’autre question posée et à défaut de pouvoir recourir à l’éclairage spécialisé d’un sapiteur, il
fera part de ses limites, plutôt que de s’aventurer sur le terrain aussi glissant qu’aléatoire des
affirmations péremptoires ou ambiguës .
C’est sur base de ce scanner aussi complet que possible des atteintes et de leurs
répercussions précisément catégoriées qu’un calcul d’indemnisation pourra dans un second
temps être envisagé, logiquement formulé et s’y greffer dans le strict respect des principes
généraux du droit de l’indemnisation.
C’est dans ce contexte qu’une redéfinition de l’arborescence de l’évaluation et des différentes
notions utilisées est apparue nécessaire….
6
Par souci pédagogique, cet exercice sera réalisé à partir d’une mission type en cours
d’élaboration au sein du groupe de travail « OPEP » composé d’assureurs, avocats, experts et
magistrats.
Cette mission type est une version améliorée ( et sans doute encore améliorable) de celle qui
avait été publiée dans les actes du colloque organisé par le jeune barreau de Liège le 16
1
septembre 2004 puis dans la version 2004 du vade mecum du tribunal de police.
Elle est celle de certains jugements déjà prononcés par le tribunal de police de Liège
Le résultat des travaux de ce groupe de travail et de réflexion pluri-disciplinaire axé sur le
dommage ménager fera l’objet d’une présentation lors d’une après-midi d’étude fin 2008. Dans
cette mesure le corps même de cette mission et les nécessaires définitions des concepts
utilisés ne seront pas précisément explicités dans le cadre de cette étude apéritive.
1
JF Marot « La mission de l’expert revisitée et le contrôle du juge » in Les préjudices extrapatrimoniaux : vers
une évaluation plus précise et une plus juste indemnisation » CLJBLg 2004 p 172 et suiv.
7
Remarques préliminaires
Outre les conditions préalables à la désignation d’un expert formulées par la doctrine et la
2
jurisprudence , on n’ insistera jamais assez sur le principe du caractère subsidiaire de l’expertise
expressément consacré par le nouvel article 875 Bis du code judiciaire qui précise expressis verbis «
Le juge limite le choix de la mesure d’instruction à ce qui est suffisant pour la solution du litige en
privilégiant la mesure la plus simple, la plus rapide et la moins onéreuse ».
Au terme de l’article 972 §1 CJ, le juge doit expressément indiquer dans sa décision les
circonstances qui rendent nécessaires l’expertise.
Dans le domaine de l’évaluation du préjudice corporel, d’autres modes probatoires sont notamment
3
envisageables :
L’évaluation unilatérale
Le demandeur en indemnités n’est pas nécessairement un fraudeur ou un simulateur suspect. Il
devrait à priori pouvoir bénéficier d’une présomption de bonne foi.
De la même manière, les compagnies d’assurances n’ont pas nécessairement comme seul et unique
objectif de payer le moins possible en ayant recours pour ce faire à n’importe quel moyen.
Certaines compagnies ont d’ailleurs récemment créé une cellule spécialisée d’accompagnement pour
les victimes les plus gravement atteintes.
On ne peut que se réjouir et encourager de telles initiatives qui sont de nature à apporter une aide
précieuse à la victime dans les premiers jours d’incapacité c’est à dire au moment où celle-ci a sans
doute le plus besoin d’aide, d’assistance et de réconfort.
Ce type d’accompagnement permet aussi de favoriser un climat de nécessaire confiance et de saine
collaboration entre victime fragilisée et « tiers payeur » responsable.
Dans les hypothèses de séquelles légères, la victime pourra le plus souvent obtenir une indemnisation
amiable sur base d’attestations unilatérales, relevés mutuelle, certificats médicaux établis soit par le
médecin traitant soit par le médecin de recours, attestations de l’employeur….
On n’insistera jamais assez sur le rôle capital que peut et doit jouer l’avocat de la victime dans les
jours et semaines qui suivent l’accident.
Celui-ci secondera précieusement celle-la dans toutes les démarches administratives rendues
d’autant plus fastidieuses qu’elles s’inscrivent dans un contexte de santé morale et physique souvent
précaire.
A cet égard, on ne peut que déplorer et dénoncer le caractère exagérément restrictif de certaines
polices d’assurance « défense en justice » qui confinent pernicieusement l’intervention de l’avocat ( et
4
parfois même celle du médecin de recours) à la stricte procédure civile ou pénale .
Cette attitude injustement suspicieuse qui écarte le barreau pour des raisons essentiellement
financières peut s’avérer très préjudiciable pour la victime qui se voit ainsi privée d’une aide juridique
et humaine essentielle dans les semaines et mois qui suivent l’accident.
2
Pas d’expertise lorsque :
-Les droits des parties sont déjà fixés de façon certaine.
-Le demandeur n’apporte pas un début de preuve des faits qu’il allègue
-Le demandeur ne collabore pas de façon loyale à la charge de la preuve ( O Mignolet « Nouveautés en
matière d’expertise » p 5).
3
D de Callataÿ « L’expertise du dommage corporel et de la responsabilité médicale » in « L’expertise » Ed
Bruylant. 2002. p 190 -191.
4
Sur cette question, on se réfèrera à l’étude de Catherine Paris sur les devoirs respectifs de l’assureur, de l’assuré
et de l’avocat dans la gestion du sinistre in La protection juridique et la circulation routière CUP janvier 2002 vol
52 p 65 et suiv..
8
De façon de plus en plus fréquente, les compagnies d’assurance ont tendance ( et intérêt) à favoriser
l’indemnisation amiable sur base d’un rapport « d’expertise » unilatéral.
A cet égard des médecins conseils sont régulièrement désignés par l’assureur qui est susceptible de
prendre en charge le sinistre, et ce, avant même que l’éventuel problème des responsabilités ne soit
tranché.
Ces médecins conseils mandatés par une compagnie d’assurance convoquent la victime, font réaliser
certaines mesures d’investigation spécialisées ( radios, scanner…), établissent des rapports
d’évolution et de consolidation souvent fort détaillés et documentés.
Ce type de rapports, certes unilatéralement établis,( et donc d’une valeur probatoire toute relative)
sont néanmoins très précieux pour appréhende et retracerr ensuite l’évolution dans le temps du
tableau séquellaire présenté par la victime depuis le jour de l’accident.
Il n’est d’ailleurs pas rare de voir ces rapports, à priori confidentiels, servir de base à une
indemnisation amiable ou être acceptés par les parties pour quantifier ensuite les différents
5
dommages indemnisables.
Rejoignant en ce l’avis d’un des grands spécialistes de la réparation du préjudice corporel, nous
pensons qu’accepter de transiger avec l’assureur du responsable, sur la seule base des propositions
de consolidation ou de guérison du médecin-conseil de ce dernier, sans les soumettre à la sagacité et
6
la critique d’un médecin de recours qualifié « relève néanmoins de l’angélisme ».
L’estimation de gré à gré.
