GEOPOLITIQUE ET MONDIALISATION « AFRIQUE, LA GRANDE

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GEOPOLITIQUE ET MONDIALISATION « AFRIQUE, LA GRANDE
Décembre 2014
21
n°
Journal de la
Communauté Portuaire
Havraise
Christian
PASCHETTA
Président de l’UMEP
« “CRISE” À LA CHINOISE »
GEOPOLITIQUE ET
MONDIALISATION
par Christophe Cheyroux,
représentant HAROPA
La géopolitique, étude des relations internationales, rend notamment compte des conséquences de la mondialisation.
La Chine reste le moteur de l’économie
mondiale... avec quelques signes
de perte de vitesse.
Cette édition a pour ambition de présenter les
grands secteurs avec lesquels commerce le
Port du HAVRE, vus par les Professionnels et
tenant compte des continents en mutation.
page2
p.2
Les récents témoignages des représentants
internationaux HAROPA en visite au Havre
permettent de prendre connaissance de ces
évolutions vues de l’intérieur. Leurs contributions les plus pertinentes ont guidé notre
approche au sein de cet UMEP à la page
nouvelle formule.
« LES GRANDES TENDANCES
d’un monde qui bascule » par Dr Yann Alix,
Délégué Général de la Fondation SEFACIL
La donne est en perpétuel mouvement et
c’est bien de notre capacité à s’adapter dont
il s’agit dès lors qu’il est question de nouveaux concepts en matière d’échanges commerciaux, particulièrement dans le cadre de
pays émergents. Savoir anticiper et déceler les
tendances de fond à l’échelle de pays ou de
continents est évidemment un exercice ardu
auquel vous êtes confrontés.
Yann Alix partage ses analyses sur l’Asie
qui a bousculé les grands équilibres mondiaux
et mis un terme à l’hégémonie de l’Occident.
page9
« AFRIQUE, LA GRANDE OUBLIÉE »
Les avis et analyses développés ici peuvent
venir enrichir vos approches respectives.
L’UMEP est dans son rôle lorsqu’elle envisage l’environnement macro-économique à
l’échelle mondiale : tout élément d’information
apporté par des experts ou professionnels reconnus peut participer à vos prises de décision
et concourir au succès de vos organisations.
par Patrick Bret,
Délégué Commercial Nord-Sud HAROPA
Un continent en mutation et relais
de croissance potentiel pour les échanges
européens.
En complément du présent bulletin, je vous
signale l’excellent numéro de Questions Internationales « Les grands ports mondiaux » qui
apporte un éclairage très pointu. Je vous en
conseille la lecture.
Et aussi ...
CHINE : Un marché
très concurrencé
où se réinvente le
métier de transitaire
Julien Derudder
p. 3
page12
INDE :
Entre volatilité
et optimisme
Ram Iyer
& Avinash Batra
Moyen-Orient /
Proche-Orient / Golfe
p. 4
Bruno Vitali
Gilles Duponchel
p. 5
p. 6
AMÉRIQUE LATINE CARAIBES
Marfret
Léo Vincent
p. 7
p. 8
AfrIque :
Une desserte
africaine renforcée
au départ de France
Amérique
du Nord - USA :
ÉCHANGES
À L’ÉQUILIBRE
William Behrens
p. 10
David Giboudeau
p. 11
2
Décembre 2014
Journal de la
Communauté Portuaire
Havraise
Chine
« “Crise” à la chinoise »
Christophe Cheyroux, représentant HAROPA
La Chine reste le moteur de l’économie mondiale... avec quelques signes
de perte de vitesse.
HAROPA réalise deux tiers de ses
trafics avec l’Asie et 35 % avec la seule
Chine. En 2014, l’Europe a importé pour
386 milliards de USD et exporté pour
204 milliards de USD. Avec une croissance proche de 8 % (chiffre portebonheur en Chine et donc quasiment
« décrété » par le Gouvernement planificateur de l’économie), la Chine peut faire
rêver les économies parfois endormies
d’Europe. Ce chiffre enviable cache pourtant une réalité moins souriante puisqu’il
ne permet pas au pays de créer assez
de richesse pour entretenir son rythme.
La Chine de l’Est (qui inclut Pékin et
Shanghai) est le poumon du pays avec
178 des 200 principaux exportateurs.
La zone Nord-Est (avec le port de Dalian, ville jumelée au Havre) accentue son
développement, accueillant une industrie innovante et exportatrice. La Chine
centrale accueille aussi des entreprises
attirées par la main-d’œuvre meilleur
marché que sur la zone côtière même
si le handicap logistique doit être pris en
compte (3 à 4 jours pour rejoindre un port
international).
Les secteurs qui progressent sont ceux
liés à l’exportation de produits manufacturés, même si chaque filière peut être
à la merci d’une guerre économique (à
l’instar des panneaux solaires ou du vin,
par exemple). Le levier économique est
aussi une arme politique utilisée par la
Chine comme par ses partenaires commerciaux. Le secteur automobile est
de même en pleine croissance avec
une production annuelle de 10 millions
de véhicules dont 1 million destinés à
l’export. Les secteurs en baisse sont
les plus sensibles aux coûts salariaux :
le textile (qui migre vers le Bangladesh
ou le Vietnam) ou encore l’électronique.
Pour renouer avec un taux de croissance plus favorable, le Gouvernement
chinois souhaite attirer les entreprises
en édictant une loi anti monopole. Pas
sûr qu’il obtienne gain de cause face à
ceux qui veulent protéger les entreprises
chinoises de la concurrence... La Shanghai Free Trade Zone inaugurée il y a un
an se veut un exemple de cette Chine
plus ouverte sur les entreprises étrangères.
