la toux chronique native de l`adulte

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la toux chronique native de l`adulte
C A H I E R D É TA C H A B L E
PNEUMOLOGIE
BURGER/PHANIE
LA FMC
Vendredi 17 novembre 2006
N°2389
N°2 ???
DOSSIER Difficile de prendre en charge une toux chronique
sans se lancer plus ou moins au hasard dans des explorations
successives et des traitements probabilistes. Avec ses
recommandations 2006, la Société française d’ORL propose
une démarche diagnostique et thérapeutique rationnelle.
LA TOUX CHRONIQUE
NATIVE DE L’ADULTE
PAR LE DR Pascale NAUDIN-ROUSSELLE ([email protected]), sous la direction scientifique
du PR ROGER JANKOWSKI (service d’Oto-rhino-laryngologie et chirurgie cervico-faciale, hôpital central,
29 avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny, 54000 Nancy. Courriel : [email protected]).
U
ne toux devient chronique lorsque sa durée
excède, selon les auteurs, trois à huit semaines. Parfois très invalidante, elle peut altérer notablement la qualité de vie des patients (toux
insomniante, émétisante, fracture de côte, douleur
musculaire, aggravation d’une hernie ombilicale ou
inguinale, incontinence urinaire, asthénie, gêne sociale… ). Sa prévalence est estimée à 6 % des consul-
PATHOLOGIE
EN QUESTIONS
Quels troubles
ophtalmologiques
dépister au cabinet
de médecine
générale ?
Page VIII.
tations de nouveaux patients en médecine générale,
10 % des consultations dans un centre de santé à orientation respiratoire, et 10 à 30 % des consultations
de pneumologie (1). La toux chronique est dite
« native » lorsqu’elle se prolonge au-delà de trois
semaines sans contexte médical connu pouvant
expliquer sa persistance, et sans tendance à l’amélioration. De nombreuses étiologies peuvent être en
COMITÉ SCIENTIFIQUE Pr Lucien ABENHAIM (Paris), Dr François BAUMANN (Paris), Pr Marc-André BIGARD, (Vandœuvre-lès-Nancy),
Dr Philippe BONET (Montbert), Pr Pierre BONFILS (Paris), Pr Jean-François BRETAGNE (Rennes), Pr Éric BRUCKERT (Paris), Pr Pierre
DELLAMONICA (Nice), Pr Philippe FROGUEL (Lille), Pr René FRYDMAN (Clamart), Pr Bernard GAY (Rions), Pr Serge GILBERG (Paris),
Pr Xavier GIRERD (Paris), Dr Daniel JANNIERE (Paris), Pr Claude JEANDEL (Montpellier), Dr Olivier KANDEL (Poitiers), Dr Jean LAVAUD
(Paris), Pr Frédéric LIOTÉ (Paris), Dr William LOWENSTEIN (Boulogne-Billancourt), Dr Sylvie MEAUME (Ivry-sur-Seine), Dr Nadine
MEMRAN (Nice), Pr Christian PERRONNE (Garches), Pr Pascal RISCHMANN (Toulouse), Pr Frédéric ROUILLON (Paris), Pr Philippe STEG
(Paris), Dr Alain SERRIE (Paris), Pr Paul VALENSI (Bondy), Pr Daniel VERVLOET (Marseille), Dr France WOIMANT (Paris).
PHOTO : GARO/PHANIE
LA FMC
La radiographie des poumons
est l’examen incontournable
en cas de toux chronique.
E1 LES
ANTITUSSIFS
DEÇOIVENT
Quel médecin n’a pas
prescrit de sédatifs de la
toux à des patients épuisés
par une toux prolongée ?
Pourtant, les antitussifs
ont pour l’Afssaps
un service médical rendu
modéré, voire faible
ou insuffisant (3).
Leur utilisation se limite
aux toux non productives
invalidantes et d’étiologie
non accessible à un
traitement curatif, ou sans
étiologie déterminée.
« Ils ne sont pas dénués
d’effets secondaires et il est
préférable, en effet, chaque fois
que nous sommes confrontés
à une toux chronique,
de suivre une démarche
raisonnée, telle que nous
la proposons dans le texte
de nos recommandations »,
conclut le Pr Jankowski.
