L`Algérie touristique est-elle possible

Transcription

L`Algérie touristique est-elle possible
L’Algérie touristique est-elle possible ?
Précédant la cérémonie de signature de conventions entre Selectour, le premier réseau
d’agences de voyages en France et l’Onat, le premier tour-operator algérien, un circuit
touristique a été organisé, la semaine dernière. Nous y étions du voyage…
Départ le soir vers Constantine qui est toujours dans l’attente de la réception de sa nouvelle
aérogare. Après une nuit “agitée” au grand hôtel Cirta, un 3 étoiles qui en “mériterait” 5 pour sa
population d’acariens et pour sa literie poussiéreuse, les hôtes de l’Onat ont pu découvrir, au
matin, la façade majestueuse de l’hôtel d’inspiration arabo-mauresque, une architecture qui
rappelle des splendeurs passées. Pour Saïd Boukhelifa, conseiller du ministre du Tourisme et
de l’Artisanat, le “confort”, au demeurant, spartiate des chambres du Cirta est dû, selon lui, à “la
vétusté du mobilier”. Pour cet “officiel” qui accompagne la délégation, cette situation ne saurait
perdurer puisque l’État vient de dégager une enveloppe de 70 milliards de dinars pour rénover
et réhabiliter les hôtels et les complexes touristiques lui appartenant.
De plus, pour M. Boukhelifa, l’implantation récente à Constantine de chaines hôtelières de
réputation mondiale avec des établissements tels que le Mercure, Ibis, Novotel et bientôt le
Marriott (un 5 étoiles), va créer de l’émulation et “tirer vers le haut” le niveau de qualité des
prestations du Cirta. Enfin, tout le monde reconnaît, et les Français en tête, le “potentiel” que
recèle indéniablement le grand hôtel Cirta qui, malgré les vicissitudes, a tout pour redevenir un
“palace” comme il fut, très certainement, à son ouverture, en 1912. Situé en plein centre-ville
de Constantine, l’établissement est, assurément, un endroit idéal pour les hommes d'affaires de
passage sur le Vieux Rocher. Par ailleurs, la manifestation “Constantine, capitale 2015 de la
culture arabe” constitue, assurément, une aubaine pour l’ancienne capitale de Massinissa. Et
pour cause, il est attendu que les nouvelles infrastructures “révolutionnent”, ici, “la qualité de
vie”. De visu, les travaux du viaduc, le Trans Rhumel, le 8e pont de Constantine, le 1er que
réalise l'Algérie indépendante, par le biais de l'entreprise brésilienne, sont impressionnants. A
priori, il s’agit d’une prouesse technique. L'ouvrage, qui devrait être réceptionné d'ici la fin de
l'année, est déjà très imposant. De par sa taille et son allure futuriste, cette réalisation viendra
s'ajouter aux autres sites et curiosités que le visiteur aura à découvrir dans l’antique Cirta.
Constantine, en saut en élastique
On prend ensuite la direction du Monument aux morts, un promontoire qui offre une vue
imprenable sur la vallée du Hamma. Sur les lieux, un jeune tient absolument à montrer à la
presse : “Ce que Sellal, le Premier ministre, en visite à Constantine, n’a pas vu.” Et pour
cause ! La stèle commémorative érigée en souvenir des soldats morts durant la Première
Guerre mondiale 1914-1918, (dont nombreux, du reste, parmi eux, portent des noms bien de
chez nous), est brisée et sert d’urinoir. Comme pour Sellal, la délégation sera soigneusement
mise à l’écart. Nous rejoindrons plus tard, pour notre part, le reste du groupe pour emprunter,
non loin, les télécabines au niveau de la station du CHU Abdelhamid-Ben Badis. Durant la
1/6
L’Algérie touristique est-elle possible ?
traversée, notre accompagnateur, Mohamed- Chérif Djebbari, directeur régional de l’Onat pour
l’Est, nous apprend que ce nouveau moyen de locomotion, inauguré en juin 2008, est venu
rendre de grands services à des milliers de Constantinois. Il offre également une vue
surprenante sur les méandres du Rhummel. En quelques minutes seulement, le visiteur prend
conscience alors de la profondeur de ces gorges et de la géographie unique de l’antique Cirta.
Mais comment peut-on apprivoiser, à la fin, ce gouffre effrayant ? Comment transformer une
vertigineuse contrainte en un louable avantage ? Au cours du trajet, le patron de Selectour,
Patrick Abisset, a une idée quelque peu saugrenue.
