Heures de nuit, pièce inédite d`Edgar Chías - Theatre
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Heures de nuit, pièce inédite d`Edgar Chías - Theatre
Liaisons 3 Revue éphémère de la manifestation Hecho en México - Fabriqué au Mexique Numéro du 11 mai 2011, fabriqué par le collectif L’Organisation. Heures de nuit, pièce inédite d’Edgar Chías Dans une chambre d’hôtel d’une petite ville du Mexique, un vieil homme malade et une jeune femme de chambre vont nouer une très étrange relation. En toile de fond, une épidémie de suicides de jeunes femmes se répand dans la région. De l’œuvre théâtrale d’Edgar Chías, le lecteur (ou le spectateur) français ne connaissait pour l’instant que Le ciel dans la peau, pièce publiée aux Éditions Le Miroir qui fume. La manifestation Hecho en « Parler est une chose étrange et fasciMéxico est l’occasion de découvrir une nouvelle nante. » pièce de cet auteur parmi les plus novateurs du théâtre mexicain d’aujourd’hui : Heures de nuit (conte Grand lecteur de romans, appréciant tout autant pour effrayer les jeunes filles). À l’initiative du collecAntÓnio Lobos Antunes que Roberto Bolaňo, fastif L’Organisation, Adeline Isabel-Mignot et Olivier Mouginot ont mené ce chantier de traduction en ciné par la faculté de l’être humain à produire des récits, Edgar Chías aime aussi les personnages. Ou collaboration avec l’auteur. plutôt il aime les faire dialoguer. Car tout dialogue Dans ce huis-clos « ludique et érotique », Edgar donne à voir les relations de pouvoir qui existent Chías nous propose d’assister aux rendez-vous noc- entre deux individus. « Peut-être que tu n’aimes pas turnes d’un vieil homme et d’une jeune femme. De parler, mais il va bien falloir. Dire que tu n’aimes pas lui, d’elle, on ne sait presque rien. Ce presque rien parler, c’est déjà parler. Parler est une chose étrange laissera place à une totalité effrayante, un jeu pervers et fascinante », explique le vieil homme à la jeune qui, comme la roulette russe, n’a qu’une seule issue : femme dans ce « conte », dont la forme et la langue la mort. sont tout aussi étranges et fascinantes. On devine que l’auteur aime s’amuser des causes et des effets du langage, tresser la parole et le silence, l’obscurité et la lumière. Les dialogues partent en roue libre et font naître un érotisme singulier... Jamais ces deux personnages ne se « toucheront » pour de vrai. Comme dans Le ciel dans la peau, il s’agit pour Edgar Chías de faire la critique des « relations asymétriques » (ici une femme et un homme d’âge mur et de statut social différents) qui sont la norme « au Mexique et dans le monde entier. » O. M. Heures de nuit (conte pour effrayer les jeunes filles) de Edgar Chías. Traduction de Adeline Isabel-Mignot et Olivier Mouginot. Titre original : De insomnio y media noche (cuento para espantar gatas). Entretien avec Manuel Ulloa, directeur des éditions Le Miroir qui fume Comédien et metteur en scène mexicain, installé en France depuis dix ans, Manuel Ulloa dirige les éditions Le Miroir qui fume, créées en 2004, dont le catalogue explore les répertoires moderne et contemporain du théâtre mexicain et compte seize titres. Rencontre avec cet artiste dont le cœur balance tranquillement entre le Mexique et la France. (MEEC), animée par le metteur en scène Michel Didym, organise à la Comédie-Française plusieurs Journées du théâtre latino-américain. À cette occasion, des textes de Jaime Chabaud et David Olguín sont publiés. En 2004, l’aventure du Miroir qui fume démarre avec la publication de Phèdre et autres grecques de Ximena Escalante. En 2005, l’équipe du Panta-Théâtre, à Caen, organise plusieurs lectures de Olivier