L`open space et son langage
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L`open space et son langage
PFY021_300_DossErgo_fr_fl:28-39 27/03/09 14:08 Page 32 L’open space et son langage Actuellement, plus aucun projet de bureau n’est réalisé sans faire appel au concept d’open space. Mais bien qu’il soit devenu la norme, ce principe reste encore imparfaitement connu. On n’en retient généralement que l’idée de « landscape design », l’aménagement paysager. Mais l’open space, c’est bien plus que cela. Sans la présence d’espaces complémentaires, il perd même sa raison d’être. Révisons donc notre vocabulaire du workplace design contemporain… Ce mobilier convient pour un espace « bibliothèque », où l’autodiscipline tient lieu de cloisons acoustique (doc. Ahrend). 32 L e bureau n’existe plus ! » - C’est en ces termes provocants qu’en 1994 déjà le trendsetter Erik Veldhoen (www.veldhoen.nl) titrait son livre sur l’aménagement des espaces de travail. « Par quoi les remplacer, alors ? » est la question qui nous vient aussitôt à l’esprit. La réponse contemporaine, en attendant que d’autres réponses surgissent peutêtre, est incontestablement « l’open space ». Réputé venir des Etats-Unis dès les années soixante, ce concept d’aménagement de l’espace serait né en réalité en Allemagne, après-guerre, dans le cerveau des frères Schnelle. Sans succès d’ailleurs, ce qui incita les Schnelle à délocaliser leur entreprise, Quickborner Team, aux États-Unis, où l’idée fut adoptée immédiatement. L’open space aurait donc retraversé une seconde fois l’océan, pour conquérir l’Europe sous une identité américaine. « Pour quoi faire au juste ? L’open space poursuit plusieurs objectifs : réduire les coûts en diminuant les surfaces occupées, améliorer la communication entre les personnes qui y travaillent, intensifier les échanges par le contact direct, favoriser le travail d’équipe, augmenter la motivation et la productivité. Des esprits critiques affirment qu’en réalité l’espace ouvert a surtout induit un effet pervers : le « contrôle social », qui rend la vie en open space difficile. En effet, on ne peut nier ces inconvénients : aucune possibilité de donner un coup de téléphone personnel, surveillance mutuelle, écrans d’ordinateur visibles par tous, rumeurs et cancans circulant à grande vitesse, obligation de prendre garde en permanence à ses faits et gestes et à son apparence, nuisances dues au bruit, pas de lieu « à soi » personnalisé… Table d’hôtes ou table d’équipe, le bench est l’instrument typique du travail collaboratif. Il doit pouvoir être allongé et raccourci (doc. Ahrend). Profacility Magazine mars 2009 L’anthropologue français Alain d'Iribarne s’insurge lui contre les « formes ultimes d'open space, où les salariés ne savent même pas à quel bureau ils seront le matin à leur arrivée. » Mal compris ? Mal appliqué… Ces critiques oublient un peu vite que dans ces bureaux, les salariés ne sont pas censés arriver tous les matins. Car l’open space contemporain n’a plus grand chose en commun avec celui des origines. Il est désormais inséparable des notions de homeworking, télétravail, flex work, travail nomade, teamworking, téléconférence, clean desk policy... Pour tous ces modes de travail, il existe des équipements adéquats. Et pour pallier certaines critiques justifiées (bruit, besoin d’isolement…), des aménagements et des matériels sont prévus. Nous allons les énumérer. Grâce à eux, le concept d’open space est enfin complet et l’on voit qu’il ne se limite pas à « parquer » un maximum d’employés sur une surface minimale, de 9 à 17 h. Une panoplie de moyens Une idée de base de l’open space « évolué » est que l’on déplace son endroit de travail vers un bâtiment (l’entreprise, la maison), un local (paysager, cockpit, salle de réunion…) ou un mobilier (bench, niche, lounge…) adapté à la nature du travail à réaliser. Cela implique une dématérialisation maximale des documents de travail, et une flexibilité des raccordements (téléphone et réseau). Une telle organisation de bureau implique donc une réception où le personnel fixe, mais aussi les employés souvent occupés à l’extérieur, et enfin les collaborateurs occasionnels, free-lance ou même les visiteurs, peuvent recevoir un téléphone où leur numéro est enco- Individuel (doc. SV) ou collectif, le lounge reproduit le confort douillet du domicile. PFY021_300_DossErgo_fr_fl:28-39 27/03/09 14:08 Page 33 Dossier Environement de travail dé, leur courrier en attente dans un bac individuel et enfin leur matériel personnel, stocké dans un casier verrouillable, ou un chariot mobile. Viennent ensuite les différents espaces de travail : • La table de travail ou workstation C’est le poste de base : une table et une chaise ergonomique, sans cloisonnements acoustiques ou visuels. Ces unités de travail sont accolées par deux au minimum, plus souvent 4, 6 