GEOPOLITIQUE ET MONDIALISATION « AFRIQUE, LA GRANDE
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GEOPOLITIQUE ET MONDIALISATION « AFRIQUE, LA GRANDE
Décembre 2014 21 n° Journal de la Communauté Portuaire Havraise Christian PASCHETTA Président de l’UMEP « “CRISE” À LA CHINOISE » GEOPOLITIQUE ET MONDIALISATION par Christophe Cheyroux, représentant HAROPA La géopolitique, étude des relations internationales, rend notamment compte des conséquences de la mondialisation. La Chine reste le moteur de l’économie mondiale... avec quelques signes de perte de vitesse. Cette édition a pour ambition de présenter les grands secteurs avec lesquels commerce le Port du HAVRE, vus par les Professionnels et tenant compte des continents en mutation. page2 p.2 Les récents témoignages des représentants internationaux HAROPA en visite au Havre permettent de prendre connaissance de ces évolutions vues de l’intérieur. Leurs contributions les plus pertinentes ont guidé notre approche au sein de cet UMEP à la page nouvelle formule. « LES GRANDES TENDANCES d’un monde qui bascule » par Dr Yann Alix, Délégué Général de la Fondation SEFACIL La donne est en perpétuel mouvement et c’est bien de notre capacité à s’adapter dont il s’agit dès lors qu’il est question de nouveaux concepts en matière d’échanges commerciaux, particulièrement dans le cadre de pays émergents. Savoir anticiper et déceler les tendances de fond à l’échelle de pays ou de continents est évidemment un exercice ardu auquel vous êtes confrontés. Yann Alix partage ses analyses sur l’Asie qui a bousculé les grands équilibres mondiaux et mis un terme à l’hégémonie de l’Occident. page9 « AFRIQUE, LA GRANDE OUBLIÉE » Les avis et analyses développés ici peuvent venir enrichir vos approches respectives. L’UMEP est dans son rôle lorsqu’elle envisage l’environnement macro-économique à l’échelle mondiale : tout élément d’information apporté par des experts ou professionnels reconnus peut participer à vos prises de décision et concourir au succès de vos organisations. par Patrick Bret, Délégué Commercial Nord-Sud HAROPA Un continent en mutation et relais de croissance potentiel pour les échanges européens. En complément du présent bulletin, je vous signale l’excellent numéro de Questions Internationales « Les grands ports mondiaux » qui apporte un éclairage très pointu. Je vous en conseille la lecture. Et aussi ... CHINE : Un marché très concurrencé où se réinvente le métier de transitaire Julien Derudder p. 3 page12 INDE : Entre volatilité et optimisme Ram Iyer & Avinash Batra Moyen-Orient / Proche-Orient / Golfe p. 4 Bruno Vitali Gilles Duponchel p. 5 p. 6 AMÉRIQUE LATINE CARAIBES Marfret Léo Vincent p. 7 p. 8 AfrIque : Une desserte africaine renforcée au départ de France Amérique du Nord - USA : ÉCHANGES À L’ÉQUILIBRE William Behrens p. 10 David Giboudeau p. 11 2 Décembre 2014 Journal de la Communauté Portuaire Havraise Chine « “Crise” à la chinoise » Christophe Cheyroux, représentant HAROPA La Chine reste le moteur de l’économie mondiale... avec quelques signes de perte de vitesse. HAROPA réalise deux tiers de ses trafics avec l’Asie et 35 % avec la seule Chine. En 2014, l’Europe a importé pour 386 milliards de USD et exporté pour 204 milliards de USD. Avec une croissance proche de 8 % (chiffre portebonheur en Chine et donc quasiment « décrété » par le Gouvernement planificateur de l’économie), la Chine peut faire rêver les économies parfois endormies d’Europe. Ce chiffre enviable cache pourtant une réalité moins souriante puisqu’il ne permet pas au pays de créer assez de richesse pour entretenir son rythme. La Chine de l’Est (qui inclut Pékin et Shanghai) est le poumon du pays avec 178 des 200 principaux exportateurs. La zone Nord-Est (avec le port de Dalian, ville jumelée au Havre) accentue son développement, accueillant une industrie innovante et exportatrice. La Chine centrale accueille aussi des entreprises attirées par la main-d’œuvre meilleur marché que sur la zone côtière même si le handicap logistique doit être pris en compte (3 à 4 jours pour rejoindre un port international). Les secteurs qui progressent sont ceux liés à l’exportation de produits manufacturés, même si chaque filière peut être à la merci d’une guerre économique (à l’instar des panneaux solaires ou du vin, par exemple). Le levier économique est aussi une arme politique utilisée par la Chine comme par ses partenaires commerciaux. Le secteur automobile est de même en pleine croissance avec une production annuelle de 10 millions de véhicules dont 1 million destinés à l’export. Les secteurs en baisse sont les plus sensibles aux coûts salariaux : le textile (qui migre vers le Bangladesh ou le Vietnam) ou encore l’électronique. Pour renouer avec un taux de croissance plus favorable, le Gouvernement chinois souhaite attirer les entreprises en édictant une loi anti monopole. Pas sûr qu’il obtienne gain de cause face à ceux qui veulent protéger les entreprises chinoises de la concurrence... La Shanghai Free Trade Zone inaugurée il y a un an se veut un exemple de cette Chine plus ouverte sur les entreprises étrangères. Depuis 2013, l’Europe est devenue le principal partenaire commercial de la Chine, celle-ci étant le deuxième partenaire de l’Europe et de la France. Les exportations françaises (et donc havraises) vers la Chine connaissent une croissance stable et soutenue (153 000 EVP, + 9,2 % en 2013), jamais remise en cause même au plus fort de la crise : bois et liège, produits chimiques, denrées alimentaires, boissons... Les exportations sont portées par une classe moyenne qui croît de quelque 20 millions d’individus chaque année. À l’import, 400 000 EVP chinois arrivent au Havre. 