«Qui commence à aimer doit se préparer à souffrir.»
Transcription
«Qui commence à aimer doit se préparer à souffrir.»
«Qui commence à aimer doit se préparer à souffrir.» Il était 23 h 34, j'avais passé une journée abominable et ma plus grande hâte était d'aller me coucher. La pluie faisait rage, la mer était déchainée. Je rejoignis le manoir, qui venait de m'être légué par ma tante défunte, au pas de course. Je franchis l'imposante porte grinçante de l'entrée et me mis à la recherche de la chambre dans laquelle je dormais lorsque je venais en vacances ici. Chose qui s'avérait difficile étant donné que l'électricité était coupée à cause de la tempête et que je n'avais pas mis les pieds dans cet endroit depuis au moins dix ans. J'avançai donc dans le couloir du premier étage et arrivai devant la porte de ma chambre. Je l'ouvris et découvris une splendide jeune femme dans ce que je pensais être ma chambre. Elle était devant un grand miroir. La lueur de la bougie éclairait sa peau claire, même blanche. Ses cheveux bruns étaient relevés et accrochés avec une broche. Elle portait une robe noire aux reflets bordeaux. Ses yeux étaient d'une rare beauté mais son regard était plongé dans le vague. J'étais totalement sous le charme de cette femme dont j'ignorais tout et aurais fait n'importe quoi pour la revoir. Elle ne m'avait pas vue. Je continuai de la regarder quelques secondes puis refermai la porte. Je trouvais ma chambre au deuxième étage tout au bout du couloir juste au dessus de celle de la mystérieuse femme qui n'avait d'ailleurs rien à faire là. Vêtue d'une vieille chemise en coton je me glissai dans mes draps froids tout en pensant à la belle inconnue. Ma tante me racontait souvent une histoire quand j'étais petite : celle de la Comtesse d'Enid. La Comtesse d'Enid était une fille de bonne famille nommée Astrid de je ne sais plus quoi. Elle était connue pour son incroyable beauté et sa joie de vivre. Tout le monde l'aimait et tous les hommes étaient à ses pieds. Deux en particulier. N'arrivant pas à se décider, elle leur annonça que celui qui lui prononcerait les plus belles paroles deviendrait son mari. Une fois les paroles prononcées, son choix se porta sur le comte d'Enid et ainsi, quelques semaines plus tard la belle Astrid devint la comtesse d'Enid. Elle était heureuse mais ne pouvait s'empêcher de se demander comment se portait Basile de Tancrède, le prétendant numéro deux qui n'avait pas su gagner son cœur, et l'invita alors pour prendre le thé au manoir en l'absence de son mari. Basile n'avait absolument pas supporté d'être le perdant de l'histoire, tout cela lui montait à la tête et il arriva comme fou au manoir, un poignard à la main. Il lui expliqua que s’ il ne pouvait pas être avec elle, alors personne ne le serait et qu'il allait la tuer parce qu'il l'aimait. Quand le comte d'Enid revint au manoir, il trouva sa femme dans sa chambre devant ce miroir qu'il lui avait offert et qu'elle aimait tant, un poignard planté en plein cœur. Pris de tristesse et de chagrin il poussa un cri de désespoir et abattit son poing sur le miroir qui se brisa puis, n'ayant plus aucune raison de vivre, s'ouvrit les veines avec un éclat de verre. Tragique, non ? D'ailleurs c'est peut être une des raisons pour laquelle je suis terrorisée par l'amour des hommes. Enfin bref. Une heure trente deux et quarante six secondes plus tard, je fus réveillée par mes pensées qui commençaient à s'emmêler. Le miroir était entier quand je suis entrée dans la chambre ! Et il n'y avait pas le fantôme du comte d'Enid dans la pièce car, comme tout le monde le sait, les suicidés ne vont ni au paradis ni en enfer surtout après un tel drame ! Son âme étant trop lourde, elle n'aurait pu quitter ces murs. D'un coup je me dressai sur mon lit et me levai. Je franchis la porte, avançai dans le long couloir sombre du deuxième étage, descendis l'escalier et m'engageai dans le couloir du premier étage. J'avançais malgré moi sans trop savoir où j'allais et m'arrêtais net lorsque je me cognai dans la porte au bout du couloir. J'avais peur, j'hésitais à entrer dans la pièce où se trouvait le fantôme de la magnifique comtesse d'Enid. Je pris une grande inspiration et tournai la poignée tout en poussant la porte. A cet instant ce ne fut pas la comtesse que je vis mais plutôt la mort. Tout se passa très vite, je remarquais néanmoins qu'un morceau de miroir manquait. La comtesse fondit sur moi avec, dans la main droite le morceau en question, Elle me le planta en plein cœur. Cela fait désormais 2 ans, 7 jours et à peu près 6 heures et 30 minutes que je suis enfermée dans le miroir de la comtesse d'Enid. Oh, rassurez-vous je suis loin d'être toute seule, j'ai ici présentes toutes les personnes tombées amoureuses du fantôme de la jolie comtesse depuis son tragique décès. Nous avons chacun notre petit morceau de miroir planté à du coté gauche de la poitrine ce qui signifie que nous avons tous été tués de la même manière... Punis pour avoir aimé. On m'a expliqué que l'âme du comte se trouvait dans le miroir ou plutôt qu'il était devenu le miroir et que la comtesse voyait son visage à travers ce qui explique pourquoi elle reste toujours devant. Elle tue à la deuxième visite car c'est ce qui confirme leur amour. Seul l'amour donne le courage de retourner voir un fantôme. Elle transperce le cœur de sa victime comme Basile a transpercé le sien et le condamne à ne plus jamais pouvoir aimer. Je m'appelle Charlie, Rose, Bettina Weego, j'avais 22 ans lorsque j'ai disparu le 23 novembre 1995. Je me suis toujours jurée que je n'aimerais que les femmes, j'étais bien loin de penser que ceci me perdrait. Ninon Devaux, classe de 4ème 3, juin 2011