Mais seulement en apparence. Pour lui, la configuration exceptionnelle de Constantine peut
servir de site idéal pour des amateurs de sensations fortes. Comment ça ? “Du saut en
élastique !” qu’il propose, une activité sportive extrême, qui pourrait créer de l’animation autour
de ces ponts, témoins impassibles des grandeurs et des petitesses de la ville. “La nature a
horreur du vide, le tourisme aussi !”, semble croire fermement M. Abisset. Le précipice pour
pôle d’attraction, rien de tel pour sortir le Vieux Rocher de sa léthargie. Il fallait y penser ! Le
concept n’est pas si “bête”. Une attraction touristique autour du thème des “Ponts de
Constantine” devrait attirer non seulement des “casse-cous” qui viendraient de partout pour se
jeter dans le vide mais servirait aussi de prétexte pour visiter la ville. “Et puis ça fera une sortie
aux Constantinois !”. M. Djebbari précise que le canyon atteint une profondeur de presque
200 m à partir du pont de Sidi-M'cid. Pour le patron de Selectour, “l’évènementiel” pourrait
drainer, en effet, de nombreux touristes en Algérie : “l’idée est de créer de la diversité. Et pour
ça, l’Algérie s’y prête bien”. Pour lui, aucune opportunité n’est donc à écarter. S’agissant de la
faisabilité d’un tel projet, M. Abisset s’est surtout enquis des autorisations administratives. Le
responsable de l’Onat a promis de soulever, d’abord, la question aux services de la Protection
civile. Homme d’affaires avisé, M. Abisset parie déjà que les marques de boissons énergisantes
se bousculeront, sans doute, pour sponsoriser l’évènement. Bref, l’idée est lancée, faut-il
seulement la creuser jusqu’au fond du lit du Rhummel.
Quand l’Onat se redéploie…
À bord d’un bus flambant neuf, le groupe prend, ensuite, l’autoroute Est-Ouest pour se rendre à
Hamam Guergour dans la wilaya de Sétif. De type Mercedes grand luxe, ce bus parmi les 20
acquis récemment par l’Onat, comporte une cabine de toilettes (WC) avec chasse d’eau, un
réfrigérateur de bord et un espace-repos (couchette) pour le conducteur. Confortablement
assis à côté de Saïd Boukhelifa, on glanera, durant le voyage, quelques informations
pertinentes.
On apprendra, ainsi, que sous la houlette du nouveau directeur général, Mohamed- Chérif
Selatnia, un professionnel du secteur, l’Onat est en pleine restructuration. Depuis quelques
mois, l’office ne dépend plus de la SGP Gestour mais relève directement du ministère du
Tourisme et de l’Artisanat. Une vaste réflexion est, par ailleurs, menée pour attribuer de
nouvelles missions à l’Onat et doter cette entreprise publique de nouveaux moyens matériels
performants. Aussi, pour lui permettre d’assurer son rôle stratégique dans la dynamique de
développement du tourisme national et international, un premier budget d’investissement de 2
milliards de dinars lui a été alloué. “Le redéploiement sera progressif”. Après l’acquisition de ces
bus luxueux, l’Onat envisage d’acquérir des véhicules 4X4 pour les circuits et les excursions
dans le Sud saharien. Ce programme d'acquisition ne s’arrête pas seulement à de nouveaux
moyens de transport.
L’Onat ambitionne, également, de disposer de ses propres capacités d'hébergement par la
2/6
L’Algérie touristique est-elle possible ?
construction de villages de vacances. Pour prendre en charge, plus efficacement, la clientèle
locale, notamment les jeunes, l’Onat a décidé de recourir aux auberges de jeunesse qui offrent
des tarifs très réduits et dont certaines sont si bien loties qu’elles n’ont rien à envier à des hôtels
3 étoiles. “Si les jeunes d’aujourd’hui connaissaient la profondeur stratégique de leur pays, le
plus grand pays d’Afrique et les nombreux sites qu’il regorge, ils renonceraient à quitter ce pays
fabuleux qui s’appelle l’Algérie”, souligne notre compagnon de voyage. C’est animé par cette
conviction que la nouvelle équipe aux commandes veut insuffler une dynamique nouvelle pour
le tourisme domestique. “Il faut réconcilier le touriste algérien avec son pays ! Il s’agit
d'enclencher un cercle vertueux par la mise en place de produits d’appel”. Saïd Boukhelifa, un
vieux routier du secteur, qui a eu à exercer notamment les fonctions de directeur commercial
de l’Onat, sait de quoi il parle quand il évoque, non sans une pointe de nostalgie, “la décade
prodigieuse”. “Les jeunes d'aujourd'hui ne savent pas que durant les années 1970, l'Algérie
recevait des charters entiers de touristes suédois, hollandais, britanniques, belges, français,
suisses, italiens... On ne peut leur reprocher de ne pas savoir que les terrasses des cafés et les escaliers de la Grande-Poste d’Alger étaient alors souvent bondés de ‘têtes blondes’ qui
venaient profiter du soleil d’Algérie. Nos jeunes ne savent même pas que les touristes que l’on
voit dans le film Les vacances de l’inspecteur Tahar n’étaient pas des figurants mais de
vrais vacanciers étrangers !”.
