sur l`affaire de la "vache folle"
Transcription
sur l`affaire de la "vache folle"
Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 S’approprier des démarches André Giordan Aucun événement n’en dit plus sur notre société que l’affaire de la vache folle1 , et aucun n’est, par conséquent, un meilleur indicateur des lacunes de l’école. Et si nous choisissons cet exemple, c’est parce qu’il associe de manière hyperbolique fautes graves d’un côté, et effroi collectif de l’autre, preuve que l’opinion publique sait parfois prendre la mesure d’un problème qui la touche, et ressentir le déficit de savoirs qui l’afflige. Cette réaction est de bon augure, et constitue un signe encourageant, comparé à l’inertie dont les individus font preuve face à d’autres risques, autrement plus graves. Envisageons sans mégoter un “ bon ” millier de morts liés à l’épidémie, un certain nombre de patients décédés n'ayant pas été dépistés... Or, depuis le premier cas de vache folle, plus de 700 000 personnes sont mortes sur les routes européennes, victimes d'un accident de la circulation, 2 250 000 sont décédées d'un cancer dû au seul tabac et 3 750 000 des suites d'abus répétés d'alcool. Pourtant, ni les concessionnaires automobiles ni les bar-tabacs n'ont perdu leur clientèle alors que les boucheries sont montrées du doigt... Autrement dit, et sans craindre de paraître cynique, concluons que le rapport entre la gravité des faits et l’ampleur du sursaut est nettement plus favorable dans le cas de la vache folle, et les bases d’une pédagogie future sont jetées. Naissance d’une crise 1 La maladie de Creutzfeldt-Jakob est une pathologie ancienne, décrite successivement par les Dr Hans-Gerhard Creutzfeldt et Alfons Jakob, dans les années 20. Il s'agit d'une sorte de démence sénile se distinguant de ses cousines, type Alzheimer, par une évolution extrêmement dramatique et rapide. Dès que se manifestent les premiers symptômes cliniques, l'évolution de la maladie est immédiate. Le comportement de l'individu se dégrade et une dépression s'installe. Puis apparaissent des troubles de la mémoire suivis de douleurs intenses dans les jambes. Viennent ensuite des troubles de l'équilibre, des spasmes respiratoires, des raideurs et, enfin, une détérioration intellectuelle sérieuse et une démence qui conduit rapidement à la mort. Ces dysfonctionnements sont directement liés à la disparition de cellules nerveuses dans le cerveau. A l'autopsie, on y détecte toujours des cavités, des sortes de " trous " qui donnent au tissu cérébral l'aspect d'une éponge. Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 Analysons pour commencer les débuts de cette crise. Vous rappelez-vous les circonstances de la dernière crise de la vache folle, surnom populaire de l’ESB, encéphalopathie spongiforme bovine ? Il vaut la peine de rappeler le film des événements, de l’étincelle initiale à l’embrasement général qui a balayé l’Europe entière. La reconstitution de l’incendie va nous fournir l’occasion d’une étude de cas sans pareil. Flash-back : la dernière crise en date -à tout le moins la dernière crise médiatico-publique, car le problème est bien réel depuis quinze ans - a commencé en novembre 2000. Une émission britannique d’une chaîne télévisée, Channel 4, reprise par les télévisions françaises relate, images terribles à l'appui, l'agonie de la plus jeune des victimes de la maladie de Creutzfeldt-Jakob d'origine bovine, Zoé, 14 ans, décédée le 28 octobre 2000. Un reportage diffusé sur la chaîne française M6 décrit à son tour le calvaire du jeune Arnaud, 19 ans, et soulève une vague de panique encore plus intense qu'en 1996. Ses parents déclarent avoir été invités à se taire « pour ne pas faire peur »2. Monte alors au créneau la classe politique et, en particulier, Jacques Chirac, bille en tête. Le Président de la République française, en bon père de famille, s'adresse solennellement à la Nation au cours d'une allocution télévisée et réclame l'interdiction de toutes les farines animales, non pour les seuls bovins -elles étaient déjà interdites, ce que le public ne savait pas-, mais pour tous les élevages. Un ponte du monde agricole français, Luc Guyau, Président du principal syndicat agricole, prône l'abattage des 5 millions de bovins nés avant 1996. Tous deux ont des projets sous-jacents qui n’ont rien à voir avec la maladie. Le premier souhaite se faire réélire l’année suivante et cherche à attirer l’attention sur lui. Le second souhaite résoudre les problèmes de trésorerie des éleveurs. Et tout s'emballe : des mères n'achètent plus de bœuf, la plupart des maires (les élections municipales sont en vue) interdisent la viande dans les cantines 2 Dans le même temps, des lots suspects de viande sont découverts chez Cora et Auchan, deux grandes surface, et des scientifiques revoient à la hausse le nombre de décès possibles dans 15 ou 20 ans. Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 scolaires, les cours de la viande s'effondrent (- 40 % au grand marché national de Rungis), télés et journaux bombardent l'opinion à coups de gros titres affolants. Le calme étant (provisoirement) revenu, les esprits s'étant (provisoirement) apaisés, une question se pose, « à froid » : qui, de la vache ou de la société, est la plus folle ? Pourquoi, brusquement, un tel accès de panique ? L’épizootie a été officiellement dépistée en 1985. Les cas de maladie humaine Creutzfeldt-Jakod d'origine bovine sont donc relativement rares. Le nombre total de victimes outreManche, sur plusieurs dizaines d'années, à supposer que la durée d'incubation moyenne varie de 20 à 60 ans selon les individus oscille entre 100 et 6 000. En France, où l'ingestion de viande contaminée a été 20 à 30 fois moins importante, on estime à 300 environ le nombre de victimes sur une période de temps équivalente. Soit, en moyenne, 2 à 3 cas par an dans les décennies à venir. N'empêche : l'angoisse collective enfle alors que d'autres fléaux, pleinement avérés, ne provoquent aucune réaction. Les mêmes qui conduisent le cœur léger à 160 km/h, cigarette au bec et portable à l'oreille, n'osent plus planter leur couteau dans un steak ! Bien avant de faire appel aux seules connaissances cognitives, c'est d'abord à la psychologie qu'il faut se référer. Remarquons au passage que cette discipline n'est toujours pas au programme de l'école... Nos réactions vis-à-vis de la peur n'ont rien d'objectif, de réfléchi. Cette dernière est d'autant plus grande que le risque est caché, inédit ou nimbé de mystère. Et son intensité redouble si nous avons le sentiment de n'avoir aucune prise ni sur ses causes, ni sur ses effets. Sans compter que des morts sont là, devant nous... La crise de la vache folle réunit tous les ingrédients pour que surgisse et se répande une peur maximale, rehaussée par la cacophonie ambiante qui tient lieu de débat public. Pas question de minimiser le problème, bien au contraire. L'épidémie de la vache folle mérite qu'on s'y attarde3 ... 