Pour certains dommages matériels ( préjudices vestimentaires, effets personnels, frais administratifs,
frais de déplacement, chômage de véhicule…) et parfois pour de petits dommages extrapatrimoniaux,
les assureurs recourent à ce procédé « transactionnel » au terme duquel les parties mettent fin à
leurs différents, par la signature d’un « procès verbal d’estimation ou d’évaluation de gré à gré ».
Si cette estimation est réalisée de commun accord, en pleine connaissance ( éclairée) de cause et en
l’absence de toute pression, elle présentera l’avantage d’être consensuelle rapide et efficace.
Le tableau indicatif est généralement invoqué pour fixer les bases forfaitaires d’indemnisation.
Les expertises simplifiées :
L’article 986 CJ organise une procédure d’expertise simplifiée. Cette disposition ne parait pas pouvoir
s’appliquer à la matière de l’évaluation du préjudice corporel, vu les spécificités de celle-ci.
L’article 985 CJ par contre organise la réinterpelation simplifiée de l’expert qui pourra être entendu à
l’audience pour éclairer plus complètement le juge. Le juge pourra également procéder à l’audition
des conseils techniques respectifs.
Plus de souplesse, plus de diligence, plus d’efficacité
La combinaison des articles 19 al2 CJ et 735 CJ permet désormais de solliciter une mesure
d’instruction et singulièrement la désignation d’un expert à tous les stades de la procédure.
La demande est traitée, sauf accord des parties, en débats succincts.
En cours de procédure, cette demande peut être formulée par simple lettre adressée au greffe.
Cette simplification procédurale significative atténue le caractère contraignant de l’automaticité de la
mise en mouvement de l’expertise telle que prévue à l’article 972 §1 al2 CJ. Les parties pourront, sans
risque majeur, faire acter des réserves quant à cette demande d’expertise, le temps notamment
5
P Dion, l’évaluation des dommages à l’épreuve des procédures amiables . Formation expertise à l’attention des
magistrats novembre et décembre 2003.
6
M Evrard citant D de Callataÿ in « Le tribunal de police en mouvement » EJBLg p 66
9
d’envisager la mise en place d’une expertise amiable. Si cette tentative échoue, la partie
demanderesse peut faire très rapidement revenir le dossier à l’audience.
10
I Procédure
Les parties ayant, expressément renoncé conformément à l’article 972 §1 à la
réunion d’installation, le tribunal désigne en qualité d’expert judiciaire:
La réunion d’installation :
Le juge peut renoncer à la réunion d’installation à la condition expresse d’en avoir été dispensé par
les parties.
Le juge peut imposer cette réunion d’installation même après en avoir été dispensé par les parties.
Dans le cadre d’une expertise judiciaire classique en évaluation du préjudice corporel, après
concertation des avocats, experts et magistrats, il semble que cette réunion d’installation ne se justifie
pas dans la plupart des cas.
La réunion d’installation n’aura pas lieu non plus lorsque la partie défenderesse fait défaut, et que le
7
juge y renonce avec l’accord du demandeur .
Lors de la réunion d’installation, l’expert ne doit pas nécessairement être présent sauf si l’une des
parties ou le juge le requiert ( art §2 al 2), il peut être joint téléphoniquement. Néanmoins, si l’une des
parties le souhaite, sa comparution personnelle sera ordonnée.
A l’issue de cette réunion d’installation, le juge prend une décision ( lire ordonnance) précisant :
-L’adaptation éventuelle de la mission.
-Les lieu, jour et heure des travaux ultérieurs de l’expert.
-La nécessité pour l’expert de faire appel ou non à des conseillers techniques ( sapiteurs).
-l’estimation du coût global de l’expertise ou à tout le moins, le mode de calcul des frais et
8
honoraires de l’expert et des éventuels conseillers techniques
-le montant de la provision
-la partie raisonnable de la provision pouvant être libérée au profit de l’expert.
-le délai dans lequel les parties pourront faire valoir leurs observations à l’égard de l’avis
provisoire de l’expert.
-le délai pour le dépôt du rapport final.
Lorsqu’il n’y a pas de réunion d’installation le jugement de désignation d’expert peut inclure les
précisions ci-dessus évoquées.( art 972 §1 in fine).
Choix de l’expert :
L’article 964 du code judiciaire abrogé par la loi du 15 mai 2007 ( MB 22 aout 2007) prévoyait que le
juge ne pouvait qu’entériner l’accord des parties sur le nom de l’expert proposé.
Cet article légalement euthanasié n’a pas été remplacé à ce jour par d’autres dispositions.
De lege lata, en vertu du principe du dispositif, le juge ne peut néanmoins s’écarter de l’accord de
volonté des parties.
Il continuera ainsi à entériner ce consensus des parties.
Cette interprétation est confirmée par l’article 979 CJ qui prévoit expressément que si les deux parties
demandent conjointement le remplacement de l’expert, le juge doit accéder à cette demande
Si toutefois les parties ne sont pas d’accord ou qu’elles restent muettes ou sans avis sur le nom de
l’expert à désigner, le juge dispose alors d’un pouvoir souverain quant au choix du nom de la
personne qui sera chargée de l’éclairer, ce, sous réserve de la procédure de récusation telle que
précisément réglementée dans les articles 966 à 971 du Code Judiciaire.( cf infra).
7
H Boularba « Le nouveau droit de l’expertise judiciaire » colloque 13 octobre 2007, Editions Larcier p 45.
X Malengreau préconise le renvoi ( avec adaptation dans une fourchette de 50 à 100% !) au barême répressif (
AR 27 avril 2007 MB 25 mai 2007 p 28239) afin de tenir compte de la surcharge de travail résultant du caractère
contradictoire de l’expertise civile.
8
11
La liste d’experts :
L‘article 991 du code judiciaire prévoyait que les cours et tribunaux pouvaient établir des listes
d‘experts selon les règles fixées par le Roi.
Aucun Arrêté royal n’a été adopté depuis 1967 pour préciser les modalités d’élaboration de ces
futures « listes d’experts ».
De nombreuses propositions de lois, et recommandations notamment du Conseil Supérieur de la
9
Justice ont vu le jour afin de tenter de mettre en place un système de liste d’experts.
Aucune de ces propositions ni recommandations n’a pu déboucher sur une modification légale tant le
sujet était sensible et aurait rapidement été miné par un contentieux parasite annexe paralysant.(
10
fixation et contrôle des critères d’agréation..).
Le législateur de 2007 a, malgré les recommandations du Conseil Supérieur de la magistrature
préféré abroger purement et simplement cette disposition qui avait fait couler beaucoup trop d’encre,
le sujet étant manifestement parasité par l’intervention de divers lobbies.
Les parties et les tribunaux ont donc ( provisoirement) théoriquement toute liberté pour ( continuer à)
désigner des experts de leur choix.
L’annuaire administratif et judiciaire de Belgique publie à titre strictement indicatif et de façon très
parcellaire des listes officieuses d’experts parmi lesquelles les juges peuvent, le cas échéant choisir
librement un ou des experts.