84 ports chinois et taïwanais sont reliés à HAROPA grâce à 20 compagnies maritimes : 10 services hebdomadaires, deux départs et arrivées quotidiens et 5 escales au Havre comme premier port import sur le range Nord. Les transit-times vers Le Havre au départ des ports de Shanghai (26 jours), Ningbo (27 jours) et Qingdao (28 jours) sont sensiblement plus courts que vers Anvers (respectivement + 4, + 5 et + 6 jours). Un projet havrais de « Plateforme Export Chine » pour les PME Afin de stimuler l’exportation des PME françaises vers la Chine, HAROPA souhaite créer un guichet unique national au Havre. En septembre 2014, le Secrétariat d’État au Commerce Extérieur a annoncé la mise en place d’une plateforme de services aux PME françaises exportant vers la Chine, avec un dispositif pilote au Havre. Son objectif sera de simplifier les démarches liées aux échanges internationaux en liens avec les Douanes, les autorités sanitaires, les opérateurs logistiques. Le postulat de ce projet est que la maîtrise des coûts (fret, marges importateur et distributeur en Chine) pourrait être considérablement améliorée par du regroupage d’expéditions en conteneurs et également par le recours plus systématique à des sociétés qui, à l’instar de ce que fait le Groupe Carrefour pour ses fournisseurs, peuvent jouer un rôle d’ensemblier. Le port du Havre semble tout indiqué pour accueillir ce dispositif expérimental national en tant que premier pôle de compétence logistique français dans les échanges avec la Chine. La plateforme pourrait combiner la fonction conseil et la fonction logistique. Elle associerait la dimension physique (points contacts, en particulier au port du Havre) et la dimension numérique (pages internet). Elle intégrerait principalement les compétences disponibles au Havre (transporteurs et transitaires, négoce, import-export, assistance aux entreprises françaises pour le marché chinois, aspects douaniers, réglementation, etc..), et également des accompagnements complémentaires (conseil, portage..). Il s’agit de mieux positionner la France et ses entreprises dans les chaînes internationales de valeur notamment, en s’inspirant de l’exemple de la Belgique et des Pays-Bas qui ont fait de l’import-export, via leurs grandes plateformes portuaires, le moteur de leur économie et la source de soldes excédentaires. 3 Décembre 2014 Journal de la Communauté Portuaire Havraise Chine « Un marché très concurrencé où se réinvente le métier de transitaire » Julien Derudder, Président de DERUDDER SAS, Le Havre Le commissionnaire en transport havrais, entièrement indépendant et familial, aborde le marché chinois de front en ouvrant une première agence – puis bientôt une seconde – au plus près des importateurs. La Chine reste la principale source d’importation de biens vers le port du Havre. Derudder SAS fait de l’import Asie son cœur de métier et peut donc témoigner de l’évolution des flux même si sa part dans les volumes globaux traités au Havre est modeste, de l’aveu même de son Président. « Le marché s’est beaucoup essoufflé pendant la crise, dès la fin 2008, puis a joué au yoyo depuis avec une reprise en 2010 suivie d’une rechute en 2011. Aujourd’hui, nous avons renoué avec le volume des flux antérieurs mais au prix d’une rationalisation de l’offre du marché et donc de la disparition d’acteurs du transit », confie Julien Derudder. L’arrière-petit fils du fondateur de la société constate en outre que, sous le double effet de marges faibles et d’exigences douanières ou réglementaires toujours plus fortes, le métier d’importateur de Chine est devenu « dur, très réglementé et très compétitif ». D’autant que l’on demande souvent au transitaire de réorganiser la chaîne logistique : les grands importateurs ont en effet réparti leur risque en s’appuyant sur un sourcing plus local qui, de fait, reporte une part de leurs importations chinoises sur plusieurs fournisseurs qui se fourniront eux-mêmes en Chine. Les importations s’émiettent ainsi sur un plus grand nombre d’acteurs qu’il faut conquérir pour leurs opérations de transit. Une tâche bien difficile. « Parallèlement, la dispersion des importations provient aussi des habitudes du consommateur final qui recourt au e-commerce, les produits chinois transitant alors par les plates-formes des grands acteurs de ce secteur qui n’hésitent plus à mutualiser leurs installations avec de plus petits prestataires », complète le Président de Derudder. Sa conclusion : le transitaire doit propo- ser de nouveaux services pour renouer avec plus de valeur ajoutée. Autant dire se réinventer. Derudder SAS a donc choisi de développer son activité « export vers la Chine » dont les flux plus réguliers sont aussi jugés prometteurs en raison de la croissance de la consommation chinoise. En décembre 2013, l’entreprise havraise a donc ouvert un bureau commercial à Shanghai avec l’aide de la Région HauteNormandie dans le cadre de la subvention STRATEX. Son responsable local, désormais assisté d’un commercial chinois, démarche des importateurs de biens de consommation français. Cette présence en propre permet de faciliter les échanges et aussi de lever quelques contraintes techniques comme l’acceptation de la devise locale. Prochainement, Derudder va ouvrir un autre bureau à Chengdu, dans la province centrale du Sichuan. 