Le professionnel libéral peut-il transférer à une SPFPL l`emprunt
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Le professionnel libéral peut-il transférer à une SPFPL l`emprunt
Benoît CHEVALIER Avocat à la Cour GIRAULT CHEVALIER HENAINE ASSOCIES Octobre 2013 Le professionnel libéral peut-il transférer à une SPFPL l’emprunt personnellement souscrit pour l’acquisition des titres d’une SEL ? Les sociétés de participations financières de profession libérale (SPFPL) connaissent un incontestable succès parmi les professionnels de la santé, et il importe à cet égard de rappeler que l’absence de décret d’application pris pour toutes les professions médicales (à l’exception des professions de pharmacien d’officine et de vétérinaire) n’interdit pas leur constitution. Ce succès s’explique tant par la possibilité offerte aux SPFPL de détenir plus de la moitié – voire la totalité – du capital des sociétés d’exercice libéral (SEL) que par leur intérêt financier et fiscal en cas d’acquisition de parts sociales ou d’actions de SEL. Certains professionnels libéraux s’interrogent sur l’opportunité de constituer une SPFPL à laquelle pourraient être apportées les parts sociales ou les actions d’ores et déjà acquises moyennant la souscription d’un emprunt bancaire, et de procéder concomitamment à la prise en charge par la SPFPL de ce passif personnel. Répondre à cette question conduit d’abord à rappeler les principales caractéristiques des régimes fiscaux de faveur qui s’appliquent notamment aux SPFPL, pour ensuite examiner les conséquences du transfert de passif du professionnel libéral à une SPFPL. 1. Tout professionnel libéral envisageant d’acquérir des titres d’une SEL devrait être préalablement sensibilisé à la constitution d’une SPFPL ayant pour objet l’acquisition de ces titres. En effet, alors que le professionnel personnellement endetté rembourse l’emprunt souscrit pour l’acquisition de parts sociales ou d’actions de SEL avec des revenus soumis à la pression fiscale du barème progressif de l’impôt, une SPFPL se désendette grâce aux dividendes qui lui sont distribués par la SEL dont elle a acquis les titres, avec une fiscalité privilégiée. 2. Ainsi les SPFPL peuvent-elles prétendre – à l’instar des sociétés holding de droit commun – à deux régimes fiscaux de faveur, dès lors qu’elles en remplissent les conditions d’éligibilité. En premier lieu, le régime fiscal des sociétés mères et filiales qui permet, sur option, aux SPFPL (sociétés mères) de bénéficier de l'exonération des dividendes reçus des SEL (sociétés filiales) sous réserve de la taxation d'une quote-part de frais et charges. L’exonération porte sur 95 % du montant des produits ainsi distribués par les SEL au profit des SPFPL, la quote-part de frais et charges fixée à 5 % dudit montant demeurant incluse dans le résultat des SPFPL et imposable à l’impôt sur les sociétés selon les règles de droit commun. Pour bénéficier de ce régime fiscal de faveur, les SPFPL doivent détenir la pleine propriété des titres d’une SEL représentant au moins 5 % du capital de la SEL, et être conservés pendant au moins deux ans. En second lieu, le régime de l’intégration fiscale permettant, également sur option, une harmonisation financière et fiscale du groupe constitué par la SPFPL et la ou les SEL filiale(s), au niveau du résultat imposable de la SPFPL. Les conditions d’éligibilité au régime de l’intégration fiscale sont les suivantes : - le capital de la SPFPL ne doit pas être détenu, directement ou indirectement, à 95 % au moins, par une autre personne morale soumise à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ; - le capital de la SEL doit être détenu à 95 % au moins, directement ou indirectement, par la SPFPL. Ce régime d’intégration fiscale permet notamment : - de diminuer le résultat imposable de la SPFPL du montant des déficits subis, le cas échéant, par la ou les SEL filiales(s) ; - de faciliter le financement des acquisitions de SEL par la SPFPL dans la mesure où l’emprunt contracté pour financer ces acquisitions sera supporté par la SPFPL, et les intérêts pourront être déduits des bénéfices réalisés par les SEL. 3. Compte tenu de l’effet de levier financier et fiscal dont peuvent bénéficier les SPFPL dans la perspective de leur désendettement, il apparaît tentant d’envisager le transfert de la charge d’un emprunt souscrit à titre personnel pour acquérir les titres d’une SEL, et de procéder à l’apport concomitant des titres de la SEL à cette SPFPL. L’apport des titres d’une SEL à une SPFPL n’emporte pas, en principe, de conséquences fiscales indésirables dans la mesure où l’éventuelle plus-value réalisée à cette occasion n’est pas immédiatement taxée. En effet, cette plus-value va bénéficier, selon les cas, d’un sursis d’imposition (hypothèse dans laquelle le calcul de la plus-value et son imposition sont différés) ou d’un report d’imposition (hypothèse dans laquelle la plus-value est immédiatement constatée mais son imposition différée) tendant à repousser l’imposition jusqu’à la survenance de l’un des évènements suivants : - cession, rachat ou annulation des titres de la SPFPL reçus en rémunération de l’apport des titres de la SEL ; - en cas de report d’imposition, cession par la SPFPL, rachat, remboursement ou annulation des titres de la SEL apportés, si cet événement intervient dans un délai de 3 ans à compter de l’apport des titres de la SEL à la SPFPL (à moins que la SPFPL réinvestisse au moins 50 % du produit de cession des titres de la SEL apportés). La neutralisation fiscale d’un tel apport de titres procède de l’idée selon laquelle l’apporteur (le professionnel libéral en l’espèce) ne doit pas être taxé puisqu’il ne perçoit pas de liquidités ; cette règle semble de bon sens. Qu’en est-il du traitement fiscal du transfert de l’emprunt du professionnel libéral à cette même SPFPL ? 