Mouginot : Comment est né ce projet – un pièces mexicaines dans le cadre de leur manifestation peu fou – de créer en France une maison d’édition Écrire et Mettre en scène Aujourd’hui. Au début des années 2000, il y a aussi la volonté des auteurs mexientièrement dédiée au théâtre mexicain ? cains de se faire connaître en Europe. Manuel Ulloa : Quand je suis venu vivre en France en 2000 pour des raisons personnelles, je ne parlais O. M. : Les économies du spectacle sont très diffépas un mot de français. Comme je voulais continuer rentes de part et d’autre de l’Atlantique. Cette difféde vivre de mon métier de metteur en scène et de rence a-t-elle un impact sur la diffusion des pièces comédien, je me suis inscrit à un cours de théâtre de théâtre contemporain et, plus généralement, sur la privé à Paris. Pendant deux ans, j’ai pu apprendre le place des écrivains dans le collectif théâtral ? français tout en continuant à faire du théâtre. J’ai ensuite créé une compagnie qui rassemblait des artistes M. U. : En France, l’économie du spectacle est très mexicains et français, et nous avons commencé à « sophistiquée », ce qui présente, bien sûr, des avantravailler autour des écritures théâtrales mexicaines. tages, mais comporte aussi des inconvénients. Les En tant que conseiller théâtral à l’Institut Culturel projets sont plus longs à accoucher. Il est rare qu’un du Mexique à Paris, j’ai initié un cycle de lectures auteur voie sa pièce immédiatement produite sur de textes mexicains, baptisé TXT MEX. De 2003 à un véritable plateau de théâtre. Au Mexique, à côté 2005, nous avons présenté des traductions françaises d’un certain nombre de dispositifs institutionnels de d’auteurs mexicains inconnus en France. La maison soutien aux auteurs, existe une économie du théâtre d’édition Le Miroir qui fume trouve son origine dans plus informelle, qui favorise un montage rapide des œuvres contemporaines. Les modalités de programcette première expérience. mation sont très différentes. En France, le nombre de O. M. : Quand tu es arrivé à Paris, que connaissait- représentations pour une pièce de théâtre contempoon du théâtre mexicain en France ? rain est relativement faible – rapporté notamment M. U. : Les relations entre les artistes français aux coûts de production. À Mexico, une pièce va être et mexicains n’ont jamais été très développées. À programmée de façon hebdomadaire pendant plul’inverse, l’afflux important d’artistes argentins ou sieurs semaines voire plusieurs mois. Le Ciel dans la chiliens en France, chassés par les dictatures, a fait peau de Edgar Chías a été jouée pendant trois ans connaître ici les auteurs de ces deux pays. Concernant dans un petit théâtre à Mexico. La polyvalence des les auteurs mexicains, jusque dans les années 80, c’est auteurs mexicains joue également un rôle imporsurtout le nom de l’écrivain Emilio Carballido qui tant. Ils ont d’autres casquettes : metteurs en scène, domine en France et en Europe. Un certain nombre directeurs de compagnies, éditeurs… Ils font partie de pièces de cet ancien élève de Rodolfo Usigli, le du milieu professionnel et en sont même les acteurs père du théâtre mexicain, ont été publiées par diffé- principaux. rentes maisons d’éditions. À partir des années 90, de nouveaux auteurs mexicains commencent à se faire connaître en France. Les éditions Actes Sud publient une anthologie du théâtre latino-américain. En 1998, Les Solitaires Intempestifs éditent une pièce de l’écrivain José Revueltas. En 2003, la Maison des Écritures Européennes Contemporaines O. M. : Quels sont les prochains projets des éditions Le Miroir qui fume ? M. U. : Nous avons l’envie à