congrés 2008 Fehap site

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congrés 2008 Fehap site
Intervention de Geneviève AVENARD,
Directrice générale adjointe de l’ODAS
« Continuité et complémentarité de la prise en charge »
Je parlerai ici depuis la place d'observateur
qu'occupe l’ODAS depuis sa création en
1990, à la suite d'un rapport du conseil
économique et social préconisant la
constitution d'un lieu neutre d'observation
et d'évaluation des politiques d'action
sociale décentralisées.
Une neutralité garantie par la forme
associative, une relative indépendance
financière et par une représentation
équilibrée de l'ensemble des acteurs
concernés par le domaine social.
Une observation qui repose sur un ancrage
fort au local, car l’ODAS est fondé sur la
conviction que le partage de l'observation
avec les acteurs locaux constitue une
condition première de l'efficacité de
l'action. Ainsi plus de 3500 élus, cadres et
professionnels, émanant des collectivités
territoriales, des services de l'État, des
organismes de protection sociale et des
fédérations d'associations participent ils à
un titre ou à un autre à nos travaux
(groupes de travail) et à nos enquêtes (avec
un taux de réponse de près de 90 %).
C'est de cette place que je voudrais d'abord
dire que la continuité des réponses et des
interventions auprès des personnes ne doit
pas être seulement un objectif technique
mais qu'elle constitue d'abord un enjeu
politique, et même un enjeu d'ordre
éthique. Je parle d'ailleurs de continuité, et
non de complémentarité car il s’agit bien à
mon sens de la finalité à rechercher, la
complémentarité des interventions ou leur
coordination ne constituant que des
moyens ou des outils pour y parvenir.
Un enjeu politique et éthique, car il s'agit
prendre en compte la
personne
bénéficiaire ou usager dans sa globalité, en
s'appuyant sur ses besoins mais aussi sur
ses attentes : en fait, il s'agit de passer
littéralement de la « prise en charge » à la
« prise en compte ». C'était du reste le sens
de la loi du 2 janvier 2002, c'est aussi le
fondement de la notion de « projet de
vie » contenue dans la loi du 11 février
2005.
Et il est clair que le principe de continuité
conditionne l'efficacité et la qualité des
réponses apportées, et ce, nous l'avons
observé, dans tous les secteurs de l'action
sociale (confer la loi du 5 mars 2007
réformant la protection de l'enfance qui
introduit une responsabilité de garant de
continuité pour les présidents de conseils
généraux).
Or ce principe ou cet objectif de continuité
se heurte d'abord à une extrême complexité
du paysage institutionnel, avec des
superpositions de compétences et des
chevauchements
de
responsabilités
singulièrement renforcés par l'inflation
législative constatée au cours de ces cinq
ou six dernières années.
Nos dernières rencontres nationales tenues
à Marseille les cinq et 6 juillet derniers
avaient
justement
pour
thème:
«décentralisation et cohésion sociale :
clarifier les rôles pour mieux agir
ensemble».
33ème CONGRES DE LA FEHAP
16-17 et 18 avril 2008 – Paris
Quel est le
aujourd'hui ?
contexte
institutionnel
Les départements ont vu leur rôle de chef
de file affirmé à la faveur de l'acte deux de
la décentralisation, en particulier dans le
domaine de l'autonomie, sur la base d'une
expérience de 20 ans estimée plutôt
concluante. Il est vrai qu'ils ont su
appréhender au cours des dernières années
la création de l’APA dans des conditions
satisfaisantes, de même qu'ils ont su
s'emparer de leurs responsabilités dans le
cadre de la loi du 11 Février 2005, en dépit
des difficultés rencontrées et des
complexités de mise en oeuvre. Plutôt que
nos propres travaux, qui ont montré que
l'implication des conseils généraux sur le
plan quantitatif comme sur le plan
qualitatif a permis de réduire les inégalités
interdépartementales en termes de budget
et d'offre de service, je citerai un récent
rapport sur la dépendance des personnes
âgées : « la faculté d'adaptation et
d'organisation dont ont su faire preuve les
conseils généraux pour mettre en œuvre
l’APA est unanimement soulignée. La
supériorité d'une gestion locale pour
révéler les besoins des personnes âgées et
structurer un ensemble complexe de
services en fonction des spécificités de
chaque territoire est rarement mis en
question » (rapport GISSEROT). Je citerai
également
Denis
PIVETEAU
à
Marseille : « ce n'est pas parce qu'une
compétence est décentralisée, que le
principe d'égalité n'est pas respecté ».