Depuis 2013, l’Europe est devenue le
principal partenaire commercial de la
Chine, celle-ci étant le deuxième partenaire de l’Europe et de la France. Les exportations françaises (et donc havraises)
vers la Chine connaissent une croissance stable et soutenue (153 000 EVP,
+ 9,2 % en 2013), jamais remise en
cause même au plus fort de la crise : bois
et liège, produits chimiques, denrées
alimentaires, boissons... Les exportations sont portées par une classe
moyenne qui croît de quelque 20 millions
d’individus chaque année. À l’import,
400 000 EVP chinois arrivent au Havre.
84 ports chinois et taïwanais sont reliés à HAROPA grâce à 20 compagnies
maritimes : 10 services hebdomadaires,
deux départs et arrivées quotidiens et
5 escales au Havre comme premier port
import sur le range Nord.
Les transit-times vers Le Havre au départ des ports de Shanghai (26 jours),
Ningbo (27 jours) et Qingdao (28 jours)
sont sensiblement plus courts que
vers Anvers (respectivement + 4, + 5 et
+ 6 jours).
Un projet havrais de « Plateforme Export Chine »
pour les PME
Afin de stimuler l’exportation des PME françaises vers la Chine, HAROPA souhaite créer un guichet unique national au Havre.
En septembre 2014, le Secrétariat d’État au Commerce Extérieur a annoncé
la mise en place d’une plateforme de services aux PME françaises exportant
vers la Chine, avec un dispositif pilote au Havre. Son objectif sera de simplifier
les démarches liées aux échanges internationaux en liens avec les Douanes,
les autorités sanitaires, les opérateurs logistiques. Le postulat de ce projet est
que la maîtrise des coûts (fret, marges importateur et distributeur en Chine)
pourrait être considérablement améliorée par du regroupage d’expéditions en
conteneurs et également par le recours plus systématique à des sociétés qui, à
l’instar de ce que fait le Groupe Carrefour pour ses fournisseurs, peuvent jouer
un rôle d’ensemblier.
Le port du Havre semble tout indiqué pour accueillir ce dispositif expérimental
national en tant que premier pôle de compétence logistique français dans les
échanges avec la Chine. La plateforme pourrait combiner la fonction conseil et
la fonction logistique. Elle associerait la dimension physique (points contacts,
en particulier au port du Havre) et la dimension numérique (pages internet).
Elle intégrerait principalement les compétences disponibles au Havre (transporteurs et transitaires, négoce, import-export, assistance aux entreprises
françaises pour le marché chinois, aspects douaniers, réglementation, etc..),
et également des accompagnements complémentaires (conseil, portage..).
Il s’agit de mieux positionner la France et ses entreprises dans les chaînes internationales de valeur notamment, en s’inspirant de l’exemple de la Belgique
et des Pays-Bas qui ont fait de l’import-export, via leurs grandes plateformes
portuaires, le moteur de leur économie et la source de soldes excédentaires.
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Journal de la
Communauté Portuaire
Havraise
Chine
« Un marché très concurrencé où
se réinvente le métier de transitaire »
Julien Derudder, Président de DERUDDER SAS, Le Havre
Le commissionnaire en transport havrais, entièrement indépendant et
familial, aborde le marché chinois de front en ouvrant une première
agence – puis bientôt une seconde – au plus près des importateurs.
La Chine reste la principale source
d’importation de biens vers le port du
Havre. Derudder SAS fait de l’import
Asie son cœur de métier et peut donc
témoigner de l’évolution des flux même
si sa part dans les volumes globaux
traités au Havre est modeste, de l’aveu
même de son Président. « Le marché
s’est beaucoup essoufflé pendant la
crise, dès la fin 2008, puis a joué au
yoyo depuis avec une reprise en 2010
suivie d’une rechute en 2011.
Aujourd’hui, nous avons renoué avec
le volume des flux antérieurs mais au
prix d’une rationalisation de l’offre du
marché et donc de la disparition d’acteurs du transit », confie Julien Derudder. L’arrière-petit fils du fondateur de la
société constate en outre que, sous le
double effet de marges faibles et d’exigences douanières ou réglementaires
toujours plus fortes, le métier d’importateur de Chine est devenu « dur, très
réglementé et très compétitif ». D’autant que l’on demande souvent au transitaire de réorganiser la chaîne logistique : les grands importateurs ont en
effet réparti leur risque en s’appuyant
sur un sourcing plus local qui, de fait,
reporte une part de leurs importations
chinoises sur plusieurs fournisseurs qui
se fourniront eux-mêmes en Chine. Les
importations s’émiettent ainsi sur un
plus grand nombre d’acteurs qu’il faut
conquérir pour leurs opérations de transit. Une tâche bien difficile.
« Parallèlement, la dispersion des importations provient aussi des habitudes
du consommateur final qui recourt au
e-commerce, les produits chinois transitant alors par les plates-formes des
grands acteurs de ce secteur qui n’hésitent plus à mutualiser leurs installations avec de plus petits prestataires »,
complète le Président de Derudder. Sa
conclusion : le transitaire doit propo-
ser de nouveaux services pour renouer
avec plus de valeur ajoutée. Autant
dire se réinventer. Derudder SAS a
donc choisi de développer son activité
« export vers la Chine » dont les flux
plus réguliers sont aussi jugés prometteurs en raison de la croissance de la
consommation chinoise. En décembre
2013, l’entreprise havraise a donc ouvert un bureau commercial à Shanghai
avec l’aide de la Région HauteNormandie dans le cadre de la subvention STRATEX. Son responsable local,
désormais assisté d’un commercial
chinois, démarche des importateurs de
biens de consommation français. Cette
présence en propre permet de faciliter
les échanges et aussi de lever quelques
contraintes techniques comme l’acceptation de la devise locale.
