Z`infos Marines

Transcription

Z`infos Marines
N° 4
Deuxième trimestre 2012
Z’infos Marines
L’actualité environnementale
de la Réunion côté marin
Edito
Ce trimestre dans
Z’infos Marines
Biolave : l’heure du bilan
Arvam et Vie Océane - p° 2
Les poissons profonds de l’Océan
Indien, un monde à découvrir
Aquarium - p° 4
Mission cachalot à l’île Maurice,
avril/mai 2012
Globice - p° 6
La réserve naturelle marine de la Réunion :
5 ans déjà !
Réserve Marine de la Réunion - p° 8
Une observation rare : regroupement
de vivaneaux sur les récifs coralliens
de La Réunion
IRD - p°10
Les projets de la délégation Ifremer
océan Indien dans le domaine de
la biodiversité, de l’aide à la gestion
d’espaces ou d’espèces emblématiques
Ifremer - p° 12
L’invité du trimestre
Ce trimestre, Z’infos Marines vous invite à toucher le fond.
Tiens ? Le journal se laisserait-il submerger par un certain
pessimisme ambiant porté par les flots d’une actualité il est
vrai peu légère ? Rien de tout cela, au contraire ! Car une
fois atteints, les fonds peuvent réserver bien des surprises, et
des abysses peuvent surgir curiosités et découvertes.
C’est que viennent nous montrer l’Arvam et Vie Océane,
en poursuivant le récit de leur exploration des profondes
pentes du volcan. L’Aquarium a également touché le fond, ou
plutôt les fonds. Il nous explique quelles étranges espèces les
peuplent. "Au fond du trou", "les bas-fonds"… Ce terme de
"fond" est décidément bien péjorativement connoté. A n’en
pas douter, s’il pouvait parler, le cachalot tiendrait à l’égard
des profondeurs un tout autre langage. Globice s’attarde sur
ce roi de la plongée. Ceci étant, l’actualité de ce trimestre ne
prend pas pour unique cadre la zone mésopélagique.
A l’heure d’une nouvelle stratégie nationale sur les aires
marines protégées, quelles nouvelles du côté de la Réserve
Naturelle Marine de la Réunion ? Le GIP nous raconte les
évolutions depuis sa création, il y a 5 ans déjà. A l’image des
profondeurs, les lagons de l’Ouest "réservent" eux aussi des
surprises. En témoigne la surprenante découverte effectuée
par l’IRD au niveau de l’Ermitage. Connectivité, efficacité des
AMP, à l’Ifremer de conclure sur le sujet.
Un peu de poésie pour finir. Gilbert Pounia, l’emblématique
leader du groupe Ziskakan, nous livrera le fond de sa
pensée sur son île, sa culture, ses rapports à la mer et à son
environnement. Quelle plus belle musique de fond pour ce
numéro ?
Interview de Gilbert Pounia - p° 14
La rédaction
1
BIOLAVE : l’heure du bilan…
La phase 3 du projet BIOLAVE s’est déroulée entre le 15
février et le 21 mars 2012. Elle se termine et complète
judicieusement les deux phases amont (cf. Z’infos Marines
n ° 3). Divisée en plusieurs ateliers, elle s’est intéressée
à l’inventaire de la biodiversité des zones où la lumière se
fait plus réduite, donc à partir de 60 m de profondeur, zone
accessible uniquement par des techniques spécifiques et
lourdes de mise en œuvre.
Les deux ateliers principaux de la phase 3 (DeepBiolave
et DeepFishing) viennent compléter BIOLAVE mais pas
seulement. Les scientifiques souhaitaient également partir à
la rencontre des nouvelles espèces de l’éruption de 2007 où
compléter ces découvertes …
L’atelier DeepBiolave s’est déroulé sur 5 jours du 20 au 25
février dernier. Deux plongeurs certifiés, dont un photographe
sous-marin professionnel, sont venus explorer les coulées 2004
et 2007 jusque 80 m de profondeur. Equipés d’un matériel
rarement utilisé pour les études scientifiques, leurs missions
étaient (i) de prendre des clichés des paysages sous-marins
présents à ces profondeurs et (ii) de collecter les organismes
vivants qu’ils rencontraient.
Collecte d’échantillons par 80 mètres de fond.
Après 15 minutes d’images et de prélèvements, c’est 1h30
qui est nécessaire en moyenne pour chaque plongée afin
de réaliser les paliers de décompression relatifs à ce type
d’immersion. Challenge exceptionnel relevé par l’ARVAM et
les professionnels de la plongée l’accompagnant dans cette
tâche (Mi Air Mi Eau,TSMOI et Sport&Océan), cette nouvelle
expédition a permis de collecter une centaine d’échantillons
et de bancariser 1.000 photographies supplémentaires.
Il semblerait que 60 espèces aient été collectées au total,
dont 25% d’algues, 24% d’invertébrés benthiques fixés de
type bryozoaires, coraux mous et vers, 15% d’hydraires et
12% d’éponges. Ces premiers résultats sont en cours de
vérification.
Etonnant paysage volcanique sous-marin.
L’atelier DeepFishing s’est déroulé sur 4 jours, nuit et jour,
au large des coulées 2004 et 2007, à plusieurs profondeurs.
A bord du Let’s go, crevettier professionnel, ce sont 14
palangres verticales, 15 filières de casiers et de nasses qui
ont été immergées entre 200 et 1.000 m de profondeur.
