La poésie au coin de la rue

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La poésie au coin de la rue
La poésie au coin de la rue
LE SALUT
Il posa son chapeau sur le lit
et derrière lui le malheur vêtu
en petite sœur de la
Miséricorde
pénétra dans la chambre
et de sa voix de bistouri
il mit à vif
la cicatrice de l’oubli.
- Nous avions de quoi vivre
Pourquoi as-tu agi ainsi ?
Et moi
heureuse hier d’avoir enfin
de quoi mourir me fallait-il
encore faire semblant de sourire ?
- Tu es sauvée, nous t’avons sauvée.
- Sauvée. Sauvée, sauvée moi
qui voulais m’enfuir !
JE M’ENDORS…
Je m’endors avec des oiseaux plein les yeux
Et je rêve d’un jardin
Mes si tes yeux sont loin des miens
Je m’endors avec des larmes plein les yeux
Et mon rêve s’appelle chagrin
JACQUES PREVERT
MOURIR
Qui ne veut mourir s’affole
Qui se voit mort se console
Que sortira-t-il de toi
Quelle danseuse immobile
Blanche très exactement
Quelle mendiante d’été
Aux vertus encore vertes
Aux sourires suppliciés
Quelle belle aux gants pudiques
Aux mains vierges au front lisse
Quel jour quel regard quel songe
Aveugle aux ombres terrestres
Tu mourras les yeux ouverts
Paul ELUARD
ET NOUS, NOUS AIMONS LA VIE
Et nous, nous aimons la vie autant que possible
Nous dansons entre deux martyrs.
Entre eux, nous érigeons pour les violettes un minaret
ou des palmiers
Nous aimons la vie autant que possible
Nous volons un fil au ver à soie pour tisser notre ciel
clôturer cet exode
Nous ouvrons la porte du jardin pour que le jasmin
inonde les routes comme une belle journée
Nous aimons la vie autant que possible
Là où nous résidons, nous semons des plantes
luxuriantes et nous récoltons des tués
Nous soufflons dans la flûte la couleur du lointain,
lointain, et nous dessinons un hennissement sur la
poussière du passage
Nous écrivons nos noms pierre par pierre.
Ô éclair, éclaire pour la nuit, éclaire un peu
Nous aimons la vie autant que possible
Mahmoud Darwich
(poète palestinien)
Un asticot farouche
Cet asticot prospère
Au fond de sa noisette
A mauvais caractère,
Détestant qu’on repère
Sa bicoque secrète.
Il ne supporte guère
Visite ou courant d’air.
Avec soin, il rebouche
La petite ouverture
De sa chambre farouche.
Un promeneur gourmand
Passe par aventure,
Voit ce fruit bien- portant
Qui lui fait la risette
Et brisant en glouton
La coquette maison
Sans voir un ver dedans,
Croque en deux coups de dents
Asticot et noisette.
NORGE

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