Fiche Histoire des arts La Vie et rien d`autre (Bertrand Tavernier
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Fiche Histoire des arts La Vie et rien d`autre (Bertrand Tavernier
Fiche Histoire des arts La Vie et rien d’autre (Bertrand Tavernier, 1989) Analyse de deux séquences I / 1ère séquence : Le choix du soldat inconnu. Problématique : Comment cette séquence montre-t-elle une « mise en scène » du choix du soldat inconnu ? La séquence prend place dans un cadre resserré, les porte-drapeaux créent un effet de tenaille et enferment les personnages à l’intérieur de la scène. Pourtant la scène se présente comme grandiose par la profondeur de champ et le cadrage en légère contre-plongée qui accentue l’effet de galerie / couloir (resserré encore par l’emploi du cinémascope et les nombreuses lignes de fuite). Le ministre Maginot arrive en n’ayant aucune information et en les apprenant au fur et à mesure. La cérémonie prend des allures d’événement vite préparé, juste pour la « bonne forme ». Le long travelling latéral ne peut que placer les cercueils à l’avant-plan (faute de place) avec les soldats au garde-à-vous derrière eux, ce qui crée la « vraie » dimension solennelle avec ces soldats morts pour la France. Deux « camps » sont donc en présence : le ministre qui symbolise « l’apparence » et la réalité dramatique de la mort. Lorsque le jeune soldat se rapproche du ministre, le réalisateur adopte le cadrage en plan serré ½ ensemble dont la contre-plongée accentue le rapport de force (taille des personnages / asymétrie de la répartition) : le jeune homme est face à son destin dans le choix qui lui est proposé. En retrait (cadre dépouillé pour montrer la confidence), le général et Dellaplane symbolisent l’opposition entre l’être et le paraître. Le général parle vulgairement par rapport à ce qu’il est en apparence c’est-à-dire « officiel » et donc « lisse ». Le rapport entre ce plan et le reste de la séquence réside dans la continuité des éléments sonores (roulement de tambour) et par le regard porté hors-champ vers les cercueils. L’aspect solennel de l’instant est mis en valeur par le son. L’écho, le bruit des pas sur le sol et la quasi absence de musique (uniquement présente sous forme de « musique d’écran » : le roulement de tambour) rendent toute la densité de la scène. Mais le dépôt du bouquet de fleurs « issues des champs de bataille de Verdun » contraste en donnant un aspect théâtralisant. Cet aspect est renforcé par la présence des veuves (de soldats inconnus !) et du roulement de tambour qui ajoute un effet « loterie ». L’explication simpliste et maladroite du choix s’oppose à la solennité de l’instant. La réponse détachée « « c’est mon oncle » de Dellaplane au journaliste va dans ce sens, et souligne qu’il n’adhère pas à cette cérémonie hypocrite. 1 Ici, à travers cette séquence et le personnage de Dellaplane, Bertrand Tavernier cherche à dénoncer les politiques et les militaires responsables de millions de morts qui en viennent à se dissimuler derrière un seul, le soldat inconnu : « Ils en ont fait tuer un million cinq cent mille mais maintenant on ne pensera plus qu’à celui-là », se désole Dellaplane. 2 / La 1ère entrevue entre Irène et Dellaplane Problématique : Comment et pourquoi le réalisateur alterne registres comique et dramatique dans La Vie et rien d’autre ? Les personnages de ce film ont tous des obsessions : celle de l’identification des soldats pour Dellaplane et celle de la recherche de leur amour perdu pour Irène et Alice. Tous ont pour objectif la « disparition ». Bertrand Tavernier veut alors montrer au fil du film que ces personnages doivent réapprendre à regarder « la vie ». La scène se situe dans un théâtre réquisitionné qu’un travelling arrière nous dévoile progressivement (on peut voir les balcons en arrière-plan). Les bureaux sont à ciel ouvert et de simples planches de bois forme les cloisons. Tout n’est donc qu’apparence ici et la requête d’Irène a peu de chance d’aboutir dans décor labyrinthique (symbolisant le dédale administratif). Le face à face entre Irène et l’officier nous montre cette perte de repères. S’ils sont cadrés de même manière (montrant ainsi le fait qu’Irène tient tête à l’officier), ils ne se comprennent pas et la situation prend une tournure comique avec l’incompréhension du terme « incombe » qu’Irène comprend en « un comble ». Son énervement en devient drôle face au calme du soldat, la scène est donc comique malgré elle et on pourrait penser à une réplique de vaudeville (genre théâtral populaire à la fin du 19 ème siècle). Par ailleurs, le cadrage en plongée nous fait adopter le point de vue d’un spectateur au balcon d’un théâtre. La posture d’Irène va changer lorsque Dellaplane entre en scène. Il referme la porte de son « bureau » afin de créer de l’intimité alors qu’il n’y en a pas car tout le monde peut les entendre. Ce lien comique avec la scène précédente va s’estomper lorsque le rapport de force entre les personnages va tourner en faveur du commandant (debout) face à Irène (qui est assise et soit écrasée bord gauche du cadre, soit plaqué sur un décor fermé alors que le cadrage est beaucoup plus libre lorsqu’on revient sur le commandant). La prise de parole de Dellaplane va montrer un personnage qui sort de l’ordinaire (militaire sans décoration qui arbore uniquement la légion d’honneur) et qui va mettre mal à l’aise la jeune femme. Ce malaise provient du fait qu’il remet en question l’obsession de cette dernière puisqu’il lui annonce que le travail de recherche peut s’avérer long et infructueux. La prise de parole qui bouleverse cela est la lecture de la lettre envoyée par le beau-père d’Irène. Cette lecture provoque l’affolement de la femme qui est montrée comme enfermée dans une cage (tension qui est contrastée par la tentative comique de fuite par le placard !). Cette confrontation se termine par le rapprochement des deux personnages (neutralité du plan rapproché taille). 2 Le réalisateur, par la théâtralisation, met en évidence le rapprochement de personnages qui s’opposent au départ. L’alternance entre registre comique et registre dramatique présente alors le retour à la vie des deux personnages. 3