moyen terme d’ouvrir notre fonds à des auteurs de théâtre de toute l’Amérique latine. O. M. Elle est 8 000 : retours sur la mise en espace du Ciel dans la peau Elle s’habille. Boit. Nous regarde. Attend. Nous regarde. Elle va parler. Mais pas sûr. Sourcils bien levés au-dessus du regard. Maquillage. Poum poum. À contretemps. Il y a une tâche sur la jupe. Se maquiller sans miroir. Et se défaire. Presque dans le même mouvement. Se démonter. Beauté du glissement d’un état à l’autre. Vite et lent à la fois. Ça dure cinq minutes et il y a déjà tout le texte dedans. Elle me dit tu. Me montre son ciel, les yeux dans les yeux. Qui t’es, tu ? C’est la question. Centrale. De regard à regard. De tu à tu. La langue bouge et fait des phrases qui glissent et dansent. Parfois si vite que ça chavire presque. Baroque. Suspence du retour à la ligne. Grâce de l’hésitation. C’est fragile dessous, ça tremble. Le flanc hésite à se dire front. Frontal, oui. Tu respire. Tu est toujours là. Regarde-moi dans les yeux. Et danse. C’est pas joyeux, hein ? Tenu, tendu, lâché. Tu nous cause, je lui réponds avec les yeux. Elle est morte et vivante. Le corps se dessine sur le sol. Tu efface. Tu et tu baignés, éclaboussés de regards. Vifs. Elle est là. Morte et présente. Elles sont toutes là, les 8000. Mortes. Plus de tâche sur la jupe. Sec. Noir. Ça fait boum. « Dans la mise en espace du Ciel dans la peau, je voulais qu’Odille puisse lâcher le texte, qu’elle soit un médium de ce qui est écrit, avec un attachement aux sons, au sens et au silence. » Anaïs Cintas, Metteuse en scène. Ph. L. Rencontrer des écritures et le contexte particulier qui les enclenche Entretien avec Adeline Isabel-Mignot, traductrice. En juin 2010, le collectif l’Organisation reçoit une quarantaine de textes dramatiques mexicains, après avoir lancé un appel aux écrivains par l’intermédiaire de Guillermo León. Adeline Isabel-Mignot, qui a co-traduit Cafards de Rodolfo Guillén et Heures de nuit d’Edgar Chías, nous éclaire sur le travail de découverte et de sélection des textes. dire de la culture et du peuple mexicain, des questions qui se posent à ce peuple. C. B. : Quels étaient vos critères de choix pour la sélection des textes à traduire ? A. I.-M. : Pour le public français, chaque pièce doit être une rencontre avec une écriture et le contexte particulier qui l’enclenche. Cédric Bonfils : Vous avez découvert les textes en langue originale. Comment s’est organisé votre tra- C. B. : Vous ne vous préoccupiez pas de la forme choisie par les auteurs ? vail après la réception des manuscrits ? Adeline Isabel-Mignot : Nous voulions d’abord nous laisser toucher en tant que lecteurs par les textes que nous recevions. Il ne fallait pas chercher à traduire tout de suite. Sinon, le choix des textes aurait été faussé. Il ne s’agissait pas de trouver des pièces qui se prêtaient à un travail de traduction intéressant, mais plutôt de choisir les pièces au regard de ce qu’elles pouvaient nous A. I.-M. : On s’est attaché à choisir des textes qui nous parlent à tous les trois (Guillermo Léon, Olivier Mouginot et moi-même). Des textes forts, du point de vue de la langue ou du sujet abordé, ou encore de la forme dramatique. Et nous voulions que le texte constitue une proposition scénique enthousiasmante et originale. Retrouvez la suite de cet entretien dans Liaisons 4. Prochaine mise en espace à découvrir : PROGRAMME D’HECHO EN MÉXICO Cafards de Rodolfo Guillén SOIRÉE D’OUVERTURE – LUNDI 9 MAI (19 H 30) Fercho.