Chaque tribunal, voire chaque juge, dispose actuellement de la plus grande latitude dans le cadre de
la désignation de la personne qu’il estime la plus capable, la plus compétente pour l’éclairer tantôt sur
les circonstances exactes d’un accident et les responsabilités susceptibles d’être engagées, tantôt sur
l’évaluation d’un dommage matériel ou corporel, tantôt sur l’aptitude médicale et psychologique d’une
personne à la conduite d’un véhicule automoteur.
Certaines juridictions n’ont pas attendu l’avis du Conseil supérieur de la Justice ni l’adoption de l’avant
projet de loi modifiant le code judiciaire pour établir officieusement des listes d’experts à usage interne
dont on pourrait parfois regretter le caractère strictement interne voire secret.
Recours à un ou plusieurs sapiteurs
Les sapiteurs sont des spécialistes auxquels l’expert peut faire appel, sous son entière responsabilité,
pour l’éclairer sur certains points de sa mission pour lesquels il n’a pas ou considère ne pas avoir les
qualités techniques et scientifiques requises.
En aucun cas l’expert ne pourrait déléguer l’intégralité de sa mission, qui par définition lui est confiée
« intuitu personae ».
Le rapport du ou des sapiteurs sera annexé in extenso au rapport de l’expert afin d’en assurer la
communication et une éventuelle critique contradictoire.
Notification automatique de la mission par le greffe
Le nouvel article 973 §2 al 3 CJ prévoit désormais que « Dans les 5 jours (du prononcé du jugement
de désignation) le greffier en avise les parties et leurs conseils par missive, ainsi que l’expert et , le
cas échéant , les parties qui ont fait défaut, par pli recommandé ».
Ainsi depuis le 1 septembre 2007, la mise en route de l’expertise ne dépend plus de la volonté de la
partie la plus diligente.
11
Les délais d’acceptation ou de refus de mission , ainsi que les délais de convocations commencent
donc à courir dès cette notification « automatique ».
L’article 972 bis précise néanmoins que « Si toutes les parties ou leurs conseils demandent un report,
l’expert est tenu d’y consentir. Dans les autres cas, il peut refuser ou consentir le report et il notifie sa
décision au juge par missive ».
Ainsi si les parties préfèrent de commun accord envisager ou négocier un règlement amiable du litige,
elle pourront « suspendre le vol » de l’expertise judiciaire.
9
Cf notamment avis du CSJ du 29 juin 2005 p 8 et suiv.
D de Callataÿ « Actualités de l’expertise médicale en droit commun » in « La réparation du dommage » Ed
Anthemis p 8 à 12. Th Papart « La formation, le statut et le rôle de l’expert » in Préjudices extrapatrimoniaux :
vers une évaluation plus précise et une plus juste indemnisation, Jeune Barreau de Liège, 2004, p 139.
11
Cf infra
10
12
Expertises amiables
Les nouvelles dispositions du code judiciaire ne s’appliquent pas aux expertises amiables qui restent
12
strictement réglementées par le consensualisme de l’article 1134 CCiv.
12
Sur les choix possibles, avantages dangers et inconvénients des procédures d’expertises amiables et judiciaires
nous renvoyons le lecteur à nos commentaires in « Traité de l’expertise » éditions Kluwer à paraître.
13
M………….. , docteur en médecine avec la mission suivante au terme de
laquelle :
Un ou plusieurs experts ?
Au terme de l’article 982, le juge garde le pouvoir discrétionnaire de désigner un ou plusieurs experts.
Compte tenu du coût élevé des expertises, le recours au collège d’experts ne doit être
qu’exceptionnel. C’est d’ailleurs l’indication du législateur qui précise que si le juge a recours à un
collège d’experts, il doit préciser les circonstances qui rendent nécessaire cette collégialité.
Compatibilité des mandats judiciaires et privés.
Cette question de compatibilité des mandats judiciaires avec des missions privées pour le compte de
particuliers ou d’entreprises d’assurance est particulièrement délicate dans le cadre de l’expertise
13
médicale.
Nombreux sont effectivement les médecins qui interviennent tantôt comme médecin conseil d’une
compagnie d’assurance, tantôt comme médecin de recours, tantôt comme expert amiable ou
judiciaire, tantôt comme arbitre pour instruire ou trancher le différend opposant un particulier, victime
d’un accident de la circulation et une compagnie d’assurance couvrant la responsabilité civile de
l’auteur responsable ou le véhicule impliqué..
A Lorsqu’il s’agit d’une collaboration ponctuelle ou occasionnelle pour telle compagnie d’assurance,
on peut « encore » croire ou espérer que le médecin désigné ensuite ( dans un autre dossier) comme
expert judiciaire impliquant cette compagnie d’assurance conservera toute son indépendance et toute
son impartialité.
14
B. Lorsque, par contre, un médecin est le médecin conseil « habituel » d’une compagnie
d’assurance et alors même qu’il n’est pas sous les liens d’un contrat de travail ou de collaboration
habituelle, on peut légitimement craindre que ces relations professionnelles suivies soient
susceptibles d’altérer même inconsciemment l’indispensable impartialité ou en tout cas l’apparence
15
d’impartialité qu’implique nécessairement toute mission d’expertise judiciaire .
Dans ce cas de figure, il serait hautement souhaitable que, par application du principe de précaution,
le médecin expert, conseil d’une compagnie d’assurance, renonce à la mission dans laquelle sa
mandante habituelle est à la cause.
Cette nécessaire réserve lui éviterait tout procès d’intention de la part des parties à la cause ou de
16
tiers, mais surtout tout « porte à faux » avec sa mandante .
Cette attitude, déjà adoptée par certains experts judiciaires, est d’ailleurs de nature à renforcer son
autorité morale et son crédit auprès des autorités judiciaires..
C. La situation est enfin encore différente lorsqu’il s’agit d’apprécier la compatibilité des mandats de
médecin de recours et de médecin expert.
Si l’expert judiciaire est précédemment intervenu comme médecin de recours pour la personne visée
par l’expertise, l’incompatibilité est évidente et ne fera l’objet d’aucune discussion possible.
Il s’agit d’ailleurs d’une cause de récusation légalement prévue par l’article 828 CJ.
13
D de Callataÿ « Actualités de l’expertise médicale en droit commun » in « La réparation du dommage » Ed
Anthemis p12 à 17.
14
Habituel : selon Larousse : très fréquent
15
P. Martens « opinion dissidente sous arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme 30 octobre 1991, JT
1992, p 175.
16
En France une circulaire ministérielle du 2 juin 1975 énonce « …il serait opportun… qu’une personne qui
serait attachée directement ou indirectement à une compagnie d’assurances, comme médecin ou comme
technicien automobile, ne soit pas inscrite sur une liste d’experts judiciaires » D’autre part l’article 105 al 2 du
code de déontologie médicale précise que « Un médecin ne doit pas accepter une mission d’expertise dans
laquelle sont en jeu ses propres intérêts, ceux d’un de ses patients… ou d’un groupement qui fait habituellement
appel à ses services ».
14
Par contre, on ne pourrait, à notre estime, suspecter à priori l’impartialité et l’indépendance d’un expert
judiciaire en l’accusant d’une propension naturellement favorable aux victimes, au seul motif qu’il
interviendrait « régulièrement » comme médecin de recours.