3 Après plus de quinze ans de tergiversations, de ratages et de masquages en tout genre, faire le point sur cette affaire présente au moins un mérite : illustrer le degré de folie atteint, à bien des égards, par notre société. Elle préfigure Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 Des scientifiques totalement pris de court Première remarque, les scientifiques ont été totalement pris de court. À leur décharge, l'ESB bouscule deux dogmes médicaux. D’abord, le prion4 infectieux n'est ni une bactérie ni un virus, mais une protéine, c'est-à-dire une banale molécule, a priori “ inerte ”, puisque sans code génétique. Bref, une molécule semblable à toutes celles qui peuplent naturellement la surface des cellules nerveuses. Ensuite, cette molécule, capable de résister à la chaleur (jusqu'à 650°C), aux radiations et à la plupart des désinfectants, franchit la barrière de l'espèce. Jusqu'à présent, bactéries, virus et autres parasites semblaient spécialement“ adaptés ” à une espèce et n'en infectaient jamais (ou rarement) une autre. Or, lorsqu'un prion pénètre dans un organisme, y compris celui d'une espèce comme l'Homme, il transmet à ses semblables déjà en place, et encore sains, un “ message ” les transformant en “ quasi-virus ” capables de se répliquer. Pire : aussi dangereux que discret, il ne provoque aucune réaction de défense dans l'organisme qu'il investit, d'où la difficulté à mettre au point des tests pour détecter sa présence. Là réside un problème majeur. La science en a dit assez pour inquiéter, mais trop peu pour comprendre les risques encourus et proposer des remèdes. Face aux scientifiques, les médias n’ont pas fait le poids. Dépassés par les événements, ils n'ont pas bougé. Mot d'ordre : ne pas semer la panique dans les d'autres crises à venir si on ne tente pas d'aller au delà des apparences, si on ne cherche pas à démonter les mécanismes pervers. D'autres problèmes nutritifs bien plus graves pointent leur nez comme la question des porcs élevés aux antibiotiques. Il y va de nos défenses immunitaires... Sans parler des poulets à la dioxine, plus présents qu'on ne nous le dit ou, sur un autre plan, des téléphones portables et des antennes-relais dont on expérimente en direct la toxicité sur nous ! Mais surtout elle révèle un certain nombre de savoirs qui deviennent pertinents pour comprendre notre époque et notre société. 4 L'idée même du prion, née de l'imagination du biologiste américain Stanley Prusiner, en 1982, est d'abord apparue comme une supposition un peu " folle ". Accueillie par une vague de scepticisme, pour ne pas dire d'indifférence, de la part de ses confrères, l'hypothèse de travail s'est pourtant vite métamorphosée en certitude scientifique et a valu à son " inventeur " le prix Nobel de médecine, en 1997. Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 chaumières. La maladie était pourtant bien connue des rédactions depuis 1986. Or, le premier article ne parut que quatre ans plus tard, dans le quotidien Le Monde, sous le titre Le Mystère de la Vache Folle. Dans de telles conditions, les politiques ne pouvaient dès lors que devenir des spécialistes de la valse-hésitation. Peu éclairés par les scientifiques, peu sensibilisés par les médias, que pouvaient-ils faire ? Qui dit politique dit « annonces », donc « mesures », si possible spectaculaires. C'est là, justement, que le bât blesse. Tout s'est fait en dehors d'eux. Difficile, à la décharge de ces « élites », de trancher quand la situation n'est qu'un fatras d'incertitudes. Mais commencer par nier (« Seul le bœuf anglais est contaminé, le nôtre est sain ! »), en réactivant l'hystérie ancestrale contre la perfide Albion et en décrétant l'embargo, puis minimiser la situation, était-ce la meilleure réaction ? Et à chaque crise, oublieux des leçons du passé, on recommence5... La conséquence de tout cela est que les politiques n'ont jamais cherché à s'attaquer aux causes de l'épidémie, ni tenté de mettre en place des moyens pour la résoudre ou, du moins, la limiter. C'est impossible pour une logique axée sur le court terme. Mieux vaut se borner à gérer les peurs, quitte à laisser agir les causes... Même attitude des institutions européennes. Quand on se plonge dans la lecture de la législation européenne, on apprend des choses étonnantes : la viande anglaise abattue en Irlande ou en Belgique n'était plus... anglaise ! Foin de l'embargo ou des contrôles... Les exportateurs en profitent pour commercialiser sur le continent les farines contaminées interdites en Grande-Bretagne. Et ils font le lit de l'épidémie dans l'Ouest de la France6 . 5 C'est ainsi qu'en pleine crise en novembre 2000, la Secrétaire d'État à la Santé, Dominique Gillot avance, lors d'une conférence de presse, “ quelques centaines de cas ” de malades potentiels. Sans doute les conseillers du Premier Ministre lui demandent-ils aussitôt de modérer ses propos, puisqu'un rectificatif revoit la projection à la baisse et indique seulement “ quelques dizaines ”. Que se passera-t-il quand les dizaines de cas en question seront dépassées ? L'opinion se sentira une nouvelle fois flouée, criera peut-être au complot. 6 Autre “ détail ” choquant qui met en lumière l'incurie de la Commission Européenne et que révèle le rapport Mattéi de l'Assemblée Nationale française du 15 janvier 1997 (page 101), à propos de la crise de 1996 : “ Pour comprendre le peu d'importance attaché à la Santé publique dans les Institutions européennes, la simple lecture de l'organigramme de la Commission est édifiante. On y chercherait en vain un Commissaire responsable en titre de la Santé publique ou même une Direction Générale ”. Peut-on être plus explicite ? Et le même parlementaire d'ajouter : “Il existe simplement un Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 Des professionnels peu fiables Alors, à qui se fier ? Aux professionnels de la viande, sans doute... Malheureusement, les éleveurs disent « avoir été pris au piège » et « obligés de tricher ». « Nous n'avons jamais su ce qu'il y avait dans la nourriture ! », clament, la main sur le cœur, beaucoup d'entre eux. Quel aveu d'irresponsabilité ! On nourrit des vaches, mais on ne cherche pas à savoir avec quoi... Et ce n'est pas le plus grave! Serait-ce un tabou que d'avancer que nombre d'éleveurs ont contourné la législation en continuant à nourrir leur bétail avec des farines animales interdites ? Ceux-là nous ont sciemment empoisonnés. Non par méchanceté, mais parce qu’ils étaient pris au piège du marché, forcés d'obéir aux diktats du système produire-beaucoup-et-vite qu'impose la loi du marché. De fait, les agriculteurs peinent à rembourser leurs prêts. Ils dépendent des exigences de leurs acheteurs, qui sont souvent leurs fournisseurs de farine, et sont à la merci de leurs conseillers agricoles, eux-mêmes sous la coupe des Chambres d'Agriculture. Alors, pourquoi pas des farines interdites7 ?.. Les fabricants de farines et les marchands de nourriture animale, quant à eux, se font très discrets dans cette affaire. Pourtant, ce sont eux qui ont développé ce procédé de recyclage des carcasses animales dont on a volontairement abaissé la température de chauffe, procédé à l'origine de la diffusion du prion. Argument invoqué : c'était moins coûteux et permettait un meilleur rendement des vaches laitières. Directeur "Santé publique et Sécurité du Travail" rattaché au Directeur Général des Relations Industrielles et de l'Emploi (DG V), qui lui-même dépend du Commissaire Européen à l'Emploi, aux Affaires Sociales et aux relations avec le Comité Économique et Social. Dernière constatation, tout aussi fâcheuse (page 103) : " Il est particulièrement révélateur de constater que, tout au long de la crise de la vache folle, les ministres de la Santé ne se sont réunis qu'une seule fois, lors d'un Conseil extraordinaire convoqué le 31 mars 94 ". Rien n'a changé depuis... 