Environ 50 kg de crevettes ont été récoltés, une espèce de
‘‘zourite’’ pêchée à 400 m de profondeur et plusieurs crabes,
2
Z’infos Marines n° 4
pagures et poissons de grande profondeur. L’identification
de ces pêches a fait l’objet d’une étude approfondie par des
spécialistes taxonomiques venus de la Société des Sciences
Naturelles de La Rochelle. Les identifications sont toujours en
cours à ce jour, mais plusieurs espèces semblent venir s’ajouter
aux listes d’espèces mondiales des poissons profonds. La
contribution des lycéens de 1ère scientifique du lycée Stella
Matutina a permis d’ajouter aux descriptions taxonomiques
des mesures et des observations complémentaires sur les
individus, notamment les requins zépines (taille, sexe, régime
alimentaire, etc.).
Collecte d’échantillons à différentes profondeurs afin d’en savoir plus sur la
composition sédimentaire des coulées de laves.
Le volcan nous offre un laboratoire naturel d’exception pour
l’étude de la colonisation des substrats sous-marins vierges.
Beaucoup d’études sont aujourd’hui menées sur nos récifs
coralliens, à raison, mais la zone Est de l’île de la Réunion
semble avoir encore bien des richesses à nous offrir. Après un
an et demi d’investigations, il est temps aujourd’hui de dresser
le bilan de cette aventure scientifique hors du commun.
Participation des élèves de 1ère scientifique du lycée Stella Matutina aux
mesures et observations.
Une étude de la macrofaune endogée est venue compléter
cette troisième phase. La quarantaine d’échantillons collectés
sur les coulées 2004 et 2007 à différentes profondeurs à bord
de l’Explorer (Aquarium de La Réunion) sont en cours de tri
et en attente d’identification. Ils permettront d’en savoir plus
sur la composition sédimentaire des coulées de laves.
BIOLAVE, c’est environ 50 partenaires mobilisés (scientifiques,
logistiques, financeurs, etc.), 2.500 heures de terrain pour
1.000 heures de laboratoire, 10.500 photos bancarisées et
à trier, 1.500 échantillons et une base de données à 5.000
entrées à gérer.
Le bilan se fait donc attendre, mais de nouveaux programmes
de recherches/actions sont d’ores et déjà initiés et à envisager
pour continuer à améliorer nos connaissances et à valoriser
notre patrimoine naturel marin réunionnais.
Cette troisième phase a signé la fin des explorations terrain
de BIOLAVE, mais ne fait que confirmer à quel point les
profondeurs de notre océan restent mal connues à la
Réunion.
Auteurs : Stéphanie Bollard, Jean-Pascal Quod (Arvam) et
Florence Trentin (Vie Océane)
Crédits photos : Bassemayousse,Barrère,
Arvam,Biolave
Pour en savoir plus : www. arvam.com/biolave
3
Les poissons profonds de l’Océan Indien,
un monde à découvrir
Depuis quelques années, un phénomène nouveau est apparu
à La Réunion. Certains pêcheurs, désertant les récifs coralliens
épuisés et les DCP du large trop fréquentés, se sont spécialisés
dans la pêche profonde (au-delà de 100 m et jusqu’à 600700 m), capturant ainsi des poissons jusqu’alors inconnus sur
l’île. Ce sont de nouvelles techniques comme les moulinets
électriques et les vire-lignes qui ont permis l’exploitation de
cette nouvelle ressource.
comme le sanglier tacheté (Xenolepidichthys delgleishi) ont
été déterminées à partir des contenus stomacaux des grands
prédateurs.
La coulée volcanique de la Fournaise en 2007 a également
permis de collecter bon nombre d’espèces profondes dont
certaines étaient inconnues pour la science, comme le poisson
d’argent (Argyripnus hulleyi) ou le colas rouge (Symphysanodon
pitondelafournaisei) (Durville et al. 2009a). L’expédition
Abyssea réalisée en 2008 avec un robot sous marin a aussi
permis d’identifier de petites espèces comme le barbier à
plume (Plectranthias inermis) et de découvrir, pour la première
fois, les différents habitats de ces poissons jusqu’à 400 m de
profondeur (Durville et al. 2009b).
La réglementation en vigueur à La Réunion pour ce type de
ressources ne concerne pour l’instant que les plaisanciers,
qui n’ont pas le droit de posséder des appareils électriques.
Ils utilisent alors des engins manuels tout aussi efficaces
mais plus longs à mettre en œuvre. Il faut savoir que ces
poissons ont un métabolisme beaucoup plus lent que ceux
Ce loup noir (Lamprogrammus brunswigi) d’une vingtaine de kilos est le
seul individu répertorié à La Réunion. Il a été pêché à plus de 700 m de
profondeur.
Forte de cette constatation et compte tenu des nombreuses
sollicitations de la part des pêcheurs, des plaisanciers, des
restaurateurs et des services sanitaires, l’équipe de l’Aquarium
a, petit à petit, grâce à la contribution de nombreuses
personnes et organismes, collecté et répertorié toutes ces
espèces afin de les identifier et d’en dresser un inventaire. Ce
travail a permis de compléter largement la liste des poissons
marins de la Réunion publiée en 2009 (Fricke et al., 2009).
Certaines espèces sont des spécimens uniques collectés
dans les eaux réunionnaises, comme l’anguille à nez court
(Simenchelys parasitica) pouvant vivre jusqu’à 3.000 m de fond,
d‘autres comme le caduchon (Gonorynchus gonorynchus) ont
été capturées uniquement à l’état de larves, d’autres encore
Certains spécimens profonds comme ce petit beauclair à bandes blanches
(Pristigenys niphonia) ont pu être présentés au public dans les bassins
de l’Aquarium.