L’expert et ses qualités intrinsèques :
17
« Donnez-moi un bon expert, je vous ferai des expertises à la fois rapides et bonnes» .
18
19
L’expert est celui « qui a une parfaite connaissance d’une chose, par une longue pratique ».
-L’expert est le conseiller technique du juge : désigné d’office ou à la requête d’une partie, l’expert
a pour mission d’éclairer de son savoir et de son expérience le magistrat qui l’a requis. A aucun
moment il ne peut se substituer à celui –ci.
Son avis (qui ne lie pas le juge) est d’ordre strictement médical ou technique ; en aucun cas, l’expert
20
ne doit ni ne peut trancher le droit .
« Il exécute sa mission selon les règles propres de sa science, comme il conclut détaché de tout souci
21
de ce qui est en dehors de ses connaissances spéciales ».
Ainsi, s’il est souhaitable que l’expert connaisse les conséquences financières que vont
nécessairement avoir l’avis circonstancié et les conclusions de son rapport, celles-ci ne peuvent
néanmoins en rien guider ou influencer le cours son raisonnement.
-L’expert est un homme d’expérience : cette expérience présuppose des connaissances techniques
et scientifiques approfondies, elle doit aussi nécessairement pouvoir fonder son savoir sur une
pratique régulière qui lui a permis et continue à lui permettre une observation des différentes
pathologies séquellaires des thérapies et moyens techniques susceptibles de les soigner et de les
guérir.
Un expert doit, selon nous, être nécessairement en phase avec la science pour laquelle il est consulté
par le pouvoir judiciaire.
-L’expert est un observateur privilégié : à l’occasion de ses différentes vacations, l’expert est amené
à rencontrer les différentes parties à la cause. Lors de ces entretiens, il recueillera souvent des
informations précieuses qu’il consignera, méticuleusement, sans compassion ni complaisance, dans
son rapport afin d’éclairer aussi complètement que possible le magistrat qui l’a désigné.
-L’expert doit être un excellent coordinateur, il est en effet souvent amené à collationner un
ensemble d’informations auprès de sapiteurs, conseils techniques, avocats, et en faire une synthèse.
-L’expert doit être psychologue : chargé de « scanner » les séquelles d’une victime, il devra en
toutes circonstances ménager les susceptibilités des uns et des autres en évitant toute approche
humiliante.
L’expert médecin doit savoir que l’expertise médicale est très péniblement ressentie par celui qui doit
22
s’y soumettre .
Il examine une victime et non un accusé ; il doit , à tout instant, assurer loyalement à la fois la
confiance de la personne examinée et l’objectivité absolue de son opinion.
23
Il doit être circonspect dans ses propos, et en toutes circonstances rester parfaitement courtois.
-L’expert est nécessairement un homme intègre et courageux, ferme et diligent dans sa mission.
17
F Terré « L’expertise dans les principaux systèmes juridiques d’Europe » 1969.
Définition du petit Larousse illustré.
19
« L’expert judiciaire est une personne qualifiée en raison de ses connaissances qui, sans être son mandataire,
est désigné par le juge pour lui donner en toute indépendance et impartialité un avis d’ordre technique en vue de
l’exercice de la mission dont ce juge est saisi » Cass 15 février 2006 RG P 051583F inédit.
20
P Lurquin « l ‘expertise médicale » p 75
21
M Trousse cité par J Colin « Quelques réflexions sur l’expertise médicale » RGAR 1983 p 10620.
22
R Le Clercq « l’expertise médicale du point de vue de l’avocat » RGAR 1983 p 10619.
23
Lurquin « l’expertise médicale » Bruylant 1989 p 79.
18
15
L’expertise est un acte médical particulier par lequel le rôle du médecin n’est ni de soigner, ni de
tenter de guérir le malade, mais seulement de faire des constatations médicales en vue de
l’établissement d’une preuve.
24
Cette finalité particulière impose une éthique rigoureuse d’humanité et d’impartialité . Un bon expert
n’est pas celui qui rédige son rapport en fonction de ce qu’il imagine qu’une partie souhaiterait
pouvoir lire.
Si certaines vérités sont parfois difficiles à accepter, l’expert doit avoir le courage de les énoncer tout
en prenant un soin particulier pour éviter des propos ou remarques qui pourraient blesser.
-L’expert doit être un sage : disposant d’une compréhension circonstancielle d’ensemble, d’une
clairvoyance de tout instant et d’une grande capacité d’analyse.
-L’expert est souvent un homme seul : pour préserver son indépendance et son objectivité, il
entretiendra une nécessaire distance tant avec la victime et ses conseils qu’avec le tiers et ses
représentants ainsi que le tiers payeur.
-L’expert est tenu au secret professionnel : l’expert fait en effet partie des personnes qui sont
appelées à prêter leur concours professionnel à la justice. A ce titre elles tombent sous l’application de
l’article 458 du code pénal.
Ce descriptif impressionnant du profil type que devrait avoir tout expert fait apparaître le degré
d’exigence que le magistrat est en droit d’attendre de la personne à qui il confie la délicate mission de
l’éclairer.
Loin de devoir décourager les candidats experts, il constitue le fil rouge auquel doit se tenir celui qui
accepte une mission d’expertise, charge à très haute responsabilité.
Ces différentes exigences de qualité serviront également de référence au magistrat lorsqu’ en vertu du
nouvel article 991 CJ il sera amené à apprécier et fixer le montant des frais et honoraires puisque le
texte précise « (le juge) tient surtout compte de la rigueur avec laquelle le travail a été exécuté, du
respect des délais impartis ( cf infra) et de la qualité du travail fourni ».
L’impartialité de l’expert :
Il est essentiel que l’expert désigné se trouve effectivement dans une situation d’impartialité objective.
Celle ci n’est qu’une des conséquences évidentes du droit de chacun à un procès équitable inscrit à
l’article 6 §1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
Au-delà même de cette impartialité objective, l’expert doit présenter toutes les apparences
d’impartialité.
P. Martens énonçait très justement que :
« Les apparences désignent des facteurs objectifs, perceptibles, observés par les parties ou le
public connu d’eux…. L’idée est que lorsque ces facteurs sont tels qu’il y a une possibilité que…
l’expert ait un préjugé, il importe peu qu’il l’ait réellement… Le principe de l’égalité des armes requiert
par ailleurs que tout expert judiciaire soit considéré, dans de telles circonstances, comme un expert ou
25
un témoin partial ».
Lorsque l’impartialité de l’expert est mise en cause à bon escient, la procédure spéciale de la
récusation prévue à l’article 966 CJ, articulée sur les motifs limitativement énoncés à l’article 828 CJ
débouchera, le cas échéant, sur l’éloignement de l’expert.
La procédure de récusation
24
Y Lambert-Faivre Droit du dommage corporel, Systèmes d’indemnisation p83.
P. Martens « opinion dissidente sous arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme 30 octobre 1991, JT
1992, p 175.