II
PNEUMOLOGIE
LA TOUX CHRONIQUE NATIVE DE L’ADULTE
cause. « Mais il est difficile d’avancer des chiffres de
fréquence par étiologie, indique le Pr Jankowski. Les
données disponibles se rapportent, en effet, la plupart
du temps à des études américaines, discutables par
le fait qu’elles ne passent en revue que certaines étiologies : rhinorrhée postérieure, RGO, asthme ».
Face à un tousseur chronique, la difficulté est d’orienter le diagnostic étiologique sans multiplier les examens complémentaires superflus, toujours coûteux,
et de prescrire un traitement le moins probabiliste
possible. Et ce, d’autant plus que le traitement symptomatique par antitussifs est généralement décevant
(voir encadré E1). C’est à cet effet que des recommandations pour la pratique clinique ont vu le jour (1),
sous l’égide de la Société française d’ORL. La philosophie de ce texte est, une fois établi le diagnostic de
toux chronique native et son caractère invalidant :
– de repérer rapidement des signes de gravité (voir
encadré E2) ;
– d’éliminer d’emblée certaines causes (prise médicamenteuse par exemple) ;
– de demander une radiographie thoracique ;
– d’orienter la recherche étiologique en suivant un
plan d’examen « anatomique » simple à mémoriser :
appareil ORL, bronchopulmonaire, système cardiovasculaire, tube digestif, sans omettre de rechercher
une cause comportementale.
A noter que les caractéristiques cliniques de la toux
– productive ou sèche, diurne ou nocturne, présence
de facteurs déclenchants – sont peu contributives
pour le diagnostic étiologique, sauf dans certaines
circonstances (voir infra).
LES PREMIERS RÉFLEXES
En résumé : commencer par vérifier l’ordonnance du
patient, à la recherche de médicaments tussigènes ;
évoquer la coqueluche qui n’est pas l’apanage de la
seule population pédiatrique ; pratiquer systématiquement une radiographie thoracique.
Certaines causes de toux chronique peuvent rapidement
être identifiées par le généraliste (voir figure F1), même
si leur présence ne dispense pas d’aller plus loin et de
« faire le tour de la question ». La toux peut en effet être
multifactorielle chez un même patient. Le cas de la toux
du fumeur est abordé dans l’encadré E3 (p. III).
La iatrogénie
Certains médicaments, particulièrement les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) sont connus
pour être tussigènes. Mais il faut toujours vérifier que
l’installation de la toux a coïncidé avec la prise du produit. Après arrêt de l’IEC, la toux met environ quatre
à six semaines pour s’améliorer et disparaître (1).
Les sartans, même s’ils sont parfois proposés comme
alternative chez des sujets intolérants aux IEC, sont
à citer au rang des produits dont l’effet tussigène est
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certain, bien que moins fréquent qu’avec les IEC. « En
effet, la littérature nous indique que les sartans induisent une toux chez 3 à 4 % des patients traités, le plus
fréquemment incriminé étant le losartan », explique
le Pr Jankowski. Les bêtabloquants, y compris en
collyre, ont également été mis en cause dans les cas
de toux isolée (au maximum, ils induisent un bronchospasme), ainsi que l’interféron alpha2 b et les thérapeutiques inhalées.
Pour d’autres médicaments, les données de la littérature sont plus restreintes : morphine et ses dérivés,
méthotrexate.
Toujours évoquer la coqueluche
La coqueluche est une cause méconnue de toux chronique chez l’adulte. La notion de contage n’est pas toujours évidente, mais le diagnostic peut être suspecté
si la toux est quinteuse et émétisante ou si elle persiste
au décours d’un épisode infectieux d’allure virale, tout
en allant crescendo, devenant de plus en plus invalidante. Elle finit toujours par disparaître spontanément,
mais peut durer jusqu’à deux ou trois mois. En pratique, le diagnostic est essentiellement clinique. Les
tests sérologiques peuvent confirmer le diagnostic. Le
mieux serait cependant de pouvoir disposer des tests
d’identification de Bordetella pertussis par PCR, mais
cette méthode n’est pas disponible pour l’instant en
pratique courante. Au stade de toux chronique, le traitement antibiotique (macrolides) est généralement peu
performant ; il doit cependant être prescrit si dans l’entourage du tousseur se trouve une personne fragile non
immunisée (nourrisson non vacciné, par exemple).
Le traitement symptomatique est difficile, les antitussifs se révélant bien souvent inutiles.
Incontournable :
la radiographie thoracique
En dehors des cas où la responsabilité d’un médicament tussigène ou de la coqueluche est avérée, la
E2 LA TOUX EST-ELLE GRAVE ?