Il reste que les départements peinent
encore à habiter leur rôle de chef de file, et
de coordination avec les autres acteurs. Et
qu'ils se trouvent confrontés, avec la
décentralisation de nombreuses prestations,
à devoir exercer un rôle de gestionnaire
d'allocations sans commune mesure avec
ce qui existait antérieurement, dans un
contexte de contraintes financières
majeures. Aujourd'hui, le risque est de les
voir se cantonner à des approches
gestionnaires, au détriment de démarches
de
développement,
d'autant
plus
nécessaire, malgré les efforts importants
constatés, que l'offre reste marquée par une
approche limitée au médico-social, qui
restreint l'éventail et l'ambition des
réponses. Si les leviers du pilotage
départemental
sont
particulièrement
contraints sur le plan financier, et le sont
également sur le plan stratégique et
opérationnel.
J'évoquerai sur ce point le rôle important
de l'État « local » ou « déconcentré », y
compris dans la gestion et l'organisation de
l'offre pour les établissements et les
services relevant de sa responsabilité. Il
semble urgent aujourd'hui de parvenir à
des coopérations fructueuses entre conseils
généraux et État local, pour garantir la
continuité et la cohérence des réponses et
des politiques.
Or cet impératif se heurte à l'existence de
deux circuits parallèles de pilotage : le
pilotage étatique réalisé au niveau régional
à travers l'élaboration des schémas
sanitaires
et
des
programmes
interdépartementaux
d'accompagnement
des handicaps et de la perte d'autonomie
(PRIAC) ; le pilotage départemental
incarné dans les schémas d'action sociale et
médico-sociale. Avec sur le volet médicosocial une consultation souvent tardive,
parfois très formel des départements pour
l'établissement des PRIAC. Au-delà, et
même
si
les
PRIAC
s'appuient
effectivement
sur
les
schémas
départementaux, ceci ne présume en rien
des décisions qui seront prises et des
financements qui seront attribués.
Et ce que nous entendons, à l'Odas, c'est
que le fond du problème se situe plutôt
dans la faible capacité décisionnelle de
l'État déconcentré : il est constaté que les
préfets n'ont aujourd'hui que très peu de
marge de manoeuvre, non seulement sur le
montant des enveloppes qui leur sont
33ème CONGRES DE LA FEHAP
16-17 et 18 avril 2008 – Paris
déléguées, mais aussi sur l'utilisation de
ces enveloppes.
C'est pourquoi, paradoxalement, le
renforcement de l'État déconcentré est
aujourd'hui de conditions de réussite de la
décentralisation. C'est un impératif pour
réussir enfin à rassembler les volets
sanitaire, médico-social et social dans une
vision cohérente du handicap et de la
dépendance.
Autre acteur important : l'action sociale de
la branche vieillesse, avec une proposition
de la MECSS d'expérimenter un transfert
de l'action sociale de la branche vieillesse
aux départements. Il est vrai que
l'intervention sociale de cette branche
peine à trouver son positionnement,
notamment depuis la création de l’APA.
Pour autant, le transfert aux départements
n'apparaît pas forcément comme une
solution satisfaisante : on sait en effet que
les transferts de responsabilités se
traduisent toujours par des conséquences
en termes d'organisation, de gestion du
personnel. En outre, l'abandon du terrain
par les CRAM réduirait les possibilités de
coopération avec les départements, alors
que leur connaissance et leur expérience
seraient précieux pour établir des
diagnostics territoriaux sur le plan du
soutien à l'autonomie.
Enfin, les communes constituent des
partenaires incontournables dans le
paysage institutionnel du soutien à
l'autonomie. Celle-ci ont depuis longtemps
aux côtés des associations et organismes
privés, développé toute une gamme
d'interventions en matière de soutien aux
personnes âgées. Elles ont ainsi contribué
de manière déterminante à la construction
des politiques en la matière, en
s'impliquant par ailleurs dans la gestion des
CLIC, en tant que promoteur ou co
financeurs. Une enquête de l'ODAS menée
en 2006 auprès des villes de plus de 20 000
habitants a montré que malgré l'affirmation
du pilotage départemental sur le soutien
l'autonomie les villes ne souhaitent guère
se retirer de ce domaine : les trois quarts
souhaitent être davantage associés aux
schémas gérontologiques et handicapés, la
moitié souhaite être davantage associée
aux CLIC, et les deux tiers à la maison du
handicap. . Mais leur implication ne
participe pas à la clarification des rôles des
uns et des autres, et de fait, c’est bien plus
sur la dynamisation du « vivre ensemble »
dans sa globalité qu'elles sont maintenant
attendues
Car ce sera le deuxième point de mon
intervention : après avoir montré la
nécessité de surmonter les chevauchements
institutionnels, et de clarifier les rôles de
chacun, la question est de savoir à quelles
fins, au sens de : pour quel projet de
société, pour quel contrat social, pour
quelle place de la personne handicapée ou
âgée au sein de la Cité ?