25
16
Les nouvelles dispositions du code judiciaire n’ont en rien touché à la procédure de récusation telle
que précisément réglementée aux articles 966 et suivants du code judiciaire.
Sur les délicates limites entre les procédures de récusation et de remplacement d’expert ainsi que sur
les voies de recours ouvertes à un expert récusé ou remplacé nous renvoyons le lecteur aux
26
commentaires rédigé par C De Boe .
En tout état de cause dans la mesure où le nouvel article 979 CJ prévoit que le juge doit, sur
demande conjointe des parties, procéder au remplacement de l’expert, ce dernier reste à la merci de
la volonté conjointe des parties. Il n’a aucun droit acquis à se maintenir dans sa fonction d’auxiliaire
27
de justice .
La mission d’expertise
L’article 11 du code judiciaire auquel la Cour de Cassation reconnaît le caractère de règle d’ordre
public interdit au juge de déléguer ses attributions juridictionnelles.
La mission ne peut par conséquent porter que sur des questions strictement techniques.
La mission confiée par le tribunal fixe de façon stricte le cadre dans lequel l’expert, auxiliaire de justice
et conseil technique du juge, devra se tenir.
En vertu de l’article 972 §1, la mission doit être précisément libellée. Un soin tout particulier doit être
réservé au libellé de cette mission qui doit être précise, complète et pertinente afin de permettre dans
un second temps au magistrat de disposer de toutes les données de fait utiles à la rédaction du
jugement.
L’expert a l’obligation de répondre à toutes les questions, mais rien qu’aux questions qui lui sont
posées.
En aucune façon l’expert ne peut éluder les questions qui lui sont posées, en ayant le cas échéant le
courage et l’honnêteté intellectuelle de ne pas outrepasser ses compétences.
L’expert ne peut à l’inverse, ni outrepasser ledit cadre en évoquant des points pour lesquels il n’a pas
été consulté, ni se substituer au juge qui l’a désigné.
26
C De Boe « de la récusation et du remplacement de l’expert » JT 2007 N° 6288 p 812 et suiv.
O Mignolet «Le régime général de l’expertise, modifié par la loi du 15 mai 2007 et la saisie en matière de
contrefaçon » in Nouveautés en matière d’expertise et de propriété intellectuelle, Bruxelles, Larcier 2007, p 44.
27
17
2.
L’expert convoquera endéans les 8 jours de la notification de sa mission
-Par pli recommandé les parties à la cause : M……,
-Par pli simple :
Les conseils juridiques réciproques soit :
Pour……
Maître
Pour……
Maître
Les conseils techniques de chacune des parties à la cause soit :
Pour….
Le docteur
Pour….
Le docteur
En informera le tribunal par pli simple
En mentionnant les lieu, date et heure de la première réunion
d’expertise, laquelle ne pourra en aucun cas être postérieure de plus de
deux mois de la notification officielle de sa mission.
Refus ou acceptation de la mission par l’expert
Si l’expert refuse sa mission il doit en aviser toutes les parties et le tribunal endéans un délai de 8
jours.
Ce refus doit être motivé. ( art 972 §1 CJ)
Si l’expert accepte la mission, et qu’aucune réunion d’installation n’a été prévue, il «dispose »
28
légalement de 8 jours pour communiquer les lieu , jour et heure du début de ses travaux.
29
Il fut constaté dans un passé récent que les experts médecins enregistraient un important retard
dans l’exécution de la mission qui leur était confiée du seul fait de l’ignorance de l’identité des conseils
techniques intervenant pour chacune des parties.
Il nous est apparu nécessaire dans le cadre des « bonnes pratiques » de rencontrer cette
préoccupation, génératrice d’arriéré judiciaire en ne procédant, sauf circonstances particulières, à la
désignation d’un expert judiciaire qu’après que chacune des parties ait communiqué le nom du conseil
technique qui suivrait l’expertise. Le jugement d’expertise reprendra, outre les coordonnées complètes
des parties à la cause, l’identité de chacun de leurs conseils techniques et juridiques
28
Ce délai n’est toutefois pas assorti de sanction directe . Un retard anormal pourrait néanmoins être sanctionné
par le magistrat lors de la taxation des honoraires dans la mesure où l’article 991 §2 CJ prévoit que le juge tient
compte notamment du respect des délais impartis…..
29
JF Marot « La mission de l’expert revisitée et le contrôle du juge » in Les préjudices extrapatrimoniaux : vers
une évaluation plus précise et une plus juste indemnisation » CLJBLg 2004 p 172 et suiv.
18
Formalités de ces diverses notifications :
Le mode de communication de cette première réunion d’expertise est spécifié à l’article 972 §1 dernier
alinéa.
Les délais très ( trop) courts prévus par la nouvelle loi ne sont néanmoins assortis d’aucune sanction,
sinon celle indirecte de l’appréciation d’un manque de diligence de l’expert lors de l’appréciation qui
sera faite de son état d’honoraires dans le cadre de sa taxation ( cf infra).
Convocation et audition des parties :
L’expert est légalement tenu de convoquer toutes les parties aux différentes séances d’expertise et de
les entendre de manière contradictoire, en veillant à se ménager chaque fois une preuve de la
30
convocation des parties
Le mode de convocation est précisé à l’article 972§1 CJ, auquel il peut néanmoins être dérogé avec
l’accord des parties et de leurs conseils ( art 972 bis§2.) Le juge peut également pour des motifs
d’urgence ( rarement rencontrés dans le cadre de l’expertise médicale d’évaluation du préjudice
corporel) réduire les délais et/ ou dispenser de certains modes de convocation.
Compte rendu de chaque réunion :
Au terme de l’article 972 bis §2 al 3, l’expert est tenu de dresser un rapport à l’issue de chaque
réunion organisée.
Copie de ce rapport doit être envoyée par missive au juge, aux parties et à leurs conseils ( juridiques
et médicaux). En cas de défaut d’une partie, lesdits rapports lui seront adressés par voie
recommandée.
Cette communication permanente des procès verbaux des diverses vacations, si elle peut apparaître
d’un formalisme exagéré, est néanmoins une garantie importante du caractère contradictoire de
l’expertise.
30
G Closset Marchal « l’expertise et le code judiciaire Bruylant, Bruxelles 2002, p 21.
19
2. L’expert désigné
-entendra M…..
et les conseils juridiques et médicaux respectifs en
leurs explications,
-prendra connaissance des dossiers et documents médicaux des parties,
documents qui auront du lui être communiqués 15 jours avant la
première réunion.
-établira (en tête de son rapport) une fiche reprenant l’identité complète
de la victime son état civil, sa situation familiale, sa formation scolaire,
sa situation professionnelle passée et actuelle, ses antécédents
médicaux, ainsi que s’il y a lieu ses loisirs favoris déclarés ;
-décrira avec précision les lésions et troubles constatés et plaintes
formulées, il précisera dans quelle mesure ils sont imputables à
l’accident.
-dans l’hypothèse où il serait démontré que la victime est ou était
atteinte d’un défaut physiologique ou d’une maladie avérée
indépendante de l’accident,l’expert déterminera si et dans quelle mesure
cet état antérieur avéré a été modifié par l’accident ou a modifié les
conséquences de l’accident.