Prochainement, Derudder va ouvrir un
autre bureau à Chengdu, dans la province centrale du Sichuan.
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Décembre 2014
Journal de la
Communauté Portuaire
Havraise
Inde
« Entre volatilité et optimisme »
Capt. Ram
Iyer, représentant HAROPA
Capt.
Avec ses 1,2 milliard d’habitants
(1,35 milliard pour la Chine), l’Inde a
connu un changement de gouvernement porteur de mesures destinées
à accroître l’investissement et la production manufacturée. Une orientation
nécessaire pour décoller d’un taux de
croissance actuellement de 6 % environ
Avinash Batra, représentant HAROPA
dans un pays où 60 % de la population
est âgée de 20 à 35 ans.
Le commerce extérieur entre l’Inde et
l’Europe représente 1 million EVP (5 %
passent par Le Havre), les relations
France-Inde connaissant d’ailleurs un
développement : articles de luxe et
produits manufacturés notamment.
RÉPARTITION DES
EXPORTATIONS FRANÇAISES
PAR ZONE GÉOGRAPHIQUE
Sur un marché où les logisticiens
jouent le rôle principal (le secteur logistique croît de 10 % par an), le déploiement d’infrastructures routières
et ferroviaires est indispensable à la
croissance du pays.
L’Europe est le deuxième partenaire
commercial de l’Inde après la Chine.
RÉPARTITION EN DEHORS
DE L’UNION EUROPÉENNE
(août 2013 - juillet 2014)
Divers
1%
Autres
40 %
Union
européenne
60 %
Europe
hors UE
18 %
Proche et
Moyen Orient
8%
Amérique
25 %
Afrique
16 %
Asie
32 %
Source : HAROPA
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Décembre 2014
Journal de la
Communauté Portuaire
Havraise
Moyen-Orient / Proche-Orient / Golfe
« Des pays à fort potentiel
pour la France et Le Havre »
Bruno Vitali, Directeur Commercial, Challenge International
L’organisateur de transports internationaux et multimodaux compte l’agroalimentaire et la chimie parmi ses principales compétences. Ces deux secteurs occupent l’essentiel de son activité avec les pays du Proche et du
Moyen-Orient tout comme avec le Golfe Persique. De belles opportunités
de trafics au départ du Havre pourraient d’ailleurs se développer.
Quels sont les principaux trafics que
vous développez avec les pays du
Golfe ?
L’agro-alimentaire et la chimie sont des
secteurs privilégiés dont Challenge
International est spécialiste. Le Golfe
est une zone d’exportation de ces
marchandises : pour ces pays riches,
les produits de première nécessité et
aussi haut de gamme forment un flux
offrant une grande stabilité et sur lequel
Le Havre peut encore se développer
en gagnant des parts de marchés sur
des ports concurrents. La France a en
effet une belle carte à jouer en matière agro-alimentaire, d’épicerie fine
et de produits alimentaires de luxe.
C’est d’ailleurs l’objet de démarches
commerciales de notre part. Nous travaillons en conteneurs complets vers
ces pays, y compris en reefers. Nous
avons même ouvert un département
aérien en froid pour servir les besoins
urgents (livraison en moins de 24h) de
certains clients de ces pays, hôtels ou
restaurants de luxe, comme à Dubaï par
exemple.
Les produits alimentaires forment donc
le gros de vos exportations ?
N’oublions pas les grands projets industriels pour ces pays riches de leurs
réserves pétrolières et qui achètent
des usines clé en main. En revanche,
en sortie d’Europe, le Port du Havre
est alors moins actif que d’autres car il
s’agit de cargaisons conventionnelles
« out of gauge », hors norme, qui nécessitent d’importants moyens spécifiques de manutention de colis lourds.
Par contre, de nombreux trafics de
produits chimiques de spécialité sont
traités au Havre. Cette zone est riche
de son industrie chimique. Les flux sont
continus et pourraient même exploser
au regard du potentiel énorme de certaines zones. Je pense notamment à
l’Iran pour qui le commerce de produits
pétro-chimiques s’est ouvert. Néanmoins, sous la pression forte des USA
envers les compagnies maritimes ou
les institutions financières, l’Occident
ne sert que très peu ce secteur très
puissant : les Chinois et les Indiens en
profitent plus.
Qu’en est-il de la zone du ProcheOrient ?
En Méditerranée orientale, les situations
politiques ou économiques fragiles
limitent les trafics vers ces pays. Je
note néanmoins le rôle croissant de la
Turquie comme plateforme, au carrefour
de l’Occident et de l’Orient. Challenge
International a d’ailleurs ouvert une
ligne routière entre Le Havre et Istanbul
qui sert de plate-forme d’éclatement,
vers la zone de la Mer Noire, vers l’Irak,
l’Afghanistan ou encore d’anciennes républiques soviétiques. Nous travaillons
en import / export, en groupage comme
en lots complets. Ce pays connaît un
taux de croissance assez élevé (5 %
en 2013) et a beaucoup investi dans
ses infrastructures comme dans son
outil industriel : de fait, nombre de nos
clients l’ont choisi comme base de production pour pallier la dépendance à la
Chine ainsi que les délais d’acheminement croissants entre l’Asie et l’Europe.
C’est le cas par exemple de fabricants
de cosmétiques.
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Journal de la
Communauté Portuaire
Havraise
Moyen-Orient / Proche-Orient / Golfe
« Des capacités en croissance VERS
le Moyen-Orient et le Golfe »
Gilles Duponchel, Directeur Général Régional, Mitsui O.S.K. Lines Europe
Traditionnellement orienté vers les marchés japonais et d’Extrême-Orient,
l’armateur nippon s’est globalisé et a créé ou étendu ses services à de
nouvelles zones telles que le Moyen-Orient. La compagnie y profite de
nouvelles opportunités et y déploie son savoir-faire conteneurisé, y compris en reefer.
