Ingestion d`herbe au pâturage par le cheval de selle en croissance

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Ingestion d`herbe au pâturage par le cheval de selle en croissance
Ann. Zootech. 49 (2000) 505–515
© INRA, EDP Sciences
505
Article original
Ingestion d’herbe au pâturage par le cheval de selle
en croissance : effet de l’âge des poulains
et de la biomasse d’herbe
Pascal MÉSOCHINAa, Jean-Louis PEYRAUDb, Patrick DUNCANc,
Didier MICOLd*, Catherine TRILLAUD-GEYLa
a Institut du Cheval – DEFI, 16 rue Claude Bernard, 75231 Paris Cedex 05, France
b INRA, Unité Mixte de Recherches sur la Production du Lait, Domaine de la prise,
c
35590 Saint-Gilles, France
CNRS-UPR 1934, Centre d’Études Biologiques de Chizé, 79360 Beauvoir sur Niort, France
d INRA Clermont-Ferrand-Theix, URH-SP, 63122 St-Genès-Champanelle, France
(Reçu le 21 mai 1999 ; accepté le 19 septembre 2000)
Abstract — Grass intake by growing horses at pasture: a test of the effects of the horses’ age and
sward biomass. No data are currently available on the quantities of food ingested by young horses
at pasture, in spite of the fact that pasture constitutes the main source of nutrients for these animals.
In this study, three levels of sward mass were offered to animals (2.3; 2.9 and 3.5 T DM.ha–1), which
correspond to grass heights of 6.6, 8.1 and 9.4 cm. Horses of the Cheval de Selle Français breed
were used (1 and 2 years old, live weight of 334 and 478 kg respectively) in a latin square design. The
daily quantities of grass ingested at pasture were determined, and relationships between daily intake,
and the characteristics of the pasture and animal were studied. Intake relative to metabolic live
weight did not vary between yearlings and 2-year-old horses. Intake averaged 82 g OM.kg–1
LW0.75.d–1. Compared with yearlings, 2-year-old horses had a lower daily foraging time and a higher
intake rate (9.9 vs. 7.6 g OM.min–1). Grass height had no effect on the food intake of growing horses
for grass between 6 and 9 cm high. Compared with cattle and even sheep, horses maintain their levels of food intake even at low sward heights.
horse / feeding / grass / intake
Résumé — Alors que le pâturage constitue l’alimentation principale des jeunes chevaux, il n’existe
que très peu de données sur les quantités d’herbe ingérées sur les prairies. Dans cette expérimentation, trois niveaux de biomasse relativement faibles ont été proposés aux animaux (respectivement 2,3 ;
2,9 et 3,5 T MS.ha–1), ce qui correspond à des hauteurs d’herbe de 6,6 ; 8,1 et 9,4 cm respectivement.
Deux catégories de poulains de selle (un an et deux ans, respectivement 334 and 478 kg) ont été
intégrées à l’étude. L’essai a été conduit selon un dispositif en carré latin 3 × 3. Les quantités d’herbe
* Correspondance et tirés-à-part
506
P. Mésochina et al.
quotidiennement ingérées par les chevaux ont été déterminées, et les relations avec les caractéristiques
de la prairie et des animaux recherchées. Les quantités ingérées, rapportées au poids métabolique n’ont
pas été différentes entre les poulains d’un et de deux ans et ont été en moyenne de 82 g MO.kg–1
PV0,75.j–1. Les chevaux de deux ans ont eu une durée de pâturage inférieure à celle des poulains
d’un an et une vitesse d’ingestion plus importante (9,9 vs. 7,6 g MO.min–1). La hauteur de l’herbe n’a
pas eu d’effet sur les quantités ingérées quelque soit le type de poulain. Le cheval apparaît donc
comme un herbivore particulièrement résistant aux variations de la biomasse disponible, capable
de maintenir son niveau d’ingestion sur un couvert bas.
cheval / alimentation / pâturage / quantités ingérées
1. INTRODUCTION
L’herbe pâturée peut représenter plus de
70 % de l’alimentation annuelle des chevaux d’élevage et assure la plus grande partie de leur croissance [11]. Malgré l’importance de cette ressource alimentaire, les
quantités ingérées par les chevaux à l’herbe
restent méconnues, essentiellement en raison
de la lourdeur des méthodes à appliquer pour
les déterminer avec précision et justesse [4].
Pour les moutons et les bovins, la biomasse et/ou la hauteur de la végétation sont
des facteurs importants de régulation du
comportement alimentaire et aussi des quantités ingérées (e.g. [6, 15, 16, 18]). Les effets
de la hauteur du couvert sont aussi modulés
par le format, et l’âge de l’animal [3]. L’effet
de la structure du couvert végétal sur le
niveau d’ingestion volontaire des chevaux
n’a pas fait l’objet de travaux publiés.