Communication des dossiers et documents médicaux
Afin de faciliter la tâche de l’expert, il est demandé aux parties de communiquer à l’expert ( et aux
parties dans le strict respect du principe contradictoire) l’ensemble des documents et dossiers.
L’article 972 bis §1 précise qu’en application du devoir général de collaboration des parties, celles-ci
remettront au plus tard lors de la réunion d’installation et, à défaut, au début des travaux, un dossier
inventorié rassemblant tous les documents pertinents. ( tous les documents nécessaires mais
uniquement ceux qui sont nécessaires…)
Il s’agit non seulement des documents médicaux mais également de pièces de procédure et plus
généralement de tous documents permettant d’éclairer l’expert sur les circonstances du fait
générateur du dommage à évaluer.
En ce qui concerne les pièces médicales, il s’agira notamment
31
:
- Du dossier médical antérieur à l’accident détenu par le médecin traitant de la personne
expertisée qui permettra d’apprécier l’éventuel état antérieur de celle-ci.
Le médecin traitant de la victime sera souvent un allié de choix auquel le médecin conseil
de ladite victime ainsi que l’expert pourront s’adresser utilement tout au long de l’expertise.
Rappelons toutefois la latitude laissée à ce sujet au médecin traitant quant à la transmission
de documents médicaux en sa possession.
-Du relevé des dépenses de santé obtenu auprès de la mutuelle couvrant la période
antérieure et postérieure au sinistre qui donnera de précieuses indications à propos de
l’incidence de l’accident sur l’état de santé de la personne expertisée.
-Du certificat de premier constat qui dresse le bilan des lésions post-traumatiques et précise
les examens médicaux réalisés.
31
L’expertise médicale en droit commun Mayerus Kluwer 2007 à paraître.
20
-Des documents relatant le suivi médical immédiat lesquels contiennent par exemple le
protocole opératoire, le rapport d’hospitalisation, les protocoles des examens d’imagerie
médicale réalisés (accompagnés si possible des originaux), les rééducations éventuelles
ainsi que le suivi à moyen terme comprenant par exemple un soutien psychologique, etc.
On peut regretter que cette obligation ne soit pas expressément sanctionnée sinon par la formule
laconique reprise à l’article 972bis §1 au terme de laquelle à défaut de collaboration des parties, le
juge en tirera toute conséquence qu’il jugera utile.
Présence des avocats lors des expertises médicales.
De plus en plus souvent les avocats assistent à la première réunion d’expertise (amiable ou judiciaire).
La présence des conseils respectifs des parties à la cause ne suscite aucune difficulté lors de la
réunion d’installation afin de leur permettre de resituer le dossier dans son contexte, d’insister sur l’un
ou l’autre point de la mission, d’organiser la communication des pièces, le cas échéant d’assister à
l’interrogatoire de la victime.
Nous pensons que la présence des conseils juridiques peut également se justifier lors de la discussion
du tableau séquellaire.
Par contre, la présence des conseils juridiques lors de l’exploration corporelle est quant à elle très
32
discutée.
33
Nous pensons avec T Balthazar que la présence d’un avocat lors de l’exploration corporelle porte
atteinte au droit à l’intégrité physique et à la protection de la vie privée.
Sur base de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme et du principe de
34
proportionnalité, cette présence ne peut être légalement envisagée qu’avec l’accord exprès de la
personne à examiner qui a le droit de refuser.
En effet la présence d’un avocat n’est pas indispensable et est incompatible avec le principe du «
moindre mal ». Il s’agit d’une infraction non proportionnelle au droit à la protection de la vie privée qui
doit prévaloir sur les règles du contradictoire.
Par contre la présence des médecins conseils doit être autorisée pour garantir le caractère
contradictoire de cette mesure d’instruction.
Etat antérieur et prédispositions pathologiques
Avant d’entamer sa mission visant à établir le tableau lésionnaire et séquellaire de la victime, l’expert
aura soin de décrire l’état antérieur dont était atteinte la victime ; cet état antérieur devra en effet être
soigneusement isolé, décrit et distingué dans la mesure où cet état antérieur ne pourra en aucune
façon être mis à charge de l’auteur responsable.
Par contre, les prédispositions pathologiques seront quant à elle indifférentes sur le plan de
l’évaluation et de l’indemnisation.
Etat antérieur : état pathologique cliniquement avéré préexistant au traumatisme.( lésions
35
invalidantes définitivement consolidées )
32
D de callataÿ « L’expertise du dommage corporel et de la responsabilité médicale » in « L’expertise » Ed
Bruylant. 2002. p 219 et suiv.
33
T Balthazar « La présence des avocats lors des expertises médicales » Revue Droit et santé 98-99 p 92-95
34
W Van Gerven « Le principe de proportionalité » in La norme derrière la règle –hommage à M Storme, 1995
3-17.
35
N Simar Traité de la responsabilité civile Dossier 51 p 8 et suiv.
21
Prédisposition pathologique : caractéristique d’un sujet, très généralement ignorée de celui-ci,
n’ayant aucune expression dans sa vie quotidienne, mais qui, lors d’un traumatisme, favorise
36
l’apparition d’une pathologie constatable qui n’existait pas auparavant.
36
P Lucas expertise symbiose ou affrontement médico-juridique ? SPFJ 11 janvier 2007 p 14.
22
II Préjudice temporaire :
3.
L’expert déterminera sur une échelle de 0 à 100 le taux d’atteinte à l’intégrité
physique et psychique (AIPP) durant les périodes temporaires totales et
dégressives ( en précisant le cas échéant, les barèmes auxquels il aura eu
égard) Ce taux théorique sera d’ordre strictement médical sans égard aux
répercussions concrètes qu’il a pu avoir sur la victime.
6.
L’expert précisera si des prothèses, orthèses, aménagements d’immeuble (en
ce compris d’un point de vue domotique) ou de véhicule sont de nature à
faciliter la vie personnelle, domestique ou professionnelle de la victime. Dans
l’affirmative, il en précisera le coût.
L’expert précisera également si, durant ces périodes temporaires dégressives,
l’état de la victime a nécessité l’aide d’une tierce personne, qualifiée ou non ,il
en précisera la nature et l’importance horaire en tenant compte des moyens
d’assistance existants et disponibles.
7.
Incapacité personnelle temporaire
L’expert déterminera en distinguant les périodes d’hospitalisation des autres
périodes sur une échelle de 0 à 100 les taux d’Incapacité personnelle
temporaire totale et dégressive.
6.
Incapacité économique temporaire.
L’expert déterminera en les précisant et en les quantifiant sur une échelle de 0 à
100 les répercussions éventuelles de cette AIPP temporaire totale et dégressive
sur l’activité professionnelle passée et présente de la victime ( en ce compris en
tenant compte des éventuels efforts accrus consentis ou non par la victime en
cas de reprise totale ou partielle du travail).
7.