Quel a été le développement de MOL
ces dernières années ?
La compagnie a longtemps été quasi
exclusivement spécialiste du Japon et
de l’Extrême-Orient : il y a dix ans, 80 %
de nos clients étaient japonais et près
de 90 % de nos navires effectuaient
un touché au Japon, en Chine ou en
Corée. Aujourd’hui, cette part est
de 66 % grâce à une ouverture vers
des zones comme les USA, l’Afrique,
le Sud-Est asiatique ou encore le
Moyen-Orient. D’ailleurs, 18 sociétés
ont été créées pour couvrir autant de
zones géographiques. Au Havre, nous
sommes orientés vers le Sud-Europe et
le Maghreb.
Comment s’est effectuée cette diversification sur des marchés qui n’étaient
pas les vôtres ?
Il y a eu des créations de services
ainsi que des ajouts de destinations
sur des services existants, notamment
en matière de transbordement puis de
feedering. Des services transversaux
connectent entre eux les grands ports.
Ces nouveaux services concernent des
zones émergentes et sont opérés par
des navires de taille intermédiaire de
capacité croissante, par effet de cascade suite aux livraisons annuelles de
nouveaux navires de très grande capacité. Nombre de ces services concer-
nent le commerce intra asiatique,
comme la liaison Ho Chi Minh (où MOL
a investi dans un terminal) – Shanghai,
ou Singapour – Djakarta. Nous proposons aussi Singapour – Djeddah, autre
point d’éclatement important.
La Méditerranée et le Moyen-Orient
sont donc également concernés par ce
mouvement ?
Effectivement. Notre service Méditerranée en provenance d’Asie a par
exemple intégré une escale Port-Saïd
– Damiette en Égypte, avec un service
feeder qui permet le transbordement
vers la Mer Noire et le Moyen-Orient.
Depuis 2013, nous avons également
une desserte depuis l’Europe du Nord
et Le Havre vers Port-Saïd (Égypte),
Djeddah (Arabie Saoudite) ou Jebel Ali
(Émirats Arabes Unis). Les flux encore
aléatoires rendent le pricing flexible
mais cela représente déjà une cinquantaine de TEUS hebdomadaires pour
MOL. Ce sont d’ailleurs des clients en
nombre faible mais très réguliers avec
des volumes conséquents : beaucoup
de matières premières pour des projets d’investissement et d’infrastructure
notamment. Notre souhait de maîtriser
complètement le conteneur conduit
MOL à pratiquer du port à port pour ces
destinations, ce qui limite le nombre de
conteneurs en raison du faible hinterland desservi.
Quelle est l’influence de ces ouvertures
pour votre chalandise ?
Nous constatons que l’ouverture de
nouvelles zones desservies élargit notre
zone de chalandise en France, ce qui
est d’ailleurs très intéressant pour notre
logistique de conteneurs import-export.
L’intensification de la desserte asiatique
nous ouvre par exemple des marchés
de vins en provenance du Sud-Ouest.
La zone Amérique du Nord intéresse
des clients de l’Ouest, du Centre ou
de la région parisienne. Nous profitons également du service direct vers
la COA (Dakar et Abidjan) et l’Afrique
du Sud, où MOL propose le meilleur
transit-time entre Dakar et Durban.
Globalement, la diversification de nos
marchés s’accompagne d’une intensification de notre spécialité de conteneur
reefer : MOL est d’ailleurs dans le top 3
mondial sur ce segment. En 2015, de
nouveaux marchés seront concernés,
dont le Moyen-Orient.
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Décembre 2014
Journal de la
Communauté Portuaire
Havraise
Amérique Latine / Caraïbes
« MARFRET, Spécialiste de la desserte
alternative »
© Marfret
Le groupe MARFRET opère aujourd’hui plusieurs lignes régulières et
cultive sa spécificité d’armateur indépendant qui a choisi de nouer des
alliances pour accroître la fréquence de ses services. Petit tour d’horizon.
Les principales lignes opérées par
MARFRET sont à destination des DOMTOM, de l’Amérique du Sud, de la côte
Est des USA et de la zone Pacifique.
C’est en proposant des rotations pluri-hebdomadaires ou des dessertes à
jour fixe avec des navires polyvalents
(conteneurs et conventionnel mais aussi colis lourds, longs...) à gabarit moyen
(1 700-2 600 TEUS) que la compagnie
française se distingue.
Ses deux lignes principales, Antilles
Nord (4 navires hebdomadaires) et
Amérique du Sud-Guyane (service
hebdomadaire à jours fixes avec 6 navires), subissent le recul général des
marchés DOM-TOM depuis la crise. La
forte baisse de la consommation et le
recul des projets BTP dans les Antilles
comme en Guyane expliquent le recul
de 15 % des volumes enregistré depuis 2009, alors même que la Guyane
connaît une croissance démographique
à deux chiffres. Le Brésil est desservi
sur des ports secondaires du Nord,
les grands ports étant disputés par les
grands armateurs. Il s‘agit d’une destination export difficile en raison du taux
de change défavorable à l’Euro. Les
importations de bois ont elles aussi reculées en raison de besoins intérieurs
croissants. De manière saisonnière (de
août à février), d’importants volumes
de fruits sont importés en GrandeBretagne (Tilbury) et à Rotterdam (dont
80 % des volumes retournent vers
Rungis !). Les importations en provenance des DOM sont quasi nulles et ne
concernent que des déchets, la banane
restant sur ce trade l’apanage du partenaire d’alliance CMA-CGM.
