Fiscalité abus de droit et acte manque

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Fiscalité abus de droit et acte manque
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LETTRE JURIDIQUE & FISCALE
de la plus-value sur la base de la valeur initiale
de l’apport.
Droit fiscal :
 Visites domiciliaires : réformes des
recours contentieux
CEDH 21-2-2008, n°18497/3, RAVON c/
FRANCE
Droit fiscal :
 Le caractère subsidiaire de l’abus de droit
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CE, 8 et 9 ss-sect, 5 mars 2007, n°284457,
SELARL Pharmacie des Chalonges : JurisData n°2007-081090.
Alors même qu’un contribuable conclut un
contrat dans le but exclusif d’éluder l’impôt ou
d’atténuer
ses
charges
fiscales,
l’Administration fiscale ne peut recourir à la
procédure de répression de l’abus de droit (Art.
L.64 du LPF) lorsque la charge fiscale de
l’intéressé ne se trouve en réalité pas modifiée
par cet acte.
Les faits de l’espèce sont les suivants : une
pharmacienne apporte à une SELARL l’officine
qu’elle exploite individuellement. L’apport est
alors évalué à 4 900 000 F. Dés l’année
suivante, l’apporteuse trouve un acquéreur
pour sa pharmacie à un prix beaucoup plus
élevé. Afin d’éviter une trop grande taxation au
titre des plus values professionnelles, elle
décide de rectifier la valeur dudit apport par
assemblée générale. Quelques mois plus tard,
elle cède son officine pour un montant
légèrement supérieur à la nouvelle valeur et
déclare ainsi une plus value relativement
faible.
Le but exclusivement fiscal de l’opération étant
retenu, l’Administration, écarte la décision de
l’Assemblée Générale et procède à l’imposition
Alors que la Cour d’Appel estimait la procédure
d’abus de droit parfaitement justifiée, le
Conseil d’Etat casse l’arrêt au motif que
l’Administration aurait du se contenter
d’imposer les sommes dues. En effet, la Haute
Assemblée estime que les modifications
apportées a posteriori par le contribuable « ne
pouvaient en aucun cas conduire à modifier les
éléments de détermination d’un exercice déjà
clos ». En ce sens, les juges considèrent qu’un
« montage raté » est un montage qui ne peut
être abusif.
Comme le précise Olivier FOUQUET,
président de la Section des Finances du
Conseil d’Etat, « En définitive, lorsque le
contribuable réussit son optimisation, il
échappe à l’abus de droit. Lorsqu’il rate
complètement son optimisation au point que
celle-ci ne peut lui procurer formellement
aucun avantage fiscal, il échappe également à
l’abus de droit. Il faut donc être très habile ou
très maladroit. En revanche, le contribuable
moyennement
maladroit,
quant
à
lui
succombera ».
Arrêt :
« Considérant qu'il ressort des pièces du
dossier soumis aux juges du fond que Mme
Bigourdan a fait apport de l'officine de
pharmacie qu'elle exploitait à titre individuel à
Basse Goulaine (Loire-Atlantique) à la société
d'exercice libéral à responsabilité limitée
(SELARL) PHARMACIE DES CHALONGES,
créée le 22 décembre 1993 et dont elle était
l'unique associée ; que l'acte d'apport annexé
aux statuts de la société évaluait à 4 900 000 F
les éléments incorporels apportés ; que, par un
acte rectificatif à cet acte d'apport, présenté le
12 janvier 1995 à l'enregistrement, cette valeur
a été portée à 8 101 000 F ; que la SELARL
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PHARMACIE DES CHALONGES, après avoir
cédé le 31 mars 1995 son fonds pour un prix
de 8 440 000 F, a déclaré sur le fondement de
l'article 39 quaterdecies du code général des
impôts une plus-value à court terme d'un
montant de 339 000 F ; que l'administration a,
dans le cadre de la procédure de répression
des abus de droit de l'article L. 64 du livre des
procédures fiscales, recalculé cette plus-value
sur le fondement de la valeur initiale d'apport,
estimant que l'acte rectificatif n'avait eu d'autre
but que d'éluder l'impôt ; que la SELARL
PHARMACIE DES CHALONGES demande au
Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 4 mai 2005
par lequel la cour administrative d'appel de
Nantes a confirmé le jugement du 18 juin 2002
du tribunal administratif de Nantes rejetant sa
demande en décharge des suppléments
d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été
assujettie au titre de l'année 1995 et des
pénalités y afférentes ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres
moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du
livre des procédures fiscales : Ne peuvent être
opposés à l'administration des impôts les actes
qui dissimulent la portée véritable d'un contrat
ou d'une convention à l'aide de clauses : (...)
qui déguisent soit une réalisation, soit un
transfert de bénéfices ou de revenus (...).
L'administration est en droit de restituer son
véritable caractère à l'opération litigieuse. En
cas de désaccord sur les redressements
notifiés sur le fondement du présent article, le
litige est soumis, à la demande du
contribuable, à l'avis du comité consultatif pour
la
répression
des
abus
de
droit.
L'administration peut également soumettre le
litige à l'avis du comité dont les avis rendus
feront l'objet d'un rapport annuel. Si
l'administration ne s'est pas conformée à l'avis
du comité, elle doit apporter la preuve du bienfondé du redressement ; qu'il résulte de ces
dispositions que lorsque l'administration use
des pouvoirs que lui confère ce texte dans des
conditions telles que la charge de la preuve lui
incombe, elle est fondée à écarter comme ne
lui étant pas opposables certains actes passés
par le contribuable dès lors qu'elle établit que
ces actes ont un caractère fictif, ou bien, à
défaut, recherchent le bénéfice d'une
application littérale des textes à l'encontre des
objectifs poursuivis par leurs auteurs et n'ont
pu être inspirés par aucun motif autre que celui
d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que
l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes,
aurait normalement supportées eu égard à sa
situation et à ses activités réelles ; que
toutefois, même lorsque le contribuable conclut
un contrat dans l'unique but d'atténuer ses
charges fiscales, celui-ci ne peut pas
constituer un abus de droit au sens des
dispositions précitées lorsque la charge fiscale
de l'intéressé ne se trouve en réalité pas
modifiée par cet acte ;
Considérant qu'en application du 2 de l'article
38 du code général des impôts, l'augmentation
de la valeur de l'actif net de la société
impliquée par la rectification effectuée en
janvier 1995 du traité d'apport de 1993 n'a pu
que majorer à due concurrence son bénéfice
imposable au taux ordinaire de l'exercice en
cours, dès lors que, d'une part, elle n'a
correspondu à aucun supplément d'apport
effectué au cours de cet exercice et que,
d'autre part, quel que soit l'effet rétroactif que
les parties à ce traité ont entendu lui conférer,
cette rectification ne pouvait en aucun cas
conduire à modifier les éléments de
détermination des résultats d'un exercice déjà
clos ; qu'ainsi l'administration pouvait imposer
au taux normal l'écart entre la valeur primitive
du fonds de commerce et celle que lui
reconnaissait l'acte rectificatif ; que par suite
ce dernier ne pouvait être qualifié d'abus de
droit ; que la SELARL PHARMACIE DES
CHALONGES est donc fondée à demander la
cassation de l'arrêt attaqué pour avoir retenu
cette qualification inexacte ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code
de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de
l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de
l'Etat le versement de 3 000 euros au titre des
frais exposés par la SELARL PHARMACIE
DES CHALONGES et non compris dans les
dépens. »
Claire SERRET
JMB.
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