4 Décembre 2014 Journal de la Communauté Portuaire Havraise Inde « Entre volatilité et optimisme » Capt. Ram Iyer, représentant HAROPA Capt. Avec ses 1,2 milliard d’habitants (1,35 milliard pour la Chine), l’Inde a connu un changement de gouvernement porteur de mesures destinées à accroître l’investissement et la production manufacturée. Une orientation nécessaire pour décoller d’un taux de croissance actuellement de 6 % environ Avinash Batra, représentant HAROPA dans un pays où 60 % de la population est âgée de 20 à 35 ans. Le commerce extérieur entre l’Inde et l’Europe représente 1 million EVP (5 % passent par Le Havre), les relations France-Inde connaissant d’ailleurs un développement : articles de luxe et produits manufacturés notamment. RÉPARTITION DES EXPORTATIONS FRANÇAISES PAR ZONE GÉOGRAPHIQUE Sur un marché où les logisticiens jouent le rôle principal (le secteur logistique croît de 10 % par an), le déploiement d’infrastructures routières et ferroviaires est indispensable à la croissance du pays. L’Europe est le deuxième partenaire commercial de l’Inde après la Chine. RÉPARTITION EN DEHORS DE L’UNION EUROPÉENNE (août 2013 - juillet 2014) Divers 1% Autres 40 % Union européenne 60 % Europe hors UE 18 % Proche et Moyen Orient 8% Amérique 25 % Afrique 16 % Asie 32 % Source : HAROPA 5 Décembre 2014 Journal de la Communauté Portuaire Havraise Moyen-Orient / Proche-Orient / Golfe « Des pays à fort potentiel pour la France et Le Havre » Bruno Vitali, Directeur Commercial, Challenge International L’organisateur de transports internationaux et multimodaux compte l’agroalimentaire et la chimie parmi ses principales compétences. Ces deux secteurs occupent l’essentiel de son activité avec les pays du Proche et du Moyen-Orient tout comme avec le Golfe Persique. De belles opportunités de trafics au départ du Havre pourraient d’ailleurs se développer. Quels sont les principaux trafics que vous développez avec les pays du Golfe ? L’agro-alimentaire et la chimie sont des secteurs privilégiés dont Challenge International est spécialiste. Le Golfe est une zone d’exportation de ces marchandises : pour ces pays riches, les produits de première nécessité et aussi haut de gamme forment un flux offrant une grande stabilité et sur lequel Le Havre peut encore se développer en gagnant des parts de marchés sur des ports concurrents. La France a en effet une belle carte à jouer en matière agro-alimentaire, d’épicerie fine et de produits alimentaires de luxe. C’est d’ailleurs l’objet de démarches commerciales de notre part. Nous travaillons en conteneurs complets vers ces pays, y compris en reefers. Nous avons même ouvert un département aérien en froid pour servir les besoins urgents (livraison en moins de 24h) de certains clients de ces pays, hôtels ou restaurants de luxe, comme à Dubaï par exemple. Les produits alimentaires forment donc le gros de vos exportations ? N’oublions pas les grands projets industriels pour ces pays riches de leurs réserves pétrolières et qui achètent des usines clé en main. En revanche, en sortie d’Europe, le Port du Havre est alors moins actif que d’autres car il s’agit de cargaisons conventionnelles « out of gauge », hors norme, qui nécessitent d’importants moyens spécifiques de manutention de colis lourds. Par contre, de nombreux trafics de produits chimiques de spécialité sont traités au Havre. Cette zone est riche de son industrie chimique. Les flux sont continus et pourraient même exploser au regard du potentiel énorme de certaines zones. Je pense notamment à l’Iran pour qui le commerce de produits pétro-chimiques s’est ouvert. Néanmoins, sous la pression forte des USA envers les compagnies maritimes ou les institutions financières, l’Occident ne sert que très peu ce secteur très puissant : les Chinois et les Indiens en profitent plus. Qu’en est-il de la zone du ProcheOrient ? En Méditerranée orientale, les situations politiques ou économiques fragiles limitent les trafics vers ces pays. Je note néanmoins le rôle croissant de la Turquie comme plateforme, au carrefour de l’Occident et de l’Orient. Challenge International a d’ailleurs ouvert une ligne routière entre Le Havre et Istanbul qui sert de plate-forme d’éclatement, vers la zone de la Mer Noire, vers l’Irak, l’Afghanistan ou encore d’anciennes républiques soviétiques. Nous travaillons en import / export, en groupage comme en lots complets. Ce pays connaît un taux de croissance assez élevé (5 % en 2013) et a beaucoup investi dans ses infrastructures comme dans son outil industriel : de fait, nombre de nos clients l’ont choisi comme base de production pour pallier la dépendance à la Chine ainsi que les délais d’acheminement croissants entre l’Asie et l’Europe. C’est le cas par exemple de fabricants de cosmétiques. 