MARFRET se distingue également par
son service de quatorzaine Nord Atlantique Sud Pacifique (NASP) qui propose
une rotation en moins de 90 jours et des
escales à jour fixe : Nord Europe, côte Est
des USA, Caraïbes (Jamaïque), Pacifique
(Papeete, Nouméa, Australie, NouvelleZélande). Il s’agit de destinations recherchées par les gros porteurs pour une
desserte par transbordement via l’Asie
ou l’Australie. Si la desserte de Cartagène (Colombie) offre un potentiel intéressant (en liaison directe sortie du Nord),
les marchés de Papette et Nouméa sont
eux en léger recul en raison de la crise.
Les deux trades principaux sont EuropeTOM et USA-Pacifique (TOM, Australie,
Nouvelle-Zélande), avec de gros retours
en reefer (fruits, viandes, produits laitiers) entre l’Océanie et les USA ou le
Royaume-Uni, axe très concurrentiel où
règne la guerre des taux.
Enfin, le service Méditerranée-Caraïbes
croise certains trafics des autres lignes
via Pointe-à-Pitre. Les bateaux (6 navires, dont 2 MARFRET de 2 500 TEUS)
font le plein sur ce trade où les taux de
fret sont là aussi disputés.
8
Décembre 2014
Journal de la
Communauté Portuaire
Havraise
Amérique Latine / Caraïbes
« Fluctuations asiatiques
et potentiel africain »
Le commissionnaire de transport Léon Vincent Overseas ausculte les
tendances des grands marchés.
Créée en 1932, la société Léon Vincent
a longtemps été centrée autour des
produits frais, fruits et légumes. Depuis
une vingtaine d’année, l’entreprise forte
de 400 collaborateurs accentue son
rôle de commissionnaire en transport
international pour les marchandises
diverses. Son spectre d’intervention se
déploie aujourd’hui principalement vers
les DOM-TOM où elle est implantée en
propre, la côte ouest africaine (COA) où
elle est présente via des participations,
tout comme la Floride (pour la zone
Caraïbes) et sur l’axe Est-Ouest
(Europe-Asie, Asie-DOM-TOM). L’ensemble des flux import-export qu’elle
gère (50/50 en volumes) transite par
son entrepôt de 12 000 m² au Havre.
Aujourd’hui, la zone COA connaît la
plus forte croissance (nonobstant les
aléas conjoncturels récents dus aux
crises sanitaires et politiques). Le développement local permet une croissance
à deux chiffres de l’activité de LV Overseas sur cette zone. L’export est tiré
par les produits alimentaires et le BTP.
« Ce développement avec l’Afrique devrait se poursuivre sous réserve des
contraintes financières et techniques,
par exemple en raison de monnaies non
transférables », estime Philippe Massot,
Président du groupe Léon Vincent.
L’Afrique est donc un secteur prometteur pour qui le connaît très bien.
Une année 2014 difficile
Côté DOM-TOM, les volumes traités en
Martinique et Guadeloupe stagnent (en
tenant compte des chiffres liés au seul
transit). La tendance au développement avec la Guyane est pondérée par
le manque de fonds publics qui freine
les projets. La Polynésie française est
« sinistrée ». En Nouvelle-Calédonie,
quelques projets ne suffisent pas à
combler une baisse. A l’import aussi,
les volumes sont moindres en raison du
recul de la consommation dans l’Hexagone. « L’année 2014 est globalement
la plus difficile jusqu’alors, en raison
de la baisse de la consommation et à
l’exception de tout ce qui touche au
secteur médical », constate Philippe
Massot.
Pour les flux Europe-Asie, le marché est
en dents de scie permanentes. Il n’est
pas rare de voir varier chaque semaine
les taux de fret de façon drastique
(de 1 200 USD à 4 000 USD pour un
40 pieds). Cette volatilité s’explique bien
évidemment par le jeu de l’offre et de
la demande, soumis aux effets saisonniers (nouvel an chinois, par exemple)
ainsi qu’à la création d’un besoin artificiel par les compagnies maritimes qui
font parfois « sauter » des escales afin
de comprimer une offre pléthorique (les
navires sont de plus en plus nombreux
et de plus en plus gros sur ce trade).
Toute l’Asie est concernée par cette
tendance à l’import. L’export est moins
versatile et aussi plus économique en
raison du besoin de conteneurs vides
à l’import. Chez LV Overseas, la Chine
représente 75 % des volumes import
d’Asie (à côté de Hong-Kong, Singapour ou du Sud-Est asiatique).
Jean-Pierre BERNARD,
représentant HAROPA
La grosse machine sud-américaine, le Brésil, n’est pas au meilleur de sa
forme. Ce pays traditionnellement tourné vers l’intérieur enregistre des résultats économiques décevants (inflation de 6-7 %), avec une industrie qui
se porte assez mal mais un commerce qui tourne. Les entreprises et exportateurs français peuvent y trouver de bons débouchés dans des secteurs
aussi divers que l’agro-alimentaire et l’agro-industrie (avec un potentiel très
important), les cosmétiques (deuxième marché mondial après le Japon), la
santé, la logistique, l’informatique, la mobilité urbaine ou l’équipement industriel (pour moderniser l’industrie brésilienne).
Le Chili, pays ouvert au commerce extérieur depuis longtemps, est pour sa
part essentiellement tourné vers l’Asie. Quant à l’Argentine, elle attend 2015
et de nouvelles élections pour tourner peut-être une page et sortir de la déprime économique et politique qui touche le pays et qui gâche pour l’heure
les belles perspectives qu’il recèle.
52 ports sud-américains sont connectés à HAROPA grâce à 14 compagnies
maritimes qui desservent le continent.
30 ports des Caraïbes et de Guyane française sont connectés à HAROPA
grâce à 15 compagnies maritimes.