7 Agissant dans l’ombre, les investisseurs et leurs lobbies, directs ou indirects, comme celui du syndicat FNSEA, qui tirent les ficelles (la FNSEA n'a-t-elle pas toujours nommé ses propres ministres, dont plusieurs sont issus directement de ses rangs ?). La profession ne continue-t-elle pas à fermer les yeux et à vivre en permanence sous les perfusions des subventions ? Au lieu de manifester en cassant les équipements publics, les paysans, en tant que profession, ne feraient-ils pas mieux de balayer devant leur porte ? De demander des comptes à leurs conseillers, à leurs syndicats et aux lobbies qui les ont entraînés à leur perte ? De chercher enfin à connaître la composition réelle des produits qu'ils donnent à leur bétail ? N'est-ce pas le minimum qu'on puisse leur demander ? Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 En France, les fabricants d'aliments pour bétail se sont précipités sur les farines anglaises quand elles furent interdites mais autorisées à l'exportation. Leur quantité a triplé immédiatement en 1988-90. Un hasard ? Sûrement pas. Elles étaient bradées 30 % moins cher8... Pas question de céder à la panique, la probabilité d'attraper la maladie reste faible comparée à d'autres risques majeurs. Face à une question complexe comme celle-ci, il nous faut « penser complexe » !.. Les solutions évidentes comme le boycottage des viandes étrangères sont absolument des leurres. Les tests et la traçabilité de même ne règlent rien, ils ne sont poussés en avant que pour limiter les peurs9... C'est une dynamique nouvelle qu'il s'agit d'insuffler, dynamique où converge un ensemble de paramètres. Les savoirs en font partie, ils sont même déterminants pour définir un choix de consommation personnel ou familial. Mais pas seulement, ils peuvent influer sur le choix d’une politique agroalimentaire globale. Mais de quels savoirs il s'agit-il ? En premier, les démarches d'investigation paraissent capitales. L’analyse dite “ cartésienne ”, qui consiste à découper une situation problématique en éléments simples pour les étudier séparément ne suffit plus pour comprendre. En cherchant à isoler les facteurs déterminants, elle occulte complètement les liens. Ce n'est que lorsqu'on relie les économies des pays, que l’on suit les chaînes professionnelles ou qu'on confronte le scientifique, le technologique, l’économique et politique que l'on commence à comprendre. Autrement le sens se perd au cours de l’analyse. Face à la complexité des questions à traiter, il devient important d’organiser les connaissances autrement. Cette démarche, que l'on nomme « systémique », est à l’origine d’un changement profond dans l'approche des questions complexes. Complémentaire à 8 Ces exportations ont continué après l'interdiction. Pourquoi l'administration des douanes n'a-t-elle pas enquêté ou plutôt, car il est impossible qu'elle ne l'ait pas fait, pourquoi ne publie-t-elle pas les résultats ? Une simple estimation comptable sur les quantités en jeu montre que les bénéfices ont été faramineux. Qui en ont le plus bénéficié : les exportateurs ou les fabricants de nourriture pour bétail ? Quand la justice cherchera-t-elle à enquêter vraiment sur ces exportations frauduleuses ? Et pourquoi a-t-on attendu six ans et demi pour interdire ces farines animales pour tous les élevages ? 9 Voir p. Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 la démarche analytique et rendant la recherche d'informations indispensable, elle devient un « passage obligé » de l’apprendre. Très proche de la pensée du jeune enfant, cette approche offre un autre regard sur le monde, un regard qui relie au lieu de séparer10 . Les savoirs notionnels ne sont cependant ni à négliger, ni à dénigrer. Sans eux, aucune recherche n'est possible, ni aucun questionnement. En l'occurrence, ce fut par manque de connaissances scientifiques de base sur les agents de cette maladie que les premières études ont bloqué. Le problème réside dans leur développement exponentiel, non seulement en biologie ou en médecine, mais également en économie, en droit, en échanges internationaux, en sociologie, en anthropologie, etc., autant de domaines qui fournissent des concepts éclairants sur de telles problématiques. Rien que sur la vache folle, ils sont innombrables... Comment prévoir les connaissances qu’un individu devra maîtriser au cours de sa vie? La solution ne peut donc être cherchée dans l'exhaustivité. Tout au plus, nous pouvons mettre en avant des “carrefours”, des " concepts organisateurs " propres à fédérer nombres de notions élémentaires pour s'orienter sur cette mer des connaissances. Encore faut-il être capable de gérer à bon escient ces concepts organisateurs. Pour y parvenir, il convient de favoriser le développement de certaines attitudes. En effet, une telle approche demande que l’on soit curieux, que l’on ait envie de chercher, et, surtout, que l’on possède un "bon sens critique". Mais là encore, critiquer nécessite une assez grande confiance en soi, en même temps qu'une certaine imagination, qui, comme nous l'avons-nous vu au chapitre 1, est plus que jamais nécessaire... Démarches, concepts organisateurs, attitudes, voilà déjà des « savoirs de base » qui peuvent être mise en avant à l’école. Le sont-ils suffisamment ? On peut en douter. Certains le sont pas du tout. Il faut encore y ajouter quelques méthodes de travail?.. Sans aucun doute pour rendre la connaissance plus 10 Nous avons fait un certain nombre d’essais dans les classes maternelles qui s’annoncent fructueux. Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 pertinente et fiable. Nous verrons que la liste est loin d'être closes, d'autres savoirs sont également à repérer et à maîtriser. Qu'est-ce qu'une analyse systémique ? L'analyse systémique est une démarche qui consiste à éclairer les tenants et les aboutissants d'une question en trazvaillant sur un système, et donc sur les liens, les interactions... En quoi se différencie-t-elle d'une approche d'investigation " classique " ? Qu'apporte-t-elle de neuf ? Rappelons pour mémoire que cette dernière, issue des recherches de Descartes11, consiste à décomposer une situation, « quelque chose à comprendre », en un certain nombre d'éléments constitutifs plus simples. Cette manière de réduire un ensemble à la somme de ses éléments permettait ensuite une étude systématique de chacun d'eux séparément. Cette approche systématique trouvera son « apogée » dans la démarche expérimentale que Claude Bernard va si bien préciser dans son Introduction à l'aide de la médecine expérimentale (1865). Chaque point fait ainsi l'objet d'une ou de plusieurs hypothèses que l'on cherche à « corroborer » par un protocole expérimental. Cette méthode, qui, à l'usage, s'est peu à peu complexifiée, a permis un essor considérable de la pensée. Malheureusement, force est de constater que sa manière d'isoler les divers problèmes et de traiter séparément les multiples paramètres présente de sérieuses lacunes. Ce faisant, elle élude complètement les liens et n'a aucune prise sur les réseaux. Toute interdépendance est donc d'office occultée. Or c’est très souvent là que le sens et l'essence même des problèmes est à rechercher. Pour comprendre le fonctionnement du corps humain, par exemple, l’usage voulait qu’on étudie tout à tour chaque élément. Appareils, organes, tissus, cellules, tout était bien séparé, délimité. Cette approche est d'ailleurs 11 Nous ne dénigrons en aucun cas l'œuvre de ce grand homme qui a joué un rôle très important pour préciser les exigences de la démarche qui porte son nom et qui reste toujours d'actualité dans certaines circonstances bien précises. Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 toujours l'apanage d'une certaine médecine. Or en centrant sur un organe, on risque de provoquer un grave dysfonctionnement sur un autre. A l’identique, l'économie isole les services d’une entreprise, tout comme l'écologie peut le faire sur les éléments d’un écosystème. En travaillant sur chacun d'entre eux, sans lien, ces disciplines risquent de passer à côté de l'essentiel. Cette approche expérimentale dite « analytique » a encore toute sa place. L’approche systémique que nous préconisons ne l’exclut nullement. Il importe que l'école continue à lui faire toute sa place. Cependant, cette façon de comprendre ne suffit plus pour approcher les problèmes complexes. En ce qui concerne le corps, on saisit intuitivement que chaque organe ne fonctionne pas complètement séparément. Si l'on agit sur l'un d'eux, on risque de provoquer des réactions inattendues sur un autre. C'est ce qui ne manque pas d'arriver quand, pour combattre des bactéries résistantes, on administre de fortes doses d'antibiotiques. Les reins peuvent "se bloquer" comme on le dit dans le langage populaire. En fait, ils ne peuvent gérer un afflux trop important de médicaments, et ces derniers se comportent alors comme un toxique pour les cellules rénales. Dans une entreprise, les divers services communiquent et se concurrencent. Etudier le service recherche-développement sans lien avec les services commercial ou administratif, c’est perdre de vue les stratégies que chacun met en place pour se valoriser ou se protéger. Comme le dit Edgar Morin, dans la La Nature de la Nature, (le Seuil, 1977), la méthode analytique “ brise le complexe du monde en fragments disjoints, fractionne les problèmes, sépare ce qui est relié, unidimensionnalise le multidimentionnelle " . La connaissance s’émiette. D’où l’idée d’approcher un objet, une organisation ou un problème en le considérant comme un système dans lequel de multiples éléments interagissent. De ces interactions naissent de nouvelles propriétés ou caractéristiques que des rétroactions ou des régulations viennent complexifier... Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 Les scientifiques, à commencer par Blaise Pascal12 (Les pensées, 1670) sans renier l'approche analytique avaient bien perçu ses limites. Depuis longtemps, ils tentent de hiérarchiser les différents paramètres qui peuvent agir sur une situation. Ils ont également commencé à entrevoir les interactions en se lançant dans ce qu’ils appellent la modélisation d’une situation. Ce faisant, ils ne se contentent plus de séparer les divers paramètres. Ils les mettent en relation, voire en perspective dans ce qu'il nomme un « modèle », c'est à dire une sorte de reproduction imagée de la réalité. L’analyse systémique, née de la rencontre dans les années 40 de la biologie et de l’électronique, vient à point nommé pour poursuivre les investigations en profondeur. Dans le syndrome de la “vache folle”, une telle démarche met en perspective les divers partenaires de la situation. La mise en place des farines animales ne se comprend que si on met en relation l'économique (la recherche du meilleur retour sur investissement), la biologie (la ration alimentaire la plus pertinente pour la production laitière des vaches) et le rendement agricole (le meilleur rapport production-coût). Une démarche systémique repère par le détail comment les divers éléments interviennent. Les liens particuliers qui s'établissent entre eux peuvent être multiples et on ne peut agir sur l'un d'eux sans que les autres soient touchés. Face à un problème, elle permet ainsi d'élaborer très rapidement un schéma relationnel intégrant les principaux protagonistes. Elle situe les niveaux hiérarchiques, les réseaux de communication, les flux de matière, d’énergie ou d’argent. La multiplicité des causes, les rétroactions possibles et donc les causalités circulaires, voire les divers antagonismes et les régulations possibles, sont mises en avant. Les résistances aux changements sont alors éclairées. Quand on reconstitue le système de liens qui existe entre les différents acteurs, on comprend mieux la perte de responsabilité des agriculteurs. 12 “Toutes choses étant causées et causantes, aidées et aidantes, médiates et immédiates, et toutes s’entretenant par un lien naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes, je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître particulièrement les parties.” Pascal Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 Actionnaires Banques Financiers FNSEA Exportateurs Marchands de farines Grandes surfaces Consommateurs qualité Politiques FDSEA Conseillers agricoles Agriculteurs Agriculture productrice Rendements Environnement Santé Vache folle : sous le syndrome, le système Malgré un demi-siècle d’histoire, l’approche systémique apparaît étonnamment moderne pour comprendre notre monde. Joël de Rosnay avait inventé un outil " symbolique " idéal pour mieux comprendre les systèmes complexes. Il l’avait nommé le macroscope dans son livre du même nom (Seuil) primé par l'Académie des sciences morales et politiques en 1975. Il l’opposait à des outils bien réels, comme le microscope, qui permettait une approche de plus en plus fine de l’infiniment petit ou au télescope pour l’infiniment grand. Pour lui, le macroscope devait permettre d’entrer dans l’infiniment complexe. Sans entrer dans le détail, comment se concrétise une telle démarche. Tout commence par l’identification des éléments du système. On distingue des facteurs, c’est à dire les éléments qui entrent en compte dans le système : les matières, les espaces, les énergies ou les information échangées, partagées ou pas, suivant les cas et les acteurs (à commencer par les humains) apparemment responsables. On repère ensuite les structures (organisations, entreprises, états,…) dans lesquelles les facteurs et les acteurs interviennent. Reste ensuite le plus délicat, mais le plus original de la démarche : relever les interactions entre les facteurs et les acteurs, les qualifier ou les quantifier. On peut chercher à " voir " leurs effets contradictoires ou leur synergie, ainsi que les Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 règles de vie, les influences, les lois régissant les divers facteurs ou la vie des acteurs. Suivant le problème à étudier (aménager un espace, développer des transports urbains, faire un choix politique et économique) il faut, après avoir posé le système pertinent, trouver les flux en termes de matières, d'énergies ou d'informations suivant le cas et la direction de leur mouvement. Certains entrent dans le système, d’autres en sortent ou encore sont échangés entre les divers acteurs. A chaque instant, un système, par exemple une entreprise, est dans un état caractéristique, défini par les valeurs des divers éléments. Mais cet état dépend d’un environnement, sans lequel l’entreprise ne saurait fonctionner. C’est un système ouvert. Il faut alors décoder quelles sont la nature, l'importance