Entre Bibans et Babors
Le paysage est grandiose. La route escarpée longe par endroits le cours de l’oued Bousellam.
Les collines enneigés et quelques conifères viennent nous rappeler les paysages alpins. On
traverse rapidement la petite ville de Bougâa où Kateb Yacine avait usé ses pantalons sur ses
bancs d’école. On aperçoit, enfin, Hammam Guergour. Annoncé depuis plusieurs semaines, le
déplacement de la délégation de Selectour était très attendue. Dés l’entrée de l’établissement
thermal, une forte odeur de peinture fraîche nous prend à la gorge.
La visite montrera très vite un délabrement des installations, un manque d’hygiène criant. Pour
arrondir les angles, M. Boukhelifa révèle, une fois encore, qu'une enveloppe conséquente,
(encore une !) allait être consacrée par l’État pour la réhabilitation et la modernisation d’une
dizaine de stations thermales, soit onze milliards de dinars dont 869 millions de dinars réservés
uniquement pour Hammam Guergour, dont l’état de vétusté est, en effet, très avancé. Malgré
les insuffisances et les aléas forts nombreux qu’il a lui-même constatés, le patron de Selectour,
Patrick Abisset, reste très optimiste et parie sur les vertus curatives de l’eau qui, selon lui,
contrebalancent les “imperfections”. “Bien sûr, beaucoup de choses sont à revoir et une mise
aux normes est indispensable !” tempère-t-il. En fait, c’est le moins qu’il pouvait dire. Car même
les équipements de rééducation fonctionnelle sont rouillés et n’ont pas été renouvelés depuis…
1987. Et pourtant la caractéristique exceptionnelle des eaux thermales et minérales de
Hammam Guergour qui réside notamment dans leur très forte radioactivité aurait dû susciter un
plus grand intérêt des autorités concernées.
Cette spécificité place, en effet, la station de Hammam Guergour au 1er rang en Algérie et au
3e rang mondial après les bains de Brembach, en Allemagne et les bains de Jachimov, en
ex-Tchécoslovaquie. Pour la délégation, il n’est pas question d’accabler qui que ce soit. Après
les affres connues par l’Algérie durant plusieurs décennies, le mérite de ces installations est
qu’elles existent encore. Le personnel très productif et très motivé du reste, confirme à M.
Abisset que nombre de nos compatriotes résidant en France venaient régulièrement pour des
cures thermales. Après le déjeuner, la délégation prend la direction de la wilaya de Bordj
3/6
L’Algérie touristique est-elle possible ?
Bou-Arréridj. Sur le départ, on admire les amandiers en fleurs et on inspire, une dernière fois,
l’air vivifiant de la petite Kabylie. Et revoilà, l’autoroute Est- Ouest, un “désert” habité
uniquement par des véhicules motorisés. “Heureusement que les paysages sont à couper le
souffle et ont de quoi agrémenter le voyage”. On traverse très vite les gorges des Bibans avant
de longer la longue chaîne du Djurdjura. Les Andalouses en Kite surf
Le lendemain, on embarque sur un vol en direction d’Oran, “la Radieuse” où un autre bus de
l’Onat nous attendait pour nous emmener à Hammam Bouhanaifia, dans la wilaya de Mascara.