Une toux est grave lorsqu’elle s’accompagne
d’un ou plusieurs des éléments suivants (1) :
syndrome infectieux ;
altération de l’état général ;
dysphonie, dysphagie, fausses routes ;
adénopathies cervicales suspectes ;
apparition ou modification de la toux
chez un fumeur ;
dyspnée d’effort ;
hémoptysie ;
anomalies majeures de l’examen
cardiovasculaire.
Le patient doit rapidement être dirigé
vers le spécialiste adéquat.
radiographie du thorax est systématique. Certes, un
cliché normal n’élimine pas un éventuel cancer bronchopulmonaire débutant, mais le but de l’examen
est de repérer certaines anomalies majeures – infection parenchymateuse, tumeur, atélectasie, pleurésie,
images évocatrices de tuberculose… – lesquelles doivent donner lieu à une prise en charge spécifique. Lorsque la radiographie thoracique est normale, la démarche diagnostique se poursuit en distinguant deux
situations : l’une où l’on dispose de signes d’orientation (voir figure F2), l’autre où l’on est en présence
d’une toux isolée (voir figure F3).
TOUX ASSOCIÉE
À DES SIGNES D’ORIENTATION
En résumé : le syndrome rhinorrhée postérieure toux chronique peut être pris en charge en médecine
générale. Mais tout autre symptôme rhinologique associé à une toux chronique impose de demander
un scanner des sinus et de prendre un avis ORL. Toujours penser à l’asthme devant une toux chronique,
à confirmer par EFR. De même pour la BPCO. Avis ORL
aussi en présence de signes d’atteinte du carrefour
aérodigestif. La suspicion de RGO conduit à proposer
un traitement d’épreuve par IPP.
A ce stade de la démarche, le plus simple est de mener
l’examen clinique en descendant des voies aériennes
vers le tube digestif.
Toux et signes ORL
Les causes otologiques sont des étiologies plutôt
rares de toux chronique, mais faciles à éliminer.
Exemple : le bouchon de cérumen responsable d’une
irritation du conduit auditif externe signalée par le
patient ou l’otite externe. C’est le même phénomène
qui explique que le simple examen otoscopique soit
capable de déclencher une toux chez certains sujets.
On cherche ensuite un dysfonctionnement nasal
chronique, terme qui englobe tous les symptômes
pouvant gêner le malade au niveau de son nez. Le premier à rechercher par le généraliste est la rhinorrhée
postérieure (le patient mentionne une sensation
d’écoulement par l’arrière-nez). Le médecin doit alors
essayer d’objectiver cet écoulement au niveau de la
paroi postérieure de l’oropharynx.
– Si la rhinorrhée postérieure est confirmée, mais ne
s’accompagne d’aucun autre symptôme en dehors
de la toux, on est en présence de ce que les Américains
appellent « le syndrome rhinorrhée postérieure - toux
chronique » (SRP-TC). Il est alors licite de prescrire
pour trois semaines un traitement associant la pseudoéphédrine (60 mg x 3/j) et un antihistaminique H1 de
première génération, la bromphéniramine (6 mg x 2/j).
En France, une seule spécialité contient ce dernier
principe actif (conditionnement en solution buvable
ou en gélules de 12 mg), mais sans avoir l’AMM pour
la toux chronique (la bromphéniramine est indiquée
dans les manifestations allergiques diverses, telles que
rhinite, conjonctivite, urticaire). « Le choix de recom-
F1 ALGORITHME DÉCISIONNEL EN CAS DE TOUX CHRONIQUE (1)
E3 FUMEUR
ET TOUSSEUR
CHRONIQUE
Un fumeur qui tousse,
c’est à la fois banal
et inquiétant, l’arrièrepensée du cancer bronchique
étant toujours présente
à l’esprit du médecin.
Un jeune fumeur dont
le tabagisme est récent
verra sa toux disparaître
après arrêt du tabac,
et le sevrage doit bien sûr
lui être proposé.
Chez le tabagique
chronique plus âgé, la toux
peut révéler une BPCO,
un cancer ORL
ou un cancer bronchique.
Rappelons que toute
modification
des caractéristiques de la
toux doit être considérée
comme un signe de gravité.
Mais de façon générale,
tout fumeur qui fait
la démarche de consulter
pour sa toux doit
bénéficier d’un bilan ORL
et pneumologique.