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Z’infos Marines n° 4
des récifs avec des durées de vie incroyablement longues et
des maturations tardives, comme l’hoplosthète (Hoplosthetus
atlanticus) qui peut vivre jusqu’à 150 ans mais ne devient
mature sexuellement qu’à partir de 60 ans. Ils sont donc très
vulnérables et leur population peut décliner très rapidement,
comme on a pu le constater sur des espèces comme la
castagnole noire ou zambasse (Eumigistus illustris).
L’ensemble de ces espèces de poissons a été répertorié dans
un guide simple et didactique destiné au grand public. Alain
Diringer, dessinateur et photographe, a réalisé l’ensemble des
planches de dessins avec une précision remarquable, de façon
à représenter au mieux ces animaux et de mettre l’accent
sur leurs différentes particularités. Ce livre, qui est le premier
volume de 2 ouvrages (les poissons profonds de l’océan Indien
et les poissons pélagiques de l’océan Indien), est un bilan initial
de ces espèces profondes capturées autour de La Réunion et
dans l’océan Indien en général. 160 espèces pour 86 familles y
sont représentées et peuvent facilement être identifiées grâce
à une description de l’animal, ses caractéristiques, ses mœurs
et son utilisation ou sa dangerosité éventuelle.
La castagnole noire ou zambasse (Eumigistus
illustris) a fait l’objet d’une pêche intensive
avec l’apparition des moulinets électriques. En
quelques années, les stocks se sont effondrés et
c’est maintenant un poisson rare.
Il est clair que dans ce domaine, de nombreuses découvertes
restent encore à faire et de nouvelles espèces sont
régulièrement décrites et inventoriées. N’oublions pas que La
Réunion est un volcan posé sur 4.000 m de profondeur et
que ses pentes sont autant d’espaces à explorer.
Références :
Fricke R.., Mulochau T., Durville P., Chabanet P., Tessier E. &
Y. Letourneur, 2009. Annotated checklist of the fish species
(Pisces) of La Réunion, including a Red List of threatened and
declining species. Stuttgarter Beiträge zur Naturkunde, N.S. 2
: 1-168.
Durville, P., Mulochau, T., Barrère, A., Quod, J. P., Spitz, J., Quero,
J. C. & S. Ribes 2009a. Inventaire des poissons récoltés lors de
l’éruption volcanique d’avril 2007 du Piton de la Fournaise (Ile
de La Réunion). Annales de la société de sciences naturelles
de la Charente-Maritime, 9 (9) : 948-956.
Durville, P., Mulochau, T., Alayse J. P., Barrère, A., Bigot L. & R.
Troadec, 2009b. Exploration sous-marine à l’aide d’un engin
de type ROV sur les reliefs profonds de l’île de La Réunion –
Expédition ABYSSEA. Rev. Ecol. (Terre Vie), 64 : 293-304.
Le vivaneau la flamme (Etelis coruscans)
pouvant dépasser le mètre est très recherché
par les pêcheurs.
Beaucoup d’espèces de mérous sont capturées en
profondeur, comme ce mérou zébré (Epinephelus
radiatus). Elles sont parfois difficiles à différencier.
Auteurs : Patrick Durville
Crédits photos : Aquarium de la Réunion
Pour en savoir plus :
www.aquariumdelareunion.com
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Mission cachalot à l’île Maurice,
avril/mai 2012
L’association Globice a réalisé du mercredi 25 avril au mercredi
02 mai 2012 la quatrième mission de son projet ‘‘Etude du
cachalot dans la zone Réunion-Maurice’’. Cette mission, réalisée
en partenariat avec la MMCS (Marine Mauritius Conservation
Society), entre dans le cadre d’une étude scientifique de la
population de cachalots des Mascareignes, financée par la
Fondation Nature & Découvertes et initiée en 2008.
L’objectif général de cette étude scientifique vise à améliorer les
connaissances sur le cachalot (Physeter macrocephalus) dans le
Sanctuaire Baleinier de l’océan Indien et plus particulièrement
dans la zone Réunion-Maurice.
Le cachalot est une espèce cosmopolite que l’on observe
dans tous les océans. Cela dit, son étude n’en est pas moins
difficile, du fait de son mode de vie. En effet, le cachalot passe
la plupart de son temps en plongée. Il détient d’ailleurs les
records de profondeur et de temps de plongée avec 3.000 m
de fond et 1h30 d’apnée.
de l’espèce). Dès la détection, nous utilisons le logiciel Rainbow
click ©, spécialement conçu par IFAW (International Fund for
Animal Welfare) pour le suivi acoustique des individus. Ce
logiciel détecte automatiquement les clics de cachalots reçus
par l’hydrophone stéréo et calcule sa direction par rapport au
bateau, en se basant sur le délai de réception du signal entre
les deux micros de l’hydrophone.
Un échantillonnage acoustique et une veille visuelle sont
maintenus jusqu’à ce que l’animal soit détecté en surface.
L’écoute des vocalises émises nous permet de savoir si
l’animal est en surface ou en plongée et d’estimer le nombre
minimum d’animaux présents (1, 2 ou >3). Dans la mesure du
possible, un enregistrement en continu des vocalises est réalisé
(enregistrement coupé lors des manœuvres au moteur).