9
Décembre 2014
Journal de la
Communauté Portuaire
Havraise
Analyse Géopolitique
« Les grandes tendances
d’un monde qui bascule »
Dr Yann
Alix, Délégué Général de la Fondation SEFACIL*
L’émergence de l’Asie a bousculé les grands équilibres mondiaux et mis
un terme à l’hégémonie de l’Occident. Yann Alix partage ses analyses sur
les évolutions en cours et la redistribution prévisible des cartes dans un
monde où de nouveaux axes logistiques s’imposent.
Reprise du commerce mondial et redistribution géographique
Les volumes d’échanges au niveau
mondial ont continué de croître en 2013
(+ 3 % pour les exportations, + 2,2 %
pour les importations). En 2014, et pour
la première fois, les échanges dépasseront ainsi les 10 milliards de tonnes métriques, contre 9,6 milliards en 2013 :
30 % de produits pétroliers, 30 % de
vracs (minerai de fer, charbon...), 40 %
de marchandises diverses et roro. De
plus en plus de marchandises voyagent
plus longtemps sur les mers, reflétant
l’étirement spatial des approvisionnements (notamment pour les matières
premières).
En 2014, le marché est en surcapacité
de transport maritime. Les perspectives 2015-2016 sont bonnes avec un
taux de croissance qui devrait atteindre
4 % pour les grandes routes maritimes.
Le secteur du shipping pourrait ainsi
réduire ses grands déséquilibres offre/
demande, ce qui devrait permettre une
réappréciation des taux de fret sur l’ensemble des routes.
Le jeu global est bousculé par la maîtrise de ses facteurs énergétiques par
l’Amérique, source de compétitivité
pour la production US. Les Etats-Unis
sont désormais le deuxième producteur de pétrole mondial après l’Arabie
Saoudite et sont même devenus exportateurs d’énergie, ce qui perturbe les
flux mondiaux : baisse des exportations
de pétrole nigérianes, par exemple.
En Europe (UE), le marché est atone,
même si certains pays tirent mieux leur
épingle du jeu, comme l’Allemagne et le
Royaume-Uni : tassement européen à
l’import, activité export tirée par l’Allemagne. L’ouverture du Canal de Panama pourrait au moins offrir une chance
à l’Europe d’accéder plus aisément à la
côte Ouest des USA. L’Europe devrait
aussi profiter de la croissance du secteur Amérique Latine.
Globalement, on assiste au développement des échanges Sud-Sud, du Brésil
vers l’Afrique, l’Inde ou la Chine notamment. Ces volumes en forte croissance
marginalisent l’Europe maritime dans
un contexte de redistribution mondiale
des trades plutôt inquiétante pour le
vieux continent.
L’Asie s’envole
L’Asie représente aujourd’hui la moitié
des flux maritimes internationaux. Au
sein de cet espace, la Chine résiste et
reste le véritable moteur de la mondialisation. Consommatrice de toujours plus
de matières premières, l’usine et entrepôt du monde sort toujours plus de produits neufs. La Chine absorbe plus de la
moitié du minerai de fer mondial et importe 7,7 millions de barils de pétrole par
jour. A l’instar de l’Inde, elle développe
une propre politique de raffinage à des
fins d’autoconsommation et d’exportation, grâce aux économies d’échelle de
son vaste marché domestique. Elément
notable, son commerce est de plus en
plus sino-centré : une part croissante
de ses échanges se fait avec les voisins
asiatiques. L’Inde reste une économie en très bonne santé. Elle diversifie
aussi ses approvisionnements et est en
mesure de fournir des produits pétroliers raffinés aux autres pays asiatiques
(Vietnam, Philippines, Cambodge...).
Les échanges intra-asiatiques s’intensifient donc : aujourd’hui, plus de
conteneurs circulent par voie maritime
en Asie qu’entre l’Amérique, l’Europe et
l’Asie. Les navires requis sont de petite
ou moyenne taille et la zone réussit à
développer un short-sea rentable dont
les très gros navires actuellement en
service ne peuvent véritablement profiter en raison de dimensions qui limitent
le nombre de ports touchés.
L’Afrique décolle
L’Afrique affiche un taux de croissance
de 4 % et importe de plus en plus de
produits neufs. Une meilleure maîtrise
de ses flux export permet de générer
une plus grande valeur ajoutée locale
qui contribue à la naissance d’un
marché de consommation : le pouvoir
d’achat augmente progressivement et
au Nigeria quelque 2 à 3 millions de
Suite en page 10
* La fondation SEFACIL, placée sous
l’égide de la Fondation de France, est
un fonds individualisé initié par SOGET
S.A. Elle s’intéresse aux changements
qui influent, perturbent et stimulent la
structuration des réseaux logistiques
internationaux.
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Communauté Portuaire
Havraise
Suite de la page 9
personnes accèdent chaque année à la
classe moyenne. Si le tissu manufacturier reste faible, des ambitions locales
s’affichent, par exemple au Ghana,
pays émergent fort de ses 22 millions
d’habitants. L’Afrique sera le marché
à la plus forte croissance d’ici 10 ans.
Comment expliquer dès lors qu’il soit
à ce point négligé par les Européens
et les Français alors qu’il suffit d’y déployer un effort commercial ? L’Afrique
peut en effet devenir une arrière-cour
européenne (comme la Chine a le Brésil, et les USA ont les Caraïbes). D’autant que les consommateurs africains
attendent des produits de base de
qualité, fiables, donc plutôt européens
que chinois en raison des récents scandales alimentaires. L’Afrique occidentale et centrale envoie aujourd’hui plus
de marchandises vers l’Asie que vers
l’Europe. Aujourd’hui, des lignes se
développent et MSC va ouvrir un hub
à Lomé.
