noces de silence

La pauvre laveuse ne pourra tout nettoyer
D’où vient tout ce sang
NOCES DE SILENCE
à Sonia et Dominique
Tout est si calme
Finis ces mois d’automne où mourait ma lumière
Deuxième grenade
Maintenant
Maintenant seulement je peux raconter
Ces mois où la douleur m’a martelée
Taillée
À l’intérieur
À l’extérieur
Pendant six mois
La mort en moi a tissé son nid
Mort du père
Mort de l’amour
Mort de l’enfant avant le souffle
Avec Nerval pour seule étoile
Femme stérile
Terre stérile
Parturiente à l’enfant mort dans la nuit
Première grenade
Première coque brisée de mon âge de femme
Je dis ce travail et je dis ces morts
Elle est en train de claquer
S’affole maintenant l’obscène boucher
Je suis si bien dans mon tunnel de lumière
Hugo a raison la mort est bleue
On transporte un corps
Le mien
Il y a du sang partout dans le bloc
Il fait noir
Jetez-moi cette croix
Jetez-moi ce curé
Retour à la matière
Il fait nuit
Je ne sais pas encore où je suis
Vivante semble-t-il
Cadeau de quels rois mages
Un bracelet portant le numéro 14
Celui de l’enfant mort
La femme d’à côté
Celle dont j’entends la plainte continue
A accouché sous X
Je viens du noir je sais le bleu
Je sais le départ
Rhéa je suis en réa
Parole impossible
Dans cette vie si loin du bleu-lumière
Cette vie en exil
En chambre d’hôpital
Épiphanie à l’Hôtel-Dieu
Vivante et en colère
Je reviens de la mort
Pailletée verbe haut
Parée pour de nouveaux abordages
Contre les porteurs de couteaux
Qui coupent et qui baisent
Qui s’apprêtent à baiser qui s’apprêtent à couper
Quand des femmes se meurent à trois mètres d’eux
Eux pour qui toute femme est un trou
Un simple trou
Numéro 14
Tempérance tu parles
Mais la licorne est là
Lune noire lune blanche
Et celle qui reflète le soleil
Miroir de nature
Grâce et vérité
L’ont menée vers l’amande
Amère puis douce
Germe de lumière
La main est passée
Elle a touché au feu qui brûle sans brûler
Toujours en retard d’une réussite
D’un calembour à l’exquis mauvais goût
L’orpheline entre lettre et virgule
Dans ce trou dans ce vase
Rose au cœur du X
S’ouvre à la lumière
Troisième grenade
Je ne suis plus rivée
La marraine du sel
M’attend rue Fontaine
Un nouveau temps s’annonce
De la mort naît la vie
Enchaînée déchaînée Rhéa la noire a déployé son bleu
Les yeux encore scellés
Elle s’apprête au vert
À l’eau qui ne mouille pas
Dans les draps du creuset
Dans la robe noire
Des naissances secrètes
Fille de violence et d’amour
L’harmonie file sa lumière
En mémoire pour mémoire par mémoire
De son travail de femme
Des douleurs d’une mise au monde
MARIE-DOMINIQUE MASSONI
Elle Je Moi
Elle s’est donnée au vent
Le vacarme s’apaise
L’oreille du dehors s’est tue
Peau comme terre cuite
Coque dans la mer noire
Bracelet 14
Tempérance je sais
J’ai mis trente ans à le savoir
Miroir de vérité