Les connaissances sur cette espèce au sein de l’océan Indien
sont très limitées. Quelques études et observations révèlent sa
présence aussi bien en zone océanique qu’en zone côtière.
Devant le manque de connaissances sur cette espèce, Globice
s’est lancée dans un projet d’étude basé sur la combinaison
d’une prospection visuelle et d’un échantillonnage acoustique.
L’étude acoustique consiste à faire une écoute le long d’un
transect, grâce à un hydrophone tracté à l’arrière du bateau,
pour détecter la présence de cachalots (clics caractéristiques
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Z’infos Marines n° 4
Toutes les données visuelles et acoustiques, ainsi que l’effort
de prospection, sont saisis in-situ, dans une base de données
Access, via une interface Logger©, conçue par IFAW, à
laquelle nous avons ajouté des onglets pour la saisie des
données d’observation et d’effort de prospection. Cette
interface permet de géo-référencer toutes les données, grâce
à une antenne GPS branchée sur l’ordinateur embarqué.
Ainsi, chaque enregistrement de la base de données est lié à
une position GPS. L’hydrophone est également directement
relié à l’ordinateur, via une carte son externe. Les sons sont
donc enregistrés en format numérique, directement sur le
disque dur de l’ordinateur. Une sauvegarde des données est
effectuée chaque jour sur disque dur externe.
Ces premières missions ont révélé :
- une abondance relativement importante de cachalots à
proximité des côtes de l’île Maurice ;
- une préférence des groupes pour les eaux de plus de 1.500
m de fond, sur la pente externe du talus de l’île Maurice ;
- une résidence de groupes de femelles accompagnées de
leurs petits;
- deux grands types d’activité : nourrissage et socialisation (les
vocalises qui leur sont associées ont été enregistrées) ;
- des mouvements d’individus le long de la côte de l’île Maurice
et entre différents groupes.
L’ensemble des photos a été comparé au catalogue tenu par
le Centre d’Etudes Biologique de Chizé (CEBC – CNRS),
concernant les TAAF (îles Kerguelen et Crozet). A ce jour,
aucune recapture n’a pu être effectuée.
Malgré une météo difficile, cette quatrième mission a permis
l’identification d’une vingtaine de cachalots dont 7 recaptures
et une quinzaine de nouveaux individus. Certains des cachalots
recapturés ont été identifiés pour la première fois en 2008.
Grâce aux quatre missions réalisées à ce jour, le catalogue
de photo-identification des cachalots compte 82 individus
différents.
Un grand merci à François, le skipper du voilier, pour sa patience
et sa disponibilité ; à l’équipage (Vanessa, Zoë, Peggy, JeanMarc et Bernard) pour sa motivation, son efficacité et sa bonne
humeur ; à la Fondation Nature & Découvertes pour son soutien
et sa confiance ; à la MMCS pour son aide dans l’obtention
des autorisations gouvernementales et pour sa participation à
la mission.
Auteurs :Violaine Dulau, Laurent Mouysset
Crédits photos : Globice
Illustrations : Kevin Boisvilliers
et Sébastien Thomas
1ère Bac pro communication graphique,
lycée professionnel de Saint-Pierre
Pour en savoir plus : www.globice.org
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La réserve naturelle marine de la Réunion : 5 ans déjà !
Créée par le décret interministériel n° 2007-236 du 21 février
2007, la réserve naturelle nationale marine de la Réunion
couvre environ 40 kilomètres de linéaire côtier et 35 kms
carrés d’aire marine protégée. Elle s’étend sur les communes
de Saint-Paul, Trois Bassins, Saint-Leu, les Avirons et l’EtangSalé.
privilégiés de la réserve naturelle marine de la Réunion, le
conseil scientifique qui réunit les principaux experts dont
les champs de compétence impactent la gestion de l’espace
naturel et le comité consultatif, instance de concertation qui
réunit à la fois les services de l’Etat, les collectivités locales, les
représentants des usagers et associations, les personnalités
scientifiques qualifiées.
Créée suite à la prise de conscience de la nécessité de
protéger un patrimoine marin exceptionnel et fragile, la
réserve naturelle marine de la Réunion a vu 2 organismes
prendre en charge sa gestion. En effet, le G.I.P. – RNMR a pris
la suite des actions déjà menées depuis 1997 par l’association
Parc marin de la Réunion.
Si la mise en place de la réserve s’est faite avec beaucoup
de tensions dans sa phase initiale, aujourd’hui, force est de
constater que les mentalités des usagers de cet espace ont
changé et évolué afin de s’approprier cet espaces naturel tout
en prenant compte à la fois le patrimoine naturel existant et
leurs pratiques. Des irréductibles ou des nouveaux usagers
ne connaissant pas toujours la règlementation sont encore
pris en flagrant délit d’infraction par les gardes. Le travail
Le gestionnaire de cet espace naturel est le G.I.P. – RNMR
(Groupement d’Intérêt Public – Réserve Nationale Marine
de la Réunion). Son équipe est composée de 15 personnes
réparties sur 5 cellules:
- Direction (3 personnes),
- Cellule Administrative et Financière (2 personnes),
- Cellule Surveillance et Police (8 gardes commissionnés et
assermentés, 1 garde),
- Cellule Animation et Sensibilisation (4 personnes)
- Cellule Connaissance, Gestion, Protection Patrimoine
Naturel (1 personne et des transversalités d’action avec
l’ensemble du personnel).