ou plus. Installés dans un bureau paysager, elles sont destinées à favoriser les échanges visuels et verbaux. Par rapport aux excès des débuts de l’open space, on tend actuellement à revenir à des regroupements de plus petites dimensions : jusqu’à 12 unités au maximum, et cela dans des locaux de taille raisonnable. • Le bench ou table de projet ou table d’hôtes Ces longues tables ménagent des postes de travail individuels et leurs dimensions permettent d’y déployer des documents plus nombreux et plus grands. C’est l’endroit idéal pour le travail en équipe de longue haleine, sur un projet commun. A condition de se discipliner pour limiter les nuisances sonores et visuelles réciproques, on peut toutefois y travailler individuellement ou y accueillir un collaborateur nomade ou un free-lance. • La niche de travail : plus de concentration A l’inverse du concept précédent, cet aménagement favorise la concentration en isolant visuellement et acoustiquement le poste de travail par 3 cloisons auxquelles la personne fait face. La communication visuelle reste possible avec le reste de l’open space. • Le cockpit : isolation maximale Cet aménagement constitue un degré de plus vers l’isolement, parfois nécessaire Bulle de concentration dans ce qui peut ressembler à une ruche bruissante, la « niche » est indispensable. pour des raisons de confidentialité. Il s’agit d’un local vitré ou le contact visuel reste possible, mais non le contact verbal, et où une porte fermée signifie « ne pas déranger ». Idéal pour les conversations confidentielles et les appels téléphoniques prolongés, voire pour un travail individuel à haute concentration. • La bibliothèque : concentré en groupe Travailler concentré, mais en groupe, reste possible ; il suffit de certaines conventions de silence et de calme établies entre collègues. Ainsi, un espace « bibliothèque » est constitué de postes de travail agencés sur une grande table, sans cloisonnement particulier. Le téléphone y est banni, les conversations également. Le mobilier se complète d’étagères pour les livres et les documentations. • La salle de réunion : un téléport En ce domaine, le concept d’open space n’a rien ajouté de particulier. Un local de réunion est fermé pour ne pas déranger le reste du personnel, et il est équipé classiquement d’une grande table et de sièges. Seule nouveauté : les équipements audiovisuels et de projection, ainsi que les installations de téléconférence permettant d’ouvrir la réunion à des télétravailleurs ou à des collègues présents dans autre une salle de réunion n’importe où dans le monde. • Le poste « lounge » : comme à la maison Sans doute le plus innovant, ce poste de travail est symptomatique de cette tendance identifiée par Faith Popcorn, le gourou des trends, selon laquelle les personnes souhaitent trouver au bureau le même genre de confort qu’à la maison. Le lounge est une banquette qui se décline ou s’installe en différentes versions : en coin, en face à face, en individuel, en duo, en groupe… Entouré de cloisons Le « cockpit » permet d’éviter de subir ou de provoquer sonores, principalement liées au téléphone (doc. Pan All). Contre-exemple de la tendance actuelle, qui vise à rassembler des plus petites unités (jusqu’à une douzaine de personnes). hautes semi-fermées, cet espace crée un cocon de confort qui peut servir au travail individuel semi-concentré ou aux travaux de petits groupes ou encore aux réunions. Ce sont des espaces de confort mais ergonomiques néanmoins : le siège doit pouvoir être réglable ainsi que la hauteur de la tablette. Et la connectique informatique est bien entendu assurée. • Le coin-café : lieu de sociabilité Plus informel encore, le coin café, coinrepas, club ou autre appellation n’est plus seulement une cantine. C’est un lieu où l’on cesse de penser au travail pendant quelques minutes, mais qui peut servir aussi à travailler différemment ; conversations informelles ou réunions plus détendues. L’humain est grégaire, sa communication et son efficacité passe aussi par un besoin de convivialité. Dans ces locaux, le mobilier n’a pas besoin d’être ajustable ergonomiquement puisqu’on n’y passe pas plusieurs heures d’affilée. Plus d’équipements, moins de mètres carrés Coûteux l’open space ? Pas forcement. AOS Studley rappelait encore récemment lors de la publication de son Cost Occupancy Index qu’un poste de travail coûte 12.285 euros en Belgique. Sachant qu’en moyenne, ils sont inoccupés 60% du temps, on voit l’intérêt qu’il y a à diminuer le nombre de postes, tout en suscitant un roulement des personnes entre ces postes, et entre l’entreprise et le domicile, ceci en fonction de la tâche, de l’horaire et des besoins. Pour ce type d’organisation, l’open space est « l’arme absolue ». Patrick BARTHOLOMÉ I Le trolley de TDS Acior abrite les effets personnels. Profacility Magazine mars 2009 33