et la densité de ces échanges. Dans d’autres cas, le système est séparé de son environnement par une frontière. Un système isolé est condamné au désordre. La définition de la frontière, qui ne s'impose pas d'elle-même, pose une question majeure… Enfin, le système peut ou non répondre aux perturbations qu'il reçoit en provenance d’un environnement plus ou moins actif. De quelles manières ces perturbations modifient-elles la structure du système ? A partir de quand une perturbation atteint-elle un niveau entraînant une modification des interrelations du système ? Eventuellement pour le transformer... De la sorte, on s'aperçoit que nos PME ne sont plus protégées comme elles pouvaient l'être au siècle dernier. Elles sont directement tributaires d'une invention à Honk-Kong, d'une chute de la monnaie en Argentine, d'un fond de pension à San Franscisco ou encore d'une baisse du pouvoir d'achat en Thaïlande. La maîtrise de l’information Au travers d’une analyse systémique type “Vache folle”, on prend conscience que la maîtrise des connaissances notionnelles est impossible, car bien Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 trop abondante ! Pourtant, les notions sont toujours utiles et on ne peut s’en passer. Chaque fois, c’est une économie de temps si l’individu a pu les mémoriser au préalable. Malheureusement il faut accepter de ne plus pouvoir engranger les sommes de données qui pourraient nous être profitables, même s’il faut chercher à s’y accrocher. Une grande partie de l’apprendre " passe " désormais par la maîtrise de l'information. En d'autres termes, tout individu se doit d'acquérir les capacités et les moyens de recueillir et de traiter les informations. Pour cela, il s'agit pour lui de savoir se repérer, s’orienter et naviguer dans les bases de données, immenses et interconnectées. Autant de mots en provenance directe de la marine… mais la connaissance ne prend-t-elle pas les proportions d’un océan ? La maîtrise de l'information commence en principe par sa recherche et une certaine collecte. L’apprenant « découvre » nombre de données dès qu'il entreprend une quête. Toutefois, l'accès à ce corpus d'informations, qui ne cesse de croître, est vital pour préparer ou argumenter une investigation. C'est à ce niveau que se joue aujourd'hui nombre d'inégalités scolaires. Car en retour, l’apprenant y développe son potentiel, notamment sa pensée critique et son autonomie. Se documenter équivaut donc à décoder les idées contenues dans des documents rédigés par d'autres : chercheurs, journalistes, etc.. En permanence, l’apprenant confronte son monde intérieur -l’idée qu’il se fait de la question- à celui d'un auteur, puis d’un autre. De cette façon, l’apprenant précise et distingue le contenu des idées utilisées par les auteurs successifs, il en tire ce qui l’éclaire, les unit ou les sépare et, à partir des propositions retenues, il en formule de nouvelles pour exprimer sa propre pensée. Toutefois, en pratique, les liens entre les idées n'arrivent pas directement. L’apprenant ne peut que procéder par étapes : l'analyse d’un document fournit quelques matériaux à partir desquels il exprimera des hypothèses. Une autre analyse viendra corroborer, invalider ou, dans tous les cas, affiner ces dernières. Pour réduire son incertitude, l’apprenant aura sans cesse besoin de relier Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 l'information à ses connaissances antérieures. Dans toute nouvelle information, il a tendance à rechercher la redondance, à reconnaître ce qui lui est familier et, de là, faire des inférences et anticiper les résultats. Les chemins à emprunter pour atteindre ses objectifs, à travers cette abondance d'informations, varient d'un apprenant à l’autre. Quelques repères de connaissances peuvent l'aider à s’organiser, ce que nous nommons " les concepts organisateurs ". Nous y reviendrons au chapitre 6. Une démarche intellectuelle de ce type ne se résume pas à une série d'actions de type répétitif. Comment retrouver et analyser l'information pertinente à une recherche ? Comment prendre et gérer les notes de lecture, comment les indexer ? Comment organiser l'information recueillie par rapport aux questions que l’on traite ? Il n’est pas possible de définir une “bonne recette”. Aucune " check-list " à appliquer automatiquement, comme pour piloter un avion, n'est satisfaisante, car tout dépend du questionnement... Divers apprentissages se complètent : l’apprenant devra suivre différentes étapes : savoir où chercher, trouver sa route, avoir les instruments pour faire le point, arriver à bon port, surmonter en permanence l'incertitude qui sévit pendant la recherche de l’information, du moins au début. La meilleure façon de trouver la documentation est de comprendre son organisation. Dans un livre, divers outils peuvent faciliter la lecture, de la table de matière, à l’index ou au glossaire... Malheureusement ces apprentissages de base sont rarement effectués dans une scolarité habituelle. Mais encore faut-il avoir accès aux documents, les repérer dans des bibliothèques ou des centres de documentation, ce qui nécessite de savoir déchiffrer le métalangage utilisé par les spécialistes de la documentation pour décrire ces documents. Outre la nécessité de comprendre l’organisation d’un champ de connaissances et son réseau conceptuel, l’apprenant doit se familiariser avec les ressources documentaires elles-mêmes, leur nature, leur format, leur structure, leur usage, ce qui complique encore son action. Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 La recherche d'information est devenue un processus de plus en plus dynamique, particulièrement depuis l'avènement des réseaux électroniques et informatiques, avec de moins en moins d'aide directe de la part des spécialistes des sciences de l'information. Dans un centre de documentation, l'apprenant doit posséder quelques indices sur ses principes de classement. Il peut s'agir d'un long processus, étant donné le nombre effarant de documents à disposition. Actuellement, l’apprenant est conduit à consulter plusieurs banques de données à travers plusieurs moteurs de recherche. L'exploration d'une base de données sur CD-ROM, sur vidéodisque ou encore dans un hypertexte/hypermédia requiert d’autres stratégies de lecture que les textes imprimés. La compréhension d'un système de classement, celle d’un moteur de recherche procurent des avantages appréciables. Google, Copernic, Alta Vista ou Yahoo proposent des recherches spécifiques, voire des “trucs” qui facilitent l’accès à l’information. L'exploration intuitive des "nœuds" peut s'avérer la seule stratégie à pratiquer dans la recherche d'une information. Mais là encore, une telle lecture se déroulera mieux si la structure du contenu de la base reste présente dans l'esprit du lecteur, à plus forte raison s'il possède, dès le début, avant la lecture même d'un hypertexte, son propre " thésaurus " personnel. Après avoir parcouru toute la documentation pertinente à sa recherche -ou pendant, cela dépend du thème traité ou de l’abondance de la documentation-, l’apprenant "prend" des notes. L'abondance des informations et la variété des supports sur lesquels elles sont conservées force l’apprenant, l'informatique aidant, à développer les outils nécessaires au repérage, que ce soit à l'étape de la collecte ou à celle de la rédaction, d'éléments