Trois organes de gouvernance se rattachent au gestionnaire : le
conseil d’administration qui réunit les financeurs et partenaires
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Z’infos Marines n° 4
de sensibilisation et d’éducation à l’environnement par les
animateurs depuis quelques années a fait son chemin dans
les têtes des touristes et locaux qui fréquentent le périmètre
de la réserve.
Bon anniversaire à la Réserve Nationale Naturelle Marine de
la Réunion !
A l’heure actuelle, les actions menées par le G.I.P. - RNMR
prennent de plus en plus d’ampleur dans le paysage
environnemental réunionnais. Le plan de gestion qui sera
validé avant la fin de l’année 2012 donnera au gestionnaire sa
feuille de route de 2012 à 2016.
Par ailleurs, au-delà du périmètre propre de la réserve
naturelle nationale marine de la Réunion, le gestionnaire
s’attachera à travailler en gestion intégrée avec l’ensemble
des acteurs concernés, y compris ceux du bassin versant, afin
que tous prennent conscience de l’impact de leurs actes sur
le milieu naturel.
L’objectif principal est de travailler et d’avancer en concertation
avec l’ensemble des acteurs concernés afin que l’on ne dise
plus demain qu’une grande partie des récifs coralliens de la
Réunion a été mise sous cloche par la réserve marine !
Auteurs : Soraya Issop Mamode,
directrice du GIP RNMR
Crédits photos : GIP RNMR
Pour en savoir plus : www.reservemarinereunion.fr
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Une observation rare : regroupement de vivaneaux
sur les récifs coralliens de La Réunion
Le vivaneau maori (Lutjanus rivulatus, Cuvier, 1828) est un
poisson marin de l’Indopacifique pouvant atteindre 80 cm
pour un poids de 11 kg. Les jeunes individus affectionnent
les platiers récifaux peu profonds recouverts d’algues (Kuiter
RH et al., 2001). Les adultes peuvent descendre sur la pente
externe jusqu’à 100 m de profondeur où ils se nourriront
de petits poissons, céphalopodes et crustacés benthiques
(Sommer et al., 1996).
Vivaneau maori (Lutjanus rivulatus).
Source: fishing-khaolak.com
Peu de choses sont connues sur la reproduction de cette
espèce. Chez les Lutjanidés, les femelles pondent des
millions d’œufs dans la mer où ils sont fécondés par les
mâles. Cette méthode de reproduction implique aux mâles
et femelles, plutôt d’instinct solitaire, de se regrouper pour
maximiser les chances de fécondation. Cela est-il vérifié pour
Lutjanus rivulatus ? Existe-t-il des lieux favorables à de tels
regroupements ?
Un premier élément de réponse peut-être donné à La Réunion
où un rassemblement d’une douzaine de Lutjanus rivulatus a
été observé en janvier 2012, par moins de 20 m de fond au
site de la Passe de l’Ermitage située entre le récif de SaintGilles et celui de la Saline sur la côte ouest de La Réunion.
Ce regroupement pourrait être relié à la reproduction de
l’espèce.
Le même phénomène a été observé aux îles Salomon dans
le Pacifique, où les pêcheurs traditionnels ont remarqué au
niveau des passes des regroupements réguliers d’individus
matures avec des œufs prêts à être expulsés, après les pleines
lunes de février à mai (Hviding, 1996).
Présent sur les récifs coralliens, il est soumis à une forte
pression de pêche commerciale et récréative. Sa taille adulte
élevée en fait aussi un bon candidat pour l’aquaculture.
L’exploitation mondiale de la pêche des vivaneaux côtiers a
été multipliée par 15 en 60 ans passant de 17.305 tonnes
en 1950 à 255.320 tonnes en 2010 (Food and Agriculture
Organization).
Le vivaneau maori est occasionnellement pêché autour de l’île
de la Réunion. C’est une espèce peu commune à la Réunion
et considérée comme vulnérable (Fricke et al., 2009). La
reproduction d’une telle espèce est donc un enjeu important
pour la durabilité de cette ressource exploitée.
10
Z’infos Marines n° 4
Ce phénomène décrit pour la première fois à La Réunion
montre l’importance écologique de la passe de l’Ermitage,
zone d’échange entre le platier récifal et la pente externe, avec
une architecture des fonds relativement complexe favorable
à l’installation de nombreuses espèces récifales. Cette zone,
incluse dans le périmètre de la Réserve Naturelle Marine
de La Réunion, ne fait cependant pas partie des zones les
mieux protégées contre les prélèvements, car est seulement
assujettie à une interdiction à la pêche sous-marine.
De ce fait, et à la vue de son importance écologique, elle
nécessiterait une vigilance de protection particulière qui
pourrait passer par un renforcement de la réglementation
en vigueur.
Références :
Fricke, R., Mulochau, T., Durville, P., Chabanet, P., Tessier, E. &
Letourneur, Y. 2009. Annotated checklist of the fish species
(Pisces) of La Réunion, including a Red List of threatened and
declining species. Stuttgarter Beiträge zur Naturkunde (A)
Neue Serie 2: 1–168, figs. 1-4, tabs. 1-7.
Hviding, E. 1996. Guardians of Marovo Lagoon: practice, place,
and politics in maritime Melanesia. Pacific Island Monograph
Series 14. Honolulu: University of Hawai’i Press.
Kuiter, R.H. and T. Tonozuka 2001 Pictorial guide to Indonesian
reef fishes. Part 1. Eels- Snappers, Muraenidae - Lutjanidae.