6 Décembre 2014 Journal de la Communauté Portuaire Havraise Moyen-Orient / Proche-Orient / Golfe « Des capacités en croissance VERS le Moyen-Orient et le Golfe » Gilles Duponchel, Directeur Général Régional, Mitsui O.S.K. Lines Europe Traditionnellement orienté vers les marchés japonais et d’Extrême-Orient, l’armateur nippon s’est globalisé et a créé ou étendu ses services à de nouvelles zones telles que le Moyen-Orient. La compagnie y profite de nouvelles opportunités et y déploie son savoir-faire conteneurisé, y compris en reefer. Quel a été le développement de MOL ces dernières années ? La compagnie a longtemps été quasi exclusivement spécialiste du Japon et de l’Extrême-Orient : il y a dix ans, 80 % de nos clients étaient japonais et près de 90 % de nos navires effectuaient un touché au Japon, en Chine ou en Corée. Aujourd’hui, cette part est de 66 % grâce à une ouverture vers des zones comme les USA, l’Afrique, le Sud-Est asiatique ou encore le Moyen-Orient. D’ailleurs, 18 sociétés ont été créées pour couvrir autant de zones géographiques. Au Havre, nous sommes orientés vers le Sud-Europe et le Maghreb. Comment s’est effectuée cette diversification sur des marchés qui n’étaient pas les vôtres ? Il y a eu des créations de services ainsi que des ajouts de destinations sur des services existants, notamment en matière de transbordement puis de feedering. Des services transversaux connectent entre eux les grands ports. Ces nouveaux services concernent des zones émergentes et sont opérés par des navires de taille intermédiaire de capacité croissante, par effet de cascade suite aux livraisons annuelles de nouveaux navires de très grande capacité. Nombre de ces services concer- nent le commerce intra asiatique, comme la liaison Ho Chi Minh (où MOL a investi dans un terminal) – Shanghai, ou Singapour – Djakarta. Nous proposons aussi Singapour – Djeddah, autre point d’éclatement important. La Méditerranée et le Moyen-Orient sont donc également concernés par ce mouvement ? Effectivement. Notre service Méditerranée en provenance d’Asie a par exemple intégré une escale Port-Saïd – Damiette en Égypte, avec un service feeder qui permet le transbordement vers la Mer Noire et le Moyen-Orient. Depuis 2013, nous avons également une desserte depuis l’Europe du Nord et Le Havre vers Port-Saïd (Égypte), Djeddah (Arabie Saoudite) ou Jebel Ali (Émirats Arabes Unis). Les flux encore aléatoires rendent le pricing flexible mais cela représente déjà une cinquantaine de TEUS hebdomadaires pour MOL. Ce sont d’ailleurs des clients en nombre faible mais très réguliers avec des volumes conséquents : beaucoup de matières premières pour des projets d’investissement et d’infrastructure notamment. Notre souhait de maîtriser complètement le conteneur conduit MOL à pratiquer du port à port pour ces destinations, ce qui limite le nombre de conteneurs en raison du faible hinterland desservi. Quelle est l’influence de ces ouvertures pour votre chalandise ? Nous constatons que l’ouverture de nouvelles zones desservies élargit notre zone de chalandise en France, ce qui est d’ailleurs très intéressant pour notre logistique de conteneurs import-export. L’intensification de la desserte asiatique nous ouvre par exemple des marchés de vins en provenance du Sud-Ouest. La zone Amérique du Nord intéresse des clients de l’Ouest, du Centre ou de la région parisienne. Nous profitons également du service direct vers la COA (Dakar et Abidjan) et l’Afrique du Sud, où MOL propose le meilleur transit-time entre Dakar et Durban. Globalement, la diversification de nos marchés s’accompagne d’une intensification de notre spécialité de conteneur reefer : MOL est d’ailleurs dans le top 3 mondial sur ce segment. En 2015, de nouveaux marchés seront concernés, dont le Moyen-Orient. 7 Décembre 2014 Journal de la Communauté Portuaire Havraise Amérique Latine / Caraïbes « MARFRET, Spécialiste de la desserte alternative » © Marfret Le groupe MARFRET opère aujourd’hui plusieurs lignes régulières et cultive sa spécificité d’armateur indépendant qui a choisi de nouer des alliances pour accroître la fréquence de ses services. Petit tour d’horizon. Les principales lignes opérées par MARFRET sont à destination des DOMTOM, de l’Amérique du Sud, de la côte Est des USA et de la zone Pacifique. C’est en proposant des rotations pluri-hebdomadaires ou des dessertes à jour fixe avec des navires polyvalents (conteneurs et conventionnel mais aussi colis lourds, longs...) à gabarit moyen (1 700-2 600 TEUS) que la compagnie française se distingue. Ses deux lignes principales, Antilles Nord (4 navires hebdomadaires) et Amérique du Sud-Guyane (service hebdomadaire à jours fixes avec 6 navires), subissent le recul général des marchés DOM-TOM depuis la crise. La forte baisse de la consommation et le recul des projets BTP dans les Antilles comme en Guyane expliquent le recul de 15 % des volumes enregistré depuis 2009, alors même que la Guyane connaît une croissance démographique à deux chiffres. Le Brésil est desservi sur des ports secondaires du Nord, les grands ports étant disputés par les grands armateurs. Il s‘agit d’une destination export difficile en raison du taux de change défavorable à l’Euro. Les importations de bois ont elles aussi reculées en raison de besoins intérieurs croissants. De manière saisonnière (de août à février), d’importants volumes de fruits sont importés en GrandeBretagne (Tilbury) et à Rotterdam (dont 80 % des volumes retournent vers Rungis !). Les importations en provenance des DOM sont quasi nulles et ne concernent que des déchets, la banane restant sur ce trade l’apanage du partenaire d’alliance CMA-CGM. MARFRET se distingue également par son service de quatorzaine Nord Atlantique Sud Pacifique (NASP) qui propose une rotation en moins de 90 jours et des escales à jour fixe : Nord