Incapacité ménagère temporaire
L’expert déterminera en les précisant et en les quantifiant sur une échelle de 0 à
100 les répercussions éventuelles de cette AIPP temporaire totale et
dégressive sur les activités domestiques et ménagères de la victime (en tenant
compte d’une éventuelle aide extérieure antérieure à l’accident d’un conjoint ou
d’un tiers).
8.
L’expert déterminera en les précisant les répercussions éventuelles de cette
AIPP temporaire totale et dégressive sur les préjudices particuliers dont il n’a
pas été tenu compte dans les taux précédents compte tenu de leur importance
particulière (préjudice esthétique, préjudice sexuel, préjudice d’agrément).
9.
L’expert déterminera s’il convient de retenir des souffrances physiques ou
morales spécifiques qui n’ont pas été intégrées dans les taux d’incapacité
personnelle, économique et ménagère , et dans l’affirmative, il décrira et
évaluera ces souffrances dans le temps sur une échelle de 1 à 7.
III Préjudice permanent :
10.
L’expert donnera un avis circonstancié quant à la date de guérison ou de
consolidation des lésions,il déterminera la date de consolidation du tableau
séquellaire et déterminera en précisant le cas échéant le barème utilisé le taux
23
d’atteinte à l’intégrité physique et psychique ( AIPP) dont restera définitivement
atteinte la victime.
11.
L’expert déterminera si, après la date de consolidation des lésions, une
prothèse ou autre moyen d’assistance sera nécessaire ou simplement utile ;
Dans l’affirmative il précisera qu’il en a été tenu compte dans la fixation des
différents taux d’incapacité permanente et en déterminera le coût ainsi que la
fréquence de renouvellement et d’entretien.
12.
L’expert déterminera si, après la date de consolidation des lésions, la victime
devra recourir à l’aide de tiers, qualifiée ou non et précisera la nature et
l’importance horaire de cette aide en tenant compte des moyens d’assistance
existants et disponibles.
Dans l’affirmative, l’expert précisera qu’il en a été tenu compte dans la fixation
des différents taux d’incapacité permanente.
13.
L’expert déterminera :
-Sous le verbo « Incapacité personnelle » :
Si et dans quelle mesure ( sur une échelle de 0 à 100) les
séquelles permanentes imputables à l’accident ont ou auront
des répercussions sur la vie de tous les jours de la victime (
incapacité personnelle).
-Sous le verbo « Incapacité économique » :
Si et dans quelle mesure ( sur une échelle de 0 à 100) les
séquelles permanentes imputables à l’accident constituent, à
titre définitif, un handicap professionnel pour la victime, en
considérant tant ses professions antérieures, sa profession
actuelle et les autres activités lucratives, qui lui demeurent
raisonnablement accessibles en fonction de ses possibilités
réelles de réadaptation compatibles avec son age, sa
qualification et l’orientation de sa vie professionnelle antérieure
ainsi que du marché du travail. Il aura également égard aux
éventuels efforts accrus consentis ou non par la victime en cas
de reprise partielle ou totale du travail ( incapacité économique).
-Sous le verbo « Incapacité ménagère » :
Si et dans quelle mesure ( sur une échelle de 0 à 100) les
séquelles permanentes imputables à l’accident ont et auront une
répercussion sur la capacité ménagère de la victime ( incapacité
ménagère).
-Sous le verbo des « Préjudices particuliers » :
Si et dans quelle mesure les séquelles permanentes imputables à
l’accident ont ou auront une répercussion objectivable
particulière et significative dont il n’a pas été tenu compte dans
la fixation des différents taux d’incapacité permanente sur :
-Le préjudice esthétique
Il décrira et évaluera ce préjudice esthétique permanent sur une
échelle de 1 à 7.
24
Dans la mesure où des possibilités de corrections existent de le
préciser et de déterminer le risque et le coût de cette ou de ces
interventions éventuelle(s) les périodes d’incapacité résultant de
cette opération et le préjudice le cas échéant qui subsisterait
après celle(s)-ci.
-La sexualité de la victime et de son partenaire:
-Les activités sociales, culturelles ou sportives menées avec
assiduité avant l’accident par la victime. ( préjudice d’agrément)
-Les souffrances physiques ou morales permanentes spécifiques
qui n’ont pas été intégrées dans les taux d’incapacité
personnelle, économique ou ménagère , et dans l’affirmative, il
les décrira.
14
L’expert déterminera si, compte tenu de l’état de santé de la victime, des
réserves doivent être prévues,
25
15 De manière générale, l’expert éclairera le Tribunal, relativement à l’état de
la victime, sur toutes les conséquences dommageables de l’accident tant
avant qu’après consolidation.
16 L’expert répondra aux questions pertinentes posées par l’une ou l’autre
partie
17. L’expert tentera de concilier les parties ( art 977 CJ)
La conciliation :
L’expert a l’obligation de tenter de concilier les parties.
Dans la grande majorité des rapports d’expertise d’évaluation du préjudice corporel un accord
intervient entre les différents conseils techniques et l’expert sur le tableau séquellaire temporaire et
définitf.
Cela ressort le plus souvent en filigrane dans le chapitre « discussion ».
Il serait souhaitable que l’expert soit dorénavant plus explicite sur le consensus qui se serait dégagé
entre parties
Dans la mesure où cette conciliation ne vise en général que le versant « évaluation médicale » et
non celui de l’indemnisation, un constat de conciliation pourra difficilement être dressé, les parties
souhaitant s’expliquer plus amplement sur les conséquences financières à tirer de ce tableau.
26
18. L’expert déposera rapport final sous la foi du serment au Greffe de la
présente Juridiction endéans les 6 mois et au plus tard le……..
Retard dans le dépôt du rapport final :
Si l’expert rencontre certaines difficultés qui sont de nature à ne pas lui permettre de respecter les
délais initialement impartis pour déposer le rapport final il doit solliciter une prolongation de délai ( art
974§2CJ) en explicitant précisément les raisons qui justifie cette demande de prolongation.
Le juge peut refuser par ordonnance motivée de prolonger le délai lorsqu’il estime qu’une
prolongation n’est pas raisonnablement justifiée ( art 974 §2 in fine)
Si l’expert n’a pas sollicité de prolongation, le juge ordonne d’office la convocation de l’expert et des
parties ( art 974 §3) Il prendra alors « les mesures qui s’imposent(.fixation de nouveau délais,
remplacement….).
.
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III Provisions et honoraires :
19. Sous réserves des dispositions reprises à l’article 988 CJ, invite la
partie……… à payer entre les mains de l’expert endéans les 15 jours de la
notification du présent jugement une provision sur frais et honoraires de 750
euros.
Autorisation judiciaire d’un paiement direct de la provision à l’expert :
La question d’un éventuel paiement direct de la provision à l’expert s’est posée notamment en matière
d’expertise médicale d’évaluation du préjudice corporel. Dans cette matière très spécifique, la plupart
des expertises sont très circonscrites en temps et en coût et peuvent être bouclées endéans les 6
mois si on simplifie au maximum les formalités administratives.
Par dérogation à l’article 987, un paiement direct de la provision à l’expert peut être autorisé par le
juge.