Zoonetics, Australia. 302 p.
Sommer, C.,W. Schneider and J.-M. Poutiers 1996 FAO species
identification field guide for fishery purposes.The living marine
resources of Somalia. FAO, Rome. 376 p.
www.fao.org
Auteurs : Antoine Riou & Pascale Chabanet (IRD),
Christophe Cadet (RNMR)
Crédits photos : IRD et fishing-khaolak.com
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Les projets de la délégation Ifremer océan Indien dans le domaine de la
biodiversité, de l’aide à la gestion d’espaces ou d’espèces emblématiques
La délégation Ifremer océan Indien conduit ou participe
actuellement à 7 projets de recherche dans le domaine de la
biodiversité ou de l’aide à la gestion/conservation d’espaces
et d’espèces emblématiques en océan Indien.
Le projet Pampa : s’appuyant sur 7 Aires Marines Protégées,
dont celle de La Réunion (RNMR), Pampa vise à définir des
indicateurs de suivi des ressources naturelles, des usages et
de gouvernance afin de créer un tableau de bord permettant
l’évaluation et le suivi de la performance des AMP («réussite
de la mise en réserve»). L’objectif est de protéger les habitats
et les ressources naturelles en contribuant à la gestion des
différents usages. L’Ifremer est chargé de l’analyse de la
pêche traditionnelle, de la chasse sous marine et de la pêche
côtière embarquée. Le tableau de bord pourra être utilisé
par la RNMR afin de suivre l’efficacité de son plan de gestion
(financement IFRECOR, Ifremer, Aamp, GIP RNMR).
Le projet CAMP (Connectivité des Aires Marines Protégées)
repose sur l’utilisation de l’outil de génétique des populations
: nombre d’aires marines protégées (AMP) sont actuellement
en cours de création dans le Sud Ouest de l’Océan Indien
(SOOI), notamment sous l’égide de la Commission de
l’Océan Indien (COI ). Le but de CAMP est d’estimer la
connectivité effective entre les différentes zones côtières du
SOOI afin de contribuer au dessin de ce réseau d’AMP : les
populations vivant au sein de chaque AMP fonctionnent-elles
démographiquement de façon indépendante ? Quelles sont
les zones connectées et celles qui sont isolées? Les réserves
envisagées s’alimenteront-elles les unes les autres?
Lutjanus kasmira CAMP repose sur l’échantillonnage de 14 sites du SOOI
(Seychelles, Rodrigues, îles Eparses, etc.) de 3 espèces de
petits poissons récifaux (Epinephelus merra, Lutjanus kasmira
et Myripristis berndti) sur lesquels sont pratiquées des analyses
génétiques (50 individus de chaque espèce sur chaque site)
afin de préciser l’historique de colonisation des îles et de
cerner les voies d’échange actuelles entre populations. Selon
les niveaux d’échange, des recommandations sur la disposition
en réseau plus ou moins dense des AMP pourront être
formulées à la COI fin 2012 (projet financé par l’UE, le CR, la
Deal Réunion, l’Ifremer et la WIOMSA ).
Le projet ''tortues marines'' : Les tortues marines sont des
espèces aujourd’hui en danger, inscrites à l’Annexe I de la
convention de Washington (CITES) ainsi que sur la liste rouge
de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la
Nature). Cinq des 7 espèces de tortues se rencontrent dans le
SOOI : la tortue verte, l’imbriquée, l’olivâtre, la caouanne et la
luth. L’Ifremer travaille sur ces espèces depuis plus de 30 ans en
collaboration étroite avec Kélonia , et dispose aujourd’hui des
données et connaissances permettant d’élaborer un ensemble
de recommandations/propositions qui seront utilisées en
2012/2013 par les Deal de La Réunion et de Mayotte, ainsi que
par les Taaf pour rédiger le Plan de Conservation des Tortues
Marines dans les îles et eaux françaises de l’océan Indien
(OI). Le dernier manque important dans la connaissance
porte sur les voies préférentielles de migration empruntées
par les tortues entre leurs zones de ponte et leurs aires
d’alimentation, parfois éloignées de plusieurs milliers de km.
Epinephelus merra Myripristis berndti
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Z’infos Marines n° 4
Pour ce faire, 140 balises Argos sont en cours de déploiement
(action Ifremer et Kélonia en partenariat avec les pays
membres de la COI et de la côte Est africaine, ainsi que
les gendarmes en poste sur les îles Eparses ; financements
multiples ANR, Deal, Conseil Régional, Kélonia, Total, Crédit
Agricole, Ifremer).
se sont associés pour demander l’emport, en plus du LIDAR
prévu, d’un capteur hyperspectral afin de mener un projet
de R&D visant à développer puis vérifier l’efficacité d’une
nouvelle méthode de cartographie par télédétection des
habitats littoraux.
La Réunion a été retenue comme site pilote pour ce projet.
Les cartographies des secteurs coralliens doivent y être
achevées mi 2012. Si les résultats obtenus par le groupe de
projet Ifremer/Arvam-Pareto/Actimar sont jugés concluants
(précision des cartographies, rapport qualité/coût), le
traitement des images acquises sur les autres îles françaises
de l’OI sera réalisé en 2013 et 2014. Nous disposerons
alors d’une cartographie exhaustive des habitats coralliens,
point de départ de suivis long terme de l’évolution de ces
écosystèmes à très haute valeur patrimoniale, sous l’effet des
pressions anthropiques (La Réunion et Mayotte), ou dans le
cadre du changement climatique global (les îles Eparses quasi
inhabitées).