Cette virée dans les hautes plaines du Ghriss nous fera imaginer les chevauchées fantastiques
de l’Émir Abdelakder car nous sommes ici dans son fief. Et le paysage est, une fois encore, là
aussi, magnifique. Les collines sont verdoyantes et les fameux vignobles qui font la réputation
des grands crus sont là, à perte de vue. Le printemps promet d’être bucolique. Comme à
Hammam Guergour, la nature est toute aussi généreuse. À ce titre, le développement du
tourisme thermal peut se révéler comme un sérieux encouragement à la protection de
l’environnement. Outre le thermalisme, de nombreuses activités économiques telles que
l'écotourisme, l'agriculture et l’élevage intégrés, pourraient, dans un contexte de développement
durable, permettre la création d'emplois et continuer à produire du bien-être social. De toute
manière, les touristes, en quête de détente, ne chercheront jamais à visiter des contrées
polluées. On arrive enfin à Hammam Bouhanifia, une “ville d’eaux” par excellence. Première
remarque : de nombreux hôtels sont alignés les uns à côté des autres. On apprend que sur les
53 hôtels que compte la wilaya de Mascara, 43 sont implantés à Hammam Bouhanifia (!). Une
concentration qui témoigne, si besoin est, du rush que connaît cette station thermale qui ne
désemplit pas, à longueur d’année. Les plaques d’immatriculation des véhicules indiquent la
présence de visiteurs de toute l’Oranie. Sur certaines bâtisses est écrit, en grosses lettres, le
mot “dortoir” et viennent rappeler le déficit en structures d'hébergement est comblé
partiellement par l’accueil chez l’habitant. Au cours d’une collation offerte à la délégation, à
l’hôtel Béni Chougrane, le directeur de l’établissement thermal, Charef Houari, insiste sur les
opérations de réhabilitation sur le point d’être lancées.
Peine perdue, son “avertissement” est presque inutile : le pire ayant été vu, la veille, à
Hammam Guergour… Et puis, franchement, ici aussi, l’odeur de la peinture est très fraîche…
Pour sa part, le docteur Kartali Chami, un médecin spécialiste en hydrologie et climatologie
médicale issu de l’université de Nancy, en France, nous apprend que parmi les indications
traitées à Hammam Bouhanaifia, il y a notamment les troubles de l’appareil digestif. Il nous
explique que les cures de boisson à l’eau de source sont très efficaces dans le traitement
dyspeptique et pour améliorer la motricité de l’appareil digestif. “Il suffit de plusieurs prises d’un
volume d’eau précis de 50 à 80 cl en fonction du poids pour que le patient se sente aussitôt
mieux”. Nous nous précipitons, alors, sur la source du Palmier pour ingurgiter deux grands
bols d’eau chaude à 45%. Si l’effet est, notons-le, indéniable, à moins qu’il ne s’agisse
seulement d’auto-persuasion, il convient de s’interroger sur l’utilisation très peu “hygiénique” de
récipients collectifs en plastique. Notre question paraît néanmoins bien secondaire tant le
brouhaha du hall et la mine réjouie des curistes donne un air d’insouciance. On a même
l’impression d’assister à une grande fête, à un rituel païen. Le Dr Kartali continue, lui, à nous
expliquer patiemment que l’eau de la station de Bou Hanaifia contient de la “silice cicatrisante”.
Il nous apprend que durant la Seconde Guerre mondiale, l’armée américaine avait réquisitionné
l’établissement, en décembre 1942, pour en faire un quasi-hôpital. “Les hélicoptères venaient y
4/6
L’Algérie touristique est-elle possible ?
déposer les militaires blessés”. Décidément, que de richesses il y a dans ce pays, un véritable
don du ciel. Après notre long périple à l’intérieur des hautes plaines du Ghriss, tout le monde
trépignait d’impatience pour rejoindre la grande bleue qui, durant tout le séjour, s’est bien
dérobée à notre regard. Ce n’était que partie remise.
Voilà qu’en prenant la route de la basse-corniche oranaise, l’azur s’offre à nous comme une
promesse. Nous prenons la direction du complexe des Andalouses à El-Ançor où nous reçoit
son sémillant directeur, Hacène Bahlouli, flanqué de son directeur commercial, le jeune et non
moins fringant Chakib Abbou qui, d’emblée, nous aborde au sujet d’un événement qu’il prépare
avec ferveur. Il nous annonce la tenue en juin d'une grande démonstration de Kite Surf, un
sport de glisse qui a “le vent en poupe” puisqu'il est devenu une discipline olympique à part
entière, lors des Olympiades de 2016, prévues au Brésil. Selon M. Abbou, la baie des
Andalouses offre les conditions idéales (vent et vagues) pour la pratique de cette activité qui,
rappelle-t-il, en pleine expansion à travers le monde. M. Bahlouli tient, pour sa part, à nous
montrer un bungalow “témoin” équipé d’un chauffe-eau à l’énergie solaire ainsi que plusieurs
chambres retapées à neuf. Le complexe a été rénové de fond en comble. Il y a quelques jours
seulement, Paul Balta, l’ancien correspondant du journal Le Monde accompagné de son
épouse, nous racontait une anecdote au sujet de l’un de ses séjours au complexe des
Andalouses et notamment sur les suites réservées à l’un de ses articles critiques sur la situation
alors désastreuse du célèbre établissement.