4. S’agissant d’abord des droits d’enregistrement, l’apport des titres de la SEL à la SPFPL assorti d’une prise en charge du passif du professionnel libéral par la SPFPL est 2 considéré comme un apport dit « mixte », qui rend exigible un droit de mutation à titre onéreux liquidé sur le montant de ce passif. Ainsi, en cas d’apport d’actions d’une SEL au profit d’une SPFPL, le passif pris en en charge par la SPFPL rendra exigible le droit de mutation applicable aux cessions d’actions au taux de 0,10 % ; sont concernées les SEL dont le capital social est divisé en actions (sociétés d’exercice libéral par actions simplifiée, sociétés d’exercice libéral en commandite par actions ou encore sociétés d’exercice libéral à forme anonyme). En revanche, en cas d’apport au profit d’une SPFPL de parts sociales d’une SEL ayant adoptée la forme de société d’exercice libéral à responsabilité limitée, le passif pris en en charge par la SPFPL rendra exigible le droit de mutation applicable aux cessions de parts sociales au taux de 3 % ; par conséquent, selon l’importance du passif transmis, le droit de mutation exigible ne doit pas être négligé. 5. Concernant ensuite la plus-value dégagée par le professionnel libéral lors de l’apport de ses titres de SEL à la SPFPL, son sursis ou son report d’imposition est notamment subordonné, en cas d’apport avec soulte, à la condition que cette soulte n’excède pas 10 % de la valeur nominale des titres de la SPFPL reçus en rémunération de l’apport. Cette règle appelle quelques précisions ; si la soulte s’entend généralement d’une somme d’argent à percevoir par l’apporteur lors de l’apport de ses titres de la SEL à la SPFPL, la prise en charge par la SPFPL d’un passif de l’apporteur est, d’un point de vue fiscal, assimilable à une soulte de nature à remettre en cause le sursis ou le report d’imposition La remise en cause de la neutralité fiscale de l’opération d’apport impliquerait alors que le professionnel libéral s’acquitte de l’impôt sur la plus-value réalisée lors de l’apport de ses titres de la SEL à la SPFPL, sans avoir perçu de liquidités… C’est la raison pour laquelle il est indispensable de vérifier que le passif transmis par le professionnel libéral n’excède pas 10 % de la valeur nominale des titres de la SPFPL qu’il reçoit en rémunération de son apport. Dans la mesure où la constitution de la SPFPL procède de l’apport des titres de la SEL (cas le plus fréquent), la valeur nominale des titres de la SPFPL va coïncider avec la valeur nette des titres de la SEL apportés (c’est-à-dire la valeur des titres de la SEL apportés, minorée du passif transmis à la SPFPL). Par conséquent, l’intérêt de l’opération d’apport de titres assortie d’un transfert de passif du professionnel libéral sera singulièrement limité lorsque le montant du passif transmis à la SPFPL excédera 10 % de la valeur des titres de la SPFPL reçus par le professionnel libéral à l’occasion de l’apport des titres de la SEL. 6. Dans l’hypothèse où le professionnel libéral souhaiterait néanmoins solder son endettement personnel, l’alternative pourrait évidemment consister à céder tout ou partie des titres de la SEL à la SPFPL, celle-ci s’endettant corrélativement afin d’acquérir les titres de la SEL puis remboursant l’emprunt souscrit dans les conditions précédemment exposées. Toutefois, cette opération de cession générant habituellement une plus-value taxable, il conviendra de s’assurer que le produit de cession couvre non seulement le passif personnel à rembourser par anticipation – le cas échéant avec quelques pénalités – mais encore le montant de l’impôt à acquitter. Si, à l’occasion de cette opération de cession, le professionnel libéral n’a pas cédé l’intégralité de ses titres de la SEL, la capacité de désendettement de la SPFPL pourrait être 3 renforcée par l’apport des titres de la SEL non cédés à la SPFPL ; la SPFPL pourra prétendre à une plus grande quotité de dividendes à distribuer par la SEL, facilitant alors le remboursement de l’emprunt souscrit pour le rachat des titres de la SEL… 7. En tout état de cause, le professionnel libéral faisant le choix de constituer une SPFPL et de lui faire supporter la charge d’un passif à l’occasion de l’apport et/ou de la cession de ses titres de SEL devra en apprécier préalablement les conséquences fiscales pour s’assurer sinon de la neutralité de l’opération, à tout le moins qu’elle lui permettra d’honorer son passif… fiscal. Benoît CHEVALIER Avocat à la Cour GIRAULT CHEVALIER HENAINE ASSOCIES 92, avenue Kléber 75116 PARIS Tél. : + 33 (0) 1 55 73 36 26 Fax : + 33 (0) 1 55 73 36 27 4