Le projet Spectrhabent : L’Etat, par l’intermédiaire des Services
de la Deal de La Réunion, a lancé début 2009 le projet
Litto3D® sur toutes les îles françaises de l’OI. Ce projet
consiste à cartographier l’altimétrie et la bathymétrie des
îles et de leur littoral. Les données sont acquises au moyen
d’un capteur laser aéroporté (‘‘LIDAR bathymétrique’’). Afin
de profiter des vols Litto3D, l’État, les Taaf, l’Aamp et l’Ifremer
A noter pour finir que la Délégation Ifremer océan Indien
contribue également à d’autres projets dans les domaines
de l’environnement ou de la biodiversité, menés par ses
partenaires locaux, parmi lesquels on peut citer le projet
Polarun coordonné par l’ARDA, Gestion durable des
cétacés à La Réunion porté par l’association Globice, ou plus
récemment le projet Charc coordonné par l’IRD.
Auteurs : Ronan Le Goff, Jérôme Bourjea, Pierre Gildas Fleury,
Michel Ropert, Hugues Evano, Loïc Le Rû et Laurence Maurel
Crédits photos :
Pour en savoir plus : www.ifremer.fr/lareunion
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L’invité du trimestre
Z’infos Marines
L’actualité environnementale
de la Réunion côté marin
Gilbert Pounia
source: S. Cazanove et T. Caro
Ce trimestre, peut-être pour se conformer à la mode du moment, nous avions envie de changement.
S’écarter quelque peu du monde de la mer et de l’environnement, pour mieux se recentrer sur la Réunion.
Or, qui pourrait mieux nous parler de l’île que celui qui la chante depuis plus de 30 ans ? C’est dans le
restaurant familial de Grands-Bois, en bord de mer, que nous reçoit Gilbert Pounia, leader du groupe
Ziskakan. Ne perdons pas davantage de temps à le présenter ici, il s’en chargera bien mieux que nous.
Ecartons-nous donc un peu de l’environnement pour parler culture et histoire. Mais, vous le verrez, quel
que soit le chemin par lequel s’engage la conversation, il nous ramène toujours à la mer.
Propos recueillis par Guillaume Cottarel et Zoë Glénard
Z’infos Marines : Ziskakan a fêté ses 30 ans en 2009. Afin
de mieux vous présenter à ceux qui ne vous connaîtraient
pas, comment cette aventure a-t-elle commencé ?
30 ans après, la situation a changé. Le maloya est notamment
classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Que reste-t-il des
combats du début ?
Gilbert Pounia : Au milieu du XXème siècle,la langue créole,
la culture créole étaient largement méprisées, déconsidérées
par les pouvoirs publics, voire même à l’école. Les kabars, le
maloya étaient interdits. Dans ce contexte ''d’étouffement'' de
notre culture, de notre histoire, des individus, des poètes, ont
commencé à prendre la parole, à écrire, à valoriser tout ceci.
Axel Gauvin, Alain Armand, Patrice Treuthardt par exemple,
vont impulser un mouvement poétique et littéraire créole,
en créole. Ça dérange politiquement. Ziskakan n’existe pas
encore, mais va naître de ce mouvement, de cette rencontre
entre la poésie, l’écriture et la musique. A l’époque, vers la fin
des années 70, je reviens de métropole où j’étais parti étudier.
Je vois que quelque chose se passe, on attire l’attention
sur la culture et sur la langue créole. Je suis séduit par ce
mouvement et je décide d’y participer. C’est une période
de mouvements identitaires, on note des mouvements
similaires à Maurice, voire en métropole dans certaines
régions. Ziskakan vient de là. Ce n’est pas qu’un groupe de
musique au début, plus un «mouvement». Au début, nous
jouions plus ou moins clandestinement. Chez la famille de
Daniel Waro, à Trois Mares. Ce sont des souvenirs incroyables
! Toute la réunion se déplaçait. Les scènes officielles ne nous
étaient pas ouvertes, nous jouions dans les champs de cannes,
dans les cours. Ces kabars marrons, bien qu’illégaux, étaient
impossibles à empêcher. Puis les scènes se sont ouvertes
petit à petit. A Saint-Denis, au Port, où nous jouions à l’Oasis.
Ca n’a cependant pas été facile, en témoigne notre expulsion
du théâtre du Tampon en septembre 1979. Nos paroles ne
plaisaient pas à tout le monde.
Il y a beaucoup à faire encore aujourd’hui, pour diffuser
l’histoire de la Réunion, en parler, pour ouvrir sa culture et
sa langue largement. Aujourd’hui encore, il n’y a pas de réelle
prise en compte de notre histoire, de l’histoire de l’esclavage
par exemple, au sein de l’histoire de France. Le classement
du maloya est certes une bonne chose, mais ça n’apporte
rien de profond. Nous souhaitons continuer à diffuser le plus
loin possible la culture créole et son histoire. Notre prochain
album abordera ces thèmes : la séparation, la destruction de
la personnalité subie par les esclaves arrachés de chez eux,
parlera de la langue créole.
On note bien que les thèmes de Ziskakan se situent davantage
sur le plan social. Quelle place l’environnement occupe-t-il
parmi vos sources d’inspiration ?