Europe, côte Est des USA, Caraïbes (Jamaïque), Pacifique (Papeete, Nouméa, Australie, NouvelleZélande). Il s’agit de destinations recherchées par les gros porteurs pour une desserte par transbordement via l’Asie ou l’Australie. Si la desserte de Cartagène (Colombie) offre un potentiel intéressant (en liaison directe sortie du Nord), les marchés de Papette et Nouméa sont eux en léger recul en raison de la crise. Les deux trades principaux sont EuropeTOM et USA-Pacifique (TOM, Australie, Nouvelle-Zélande), avec de gros retours en reefer (fruits, viandes, produits laitiers) entre l’Océanie et les USA ou le Royaume-Uni, axe très concurrentiel où règne la guerre des taux. Enfin, le service Méditerranée-Caraïbes croise certains trafics des autres lignes via Pointe-à-Pitre. Les bateaux (6 navires, dont 2 MARFRET de 2 500 TEUS) font le plein sur ce trade où les taux de fret sont là aussi disputés. 8 Décembre 2014 Journal de la Communauté Portuaire Havraise Amérique Latine / Caraïbes « Fluctuations asiatiques et potentiel africain » Le commissionnaire de transport Léon Vincent Overseas ausculte les tendances des grands marchés. Créée en 1932, la société Léon Vincent a longtemps été centrée autour des produits frais, fruits et légumes. Depuis une vingtaine d’année, l’entreprise forte de 400 collaborateurs accentue son rôle de commissionnaire en transport international pour les marchandises diverses. Son spectre d’intervention se déploie aujourd’hui principalement vers les DOM-TOM où elle est implantée en propre, la côte ouest africaine (COA) où elle est présente via des participations, tout comme la Floride (pour la zone Caraïbes) et sur l’axe Est-Ouest (Europe-Asie, Asie-DOM-TOM). L’ensemble des flux import-export qu’elle gère (50/50 en volumes) transite par son entrepôt de 12 000 m² au Havre. Aujourd’hui, la zone COA connaît la plus forte croissance (nonobstant les aléas conjoncturels récents dus aux crises sanitaires et politiques). Le développement local permet une croissance à deux chiffres de l’activité de LV Overseas sur cette zone. L’export est tiré par les produits alimentaires et le BTP. « Ce développement avec l’Afrique devrait se poursuivre sous réserve des contraintes financières et techniques, par exemple en raison de monnaies non transférables », estime Philippe Massot, Président du groupe Léon Vincent. L’Afrique est donc un secteur prometteur pour qui le connaît très bien. Une année 2014 difficile Côté DOM-TOM, les volumes traités en Martinique et Guadeloupe stagnent (en tenant compte des chiffres liés au seul transit). La tendance au développement avec la Guyane est pondérée par le manque de fonds publics qui freine les projets. La Polynésie française est « sinistrée ». En Nouvelle-Calédonie, quelques projets ne suffisent pas à combler une baisse. A l’import aussi, les volumes sont moindres en raison du recul de la consommation dans l’Hexagone. « L’année 2014 est globalement la plus difficile jusqu’alors, en raison de la baisse de la consommation et à l’exception de tout ce qui touche au secteur médical », constate Philippe Massot. Pour les flux Europe-Asie, le marché est en dents de scie permanentes. Il n’est pas rare de voir varier chaque semaine les taux de fret de façon drastique (de 1 200 USD à 4 000 USD pour un 40 pieds). Cette volatilité s’explique bien évidemment par le jeu de l’offre et de la demande, soumis aux effets saisonniers (nouvel an chinois, par exemple) ainsi qu’à la création d’un besoin artificiel par les compagnies maritimes qui font parfois « sauter » des escales afin de comprimer une offre pléthorique (les navires sont de plus en plus nombreux et de plus en plus gros sur ce trade). Toute l’Asie est concernée par cette tendance à l’import. L’export est moins versatile et aussi plus économique en raison du besoin de conteneurs vides à l’import. Chez LV Overseas, la Chine représente 75 % des volumes import d’Asie (à côté de Hong-Kong, Singapour ou du Sud-Est asiatique). Jean-Pierre BERNARD, représentant HAROPA La grosse machine sud-américaine, le Brésil, n’est pas au meilleur de sa forme. Ce pays traditionnellement tourné vers l’intérieur enregistre des résultats économiques décevants (inflation de 6-7 %), avec une industrie qui se porte assez mal mais un commerce qui tourne. Les entreprises et exportateurs français peuvent y trouver de bons débouchés dans des secteurs aussi divers que l’agro-alimentaire et l’agro-industrie (avec un potentiel très important), les cosmétiques (deuxième marché mondial après le Japon), la santé, la logistique, l’informatique, la mobilité urbaine ou l’équipement industriel (pour moderniser l’industrie brésilienne). Le Chili, pays ouvert au commerce extérieur depuis longtemps, est pour sa part essentiellement tourné vers l’Asie. Quant à l’Argentine, elle attend 2015 et de nouvelles élections pour tourner peut-être une page et sortir de la déprime économique et politique qui touche le pays et qui gâche pour l’heure les belles perspectives qu’il recèle. 52 ports sud-américains sont connectés à HAROPA grâce à 14 compagnies maritimes qui desservent le continent. 30 ports des Caraïbes et de Guyane française sont connectés à HAROPA grâce à 15 compagnies maritimes. 