TOUX CHRONIQUE NATIVE
Exploration ciblée
Présence de signes de gravité
Si absence
Suspicion d’origine médicamenteuse
Test d’éviction
Si non
Suspicion de coqueluche
Tests diagnostiques
Si non
Radiographie de thorax systématique
Anormale
Bilan spécialisé adapté
Normale
Présence de signes d’orientation diagnostique:
algorithme F2
Absence de signes d’orientation
diagnostique : algorithme F3
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III
PHOTO : AIRELLE JOUBERT/PHANIE
LA FMC
Sinusite maxillaire droite
sur un scanner axial du crâne.
PNEUMOLOGIE
LA TOUX CHRONIQUE NATIVE DE L’ADULTE
à irriter la muqueuse respiratoire. Attention, toutefois,
à ne pas négliger une origine asthmatique (hyperréactivité bronchique majorée par l’infection, avec comme
conséquence une persistance de la toux plusieurs
semaines après la résolution de l’épisode) qui imposerait la réalisation d’une exploration fonctionnelle
respiratoire (voir infra).
Les symptômes témoignant d’une atteinte du carrefour aérodigestif – dysphonie, dysphagie, fausses
routes, douleur ou spasmes laryngés, voire dyspnée –
imposent de prendre un avis ORL. La palpation du cou
est utile pour rechercher un goitre ou des adénopathies cervicales, mais il n’est guère possible d’aller plus
loin en médecine générale dans le bilan étiologique.
Les pathologies en cause sont les laryngites chroniques, les infections laryngées (mycoses, tuberculose),
la dyskinésie laryngée, les tumeurs du pharynx ou du
larynx, les pathologies d’origine musculaire ou neuromusculaire, les goitres comprimant la trachée…
Dans un cas précis cependant, le médecin traitant
peut lancer la recherche étiologique. Le diverticule
de Zenker peut être suspecté cliniquement chez un
sujet âgé en présence d’une dysphagie apparaissant
en cours de repas, associée ou non à des fausses routes
et/ou à une toux. Le repas est suivi de régurgitations
d’aliments non digérés et c’est parfois le patient luimême qui fait remonter ces aliments par pression au
niveau du cou. Ces symptômes sont en rapport avec
l’accumulation du bol alimentaire dans une hernie – le
diverticule de Zenker – située juste en dessous de la
mander cette molécule découle des données de la littérature, essentiellement anglo-saxonne. Cette prescription hors AMM impose bien sûr au praticien d’agir dans
le strict respect des contre-indications. Si le traitement
initial de trois semaines avec l’association antihistaminique – décongestionnant s’est révélé efficace, une
corticothérapie nasale peut être prescrite durant les trois
mois suivants afin d’éviter la récidive. Mais, le plus
souvent, le traitement initial suffit ».
– Si la rhinorrhée postérieure est purulente ou en
présence de symptômes autres que la rhinorrhée
postérieure (douleurs, obstruction nasale persistante,
troubles de l’odorat…), il est recommandé de faire
pratiquer un scanner des sinus – plus performant
que la radiographie des sinus – et d’adresser ensuite
le patient à l’ORL sans prescrire ni antibiothérapie ni
corticothérapie systémique. Ces traitements risquent,
en effet, de modifier les images scannographiques,
et fausser ainsi la démarche diagnostique rhinologique et l’enquête étiologique. Pas non plus de tests
cutanés allergologiques à ce stade, pas avant que l’ORL
ait pu examiner le malade, réaliser une endoscopie nasale et commenter le scanner. Parmi les pathologies
recherchées, citons la polypose naso-sinusienne, la
sinusite chronique, le mycétome (consécutif à la
présence d’un corps étranger), la sinusite d’origine
dentaire, la rhinite allergique…
La toux chronique post-infectieuse peut être assimilée au SRP-TC puisqu’il persiste probablement durant quelques semaines une rhinorrhée qui contribue
F2 ALGORITHME DÉCISIONNEL EN CAS DE TOUX CHRONIQUE
AVEC SIGNES D’ORIENTATION (1)
TOUX CHRONIQUE + RADIOGRAPHIE PULMONAIRE NORMALE
ORL
Symptômes (Spt)
pharyngolaryngés
Transit pharyngoœsoph. si suspicion
de diverticule
de Zenker
Avis ORL
Symptômes
rhinosinusiens
SRPTC(3)
TTT
d’épreuve
3
semaines
Bronchopulmonaire
Cardiologique
Gastro-entérologique
Psychiatrique
Neurologique
Spt évocateurs
d’asthme ou de BPCO
Spt évocateurs
d’IVG(2)
Spt évocateurs
de RGO
Si absence de spt
évocateurs précités
Avis
cardiologique
TTT IPP
Avis spécialisé
Autre
dysfonct.