C’est quelque chose d’important ! C’est le sujet de certaines
de nos chansons. On voit bien que quelque chose se
passe actuellement. On nous parle de réchauffement, de
déforestation. Madagascar par exemple, où nous sommes
allés tourner un clip de notre dernier album, est grandement
victime de cette déforestation. Il faut cependant se poser
la question de pourquoi en arrive-t-on là ? A Madagascar,
beaucoup de monde n’a pas de moyens et puiser dans les
dernières ressources naturelles de l’île, dans sa forêt, est pour
certains le seul moyen de subsister. Nous voulons montrer
ce que nous avons, et ce que nous risquons de perdre à
ce niveau si nous ne faisons pas attention. Un morceau
du prochain album parle de notre environnement. Nous
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projetons de diffuser pendant ce morceau, sur scène, des
images de dauphins, de baleines. Nous ouvrons d’ailleurs
certains de nos concerts par des chants de baleines !
Pourquoi les cétacés ?
J’ai grandi ici (à Grands Bois, ndlr), en bord de mer. On voit
souvent les baleines ici en hiver. Elles venaient et viennent
toujours danser devant chez moi. On a l’impression que
quelque chose se passe pour elles dans ces moments-là,
devant nos yeux. J’ai eu envie de faire partager un peu ça.
Puisque nous avons rejoint la mer, restons-y ! Quelle vision la
mer vous inspire-t-elle ?
J’ai grandi au bord de la mer, mais j’en ai bien longtemps eu
peur ! A la Réunion, beaucoup de gens voient la mer comme
dangereuse. Dès qu’il y a un problème en mer, qu’elle se
montre quelque peu dangereuse, ça prend des proportions
incroyables. On s’emballe très vite, comme s’il s’agissait d’un
élément effrayant. Moi aussi, elle m’effrayait plus jeune. J’ai
appris par la suite à l’aimer. Nous avons chanté un «romans
bleu», sur des paroles d’Axel Gauvin, montrant que la mer
est belle.
Vous connaissez bien l’Inde, vous en revenez d’ailleurs. Quel
rapport à la mer les gens ont-ils là-bas ?
La mer est davantage vue comme nourricière qu’à la Réunion.
Cependant, elle ne nourrit plus comme avant, loin de là. Les
gens prennent des risques inconsidérés, sur des embarcations
de fortune, pour ramener quelques maigres poissons. La
pollution marine est par endroits très impressionnante, ce qui
a des conséquences énormes pour les gens que la mer est
censée nourrir. Constater ceci m’a fait prendre conscience
qu’ici, il faut se montrer très vigilants. Il est primordial de
sensibiliser les jeunes sur ce sujet, pour éviter de voir ici un
jour ce que j’ai vu en Inde.
cher, je souhaite que mes enfants puissent voir, à Grands Bois
comme ailleurs, ce que j’ai vu petit. Parler de tout ça aux
plus jeunes est à mes yeux essentiel. Nous y travaillons avec
Ziskakan. On lit trop de choses négatives, dans les journaux par
exemple, concernant l’environnement. A chaque fois qu’on le
mentionne, c’est sur un ton catastrophique. J’aimerais voir du
positif à ce niveau. Pour ça, il faut passer par la sensibilisation
des plus jeunes. Les artistes ont un rôle social, nous pouvons
trouver les mots qui touchent et les diffuser.
Plus largement, quel regard portez-vous sur l’environnement
de la Réunion ?
Je trouve la Réunion magnifique. Je vis entre la Plaine des
Palmistes et Grands Bois, des endroits magnifiques. La
nature qui nous entoure est unique, j’en prends conscience
à chaque fois que je rentre de tournée à l’étranger. La nuit,
notamment, est magnifique dans les hauts. L’hiver, quand je
traverse les plaines, il se dégage une ambiance féérique de
la vision de toutes les montagnes éclairées faiblement par
la lune et les étoiles. Je suis conscient que nous vivons dans
un cadre magnifique à la Réunion, que c’est une chance et
qu’il faut tout faire pour préserver cela. Je suis optimiste, je
crois en l’être humain, nous ne sommes pas fous ! Les jeunes
sont plus sensibilisés que leurs parents en ce qui concerne
l’environnement, je crois en eux.
Vous qui avez grandi au bord de la mer, avez-vous un souvenir
d’enfance marquant à nous raconter la concernant ?
Ce serait sûrement ces souvenirs de pêche à la gaulette.
Toute une troupe de Grands-Bois parcourait le petit lagon
et ramenait des filets entiers, vendus le soir à la boutik. Ils
ramenaient poissons, langoustes, etc. Il y avait une ambiance
chaleureuse et conviviale, qui n’existe plus vraiment. Le
folklore qui existait autour de ces moments a grandement
disparu, un peu comme les poissons qu’on ramassait alors.
Pour conclure, quels sont vos projets ?
Souhaitez-vous jouer un rôle au niveau de l’effort de
sensibilisation à mener ?
Oui, nous avons participé à une campagne visant à sensibiliser
sur la préservation de notre lagon. C’est un thème qui m’est
Nous partons en Inde enregistrer notre prochain album, qui
n’a d’ailleurs pas encore vraiment de nom. Ce sera un album
varié, dont les textes nous ont été transmis par différents
auteurs.
Z’infos Marines
L’actualité environnementale
de la Réunion côté marin
Globice remercie les différents partenaires de ce numéro :
l'Aquarium de la Réunion, l'Arvam, l'Ifremer, l'IRD,
laRéserve naturelle Marine de la Réunion et Vie Océane
Coordination, mise en page
et conception graphique :
Guillaume Cottarel, Zoë Glénard
Contact : [email protected]
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