Les facteurs explicatifs de la dépendance
ne sont pas que sanitaires. Ils sont aussi
sociaux. Ainsi, si la perte d'autonomie
constitue sans aucun doute un facteur
d'isolement, la réciproque est vraie
également.
Les
Canadiens
avaient
démontré il y a quelques années. Plus
récemment, une enquête américaine a mis
en évidence le fait que les personnes âgées
souffrant de solitude avec plus de risque de
plonger dans la maladie. Enfin, il faut noter
que la faiblesse des contacts sociaux et
reconnus par la baisse comme l'un des
déterminants de la dépendance.
On peut relever que le nombre de
personnes âgées de plus de 75 ans vivant
seule augmente : ce phénomène est lié non
seulement un recul de la cohabitation avec
d'autres personnes, mais aussi à la
progression importante du nombre de
personnes de cet âge. Ainsi en 1960,
850 000 personnes sur 2,3 millions
vivaient seuls. Cela concernait 1,5 millions
33ème CONGRES DE LA FEHAP
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de personnes sur quatre en 2000 et ceux-là
devraient concerner 3 millions de
personnes sur six en 2020. Mais au-delà du
vivre seul, la notion d'isolement relationnel
a été mise en évidence à travers d'enquête
qui ont mesuré le sentiment de solitude qui
renvoie à une situation subjective de malêtre et d'ennui. 25 % des plus de 70 ans ont
eu moins de cinq contacts d'ordre privé
dans la semaine contre 5 % du des 15 19
ANS. D'autres enquêtes ont pu montrer la
grande vulnérabilité des personnes âgées à
travers les phénomènes de dépression et de
suicide.
Si l’âge et davantage encore la dépendance
constitue donc un facteur d'isolement et de
mal-être que les nouvelles générations de
personnes âgées ont bien du mal accepté,
des enquêtes montre de façon évidente que
leurs attentes portent de plus en plus sur
leurs rapports à la vie sociale. Elles
souhaitent rester le plus longtemps possible
à domicile et conçoivent l'aide qu'on peut
leur apporter comme un accompagnement
pour faciliter leur sortie du domicile, leurs
déplacements en vue d'effectuer elle-même
un certain nombre d'activités, en rejetant
toute idée de substitution. De manière
éclairante, on constate que leur première
demande porte sur l'aménagement des
services disponibles pour toute la
population, tandis que le recours à des
services spécialisés n'est évoqué qu'en cas
de nécessité absolue.
Ceci étant, la dépendance comme le
handicap pose la question du soutien des
aidants familiaux.
Alors, quelles préconisations
optimiser les réponses ?
pour
Il convient donc de favoriser
participation à la vie sociale :
la
- Préserver le libre choix et le droit au
risque. On ne peut aujourd'hui se contenter
de réponses techniques à des besoins ayant
plus largement trait à la vie sociale. C'est le
cas à domicile (plan d'aide, plan
personnalisée de compensation) et en
établissement où la plupart des places
créées ces dernières années sont des places
médicalisées. Mais les efforts d'adaptation
ne devraient pas empêcher de multiplier les
incitations pour que les établissements
s'ouvrent davantage vers l'extérieur. Plus
globalement l'ambition pourrait consister à
promouvoir une nouvelle offre de service
caractérisée par la souplesse, la créativité
et l'innovation au service du lien social.
Il convient aussi de rénover les modes
d'organisation :
- Qualité par l'enrichissement des métiers
- Qualité par l'amélioration de l'encadrement
- Qualité par la généralisation de l'évaluation
Il convient enfin de rapprocher le soutien
aux personnes âgées et aux personnes
handicapées.
Le développement du lien social doit
constituer une priorité des politiques
publiques pour l'ensemble de la population.
Mais comme l'ont montré les différents
travaux de l'ODAS, c'est aussi l'une des
conditions nécessaires pour que la société
retrouve ses capacités d'intégration des
personnes fragilisées. C'est un impératif
pour répondre à leurs attentes et leur
permettre de vivre pleinement leur
citoyenneté.
En ce sens, la continuité des politiques et
des actions se conçoit comme le moyen de
dépasser les logiques institutionnelles au
profit de logiques de projets et de
développement social, dans le cadre d’une
éthique mieux partagée : celle d’un regard
nouveau sur la différence.
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16-17 et 18 avril 2008 – Paris