nasal
chronique
Bilan
allergique
Avis ORL
TTT rhinite
ou asthme
allergique
EFR + tests
pharmacodynamiques
TVO(4) réversible : asthme certain
TVO irréversible : BPCO
HRB +(1) : asthme probable : faire test thérapeutique
HRB -(1) : asthme exclu
(1) HRB : hyperréactivité bronchique ; (2) IVG : insuffisance ventriculaire gauche ; (3) SRP-TC : syndrome rhinorrhée postérieure - toux chronique ; (4) TVO : trouble ventilatoire obstructif.
IV
Vendredi 17 novembre 2006 | numéro 2389
Toux et symptômes
bronchopulmonaires
L’asthme peut se manifester par une toux persistante,
le patient signalant parfois des épisodes de sibilance,
d’oppression thoracique ou encore son appartenance
à une famille d’asthmatiques. La toux peut aussi être
isolée (voir infra). L’EFR est l’examen-clé, à la recherche d’un trouble ventilatoire obstructif réversible après
administration d’un bronchodilatateur, ou d’une hyperréactivité bronchique sans syndrome obstructif (test à
la métacholine). Dans ce dernier cas, l’asthme étant
probable mais pas certain, un test thérapeutique par
corticoïdes inhalés est indiqué. Ce passage par l’EFR est
important, car le diagnostic d’asthme une fois confirmé
nécessite, d’une part de mettre en place un traitement
adapté (corticoïdes inhalés +/- bronchodilatateurs), qui
devra parfois être poursuivi sur le long terme, d’autre
part de mener une enquête allergologique.
En cas de bronchopneumopathie chronique
obstructive, la toux s’accompagne d’une expectoration muqueuse matinale et, naturellement, d’un
contexte de tabagisme chronique. Le diagnostic, là
aussi, est spirométrique, l’EFR objectivant un syndrome ventilatoire obstructif, peu réversible sous bronchodilatateur, dont la sévérité détermine le stade de
la BPCO. L’arrêt du tabagisme est la seule mesure à
pouvoir limiter le déclin de la fonction respiratoire,
la seule également à être efficace contre la toux. Les
thérapeutiques inhalées à base de bronchodilatateurs
associés ou non à des corticoïdes inhalés constituent
la base du traitement de fond de la BPCO.
La toux du cancer bronchopulmonaire peut s’accompagner d’hémoptysie, signe de gravité qui impose
une prise en charge rapide. Toute modification de la
toux chez un fumeur est aussi à prendre au sérieux
et nécessite un bilan pneumologique.
PHOTO : GARO/PHANIE
bouche œsophagienne, avec réduction progressive de
la lumière œsophagienne en cours de repas. L’examen
à demander préalablement à la consultation ORL est
le transit pharyngo-œsophagien. Le traitement de
cette pathologie relève de la chirurgie endoscopique
au laser.
Les EFR sont indispensables
au diagnostic d’asthme et de BPCO.
Toux et signes cardiologiques
Une toux qui survient à l’effort ou en décubitus et qui
s’accompagne d’une dyspnée doit faire rechercher une
insuffisance ventriculaire gauche, et orienter le pa-
F3 ALGORITHME DÉCISIONNEL EN CAS DE TOUX CHRONIQUE
SANS SIGNE D’ORIENTATION (1)
TOUX CHRONIQUE + RADIOGRAPHIE PULMONAIRE NORMALE SANS SIGNE D’ORIENTATION DIAGNOSTIQUE
Toux chronique isolée
Traitement d’épreuve de la rhinorrhée postérieure chronique
Succès
Echec
EFR avec tests pharmacodynamiques
Consolidation par corticoïdes locaux 3 mois
Si positive
Si négative
Traitement de l’asthme
Succès
Traitement d’épreuve du RGO
Echec
Prise en charge maladie asthmatique
Succès
Explorations de 2e ligne
par le spécialiste
Prise en charge
maladie RGO
Explorations négatives
TTT antitussif
TTT psychiatrique
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V
LA FMC
PNEUMOLOGIE
LA TOUX CHRONIQUE NATIVE DE L’ADULTE
tient vers le cardiologue (la dyspnée d’effort associée à la toux fait partie des signes de gravité énumérés dans l’encadré E2, p. II).
sée, ou diurne sans aucune perturbation du sommeil.