Le professeur D Mougenot , suivi en ce par les professeurs G de Leval et H Boularbah, reconnaissait
la légalité de cette dérogation à la consignation ( source de formalités administratives, risque d’erreurs
et facteur d’arriéré) :
« L’article 987 CJ précise que le juge peut fixer la provision à consigner. Le terme «peut» indique que
le mécanisme n’est que facultatif. Mais qu’est ce qui est véritablement facultatif ? La constitution d’une
provision ou sa consignation ? Une déclaration de Monsieur Borginon durant les travaux
parlementaires éclaire cette question : « Le texte n’impose pas une obligation mais laisse au juge le
choix d’imposer ou pas une consignation. Il est cependant souhaitable qu’une consignation soit
largement utilisée, car elle fournit de nombreuses garanties aux parties et c’est pourquoi l’article 29 et
37
suivants règlent précisément cette possibilité » . Les travaux préparatoires ajoutent : « l’intervenant
souligne d’autre part que cet article a pour objectif d’éviter autant que faire se peut le paiement direct
des parties à l’expert (…). Il en ressort clairement que le juge peut renoncer à la consignation même si
les parlementaires ne l’ont admis qu’avec réticence ».
Cette pratique évite concrêtement une demande de libération
Montant de cette provision directement libérée :
Lors d’une réunion de concertation avocats/Médecins experts/ magistrats organisée à Liège en
octobre 2007, il est apparu qu’un montant de 750 euros paraissait raisonnable pour couvrir les
premiers frais et vacations de l’expert médecin désigné dans le cadre d’une évaluation de préjudice
corporel
L’état d’honoraires et sa taxation :
Le législateur a clairement voulu canaliser et contrôler les honoraires des experts judiciaires.
En amont, l’article 972§2CJ précise que, dès la réunion d’installation ( quand celle-ci a lieu) le juge
précise « l’estimation du coût global de l’expertise ou, à tout le moins, le mode de calcul des frais et
honoraires de l’expert et des éventuels conseillers techniques.
En aval, l’article 990 CJ impose à l’expert de mentionner séparément :
- le tarif horaire
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Doc parl Chambre 2005-2006 N° 51-2549/001 p 45.
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-les frais de déplacement
-les frais de séjour
-les frais généraux
-les montants payés à des tiers
-l’imputation des montants libérés
Enfin, l’article 991 §1 précise le rôle actif du juge dans le cadre de la procédure de taxation des frais et
honoraires en tenant « surtout » compte :
-de la rigueur avec laquelle le travail a été exécuté
-des délais impartis
-de la qualité du travail fourni.
Ces nouvelles dispositions en matières d’appréciation d’état d’honoraires sont d’application immédiate
même pour les expertises ordonnées avant le 1 septembre 2007.
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Pour mémoire
La présente mission sera accomplie dans le strict respect de l'article 44 du
Code d'instruction criminelle ou des articles 962 et suivants du Code judiciaire
(selon le type de procédure) et de l'article 6 de la Convention européenne des
droits de l'homme, ce qui implique de manière non limitative que:
Toutes les opérations doivent être effectuées contradictoirement et que toutes
les parties seront appelées afin d'y participer, à moins que celles-ci ne l'en
aient expressément dispensé vu le caractère extrêmement technique de
certaines opérations.
L’expert communiquera aux parties un avis provisoire sous forme de
préliminaires, en permettant aux parties de formuler leurs observations
endéans un délai raisonnable de 1 mois. (Art 976 CJ).
Le rapport définitif qui doit répondre à toutes les observations formulées dans
les délais par les parties.
Si le dossier requiert des devoirs, investigations ou examens complémentaires
ne permettant pas à l’expert de déposer son rapport endéans le délai
initialement fixé ou si la consolidation apparaît très éloignée dans le temps,
l'expert, rédigera un rapport intermédiaire au plus tard avant l’expiration du
terme de 6 mois et sollicitera de façon motivée une prolongation de délais en
se conformant à l’article 974 CJ.
Le rapport intermédiaire :
L’article 974 CJ précise désormais que si le dépôt du rapport final est supérieur à 6 mois, l’expert
adressera tous les 6 mois un rapport intermédiaire sur l’état d’avancement de ses travaux au juge, aux
parties et aux conseils. Ce rapport intermédiaire d’avancement mentionnera :
-Les travaux déjà réalisés
-Les travaux réalisés depuis le dernier rapport intermédiaire
-Les travaux qui restent à réaliser.
Cette nouvelle exigence participe au principe de contrôle permanent du juge sur les travaux
d’expertise, et comme tel est un incitant efficace à la diligence ;
Dans la mission préconisée, sur base de ce que les experts consultés considèrent que 90 % des
expertises en évaluation du préjudice corporel peuvent raisonnablement être « bouclées » endéans
les 6 mois ( celles-ci ne nécessitant pas plus de deux réunions d’expertise)le délai de dépôt du rapport
définitif a été fixé à 6 mois.
Dans la mesure où les travaux ne seraient pas terminés endéans le délai initialement imparti,l’expert
devra conformément à l’article 974§2 solliciter de façon motivée une prolongation de délais.
Une telle demande devra également être formulée lorsque la consolidation apparaît très éloignée
dans le temps ( c’est notamment le cas lorsque la victime est un enfant).
Si une telle demande ne devait pas être adressée par l’expert, le juge ordonnera d’office la
convocation de l’expert conformément aux modalités prévues à l’article 973§2 ( art 974§)..
L’automaticité de ce rappel à l’ordre nécessitera la mise en œuvre d’un échéancier précis de toute
expertise ordonnée.
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L’expert exécutera sa mission sous le contrôle du juge, qui peut à tout
moment, d’office ou à la demande des parties assister aux opérations (art 973
§1 CJ). Les parties et l’expert peuvent s’adresser à tout moment au juge par
lettre missive motivée ( art 973 §2 CJ).
La saisine permanente du juge ayant ordonné l’expertise
Il s’agit d’une grande nouveauté consacrée par la loi du 15 mai 2007 qui illustre parfaitement les
préoccupations de simplification, d’efficacité et de rapidité qui animaient le législateur.
Le souci de simplification est illustré par l’absence de tout formalisme pour interpeller le juge
lorsqu’une difficulté apparaît.
La procédure prévue par les nouvelles dispositions ( art 973§2 CJ) pourrait s’avérer disproportionné
ment lourde puisque dans un tel cas de figure, le juge ordonne immédiatement( dans les 5 jours) la
convocation des parties et de l’expert en chambre du conseil, et statue par décision motivée endéans
les 8 jours de la comparution….
Le rapport final précédé du serment sera signé par l’expert (art 978 §1 CJ)
La signature et le serment :
L’article 978 CJ précise expressément que ces deux formalités de serment et de signature sont
prescrites à peine de nullité.
Il est toutefois admis que l’omission d’une ou de ces deux mentions obligatoires peut être réparée sur
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invitation du juge ou des parties
Thierry Papart.
Theux le 31 janvier 2008..
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D Mougenot « L’expertise dans tous ses états » in le droit judiciaire en effervescence CLJBBruxelles 2007 p
237 n° 38.
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