Ecole: tous les dés sont-ils vraiment jetés avant 6 ans? - Petit

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Ecole: tous les dés sont-ils vraiment jetés avant 6 ans? - Petit
Ecole: tous les dés sont-ils vraiment jetés avant 6 ans?
Une étude française montre que les inégalités de connaissances entre enfants subsistent tout au long
de la scolarité. Le redoublement ne sert à rien. Faire commencer l’école dès 2 ans n’est pas probant.
Quelles conséquences en tirer, alors que la Suisse prépare ses grandes manoeuvres
d’harmonisation scolaire?
- L’école obligatoire pour tous dès 4 ans et non pas 6.
- Des cycles d’apprentissage plutôt que des degrés d’une année.
- Le redoublement à éviter.
- Un cursus scolaire jusqu’à la maturité de 13 ans au lieu de 12.
Autant de lignes directrices qui dessinent le futur paysage de l’école en Suisse.
L’harmonisation scolaire est en marche.
Nous avons confronté le chemin qu’elle emprunte avec une étude
française que vient de publier l’ Insee (l’Institut national de la
statistique et des études économiques). Et soumis les conclusions
de ce travail à Dominique Gros, directeur adjoint du Service
genevois de la recherche en éducation (SRED).
L’étude de l’Insee est formelle: l’école ne parvient pas à gommer les différences
socioculturelles entre les enfants.
Leur avenir serait déjà joué au moment de l’entrée à l’école. Faites-vous le même constat?
Nous n’avons pas fait d’étude scientifiquement comparable à celle de l’ Insee. Mais ces
conclusions ne m’étonnent pas.
Nous savons que les enfants arrivent à l’école avec des compétences différentes en chiffres et en
lettres, qu’ils acquièrent entre 2 et 4 ans. La moitié d’entre eux parviennent à énumérer des
suites de nombres; un quart environ sait lire différents chiffres.
Pour ce qui est de la langue écrite, un enfant sur deux reconnaît quelques lettres. Deux sur cinq
sont capables d’écrire leur prénom. Très peu ont davantage de connaissances
Où ont-ils acquis ces compétences? A la maison?
A Genève, deux enfants sur trois sont sortis du cadre familial avant d’entrer à l’école, que
ce soit en fréquentant la crèche, la garderie, le jardin d’enfants ou en allant chez une «maman de
jour». Or, nous constatons que ces enfants s’adaptent mieux à l’école; ils y arrivent avec
davantage de compétences langagières et une meilleure socialisation.
L’étude française relève aussi la corrélation existant entre la réussite scolaire d’un enfant et le
niveau de diplôme atteint par sa mère
Le niveau d’éducation des parents a toujours joué un rôle déterminant. Depuis une
vingtaine d’années, davantage de femmes font des études supérieures et exercent une
profession. L’impact sur les enfants se fait donc fortement sentir. Ce d’autant que la place de la
mère dans l’éducation des petits reste prépondérante.
On parle en Suisse de rendre l’école obligatoire à 4 ans.
Faudrait-il commencer plus jeune? A 3 ans, comme en France?
L’ Insee s’est demandé s’il ne faudrait pas scolariser les petits dès 2 ans et a répondu non.
A Genève, l’harmonisation ne changera pas grand-chose: 95% des enfants entrent à
l’école à 4 ans; 98% sont scolarisés à 5.
Mais parmi ceux qui ne le sont pas, beaucoup ne sont pas francophones. L’école obligatoire à 4
ans leur permettrait de combler plus vite leur retard en langue. Quant à commencer à 3 ans, le
débat me paraît dépassé. Les institutions de la petite enfance accompagnent parfaitement les
grands changements qui se produisent dans la vie d’un petit entre 3 et 4 ans
Mais alors, qu’est-ce qui joue un rôle prépondérant dans la réussite ou l’échec scolaire d’un
enfant?
Toutes les études récentes établissent une corrélation entre le succès scolaire et l’estime de soi.
Et l’école a un rôle positif à jouer. Nous savons par exemple que le redoublement exerce un
effet négatif sur l’enfant; il le démotive, le décourage. L’étude de l’ Insee souligne aussi à quel
point cette mesure est inutile du point de vue des acquis scolaires. Nous n’avons pas affaire à
des oies que l’on gave!
De fait, à Genève, où l’on a instauré des cycles d’apprentissage, le taux de redoublement n’est
plus que de 2% au primaire, alors qu’il était le double il y a vingt ans. L’harmonisation en
Suisse va aussi dans ce sens.
«L’école obligatoire à 4 ans permettrait aux enfants de combler plus vite leur retard en langue.
Quant à commencer à 3 ans, le débat me paraît dépassé.»
Le mode d’évaluation des compétences scolaires a-t-il une incidence sur l’estime de soi d’un
enfant?
Notes ou appréciations, l’option n’est pas importante.
Ce qui compte, c’est que l’enfant perçoive la notion de justice. Il existe une règle d’évaluation
de son travail, qui doit être appliquée sans arbitraire.
Dans les pays nordiques, les tests sont conçus et évalués par un office central; ils sont
semblables pour tous les enfants du même âge. Un peu comme nos épreuves communes. Les
jeunes en retirent l’impression que l’évaluation de leurs compétences est faite indépendamment
de leurs enseignants et des relations, bonnes ou mauvaises, qu’ils entretiennent avec eux.
On considère que la sélection tardive des élèves comble un peu les inégalités de départ.
Je prendrais le problème à l’envers: un système qui sélectionne tôt – à 11 ou 12 ans – ne permet
pas de combler ces inégalités.
Dans les pays nordiques, comme en Finlande, on sélectionne à 15 ans avec succès.
Mais c’est un tout: la société considère l’éducation comme un investissement sur l’avenir et la
prend en charge de manière collective. Les disparités sociales sont nettement moins grandes que
chez nous et le système fait tout pour que le maximum d’enfants atteignent le même niveau au
même âge.
Article de Pascale Zimmermann, TG du 14 novembre 2006

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