Olivier BouzarD
Le dossier du numéro 70 (novembre-décembre 2014) de la
revue «Questions Internationales» est consacré aux grands
ports mondiaux. Yann ALIX y signe notamment une contribution passionnante sur les ports asiatiques.
Disponible en kiosque.
Amérique du Nord - USA
« ÉCHANGES À L’ÉQUILIBRE »
William Behrens, représentant HAROPA
Les échanges entre la France et les
USA sont à l’équilibre avec 2,8 milliards de USD échangés à l’export
ainsi qu’à l’import. La France est le
8ème partenaire à l’export des USA et
le 12ème à l’import. Les secteurs en
hausse aux USA sont les pièces détachées automobiles, les équipements et
produits agricoles, les produits alimentaires préparés et la chimie. Ce marché
se distingue par une certaine volatilité
dans la typologie des échanges, sans
doute orientés par les investissements
américains à l’étranger (rachat ou revente d’entreprises) ou par les choix
des grands commissionnaires de
transport qui sont de véritables forces
de proposition en matière d’organisation de la chaîne logistique de leurs
clients US. La réindustrialisation des
USA (aux dépens du Mexique et de
l’Asie) est susceptible de bouleverser
encore ces échanges.
L’Amérique du Nord est depuis longtemps le premier client export pour
Le Havre (140 000 TEUS pleins directs
en 2013, soit 90 % des volumes d’avant
la crise de 2009). Le marché est desservi par 6 lignes à l’export, 2 à l’import. En
2013, 60 000 TEUS pleins directs ont
ainsi été importés au Havre, soit 50 %
de moins qu’en 2008. Le trade est traditionnellement très concurrentiel et donc
peu profitable pour les armements.
L’ouverture du Canal de Panama élargi
pour l’accueil de navires de 12 500 EVP
(contre 4 500 aujourd’hui) ne devrait pas
changer la donne pour Le Havre dans la
mesure où tous les navires qui desservent cette zone étaient au gabarit historique. Le Canal ouvrira en revanche la
voie des marchandises asiatiques vers
les ports de la côte Est.
Le risque principal de ces prochaines
années réside dans le transfert de
gros navires sur le trade Atlantique, en
écho à la mise en service des géants
sur le trade Europe-Asie : des navires
de 8 500 EVP (contre généralement
4 000 aujourd’hui) devront bien se
remplir...
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Décembre 2014
Journal de la
Communauté Portuaire
Havraise
Afrique
« Une desserte africaine renforcée
au départ de France »
David Giboudeau, Directeur Général, Grimaldi ACL France
Les navires CON-RO de Grimaldi répondent aux besoins du trade EuropeAfrique et permettent à l’armateur italien de tirer son épingle du jeu sur les
Amériques, trades moins porteurs actuellement. L’arrivée de navires plus
gros et le lancement récent de la desserte hebdomadaire directe de la COA
depuis Le Havre traduisent la confiance de l’opérateur.
Grimaldi ACL est spécialisé dans la desserte de la Côte Occidentale africaine
(COA) et des Amériques. Comment évolue d’abord le trade africain ?
La présence de Grimaldi en Afrique
est une spécificité reconnue, tant pour
l’Afrique du Nord que pour les 17 ports
touchés sur la COA, un panel unique
dans le monde armateurial. Cette zone
est très prometteuse, à commencer par
le Nigéria qui, en raison de sa croissance et de sa population importante,
représente un débouché considérable.
Les besoins en infrastructures et en
biens de consommation y contribuent.
Si la France a une présence historique
favorable au développement du commerce avec ces pays, on remarque que
d’autres pays investissent beaucoup
également, notamment la Chine.
Quels sont les principaux obstacles sur
ce marché actuellement ?
Pour l’heure, il s’agit du déficit d’infrastructures adaptées à l’accueil de plus
gros navires et du manque de capacité
à manutentionner en simultané des navires CON-RO. Un port rapide est en développement au Cameroun et Grimaldi
investit également comme à Lagos
avec deux postes à quai en propre, ou à
Dakar qui reste notre principale plateforme de transbordement : tous nos services africains et américains y transitent,
rendant toutes les dessertes possibles.
Je pense qu’en 2020, les plus gros
navires pourront être traités en Afrique
occidentale. Reste néanmoins la question de la desserte de l’hinterland. Enfin,
nous ne pouvons éluder une situation politique qui reste instable ni les problèmes
sanitaires qui ont un véritable impact
commercial : les pays touchés par Ebola
voient déjà leurs échanges affectés.
Comment évolue l’offre sur ce trade ?
L’offre a beaucoup évolué ces dernières
années, à la faveur d’investissements
en matière d’accueil de navires de plus
en plus gros et de capacités de manutention. Comme l’Afrique s’avère être
en tendance un marché relativement
stable en croissance continue, de nouveaux opérateurs s’y sont intéressés.
Des compagnies notamment asiatiques
sont venues par opportunisme et n’ont
pas hésité à casser les prix pour prendre
des parts de marché : les taux de fret
à l’export ont donc été particulièrement
déraisonnables récemment. Mais sur
un trade qu’il faut bien connaître, certains des nouveaux entrants sont ressortis très vite. Grimaldi y a développé
un réseau d’agences et se distingue
par sa capacité à offrir du conteneur,
du conventionnel et du roro et donc
à profiter de la pluralité de son offre,
notamment en jouant sur l’axe triangulaire Europe-Amérique-Afrique. Notre
stratégie reste de partir du dernier port
européen avec un navire plein ! Nous
nous en sortons bien et développons
actuellement notre desserte africaine :
depuis octobre, nous proposons même
un départ hebdomadaire direct depuis
Le Havre vers la Côte d’Ivoire. Fin 2015,
six nouveaux navires de taille supérieure
renforceront ce trade COA.