– Ma mère me casse les couilles avec ça. Quand est-ce que je vais lui donner des petits-enfants ? Ça me tue ! Je paie le loyer, je me drogue pas, je travaille, je m’occupe de mes affaires, j’économise ce que je peux ! Le mois dernier je l’ai emmenée voir sa soeur au village, je l’ai promenée avec toute la famille, on a bu un tepache bien frais sur la place du village, on regardait ceux qui jouaient au basket, et soudain... de Jorge Celaya Dans la pièce de Rodolfo Guillén, Cafards, c’est comme au cinéma. Les héros sont beaux. C’est aussi une histoire de mâles, de potes. On se débrouille pour trouver à manger, on se débrouille pour trouver du boulot, on se débrouille pour se débrouiller. Et on se retrouve très vite dans une embrouille. C’est la vie, pas la plus belle, mais ça va aller pour les cafards. Dans les pays chauds, eux au moins, ils mangent à leur faim. Les cafards n’ont pas inventé la tragédie classique, les cafards ne servent à rien, les cafards n’ont pas eu l’intelligence de fabriquer des centrales nucléaires. Quoi qu’il arrive, les cafards, eux, sont résistants. Cafards, c’est aussi une histoire de femme fatale, de mère au téléphone qu’on ne voit pas, et d’engueulade à la fenêtre. Pourquoi dépenser son crédit quand il y a juste dix étages à descendre ? Les cafards ont une voix et, croyez-moi, vous allez l’entendre. Aller simple pour le paradis SOIRÉE NO 2 – MARDI 10 MAI (19 H 30) Le Ciel dans la peau de Edgar Chías SOIRÉE NO 3 – MERCREDI 11 MAI (19 H 30) Heures de nuit de Edgar Chías Théâtre de l’Élysée 14 rue Basse Combalot, Lyon 7e. Tarif : 6 euros. 04 78 58 88 25 – [email protected] www.elysee.com SOIRÉE NO 4 – SAMEDI 14 MAI (20 H) Cafards de Rodolfo Guillén Nouveau Théâtre du Huitième (NTH8) 22 rue du commandant Pégout, Lyon 8e. Tarif au choix : 0, 5, 10, 50 ou 100 euros. 04 78 78 33 30 – [email protected] www.nth8.com SOIRÉE NO 5 – VENDREDI 20 MAI (19 H 30) Bêtes, chiennes et autres créatures de Luis Enrique Gutiérrez Ortíz Monasterio Médiathèque de Vaise Place Valmy, Lyon 9e. Entrée gratuite. 04 72 85 66 20 – [email protected] SOIRÉE NO 6 – JEUDI 26 MAI (19 H 30) Life on Mars ? de Guillermo León Librairie Le Bal des Ardents 17 rue Neuve, Lyon 1er. Entrée gratuite. 04 72 98 83 36 – www.lebaldesardents.com SOIRÉE NO 7 – VENDREDI 27 MAI (20 H 30) Spéciale dédicace à Kassovitz, à Kafka, au nom des meufas et des keumés, qui suivent la route des héros de Prendida de Las Lámparas de Elena Guiochins Maison des passages la littérature, du cinéma, du théâtre, pour fouler avec 44 rue Saint-Georges, Lyon 5e. eux le bitume du monde. L. B. B. Mise en espace : Guillermo León. Avec Raphaël Defour et Matthieu Grenier. Traduction : Adeline Isabel-Mignot et Olivier Mouginot. Tarifs : 8 euros / 6 euros tarif réduit. 04 78 42 19 04 – www.maison-des-passages.com SOIRÉES NO 8 & 9 – MERCREDI 8 & JEUDI 9 JUIN (19 H 30) Lapin 401 / Conejo 401 de Guillermo León Institut Cervantès 58 montée de Choulans, Lyon 5e. Tarifs : 6 euros / 4 euros tarif réduit. 04 78 38 72 41 – www.lyon.cervantes.es Contributeurs : Cedric Bonfils, Adeline Isabel-Mignot, Philippe Labaune, Laetitia Lalle Bi Benie, Guillermo Léon, Olivier Mouginot. RENDEZ-VOUS A L’I.N.S.A – LUNDI 16 MAI (12 H 45) Crédits photographiques : Ángel F. Flores Martínez (Mexique) et Lysie. Revue conçue par le collectif L’Organisation. Maquette : Zed. Avec le soutien de la Ville de Lyon et de l’Institut Français. En partenariat avec les Éditions Le Miroir qui fume, le Théâtre de l’Élysée, le Nouveau Théâtre du Huitième, l’I.N.S.A., la Bibliothèque de Lyon, la librairie Le Bal des Ardents, la Maison des Passages, l’Institut Cervantès. Institut National des Sciences Appliquées Campus La Doua, 1 rue des Humanités, Villeurbanne. Salle René Char. Entrée gratuite.04 72 43 83 83 – [email protected] Bélize de David Olguín