9 Décembre 2014 Journal de la Communauté Portuaire Havraise Analyse Géopolitique « Les grandes tendances d’un monde qui bascule » Dr Yann Alix, Délégué Général de la Fondation SEFACIL* L’émergence de l’Asie a bousculé les grands équilibres mondiaux et mis un terme à l’hégémonie de l’Occident. Yann Alix partage ses analyses sur les évolutions en cours et la redistribution prévisible des cartes dans un monde où de nouveaux axes logistiques s’imposent. Reprise du commerce mondial et redistribution géographique Les volumes d’échanges au niveau mondial ont continué de croître en 2013 (+ 3 % pour les exportations, + 2,2 % pour les importations). En 2014, et pour la première fois, les échanges dépasseront ainsi les 10 milliards de tonnes métriques, contre 9,6 milliards en 2013 : 30 % de produits pétroliers, 30 % de vracs (minerai de fer, charbon...), 40 % de marchandises diverses et roro. De plus en plus de marchandises voyagent plus longtemps sur les mers, reflétant l’étirement spatial des approvisionnements (notamment pour les matières premières). En 2014, le marché est en surcapacité de transport maritime. Les perspectives 2015-2016 sont bonnes avec un taux de croissance qui devrait atteindre 4 % pour les grandes routes maritimes. Le secteur du shipping pourrait ainsi réduire ses grands déséquilibres offre/ demande, ce qui devrait permettre une réappréciation des taux de fret sur l’ensemble des routes. Le jeu global est bousculé par la maîtrise de ses facteurs énergétiques par l’Amérique, source de compétitivité pour la production US. Les Etats-Unis sont désormais le deuxième producteur de pétrole mondial après l’Arabie Saoudite et sont même devenus exportateurs d’énergie, ce qui perturbe les flux mondiaux : baisse des exportations de pétrole nigérianes, par exemple. En Europe (UE), le marché est atone, même si certains pays tirent mieux leur épingle du jeu, comme l’Allemagne et le Royaume-Uni : tassement européen à l’import, activité export tirée par l’Allemagne. L’ouverture du Canal de Panama pourrait au moins offrir une chance à l’Europe d’accéder plus aisément à la côte Ouest des USA. L’Europe devrait aussi profiter de la croissance du secteur Amérique Latine. Globalement, on assiste au développement des échanges Sud-Sud, du Brésil vers l’Afrique, l’Inde ou la Chine notamment. Ces volumes en forte croissance marginalisent l’Europe maritime dans un contexte de redistribution mondiale des trades plutôt inquiétante pour le vieux continent. L’Asie s’envole L’Asie représente aujourd’hui la moitié des flux maritimes internationaux. Au sein de cet espace, la Chine résiste et reste le véritable moteur de la mondialisation. Consommatrice de toujours plus de matières premières, l’usine et entrepôt du monde sort toujours plus de produits neufs. La Chine absorbe plus de la moitié du minerai de fer mondial et importe 7,7 millions de barils de pétrole par jour. A l’instar de l’Inde, elle développe une propre politique de raffinage à des fins d’autoconsommation et d’exportation, grâce aux économies d’échelle de son vaste marché domestique. Elément notable, son commerce est de plus en plus sino-centré : une part croissante de ses échanges se fait avec les voisins asiatiques. L’Inde reste une économie en très bonne santé. Elle diversifie aussi ses approvisionnements et est en mesure de fournir des produits pétroliers raffinés aux autres pays asiatiques (Vietnam, Philippines, Cambodge...). Les échanges intra-asiatiques s’intensifient donc : aujourd’hui, plus de conteneurs circulent par voie maritime en Asie qu’entre l’Amérique, l’Europe et l’Asie. Les navires requis sont de petite ou moyenne taille et la zone réussit à développer un short-sea rentable dont les très gros navires actuellement en service ne peuvent véritablement profiter en raison de dimensions qui limitent le nombre de ports touchés. L’Afrique décolle L’Afrique affiche un taux de croissance de 4 % et importe de plus en plus de produits neufs. Une meilleure maîtrise de ses flux export permet de générer une plus grande valeur ajoutée locale qui contribue à la naissance d’un marché de consommation : le pouvoir d’achat augmente progressivement et au Nigeria quelque 2 à 3 millions de Suite en page 10 * La fondation SEFACIL, placée sous l’égide de la Fondation de France, est un fonds individualisé initié par SOGET S.A. Elle s’intéresse aux changements qui influent, perturbent et stimulent la structuration des réseaux logistiques internationaux. 10 Décembre 2014 Journal de la Communauté Portuaire Havraise Suite de la page 9 personnes accèdent chaque année à la classe moyenne. Si le tissu manufacturier reste faible, des ambitions locales s’affichent, par exemple au Ghana, pays émergent fort de ses 22 millions d’habitants. L’Afrique sera le marché à la plus forte croissance d’ici 10 ans. Comment expliquer dès lors qu’il soit à ce point négligé par les Européens et les Français alors qu’il suffit d’y déployer un effort commercial ? L’Afrique peut en effet devenir une arrière-cour européenne (comme la Chine a le Brésil, et les USA ont les Caraïbes). D’autant que les consommateurs africains attendent des produits de base de qualité, fiables, donc plutôt européens que chinois en raison des récents scandales alimentaires. L’Afrique occidentale et centrale envoie aujourd’hui plus de marchandises vers l’Asie que vers l’Europe. Aujourd’hui, des lignes se développent et MSC va ouvrir un hub à Lomé. Olivier BouzarD Le dossier du numéro 70 (novembre-décembre 2014) de la revue «Questions Internationales» est consacré aux grands ports mondiaux. Yann ALIX y signe