Il s’agit là d’un diagnostic d’élimination.
LA TOUX EST ISOLÉE
Toux et signes digestifs
Le reflux gastro-œsophagien (RGO) se manifeste typiquement par un pyrosis et des régurgitations acides.
La toux chronique peut faire partie du tableau clinique, associée aux autres symptômes ou non. Premier
élément à vérifier en cas de suspicion de RGO : l’absence
de signes d’alarme (amaigrissement, dysphagie, anémie). Leur présence justifie de réaliser d’emblée une
endoscopie digestive haute. L’âge supérieur à 50 ans
et la sévérité des symptômes de RGO constituent également un motif de recours à l’endoscopie.
Lorsque les symptômes digestifs sont modérés et qu’aucun signe d’alarme n’est retrouvé, ou lorsque le malade
est connu pour ses antécédents de RGO, ou encore
lorsqu’une précédente endoscopie a montré une œsophagite modérée sans endobrachyœsophage, le traitement d’épreuve du RGO est recommandé. En dehors des
mesures hygiéno-diététiques, il repose sur les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) en première intention,
prescrits pour commencer à une dose double de celle
utilisée dans les œsophagites (1), répartie en deux prises.
Pourquoi double dose ? « Bien que cette recommandation ne repose pas sur des études versus placebo, l’analyse bibliographique montre la plus grande efficacité
d’un tel protocole sur la toux chronique liée au RGO et
la double dose est nécessaire pour déterminer si le
patient est répondeur ou non ». Ce traitement d’épreuve
doit être maintenu durant deux mois. Après quoi, on réalise une fenêtre thérapeutique afin d’évaluer le risque
de récidive et la dépendance au traitement antireflux. La
rechute justifie le maintien d’un traitement continu en
recherchant la dose d’IPP minimale efficace, mais un
avis gastro-entérologique est souhaitable.
Toux et contexte allergique
Le dosage d’IgE spécifiques au hasard n’est pas recommandé. Le dosage des IgE totales non plus. Mais il
est possible de demander des tests sériques multiallergéniques de dépistage (type Phadiatop® pour les
aéro-allergènes). Rappelons que la prédisposition génétique à synthétiser des IgE spécifiques dirigés contre
des allergènes définit le terrain atopique. Un terrain
atopique ne peut à lui seul expliquer une toux chronique.
Il faut que ce terrain atopique se traduise cliniquement
soit par une rhinite allergique, soit par un asthme
allergique.
Toux et signes comportementaux
En l’absence des signes d’orientation énumérés
jusqu’ici, il peut exister des traits de personnalité
(phobique, obsessionnelle…) ou des troubles anxiodépressifs qui peuvent être responsables d’une toux
chronique, et qui nécessitent un traitement spécifique.
Par exemple, il faut y penser devant une toux rituali-
En résumé : si la toux est le seul symptôme, commencer par un traitement d’épreuve de la rhinorrhée postérieure. En cas d’échec, enchaîner avec une EFR et
traiter en fonction des résultats de celle-ci. Si l’EFR est
négative, ou en cas d’échec des traitements précédents, faire un traitement d’épreuve du RGO, avant de
poursuivre par un bilan spécialisé si la toux persiste.
Lorsque la toux est réellement isolée et que la radiographie thoracique est normale, la Société française
d’ORL recommande, en se basant sur un consensus
américain de 1998, de commencer par un traitement
d’épreuve d’une rhinorrhée postérieure (anti-H1 de
première génération + pseudoéphédrine) dont on suppose qu’elle peut exister sans être ni ressentie par le
patient, ni objectivée par l’examen du médecin. Si ce
traitement est efficace, les corticoïdes locaux prescrits
pendant trois mois viennent consolider ce résultat.
En cas d’échec de ce premier traitement, une EFR
doit être réalisée à la recherche d’un asthme ou d’une
hyperréactivité bronchique. Si le test est positif (TVO
réversible ou HRB), un traitement d’épreuve antiasthmatique d’un mois est mis en route. Si ce traitement est efficace sur la toux, la prise en charge ultérieure est celle d’un asthme bronchique.
