Au Pakistan, un attentat-suicide du côté des balançoires

Transcription

Au Pakistan, un attentat-suicide du côté des balançoires
Au Pakistan, un attentat-suicide du
côté des balançoires
Editorial. L’attentat, revendiqué par des talibans, a frappé dimanche un parc
de Lahore, où des familles chrétiennes fêtaient Pâques. Au moins 72 personnes
ont été tuées et 340 blessées.
Ils voulaient surtout tuer des enfants, alors ils
ont visé l’endroit du parc où se trouvent les
balançoires. Autant que possible, ils voulaient
tuer des enfants chrétiens, alors ils ont choisi de
frapper un dimanche de Pâques. C’était au Pakistan,
ce 27 mars, à Lahore, deuxième ville du pays et
fief du premier ministre, Nawaz Sharif : plus de 72
morts, au moins 340 blessés. Une de ces tueries
aveugles qui caractérisent l’époque, dira-t-on, et
qui, si elles n’épargnent pas l’Europe, sont le lot
trop commun de la région dite du « Grand MoyenOrient ».
Les talibans pakistanais – ceux qui trouvent que le pays n’applique pas la
charia avec toute la rigueur requise – ont fièrement revendiqué l’attentat.
La faction Jamaat-ul-Ahrar de la nébuleuse talibane locale a expliqué : « La
cible était des chrétiens. Nous envoyons ce message au premier ministre Nawaz
Sharif pour lui dire que nous sommes entrés dans Lahore. » Depuis plus de
deux ans, l’armée pakistanaise est en lutte contre une insurrection armée,
dans le nord-ouest du pays, le Waziristan, où elle combat un mélange de
talibans nationaux, de rescapés d’Al-Qaida et de réseaux criminels. M. Sharif
a promis d’en finir avec cette guérilla.
Capitale de la province du Pendjab, Lahore abrite une importante minorité de
chrétiens, traités en citoyens de seconde zone et régulièrement martyrisés
dans un pays qui se veut avant tout une république islamique. Le jardin dit
« Gulshan-e-Iqbal » est l’un des parcs les plus populaires de cette ville de
plus 10 millions d’habitants. Il était bondé ce dimanche quand le terroriste
a fait exploser son gilet piégé, libérant des dizaines de billes d’acier
alentour. En dépit de ce qu’affirme le Jamaat-ul-Ahrar, la plupart des
victimes, selon la police, sont des musulmans, dont plusieurs dizaines
d’enfants.
Tourmente moyen-orientale
Oublions le contexte pakistanais. Ce type d’attaque a une résonance
aujourd’hui particulière en Europe, parce que Paris et Bruxelles ont été
durement frappées. Mais ces attentats à la voiture ou à la veste piégées
frappent régulièrement les villes plongées depuis des années dans la
tourmente moyen-orientale. Combien de lignes consacrées dans la presse à
l’attentat-suicide perpétré par un adolescent et revendiqué la semaine
dernière par l’organisation Etat islamique (EI), dans une banlieue sud de
Bagdad, Al-Asriya ?
C’était vendredi 25 mars. Là, il s’agissait de tuer le plus possible
d’adolescents chiites assistant à une remise de prix après une victoire de
leur club de football : 32 morts, 84 blessés. L’EI, quintessence du mouvement
suprémaciste sunnite, comme Al-Qaida, tue des musulmans chiites pour la seule
raison qu’ils sont chiites. Dans la journée du 28 février, l’EI a commandité
deux attentats-suicides dans les quartiers sud de Bagdad, majoritairement
chiites. Bilan : 130 morts, des centaines de blessés.
On parle trop peu de ces blessures qui mutilent, traumatisent, défigurent
– bref, ruinent autant de vies. On passe trop vite sur la violence chez « les
autres ». On contextualise trop le terrorisme. On ne raconte pas assez les
attentats pour ce qu’ils sont : l’odeur du sang ; les morceaux de chair
explosés dans un lieu de la banalité quotidienne ; les corps démembrés,
désarticulés par le souffle ; ces moments d’innocence interrompue par une
volée de billes d’acier. Voilà ce qu’ont trouvé les secouristes, ce 27 mars,
dans un jardin public de Lahore, du côté des balançoires.
En savoir plus sur
http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/03/28/au-pakistan-un-attentat-suicid
e-du-cote-des-balancoires_4891121_3232.html#O4197zPwIjTKzylC.99
Source :©
Au Pakistan, un attentat-suicide du côté des balançoires

Documents pareils