Enseignement et Recherche en Ethique Economique

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Enseignement et Recherche en Ethique Economique
Enseignement et Recherche en Ethique Economique :
Bilan et Perspectives en Europe,
Librairie de l'Université, collection "Ethique et Déontologie",
Aix-en-Provence, 1995, 266 pp., 180 F.
Il s'est tenu les 7 et 8 juillet, à Aix-en Provence, une table ronde sur le thème suivant :
"Enseignement et recherche en éthique économique. Bilan et perspective en Europe". Ces
journées étaient organisées par le "Centre de Recherches en Ethique Economique et des
Affaires et de Déontologie Professionnelle" de la Faculté de Droit de l'Université d'AixMarseille III en la personne de M. Jean-Yves Naudet qui, Professeur d'économie à cette
Université, en est le Vice-Président et dirige le Centre de Recherche. Ce Centre de Recherche
a deux particularités. Il est pluridisciplinaire, comme son titre l'indique : l'éthique
économique, l'éthique des affaires et la déontologie professionnelle ont le même objet d'étude
mais s'insèrent dans des disciplines académiques différentes telles l'économie politique, la
gestion ou le droit. Seconde particularité, il n'existe en France, semble-t-il, qu'un seul centre
de recherche en ce domaine, celui d'Aix alors que la matière est enseigné dans des contextes
divers (Facultés de Droit, d'Economie, Ecoles de commerce, Ecoles d'ingénieurs...) et que
l'actualité nous rappelle son importance. Les débats furent donc suivis avec beaucoup d'intérêt
par les participants.
Les discussions de la Table Ronde étaient organisées autour de quatre thèmes. Le premier
thème consistait à dresser le bilan de l'enseignement et de la recherche en éthique économique
et des affaires dans les différents pays d'Europe. L'éthique des affaires, en tant que discipline
académique, est apparue il y a quelques années dans le monde anglo-saxon. Ce mouvement
commence à atteindre les pays latins. Dans ces premiers pays, la matière traverse une crise :
enseignée dans les Business Schools par des philosophes, l'Ethique des affaires étaient plutôt
conçue par les managers comme un outil de gestion. Certains professeurs remettent en cause
actuellement cette instrumentalisation de l'éthique au nom des attentes morales de la sociétés.
Le second thème portait sur l'apport des disciplines non-économiques. Pour commencer, la
philosophie : il y a unanimité pour constater la dissolution de tout consensus en matières
morales et pourtant les affaires qui ont récemment défrayé la chronique montrent que
l'opinion publique conserve un critère de jugement (relativement unanime) ; chaque personne
est tenue responsable par la société des conséquences à venir de ses actes. Pour continuer, la
philosophie du droit : comme ce qui est bien consiste en une juste mesure et que le droit est ce
qui est juste, ajusté, mesuré, le droit est une partie de la morale (celle qui concerne les
relations avec autrui) et l'éthique des affaires ne diffère pas du droit des affaires. Des
illustrations vigoureuses de cette thèse furent présentées sur des points de droit privé (il n'est
pas nécessaire de rajouter au droit des affaires des chartes ou des codes qui, au mieux,
répètent les principes généraux du droit, au pire, en altèrent la moralité) et du droit public (qui
aurait beaucoup de choses à apprendre de l'éthique).
Deux grandes questions d'éthique économique furent alors abordées. La première porte sur
l'Etat : peut-il combler les insuffisances du marché ? On peut distinguer trois ordres de
relations entre les hommes : l'ordre politique, fondé sur la discipline, l'ordre communautaire,
sur la générosité, et l'ordre marchand sur l'honnêteté. L'ordre communautaire, en particulier la
famille, a un rôle capital dans l'apprentissage de la vie en commun. Ses déficiences ont pour
conséquences que les deux autres ordres sont déréglés. Par exemple, l'économie souffrira de
ce que trop peu de personnes n'aient le goût de prendre des initiatives. C'est le cas
aujourd'hui : la politique de redistribution menée par l'Etat a développé l'esprit de clientélisme
au détriment de celui de créativité. Quand les responsabilités sont diluées, la liberté est
assujettie. Et la moralité publique devient une formule incantatoire. La solution à la déficience
éthique de l'ordre économique passe aujourd'hui par une restauration de l'ordre
communautaire et non par une extension de l'ordre politique.
La seconde question d'éthique économique portait sur le profit. Elle a soulevé un réel débat.
D'un coté une critique subtile de la moralité du profit a été avancée : selon une opinion
dominante, il est clair que le profit mesure le progrès accompli, la créativité de l'entrepreneur.
Il est un appel à investir, il indique quelle est la rareté qu'il faut réduire en premier ; il y aurait
comme un devoir moral à faire du profit, pour le bien de la société. Mais ce modèle est irréel
parce qu'il suppose que les chefs d'entreprises ont une certaine éthique, ce qui de nos jours est
loin d'être le cas. Il est donc nécessaire que dans les faits, il y ait un principe moralisateur. A
défaut d'une religion qui ferait l'unanimité, il reste l'Etat. A cette conclusion, l'autre coté a
répliqué ! Il est très vrai que l'entrepreneur est un créateur : il découvre des profits nouveaux.
En effet, c'est souvent avec un certain mérite, c'est parfois par la chance, c'est toujours par sa
vigilance que l'entrepreneur découvre qu'il peut fabriquer tel produit, rendre tel service,
réaliser tel échange et faire tel profit. Ayant découvert ce profit, il lui appartient. Mais ce
profit résulte d'une création, d'une fabrication, d'un service, d'un échange : la richesse globale
de l'économie ayant augmentée, chacun peut avoir une plus grosse part. Ce profit ne résulte
pas d'une rente, d'un transfert, d'une redistribution qui, à richesse donnée, diminuerait la part
de l'un pour augmenter celle de l'autre. Il faut bien distinguer la rente de la redistribution du
profit de l'entrepreneur. La moralité du profit repose sur ces qualités que sont la créativité, la
liberté et la responsabilité.
Après avoir présenter les attentes des entreprises, des collectivités territoriales et de la
communauté européenne, il restait à conclure ces débats et à annoncer les initiatives du Centre
d'Ethique d'Aix : la publication des actes de ce colloque dans la collection que dirige le Centre
aux Presses Universitaires d'Aix-Marseille, un nouveau colloque l'année prochaine, pour les
chercheurs impénitents, mais surtout, financé par le programme Erasmus de la Communauté
européenne, un échange de professeurs et d'étudiants entre les Universités d'Aix, de Navarre,
de Porto et de Turin.
A. P.-T.