En présence d’une EFR normale, ou bien lorsque
le traitement d’un asthme avéré reste sans effet sur la
toux chronique, un traitement d’épreuve antireflux est
recommandé, selon les modalités déjà décrites. A ce
stade, il n’est pas utile de réaliser une endoscopique
digestive ou une pH-métrie œsophagienne chez un malade qui ne fait « que » tousser, sans autre signe associé. En cas de réponse au traitement, l’imputabilité
du RGO dans la toux peut être retenue. « Si l’arrêt du
traitement est suivi d’une récidive de la toux, une consultation en gastro-entérologie est alors justifiée, pour
confirmer le diagnostic et également argumenter auprès de l’Assurance maladie la prise en charge au long
cours de la maladie du reflux gastro-œsophagien ».
Si aucun de ces traitements ne parvient à faire
disparaître la toux, des explorations spécialisées de seconde ligne sont recommandées, en commençant par
le pneumologue, puis en s’adressant ensuite à l’ORL
et au gastro-entérologue. Un bilan négatif doit orienter vers une origine comportementale. Mentionnons
également des causes rares de toux chronique (2) :
connectivites, vascularites, rectocolite hémorragique,
maladie de Crohn, amylose trachéobronchique…
Lorsque aucune étiologie, organique ou psychogène,
n’a été identifiée, le traitement antitussif peut être
proposé (s’il ne l’a pas déjà été avant).
Si plusieurs causes ont été mises en évidence, des
associations thérapeutiques peuvent être utilisées. BIBLIOGRAPHIE
1. Société française d’ORL. La toux chronique
de l’adulte. Recommandations pour
la pratique clinique. 2006.
URL : www.rforl.com/PDF/Fr0609001.pdf
2. Stern J.-B. Toux persistante. Encycl Méd Chir
(Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),
Akos, 1-1040, 2003, 3p.
3. Afssaps. Service médical rendu. Pneumologie.
Oto-rhino-laryngologie. Toux. Classement par
niveau de service médical rendu. Juin 2001.
URL : http://afssaps-prd.afssaps.fr/html/
has/sgt/htm/smr/pneumo/toux2.htm
(page visitée le 29.10.2006).
Vendredi 17 novembre 2006 | numéro 2389
VII
TEST
DE LECTURE
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à la rubrique FMC
N° 2389
LA FMC
PATHOLOGIE EN QUESTIONS
OPHTALMOLOGIE
DÉPISTAGE En dehors des situations de pathologies
particulières comme le diabète, le dépistage du glaucome
représente le seul examen systématique à prévoir après 45 ans.
TRAQUER LE GLAUCOME
LA TOUX CHRONIQUE
NATIVE DE L’ADULTE
PAR LE DR Marc KREUTER, d’après un entretien avec le PR Dan Alexandre LEBUISSON,
ophtalmologiste (hôpital Foch, Suresnes).
1. Lorsqu’un IEC s’est
révélé être tussigène pour
un patient, et après arrêt
du traitement incriminé,
la toux disparaît
en moyenne en :
A. Une à deux semaines.
B. Deux à quatre semaines.
C. Quatre à six semaines.
Hormis la surveillance ophtalmologique régulière à laquelle les malades diabétiques doivent
être incités, il n’existe qu’une seule indication
systématique de consultation ophtalmologique pour
la population générale adulte ne présentant aucun
signe fonctionnel ou facteur de risque : la détection d’un
glaucome, indique clairement le Pr Lebuisson. Cependant, poser quelques questions tous les ans ou tous
les deux ans aux patients adultes prend moins d’une
minute et permet de dépister quelques problèmes et
d’orienter à temps vers un ophtalmologiste. »
bilan de fond. L’ophtalmologiste apprécie la qualité de
la réfraction, mesure la pression oculaire et examine
le fond d’œil.
QUATRE QUESTIONS SYSTÉMATIQUES
D’ORIENTATION
L’ATTENTION À PORTER AUX MYOPES
2. Une toux chronique
associée à des signes ORL
(autres qu’une rhinorrhée
postérieure non
purulente) doit faire
pratiquer :
A. Une radiographie des sinus.
B. Un scanner des sinus.
C. Des tests allergologiques.
D. Aucun examen ne doit
être réalisé et le patient
doit être adressé à l’ORL.
3. Lorsque la toux
chronique s’accompagne
de signes cliniques
d’asthme ou de BPCO,
il est recommandé de :
A. Pratiquer une radiographie
pulmonaire.