Le président Boumediene était intervenu personnellement pour que l’article en question ne soit
pas censuré, une manière de rappeler à l’ordre les responsables de l’époque. Autres temps,
autres mœurs, aujourd’hui, le complexe des Andalouses a un sérieux concurrent : le New
Beach, un complexe privé, dirigé par Djamel Belazzoug et Kouki Saber, un professionnel
tunisien qui a fait ses armes à Hammamet. Équipé de tout le matériel nécessaire, le New Beach
est surtout un centre de thalassothérapie comme il n’en existe, pas ailleurs, en Algérie. Grâce à
son ouverture sur la mer, le New Beach offre à l’Ouest une vue panoramique sur la baie des
Andalouses, jusqu’au complexe éponyme. Et à l’Est, ce sont les Îles Habibas qu’on peut
distinguer au large. De l’autre côté, c’est le massif du Murdjadjo, assez bien préservé, qui
nous fait fièrement face. Au cours du dîner offert à la délégation, Djamel Belazzoug nous a
réservé une surprise : le groupe Atlas est venu agrémenter la soirée par des notes musicales
notamment par les intonations langoureuses d’un violon qui, par moment, reproduisait un vague
air de “gigue irlandaise”.
“Santa-Cruz, ayez pitié de nous…”
Le lendemain, le groupe s'embarque pour la mythique Santa-Cruz. Un guide “free lance” et
donc atypique en la personne de Abdelhak Abdeslem nous raconte “Oran, la ville la plus
européenne et la moins française durant la colonisation”. Son récit est captivant. Enfant
d’El-Bahia, il en connaît tous les secrets. Chemin faisant, il nous relate l’histoire fabuleuse du
sanctuaire de Santa-Cruz. Tout a commencé en 1849. Une terrible épidémie de choléra frappe
de façon foudroyante la cité et se propage dans divers points de la ville n'épargnant ni
pieds-noirs ni indigènes. C'est alors que des Espagnols, pour ne pas dire des Oranais, ont
décidé de faire une procession pour demander solennellement à la Vierge Marie d'intercéder en
leur faveur. Ils gravirent la montagne en chantant “Notre Dame de Santa-Cruz, ayez pitié de
nous, sauvez-nous”. Le lendemain, une pluie salvatrice s’abat sur la ville durant trois jours et
délivre enfin Oran de l’épidémie du choléra. Pour remercier la Vierge Marie, la population érige,
en son honneur, sur le plateau de Santa-Cruz. Sur place, nous constatons que les lieux sont
5/6
L’Algérie touristique est-elle possible ?
assez bien préservés.
Un gardien nous affirme que la population oranaise, respectueuse, reste très attachée à
Santa-Cruz. On nous apprend que le site a été classé monument national en 2008 mais pas
pour les raisons historiques sus-évoquées. C'est plutôt pour la vue panoramique exceptionnelle
qu'offre Santa-Cruz sur la ville et la baie d'Oran à l'Est et sur la rade de Mers-El-Kébir, à
l'Ouest, un site militaire hautement stratégique.
Il est à rappeler que pour perpétuer le souvenir de Santa-Cruz, les pieds-noirs oranais
organisent en France, chaque année, le jour de l’Ascension, un pèlerinage au Mas de Mingue à
Nîmes. Concernant “le tourisme de mémoire” qui, pour des raisons notamment “humanitaires”,
a repris, ces dernières années, les responsables de l’Onat se montrent plutôt discrets se
contentant d’affirmer à ce sujet que “la demande est réelle”. En tout cas, le premier responsable
de l’Onat en l’occurrence Mohamed- Chérif Selatnia est connu dans le secteur du tourisme pour
avoir initié à l’est du pays un circuit “Sur les traces de Saint-Augustin” qui avait attiré, dans les
années 80, des centaines de visiteurs en Algérie, curieux de connaître le décor qui a vu naître
et inspirer l'auteur des Confessions. Cette expérience devrait être sûrement mise à profit afin
que des milliers de pieds-noirs, qui pour la plupart sont au crépuscule de leur vie, viennent se
recueillir dans leur pays natal. En quittant Santa-Cruz, le conseiller du ministre, Saïd Boukhelifa,
insiste sur la nécessité de ré-inculquer en Algérie une culture touristique qui, à certains égards,
a complètement disparu.
Sous l'aimable autorisation de Mohamed-Chérif LACHICHI
Source Liberté du 12 Mars 2013
Photo : Yassine Chérif MOSTEGHANEMI
6/6