Les résultats d’études portant sur l’effet
de l’âge des poulains sur les quantités ingérées à l’auge sont contradictoires. Les
niveaux d’ingestion volontaire corrigés par
le poids métabolique augmentent significativement avec l’âge des poulains dans les
travaux conduits par Yoakam et al. [24].
L’étude conduite par Trillaud-Geyl et al.
[20] indique que ce niveau d’ingestion ne
varie pas avec l’âge des animaux tandis qu’il
diminue pour Cymbaluk et Christison [1].
L’objet de ce travail a été de déterminer
les quantités d’herbe volontairement
ingérées par des poulains en croissance au
pâturage en fonction de la biomasse (ou hauteur) du couvert végétal et de l’âge des animaux. Afin de décrire une éventuelle loi de
réponse, trois niveaux de biomasse/hauteur
ont été mis en comparaison.
2. MATÉRIEL ET MÉTHODES
2.1. Schéma expérimental et animaux
Les trois niveaux de biomasse et/ou hauteur du couvert (Bas, Moyen et Haut) obtenus par modulation de l’âge des repousses
ont été testés selon un dispositif en carré
latin 3 × 3. L’essai a été conduit avec douze
poulains de selle. Six poulains étaient âgés
d’un an et 6 poulains avaient deux ans. Le
poids initial des animaux a varié de 331 à
338 kg et de 475 à 480 kg respectivement
pour les animaux de 1 et 2 ans. Les poulains de chaque âge ont été répartis en 3 lots
de 2. Chacune des trois périodes expérimentales comportait d’une phase d’adaptation de 10 jours suivie d’une phase de
mesure des quantités ingérées de 6 jours.
2.2. Parcelles et conduite du pâturage
L’expérimentation a été menée au cours
des mois de mai et juin 1996, à la Station
Expérimentale des Haras Nationaux (Institut du Cheval) de Chamberet (Limousin),
Ingestion d’herbe par le cheval au pâturage
située à 440 mètres d’altitude. Une fauche
d’homogénéisation de l’ensemble des parcelles a été réalisée début avril. Les trois
niveaux de biomasse/hauteur ont été obtenus
avec des durées de repousse de 15 ; 20 et
25 jours respectivement pour les niveaux
Bas, Moyen et Haut. Afin d’éviter des écarts
importants dans la qualité de la végétation
mise à disposition dans les trois niveaux de
biomasse/hauteur, des apports d’engrais azotés de 0, 33 et 66 kg N.ha–1 ont été opérés,
respectivement pour les niveaux Bas, Moyen
et Haut. Les parcelles ont toujours été
exploitées à un stade végétatif.
Trois parcelles ont été utilisées au cours
des trois périodes. Ces parcelles avaient été
semées en 1987, avec 30 % de fétuque élevée (Festuca eliator), 30 % de ray-gras
anglais (Lolium perenne), 20 % de trèfle
blanc (Trifolium repens), 15 % de dactyle
(Dactylis glomerata) et 5 % de luzerne
(Medicago sativa). Le relevé de présence
effectué en début d’essai a indiqué une diminution relative de la fétuque élevée au bénéfice du pissenlit (Taraxacum officinale ;
44 %) et du pâturin commun (Poa pratensis ; 26 %) et, dans une moindre mesure, du
trèfle blanc (25 %).
L’essai a été conduit en pâturage libre.
Les quantités d’herbe offerte aux animaux,
estimées par une coupe au niveau du sol,
ont été volontairement élevées afin de se
placer dans des situations a priori non
limitantes. Les quantités offertes ont été
fixées à 15 kg MS.100 kg–1 PV.j–1, sachant
qu’un premier essai avait montré que
l’ingestion n’était plus sensiblement affectée au delà d’une valeur seuil d’environ
5 kg MS.100 kg–1 PV.j–1 pour des chevaux
d’un an [17]. Les surfaces allouées aux poulains de deux ans ont été supérieures à celles
dont disposaient ceux d’un an pour maintenir un même niveau d’offert exprimé en
proportion du poids vif pour les deux types
d’animaux.
De l’eau était disponible à volonté.
507
2.3. Mesures
2.3.1. Sur la prairie
Les mesures de biomasse, définie comme
la masse aérienne d’herbe au dessus du sol
par unité de surface (en T MS.ha–1) et la
hauteur du couvert ont été mesurées à
l’entrée des animaux dans les parcelles et à
la sortie des animaux afin de préciser l’état
initial des parcelles et la défoliation exercée par les animaux. Les mesures ont été
réalisées deux fois par phase (adaptation,
mesure) et par période.