B. Pratiquer une EFR.
C. Débuter un traitement
d’épreuve, soit de l’asthme,
soit de la BPCO.
4. En présence d’une toux
chronique isolée
et lorsque la radiographie
pulmonaire est normale,
le traitement de première
intention est :
A. Un corticoïde inhalé.
B. Une association
antihistaminique H1
de première génération
+ décongestionnant
(pseudoéphédrine).
C. Un inhibiteur de la pompe
à protons.
VIII
«
1 - Est-ce que vous voyez bien ? Et, en particulier, lorsque vous conduisez ?
2 - Etes-vous gêné la nuit ?
3 - Ressentez-vous une fatigue visuelle lorsque vous
lisez longtemps ?
4 - Voyez-vous déformé ?
En cas de réponse positive à l’une de ces questions,
on doit adresser le patient à un ophtalmologiste pour
chercher, plus électivement, un problème de réfraction nécessitant une prescription de lunettes ou un
problème de coordination oculaire pouvant bénéficier
de rééducation orthoptique.
À PARTIR DE 30-40 ANS
Une question supplémentaire est posée : « Y a-t-il une
maladie des yeux dans votre famille ? Quelle maladie ? » Si le malade a la notion d’un glaucome ou d’une
hypertension oculaire dans sa famille, on entame un
dépistage de glaucome.
Si le médecin généraliste dispose d’un tonomètre automatique bien réglé et en bonne condition de maintenance, il n’adressera son patient à l’ophtalmologiste
qu’au vu de chiffres supérieurs à 18 ou 20. En l’absence
de matériel, il oriente ce patient chez un spécialiste.
Notons toutefois qu’il existe des glaucomes à pression
normale. « On peut fortement conseiller à tout le monde
de faire dépister le glaucome tous les quatre à cinq ans
à partir de 45 ans », recommande le Pr Dan Alexandre
Lebuisson.
APRÈS 45-50 ANS
Aux questions précédentes, s’ajoute celle-ci : « Voyezvous de près ? ». Si la vision de près diminue, l’indication de consultation spécialisée est évidente. A cet
âge, il est d’ailleurs recommandé de faire un premier
Vendredi 17 novembre 2006 | numéro 2389
CHEZ LA PERSONNE ÂGÉE
Il n’y a pas d’examen systématique à prévoir. Mais il
faut savoir entendre la plainte d’un sujet âgé qui décrit une vision déformée, avec des ondulations. Il peut
s’agir d’une dégénerescence maculaire liée à l’âge
(Dmla). Cette affection conduit fréquemment à une
baisse brutale de la vision.
Les myopes peuvent se plaindre d’éclairs visuels ou
d’apparition brutale de corps flottants, justifiant une
consultation spécialisée pour examiner la périphérie
de la rétine. Ces divers troubles peuvent correspondre
à des phénomènes tout à fait bénins ou bien à des
décollements du vitré – complet ou non – assez fréquents ou, plus rarement, à des déchirures de la
rétine.
EXISTE-T-IL DES INDICATIONS
SYSTÉMATIQUES DE L’EXAMEN
DU FOND D’ŒIL ?
L’examen du fond d’œil (FO) est systématique chez
le diabétique. Une photo du FO est suffisante et peut
être transmise par réseau à des ophtalmologistes qui
feront le diagnostic éventuel de rétinopathie.
Dans la maladie hypertensive, le FO n’est utile que
lors d’une hypertension aiguë, mais n’apporte rien
dans un tableau d’hypertension chronique. Précisons
au passage que l’HTA systémique ne représente pas
un facteur direct de risque de glaucome. LES CORPS FLOTTANTS DU VITRÉ
Les corps flottants du vitré représentent la conséquence
d’un décollement plus ou moins partiel du vitré. Il est
recommandé d’adresser à l’ophtalmologiste tout patient
qui se plaint de corps flottants du vitré récents.
Il importe, en effet, de vérifier qu’un décollement du vitré
ne soit pas associé à une lésion de la rétine. Le vitré
décollé tire, en effet, sur la rétine et peut la détacher
en bloc ou la déchirer. Mais, le décollement du vitré luimême n’entraîne généralement pas de gêne sévère. Il s’agit
d’une affection sans gravité, qui ne guérit jamais et pour
laquelle nous ne disposons d’aucune thérapeutique.

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