d'information, de données, de citations, de schémas ou même de fichiers. Classées auparavant sur fiches cartonnées, ces dernières ont pris aujourd'hui bien des formes différentes avec l'avènement de la photocopieuse et, plus encore, de l'ordinateur. Ce dernier peut grandement faciliter la démarche de l'apprenant, car il peut les compléter, les Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 réviser, les analyser et classer ainsi l'ensemble des connaissances tirées de la documentation avant la rédaction de son propre document. La structuration de la recherche doit jaillir du contenu lui-même, de l'intention de l’apprenant, de son hypothèse de départ, de sa méthodologie, du modèle qu'il aura choisi : description de processus, schème expérimental, rapports de faits, résolution de problèmes... Il restera alors à l’apprenant à synthétiser et à reformuler sa matière afin de la représenter dans une forme appropriée. Dans certains cas, la construction d'un réseau conceptuel, ce que nous appelons un " conceptogramme " favorise cette lecture13 . Tout au long de cette démarche, il s’agit pour l’apprenant de poser en permanence un regard éclairé et critique sur la masse d'informations disponibles. Les informations sur la “Vache folle”, comme sur toutes les questions d'actualité, sont aujourd’hui surabondantes. On en trouve dans toute la presse, y compris sous forme d’enquêtes télévisuelles. Parmi les sources à consulter, relevons les dossiers réalisés par les grands journaux et proposés sur leurs sites Web. Plus fouillés, offrant une approche plus "en profondeur", les documents élaborés par des Commissions d’enquête ou les Agences spécialisées de surveillance sont infiniment précieux. En France, le Sénat, l’Assemblée Nationale propose des rapports très riches d’enseignement pour les élèves. Et cela d’autant plus qu’on peut désormais les repérer et les récupérer directement par Internet. En Suisse, le Technology Assessment du Conseil Suisse de la Science, organe chargé d'une réflexion éthique sur certains sujets d'actualités, élaborent des dossiers complets qu'il est possible de se procurer gratuitement auprès de cet office. Les documents des professionnels de l’élevage, de l’agro-alimentaire, des associations consuméristes, etc. sont également des sources intéressantes. Face à cette multitude de sources d'informations, il va s’en dire que l’apprenant se doit 13 Si la pratique du conceptogramme vous est inconnue, voir M Febvre et A Giordan, Maîtriser l'information scientifique et médicale, Delachaux, 1990, p 38 ; A Giordan, J et F Guichard, Des idées pour apprendre, Z'Editions, 1997, p 113. Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 d’acquérir un réflexe indispensable, celui de lire et d'analyser les documents en gardant constamment à l’esprit certaines questions: Qui propose cette information ? A quel moment ? Dans quel contexte ? Pourquoi? Car l’information, particulièrement sur les sujets sensibles, n’est jamais neutre. Elle est un challenge pour les institutions ou les entreprises. Ne parle-t-on pas de campagnes de communication ? C’est sans doute cela, l'essentiel de l'apprendre à lire aujourd’hui !14 La pragmatique Face aux documents, comment extraire une information pertinente de cette masse de données provenant de multiples sources ? Comment la mettre en perspective ? Comment la synthétiser ? Rien ne peut se faire au hasard, nous venons de le voir. Une information n'est pas pertinente en soi, elle le devient en lien direct avec une question que l'on traite. Une idée claire et précise du problème et de ce qu’il requiert est un préalable. Avant d'expliquer au travers d'une analyse systémique et grâce à la maîtrise d'une information surabondante, encore faut-il poser les “bonnes” questions15. Nous le savons très bien, l'explication n'est toujours qu'une tentative de réponse à des questions bien posées... Toute la difficulté est dans le décodage de la situation que l'on ressent comme problématique. Il n’y a jamais une seule question mais plusieurs, enchevêtrées. Par ailleurs, celles-ci sont très souvent implicites, elles ne s'expriment qu’en interaction avec l’investigation ou la recherche de solutions16 . 14 Avec l'apparition de l'audiovisuel, la seule maîtrise de l'écrit s’avère insuffisante. Savoir lire des images et des enchaînements d’images est devenu indispensable. Avec les bases de données et les réseaux électroniques, apprendre à lire c’est encore savoir décoder un hypertexte. C’est en particulier s’y repérer, tant les cheminements sont nombreux. 15 16 Question d’attitudes sur lesquelles nous reviendrons au chapitre 8, mais pas seulement... La solution n’est pas toujours une réponse claire et définitive. Elle peut être valide que dans un contexte particulier. Il peut y en avoir plusieurs. Ce peut être parfois aussi les "moins mauvaises" solutions. En matière de complexité, ce que l’on nomme solution est différent des solutions d’un problème de mathématiques (voir chapitre 6). Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 Une nouvelle démarche, la " pragmatique " permet de dépasser le simple questionnement pour tendre vers les questions de " fond ", celles qui sont véritablement à l'origine de la situation qui interpelle ou celles qui sous-tendent cette situation. Derrière toute question immédiate il y a des interrogations qui, pour toutes sortes de raisons, ne se posent pas. Or les "bonnes" questions -celles qui permettent d'avancer- sont justement celles qu'on ne se posent pas habituellement ou immédiatement. Il faut aller au delà de l'apparent... Pour sortir des clichés ou du superficiel, encore faut-il apprendre à bien poser les problèmes ! Du moins, de les poser de manière à donner prise à une investigation qui va conduire à les dépasser. Cette approche ne peut plus rester l’apanage des experts. En termes plus simples, il s’agit de voir de quoi il retourne, puis d’en déterminer les causes principales et secondaires. Nous savons aujourd'hui qu’elles sont toujours multiples ; elles peuvent être liées par des feedback (en français: rétroactions!). Il faut alors les hiérarchiser, mettre en avant leurs relations et les structurer dans le cadre d’un système à préciser (le quartier, l’état, l’Europe, la biosphère, etc.). Tout commence par l’identification des éléments du système, de leurs liens, de leurs contextes, éventuellement de leur histoire. Sur la question de la “Vache folle”, cette démarche conduit à mettre en avant de nouvelles questions, plus pertinentes, toujours en suspens à ce jour17 . Côté animal pour commencer : certes, pour expliquer la propagation de la maladie, il y a les " fameuses " farines. Il est établi que leur procédé de fabrication, modifié au cours des années quatre-vingt est responsable de la contamination des bovins. Leur chauffage a été réduit, empêchant l'élimination complète des prions. Mais plusieurs vaches, en France et en Suisse, ont été malades alors qu'elles n'avaient jamais mangé que de l'herbe et des tourteaux. Y a-t-il eu tricherie de la part des professionnels ? Ont-elles été contaminées par leur mère ? Existerait-t-il une autre voie de contamination? Et si des vaches sont 17 Questions posées en 2001. Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 contaminées par le prion, sans toutefois manifester les symptômes de la maladie, leur viande, leurs abats sont-ils contaminants ? Et quels organes sont à risque ? Côté humain, l'incubation, dit-on, est très longue : de dix à vingt ans, voire plus, selon les neurologues. Paradoxalement, parmi les victimes de la maladie, se trouvent une majorité de jeunes (moins de 30 ans). Faut-il voir les prions dans le lait en poudre ou les petits pots de bébé ou bien le temps d'incubation aurait-il été surévalué ? A moins que ce ne soit les deux à la fois... En outre, quelle quantité de bœuf faut-il ingérer pour être malade ? Quelques bouchées suffisent-elles ou faut-il être un gros amateur de steaks saignants ? Certains malades s'avouent grands carnivores, d'autres pas. Cela veut-il dire que des facteurs extérieurs pourraient être aggravants ? Y aurait-il une prédisposition génétique ? Ou l'épidémie aurait-elle d'autres causes, totalement insoupçonnées ? Là encore, les recherches sont à faire... Mais, il importe de ne pas en rester à ce seul questionnement, car cela resterait stérile. L’important aujourd'hui est de tenter de comprendre et de remédier aux difficultés rencontrées. Pour y parvenir, l'approche pragmatique conduit à “ injecter ” trois étapes supplémentaires : ce sont, dans l'ordre, la recherche d'alternatives, puis la mise en place d'une stratégie du changement qui conduise à l'action et enfin l'incorporation d'un processus d'évaluation à toutes les étapes de la démarche. Les solutions alternatives Les solutions alternatives peuvent se rechercher à plusieurs niveaux. En la matière, l'individu peut déjà éviter les morceaux de viande à risque. A défaut d’un guide du parfait carnivore... Au mieux, pour l'heure, peut-on dresser une échelle des risques, selon les parties consommées : - Muscles (viande rouge), lait, reins, cœur : risque quasi nul. - Foie : risque potentiel très faible. Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 - Poumons : risque potentiel faible. - Encéphale, thymus (ris de veau), rate, intestins : risque potentiel important. - Moelle épinière (à ne pas confondre avec la moelle des os!) : risque potentiel très important. - Et bien sûr préférer un boeuf élevé pour la viande à une vache de réforme ! Nouveau découpage des carcasses, éradication des farines animales, mise en place de tests, traçabilité, le consommateur peut-il être définitivement rassuré ? Sûrement pas ! Alors puis-je continuer à déguster mon steak de boeuf, tranquillement, comme avant ? Mais d'abord, une question toute simple : le boeuf que je mange, est-ce bien du boeuf ? Aussi étrange que cela puisse paraître, une rapide enquête nous dit que ce peut être aussi bien un jeune taureau dont on ne sait que faire qu'une vache laitière de réforme. Pourtant, on distingue bien le coq au vin de la poule au pot !.. Mettre un nom sur de la viande, c’est une chose. S’assurer qu’elle est comestible en est une autre. Dois-je irrémédiablement jeter la viande rouge aux oubliettes ? Ou fermer les yeux et dire : « c'est la viande des autres qui est contaminée, celle de mon pays est saine ». Mangeons de la VF. De la viande française et non de la vache folle, cela s’entend, mais dans cet univers kafkaïen de la viande, c’est le genre de précision dont on ne peut plus se passer! Je peux également me donner bonne conscience. Ne manger que de la viande blanche, par exemple. Comme si les poulets, les porcs et autres agneaux n'étaient pas contaminés par le prion. N'étaient-ils pas engraissés aux mêmes farines ?.. Tout comme le poisson d’élevage. Quid du végétarisme ? Il n’est pas non plus sans risque, une victime anglaise est malheureusement là pour le prouver. Les œufs, le lait ne sont pas soupçonnés pour l'instant. A tort ou à raison ? Pour le moment, nul ne saurait le dire. Même chose pour les légumes, car, après tout, on peut craindre que le prion Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 ne soit présent dans le sol. L’hypothèse n’est plus exclue. De toute façon, nombre d’éléments bovins entrent insidieusement dans la préparation des plats dits végétariens. A commencer par le célèbre bouillon ou les nombreuses sauces à base de tomate qui comportent ou sont relevées par des éléments bovins. Les desserts, les glaces, les bonbons, les rouges à lèvres même peuvent contenir... de la gélatine, un dérivé d'os de vache... Pour faire le point devant cette avalanche d'informations, une bonne maîtrise de cette dernière s'impose. Une “culture du changement” La situation est complexe ! C'est peu dire... Mais elle n'est pas désespérée, pas plus en tout cas que la plupart des crises de société. Non ! tout n’est pas devenu si compliqué, qu’on doive rendre les armes sans combattre. Sus à la morosité, au fatalisme ou à la déprime collective. Il est sans doute des leçons à tirer collectivement de cette histoire et sans doute celle-ci est-elle la première. Car ce problème est une formidable occasion d’avancer, dans la réflexion et dans la production. On ne se plaindra pas qu’il ouvre des pistes à travers une montagne de conformisme et de lâchetés, quand même ce serait à la dynamite. Rien n'est certain, disions-nous, mais l'incertitude fait partie intégrante de notre quotidien. Il nous faut désormais apprendre à vivre avec elle (deuxième leçon), non pour la déplorer, mais pour l'affronter. Voilà le rôle d'une démarche systémique, cet outil de tous les instants en matière de complexité qui nous permet de faire des liens entre les évènements, les paramètres, les acteurs où se nouent les problèmes. Forts du diagnostic, nous saurons mieux quels remèdes employer. Non que l’antidote à l’incurie et à la bêtise soit déjà tout prêt. À nous d’inventer de l’inédit, de brûler les vieilles recettes. C’est précisément au simplisme des charlatans qu’il faut renoncer : non seulement les solutions seront originales, mais Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 en plus, elles ne pourront être que drastiques. Si on veut revoir les pratiques d’élevages, il nous faut revoir la politique agricole dans son ensemble. Quant à les mettre en place ? C’est une “ culture du changement ” sur le long terme qu’il s’agit de mettre en œuvre. Car le challenge est important, il risque de bousculer les politiques habituelles. Mais ce n'est qu’à ce prix que l'on peut s’en sortir (leçon 3). Quels possibles envisager pour faire changer les choses ? D'abord, (leçon 4), arrêtons de traiter les peurs, concentrons-nous sur les causes... Une crise, telle que celle de la Vache Folle, n'est pas une punition des dieux. Elle est le produit d’un système qui s’autodétruit sous l’effet d’une pensée et d’une réflexion insuffisantes. Le même manque d’intelligence inspire l’idée de profit à court terme. Il nous faut vite sortir de l'absurdité d'un système économique trop simpliste ("leçon" 5). Notre société doit renoncer à un élevage soumis à l'impératif du seul gain immédiat. Remplacer l'herbe par de la farine issue de cadavres suspects, sans se soucier de la vraie rentabilité de l’opération est d'une naïveté sans borne. Les coûts pour la société sont beaucoup plus grands que les gains sur le long terme. La politique agricole actuelle nous coûte 43 milliards d'euros par an, soit 47%, rien de moins, des dépenses de l'Union Européenne. La crise de la Vache Folle va nous coûter au bas mot mille milliards d’euros! Dans cette optique, mais pas seulement, des processus de régulations (leçon 6) sont à mettre en place à l'échelle nationale, européenne