notamment une contribution passionnante sur les ports asiatiques. Disponible en kiosque. Amérique du Nord - USA « ÉCHANGES À L’ÉQUILIBRE » William Behrens, représentant HAROPA Les échanges entre la France et les USA sont à l’équilibre avec 2,8 milliards de USD échangés à l’export ainsi qu’à l’import. La France est le 8ème partenaire à l’export des USA et le 12ème à l’import. Les secteurs en hausse aux USA sont les pièces détachées automobiles, les équipements et produits agricoles, les produits alimentaires préparés et la chimie. Ce marché se distingue par une certaine volatilité dans la typologie des échanges, sans doute orientés par les investissements américains à l’étranger (rachat ou revente d’entreprises) ou par les choix des grands commissionnaires de transport qui sont de véritables forces de proposition en matière d’organisation de la chaîne logistique de leurs clients US. La réindustrialisation des USA (aux dépens du Mexique et de l’Asie) est susceptible de bouleverser encore ces échanges. L’Amérique du Nord est depuis longtemps le premier client export pour Le Havre (140 000 TEUS pleins directs en 2013, soit 90 % des volumes d’avant la crise de 2009). Le marché est desservi par 6 lignes à l’export, 2 à l’import. En 2013, 60 000 TEUS pleins directs ont ainsi été importés au Havre, soit 50 % de moins qu’en 2008. Le trade est traditionnellement très concurrentiel et donc peu profitable pour les armements. L’ouverture du Canal de Panama élargi pour l’accueil de navires de 12 500 EVP (contre 4 500 aujourd’hui) ne devrait pas changer la donne pour Le Havre dans la mesure où tous les navires qui desservent cette zone étaient au gabarit historique. Le Canal ouvrira en revanche la voie des marchandises asiatiques vers les ports de la côte Est. Le risque principal de ces prochaines années réside dans le transfert de gros navires sur le trade Atlantique, en écho à la mise en service des géants sur le trade Europe-Asie : des navires de 8 500 EVP (contre généralement 4 000 aujourd’hui) devront bien se remplir... 11 Décembre 2014 Journal de la Communauté Portuaire Havraise Afrique « Une desserte africaine renforcée au départ de France » David Giboudeau, Directeur Général, Grimaldi ACL France Les navires CON-RO de Grimaldi répondent aux besoins du trade EuropeAfrique et permettent à l’armateur italien de tirer son épingle du jeu sur les Amériques, trades moins porteurs actuellement. L’arrivée de navires plus gros et le lancement récent de la desserte hebdomadaire directe de la COA depuis Le Havre traduisent la confiance de l’opérateur. Grimaldi ACL est spécialisé dans la desserte de la Côte Occidentale africaine (COA) et des Amériques. Comment évolue d’abord le trade africain ? La présence de Grimaldi en Afrique est une spécificité reconnue, tant pour l’Afrique du Nord que pour les 17 ports touchés sur la COA, un panel unique dans le monde armateurial. Cette zone est très prometteuse, à commencer par le Nigéria qui, en raison de sa croissance et de sa population importante, représente un débouché considérable. Les besoins en infrastructures et en biens de consommation y contribuent. Si la France a une présence historique favorable au développement du commerce avec ces pays, on remarque que d’autres pays investissent beaucoup également, notamment la Chine. Quels sont les principaux obstacles sur ce marché actuellement ? Pour l’heure, il s’agit du déficit d’infrastructures adaptées à l’accueil de plus gros navires et du manque de capacité à manutentionner en simultané des navires CON-RO. Un port rapide est en développement au Cameroun et Grimaldi investit également comme à Lagos avec deux postes à quai en propre, ou à Dakar qui reste notre principale plateforme de transbordement : tous nos services africains et américains y transitent, rendant toutes les dessertes possibles. Je pense qu’en 2020, les plus gros navires pourront être traités en Afrique occidentale. Reste néanmoins la question de la desserte de l’hinterland. Enfin, nous ne pouvons éluder une situation politique qui reste instable ni les problèmes sanitaires qui ont un véritable impact commercial : les pays touchés par Ebola voient déjà leurs échanges affectés. Comment évolue l’offre sur ce trade ? L’offre a beaucoup évolué ces dernières années, à la faveur d’investissements en matière d’accueil de navires de plus en plus gros et de capacités de manutention. Comme l’Afrique s’avère être en tendance un marché relativement stable en croissance continue, de nouveaux opérateurs s’y sont intéressés. Des compagnies notamment asiatiques sont venues par opportunisme et n’ont pas hésité à casser les prix pour prendre des parts de marché : les taux de fret à l’export ont donc été particulièrement déraisonnables récemment. Mais sur un trade qu’il faut bien connaître, certains des nouveaux entrants sont ressortis très vite. Grimaldi y a développé un réseau d’agences et se distingue par sa capacité à offrir du conteneur, du conventionnel et du roro et donc à profiter de la pluralité de son offre, notamment en jouant sur l’axe triangulaire Europe-Amérique-Afrique. Notre stratégie reste de partir du dernier port européen avec un navire plein ! Nous nous en sortons bien et développons actuellement notre desserte africaine : depuis octobre, nous proposons même un départ hebdomadaire direct depuis Le Havre vers la Côte d’Ivoire. Fin 2015, six nouveaux navires