Comment se comportent les Amériques
du Sud et du Nord, vos autres marchés
traditionnels ?
En Amérique Latine, le Brésil et l’Argentine, nos deux pays de prédilection, sont
dans des situations très difficiles. En
2014, l’offre pure conteneur a d’ailleurs
été réduite sur ce trade. Là encore, la
force de Grimaldi est sa desserte de
l’Afrique (Dakar) à la remontée, même
si notre handicap réside dans le fait que
nous ne proposons pas de reefer. Nous
restons donc prudents sur les perspectives de l’Amérique du Sud. Concernant
l’Amérique du Nord, les jeux d’alliance
actuels rendent la visibilité difficile sur
un trade déstabilisé depuis plusieurs
années. Les taux de fret ont chuté et
le marché n’a été sauvé cette année
qu’en raison de la stabilité du prix du
baril de pétrole. L’export est en hausse
et l’import reste très faible, fort dépendant du taux de change Euro/USD. ACL,
qui fait partie du G6, est leader en roro
avec plus de 60 % des parts de marché
sur ce trade. La congestion des ports
US et le manque d’infrastructures pour
une desserte efficace de l’hinterland y
restent des handicaps. Fin 2015, des
navires plus gros permettront néanmoins un doublement de nos capacités.
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Journal de la
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Afrique
« La grande oubliée »
Patrick Bret, Délégué Commercial Nord-Sud HAROPA
Patrick Bret est responsable commercial Nord-Sud et spécialiste HAROPA
de l’Afrique. Il décrit un continent en mutation et relais de croissance potentiel pour les échanges européens.
Au sein du complexe HAROPA, le
Grand Port Maritime de Rouen fait figure de tête de proue traditionnelle
des échanges avec le continent africain. Aujourd’hui, les synergies entre
Rouen et Le Havre et les nombreux
services hebdomadaires au départ des
deux grands ports maritimes (68 vers
l’Afrique, 16 vers l’ouest de l’Océan
Indien, 280 touchers mensuels entre
HAROPA et l’Afrique) justifient la création d’une division Nord-Sud qui voit en
l’Afrique une zone émergente à privilégier.
La Côte Occidentale africaine (COA) est
la plus porteuse pour HAROPA, incluant
des pays enclavés (Mali, Niger, Burkina
Faso, République centrafricaine, République démocratique du Congo). Cette
région représente un véritable relais de
croissance, notamment en raison de
l’exploitation des ressources minières,
pétrolières ou gazières de plusieurs
pays tels que le Nigéria ou l’Angola.
Les quatre points d’entrée principaux
sont Dakar (Sénégal), Abidjan (Côte
d’Ivoire), Douala (Cameroun) et Libreville (Gabon). Si certains de ces pays
connaissent des freins au développement (guerre civile en Côte d’Ivoire,
potentiel économique moindre du
Sénégal, infrastructures insuffisantes
au Cameroun), la croissance y est néanmoins de 5 à 8 % par an. Le Gabon,
riche de ses ressources en pétrole, voit
sa consommation croître : la part de
marché de la France y est de 35 %. Les
ports africains ont aujourd’hui tendance
à se structurer autour de hubs : Pointe
Noire au Congo (jusqu’à 15 m de tirant
d’eau), Abidjan (travaux en cours pour
augmenter le tirant d’eau), Dakar, ou
encore Kribi au Cameroun (la construction d’un terminal ultra-moderne débute en 2015).
Des opportunités à saisir ou à créer
Dans la zone anglophone et lusophone,
traditionnellement plus ouverte vers
leurs anciennes tutelles coloniales,
l’Angola connaît une croissance à
deux chiffres (pétrole), d’où une augmentation de la consommation et
de l’équipement de la population. Le
Nigéria aussi profite des exportations
d’hydrocarbures avec une population
de 110 millions d’habitants. Le Ghana,
pays calme, connaît une croissance de
7 à 8 % par an. En 2015, HAROPA prévoit une politique active de démarchage
import/export afin de développer les
relations avec ces pays, et ce malgré
les turbulences sanitaires et politiques
récentes.
L’Afrique du Nord est desservie à partir
de Marseille. Néanmoins, le Maroc représente un important potentiel de développement pour HAROPA. L’Afrique
de l’Est est également attractive avec
le fort développement de plusieurs
pays : Kenya, Tanzanie (croissance à
deux chiffres : thé, café, cacao, produits
miniers), le Mozambique (projets industriels liés au gaz et au pétrole). Là aussi,
HAROPA va déployer des missions
ciblées, sans oublier Madagascar, parent pauvre de la zone. Enfin, l’Afrique
du Sud reste le 1er PIB du continent et
connaît un important développement :
production minière, produits primaires,
thé, vin, véhicules...
Si les trafics sont aujourd’hui principalement conteneurisés, HAROPA entend
soutenir le trafic breakbulk (lots non
homogènes) qui nécessite des navires
mixtes (conteneurs, véhicules, vrac),
notamment vers les pays qui exploitent des champs de pétrole ou de gaz.
Ces trafics sont en forte progression et
restent à capter, notamment grâce à la
compétence colis lourds du Havre. Le
Roro est également un axe porteur et
à développer, notamment en matière
d’export de véhicule d’occasion de
3 à 5 ans. Pour l’heure, l’Afrique subsaharienne représente moins de 5 %
du commerce conteneurisé au niveau
mondial.
Directeur de la Publication :
Christian Paschetta
Comité de Rédaction :
Christian Paschetta
Dominique Devaux
Laurent Cochard
Jean-Marc Peltier
Pascal Olier
Journaliste : Olivier Bouzard
Régie publicitaire :
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Édité par l'UMEP
Imprimerie : Riccobono
ISSN : 2261-219X
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