et internationale. La question de la Vache Folle met directement en question les mécanismes actuels de la décision politique et l'irresponsabilité des administrations, voire leur cynisme face aux risques induits par les mégasystèmes économiques actuels. Rien ne se fera spontanément, c'est (leçon 7) un changement de mode de la consommation -autre élément de cette culture- qu'il nous faut faire émerger... Nous insistons sur le nous car rien ne changera si l’individu de base ne se mobilise pas d’abord à son propre niveau, s’il ne tisse pas un réseau pour intervenir collectivement. Il nous faut envisager de placer la production au service Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 de la consommation, du consommateur et que ce dernier ne soit plus un simple “ gogo ”, mais un citoyen... Les Allemands l'ont déjà compris en créant un ministère de la consommation et de... l'agriculture. Une telle mesure reste cependant fruste si elle n'est pas accompagnée par un débat citoyen sur la consommation. Que voulons-nous manger ? De quelle façon, et à quel prix ? Cette prise de conscience passe par l'école -quand abordera-t-on les vraies questions à l’école ?- et les médias. Elle passe surtout par la mise en place de véritables associations de consommateurs, qui se prennent en main pour faire passer les idées. Un rôle de contrepouvoir au marché est à créer. Les producteurs doivent prendre conscience qu'entre le produit et le marché, il y a la société. Une nouvelle sphère de pouvoirs nous tend les bras -il est désormais si facile de décider de boycotter un produit qui ne correspond pas à une valeurpour imposer aux entreprises de plus en plus anonymes des valeurs éthiques. C'est par une exigence de tous et une vigilance de tous les instants que nous pourrons sortir de ces questions de “ mal-bouffe. ” Mais d'abord, soyons clair avec nous-mêmes sur ce que nous voulons manger. Une politique de la consommation est un enjeu au quotidien. La démocratie passe aussi par la bouffe et surtout par les savoirs. Pour donner une vue d’ensemble, nous pourrions schématiser la démarche de la façon suivante : Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 prendre conscience de la situation qui pose problème 1. identifier les éléments du système 2. identifier le contexte, les liens, l'histoire 3. envisager les interactions poser les problèmes 1. élucider les causes, 2. les hiérarchiser 3. envisager les interactions inventer des optimums 1. sortir des évidences et des habitudes 2. résoudre les problèmes 3. imaginer d'autres possibles (solutions moins dommageables) penser le changement mettre en oeuvre un processus de changement 1. faire des scénarios pour mettre en évidence des évolutions possibles 2. envisager les nouveaux problèmes 3. envisager les coûts, les contraintes 4. rechercher les acteurs 5. définir une stratégie de communication 1. mettre en place une régulation 2. évaluer Succession des phases d’une pragmatique Dans la réalité, chacune des phases est reliée aux autres par de multiples feed-backs. La recherche d’alternatives suppose d’utiliser une “description” en termes de système, pour envisager des synergies entre les causes et d’inventer des solutions les plus adaptées à la situation18 . Il serait plus convenable de les appeler des “ optimums ”. Ce qui implique d’envisager d’autres possibles19 , parfois éloignés ou déviants par rapports aux solutions habituelles et à les décrire en termes d’actions ou de changement à court et à long terme. En matière de « Vache folle », un premier niveau d'actions possibles se situe au niveau de la simple information, sous la forme de débats ou de sites Internet. Les individus doivent surtout apprendre à dépasser les " fausses 18 Quel que soit le degré de finesse atteint, l'analyse disciplinaire reste imparfaite. Pour réduire cette marge d'imperfection, la collaboration des méthodologies des différentes disciplines impliquées est nécessaire. Toutefois, cette pluridisciplinarité ne résout rien à elle seule ; à un problème posé, chaque spécialiste ne peut apporter qu’une réponse limitée; la pluridisciplinarité n’est alors qu’une juxtaposition d’analyses et de solutions sans que l'ensemble obtenu soit à coup sûr cohérent et viable. C'est la mise en place et l'utilisation d'un outil commun, bâti ensemble qui peut y remédier en rendant opérationnels les apports disciplinaires. L'objectif commun est une compréhension, la plus complète possible des systèmes dans lesquels s'exercent les activités humaines afin de cerner leurs effets. Dans une optique systémique, l’élaboration de l'outil commun ou “grille d'analyse”, se produit par intégration des différentes approches (physique, écologique, santé, social, économique, institutionnel, etc.). 19 La créativité doit être constamment présente dans ce processus. Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 solutions " immédiates que leur proposent les politiques pour calmer les peurs. Ils doivent identifier, hiérarchiser et articuler les impératifs d'ordre politique, économique, social, sanitaire et écologique pour envisager des évolutions sur le long terme. Plus concrètement, ils peuvent avoir un début d'action en s'interrogeant sur leur pratique habituelle de consommateur. Le prix ne doit plus être leur seul critère de choix. D'autres exigences peuvent être mises en avant par le biais d'associations efficaces, comme le furent les syndicats mis en place dans les entreprises par les ouvriers dès la fin du XIXe siècle pour faire évoluer l'organisation du travail. Le passage à l'action que suppose une pragmatique bien conduite est essentiel, mais il est très délicat car les solutions ne s'imposent pas d'emblée. Elles vont souvent à l'encontre d'intérêts bien établis. Il s’agit toujours de partager les nouvelles “ solutions ” avec les autres ou de les faire accepter par la communauté. “ Penser le changement ” devient une étape obligée, les évolutions ne se décrètent jamais, contrairement à ce que pensent encore nombre de politiques ! L’apprenant devra déterminer les résistances -les habitudes, les modes bloqués de pensée -, les multiples intérêts en jeu -où sont les lobbies ?-, d’une part, le sens des transformations nécessaires20 , l’intensité et la durée du changement et les supports nécessaires d’autre part. Pour cela, des projections, des “scénarios” sont toujours utiles, de même que des évaluations qui permettent de réguler l'évolution. Une pragmatique passe par des ajustements progressifs. Seule une direction peut être envisagée au préalable. Dans l'action, le changement passe par des approximations successives. Dans cette démarche, l’individu -le plus souvent en groupe- devra surtout convaincre ; et pour cela apprendre à informer à son tour, à faire comprendre son point de vue et argumenter ses prises de position. D’où l’importance de la rhétorique à réhabiliter comme démarche d'apprentissage. 20 Les dimensions économique de tout projet -coût de l’action ou surcroît des solutions choisies- et éthique -à quoi on “touche” sur le plan symbolique- sont autant de facteurs bloquants. Extrait de André Giordan, Une autre école pour nos enfants?, Delagrave, 2002 De même, des modélisations ou des simulations sont toujours souhaitables, autres démarches sur lesquelles nous n'insisterons pas plus ici, mais qu'il s'agit également de “faire passer” dans un programme scolaire...