de taille supérieure renforceront ce trade COA. Comment se comportent les Amériques du Sud et du Nord, vos autres marchés traditionnels ? En Amérique Latine, le Brésil et l’Argentine, nos deux pays de prédilection, sont dans des situations très difficiles. En 2014, l’offre pure conteneur a d’ailleurs été réduite sur ce trade. Là encore, la force de Grimaldi est sa desserte de l’Afrique (Dakar) à la remontée, même si notre handicap réside dans le fait que nous ne proposons pas de reefer. Nous restons donc prudents sur les perspectives de l’Amérique du Sud. Concernant l’Amérique du Nord, les jeux d’alliance actuels rendent la visibilité difficile sur un trade déstabilisé depuis plusieurs années. Les taux de fret ont chuté et le marché n’a été sauvé cette année qu’en raison de la stabilité du prix du baril de pétrole. L’export est en hausse et l’import reste très faible, fort dépendant du taux de change Euro/USD. ACL, qui fait partie du G6, est leader en roro avec plus de 60 % des parts de marché sur ce trade. La congestion des ports US et le manque d’infrastructures pour une desserte efficace de l’hinterland y restent des handicaps. Fin 2015, des navires plus gros permettront néanmoins un doublement de nos capacités. 12 Décembre 2014 Journal de la Communauté Portuaire Havraise Afrique « La grande oubliée » Patrick Bret, Délégué Commercial Nord-Sud HAROPA Patrick Bret est responsable commercial Nord-Sud et spécialiste HAROPA de l’Afrique. Il décrit un continent en mutation et relais de croissance potentiel pour les échanges européens. Au sein du complexe HAROPA, le Grand Port Maritime de Rouen fait figure de tête de proue traditionnelle des échanges avec le continent africain. Aujourd’hui, les synergies entre Rouen et Le Havre et les nombreux services hebdomadaires au départ des deux grands ports maritimes (68 vers l’Afrique, 16 vers l’ouest de l’Océan Indien, 280 touchers mensuels entre HAROPA et l’Afrique) justifient la création d’une division Nord-Sud qui voit en l’Afrique une zone émergente à privilégier. La Côte Occidentale africaine (COA) est la plus porteuse pour HAROPA, incluant des pays enclavés (Mali, Niger, Burkina Faso, République centrafricaine, République démocratique du Congo). Cette région représente un véritable relais de croissance, notamment en raison de l’exploitation des ressources minières, pétrolières ou gazières de plusieurs pays tels que le Nigéria ou l’Angola. Les quatre points d’entrée principaux sont Dakar (Sénégal), Abidjan (Côte d’Ivoire), Douala (Cameroun) et Libreville (Gabon). Si certains de ces pays connaissent des freins au développement (guerre civile en Côte d’Ivoire, potentiel économique moindre du Sénégal, infrastructures insuffisantes au Cameroun), la croissance y est néanmoins de 5 à 8 % par an. Le Gabon, riche de ses ressources en pétrole, voit sa consommation croître : la part de marché de la France y est de 35 %. Les ports africains ont aujourd’hui tendance à se structurer autour de hubs : Pointe Noire au Congo (jusqu’à 15 m de tirant d’eau), Abidjan (travaux en cours pour augmenter le tirant d’eau), Dakar, ou encore Kribi au Cameroun (la construction d’un terminal ultra-moderne débute en 2015). Des opportunités à saisir ou à créer Dans la zone anglophone et lusophone, traditionnellement plus ouverte vers leurs anciennes tutelles coloniales, l’Angola connaît une croissance à deux chiffres (pétrole), d’où une augmentation de la consommation et de l’équipement de la population. Le Nigéria aussi profite des exportations d’hydrocarbures avec une population de 110 millions d’habitants. Le Ghana, pays calme, connaît une croissance de 7 à 8 % par an. En 2015, HAROPA prévoit une politique active de démarchage import/export afin de développer les relations avec ces pays, et ce malgré les turbulences sanitaires et politiques récentes. L’Afrique du Nord est desservie à partir de Marseille. Néanmoins, le Maroc représente un important potentiel de développement pour HAROPA. L’Afrique de l’Est est également attractive avec le fort développement de plusieurs pays : Kenya, Tanzanie (croissance à deux chiffres : thé, café, cacao, produits miniers), le Mozambique (projets industriels liés au gaz et au pétrole). Là aussi, HAROPA va déployer des missions ciblées, sans oublier Madagascar, parent pauvre de la zone. Enfin, l’Afrique du Sud reste le 1er PIB du continent et connaît un important développement : production minière, produits primaires, thé, vin, véhicules... Si les trafics sont aujourd’hui principalement conteneurisés, HAROPA entend soutenir le trafic breakbulk (lots non homogènes) qui nécessite des navires mixtes (conteneurs, véhicules, vrac), notamment vers les pays qui exploitent des champs de pétrole ou de gaz. Ces trafics sont en forte progression et restent à capter, notamment grâce à la compétence colis lourds du Havre. Le Roro est également un axe porteur et à développer, notamment en matière d’export de véhicule d’occasion de 3 à 5 ans. Pour l’heure, l’Afrique subsaharienne représente moins de 5 % du commerce conteneurisé au niveau mondial. Directeur de la Publication : Christian Paschetta Comité de Rédaction : Christian Paschetta Dominique Devaux Laurent Cochard Jean-Marc Peltier Pascal Olier Journaliste : Olivier Bouzard Régie publicitaire : François Papion Édité par l'UMEP Imprimerie : Riccobono ISSN : 2261-219X Photo © DR sauf mention contraire www.umep.org