La mesure de la hauteur de l’herbe a été
effectuée à l’aide d’un herbomètre [22]. Cent
mesures ont été effectuées sur chacune des
parcelles journalières. Les mesures ont été
réalisés en suivant les diagonales des parcelles. La biomasse a été estimée les mêmes
jours que la hauteur à l’aide d’une machine
de type tondobroyeuse (Carroy-Giraudon).
Chaque estimation a porté sur une surface de
5 m2 (1 × 5 m). La hauteur de l’herbe après
cette coupe était de 5 cm environ. La biomasse sous la hauteur de coupe a été mesurée. Pour cela, un prélèvement aux ciseaux,
de tout le matériel restant dans deux quadrats de 50 × 25 cm ont été prélevés sous
chacune des coupes de la machine.
Pour la détermination de la composition
chimique de l’herbe offerte, un sous échantillon de 1 kg a été séché en étuve pour
chaque prélèvement réalisé à la tondobroyeuse en entrée de parcelle. Après
séchage, les échantillons ont été broyés pour
les analyses ultérieures.
2.3.2. Sur les animaux
L’estimation des quantités d’herbe ingérées (I) a été réalisée par une mesure
des quantités totales de crottins émises
quotidiennement par les animaux (C) et de
la digestibilité de l’herbe pâturée (d) [8]
(I = C/(1-d)).
Les quantités de crottins ont été estimées
directement par le ramassage sur les parcelles de tous les crottins présents au cours
508
P. Mésochina et al.
des quatre derniers jours de chaque période.
Nous avons retenu un délai moyen de 48 h
entre l’ingestion d’herbe et l’émission des
crottins ce qui est légèrement supérieur à la
durée du transit moyen des chevaux, établie
à 38 h [23]. La récolte des crottins a été
effectuée trois fois par jour de façon à limiter la dessiccation par le soleil, la dilution par
la pluie et le piétinement des animaux. La
digestibilité de l’herbe a été estimée à partir
de la teneur en azote des crottins à l’aide de
l’équation établie précédemment [14] à partir de mesures de digestibilité effectuées sur
des animaux en stalle.
La teneur en Matière Organique (MO) a été
déterminée après calcination à 550 °C pendant 6 h. L’azote a été déterminé par la
méthode Kjeldahl. La teneur en NDF a également été déterminée [21].
d = 78,6 – 31,5/N
(n = 27, r2 = 0,74, etr = 3,6).
où M, Age, Lot, Biom, Per, ε représentent
respectivement la moyenne générale et les
effets de l’âge, du couple de deux poulains,
du niveau de biomasse, de la période et
l’erreur résiduelle. Les données moyennes
correspondant à 4 jours de prélèvements
pour un couple de deux poulains ont été
retenues pour les analyses. Les données sur
l’herbe après pâturage ont été réalisées sur le
même modèle. Les caractéristiques de
l’herbe offerte ont été analysées selon le
modèle
La teneur en azote d’un échantillon de crottins a été déterminée quotidiennement pour
chaque lot d’animaux. Les animaux ont été
pesés en début et fin d’expérimentation,
avec une balance électronique.
L’activité de pâturage a été enregistrée
pendant une journée à chaque période.
L’observation a consisté en un balayage
(« scan sample ») toutes les 5 minutes de
l’ensemble des poulains avec un relevé de
l’activité de chacun au premier contact
visuel. Le pâturage était considéré en cours
lorsque la tête du cheval se trouvait en dessous de la ligne de la hauteur au garrot. Le
pâturage incluait donc la récolte d’herbe, la
mastication et la recherche de nourriture.
L’observateur était placé dans un mirador.
Les observations ont été réalisées sur 24 h au
cours de 4 séquences complémentaires de
6 h. Des intensificateurs de lumière ont été
employés pour les périodes d’observations
nocturnes. L’estimation de la vitesse
d’ingestion a été obtenue en divisant les
quantités ingérées par le temps de pâturage.
2.4. Analyses chimiques
La teneur en MS des échantillons d’herbe
et de crottins a été mesurée par séchage en
étuve à 80 °C pendant 48 h. Tous les échantillons ont été broyés sur grille de 0,8 mm.
2.5. Analyse des données
Toutes les données animales ont été analysées selon le modèle suivant :
Yijkl = M + [Age]i + [Lotj(Age)i]
Yijkl = +[Biom]k + [Per]l
Yijkl = + [Agei × Biomk] + [Agei × Perl] + ε
Yijk = M + [Zone]i + [Biom]j + [Per]k
Yijk = + [Zonei × Biomj] + [Biomj × Perk] + ε
où M, Zone, Biom, Per, ε représentent l’effet
de la zone de prairie réservée à chaque catégorie d’animaux, et les effets du niveau de
biomasse, de la période et l’erreur. Toutes
les analyses ont été effectuées selon la procédure GLM sur le logiciel SAS [19].
3. RÉSULTATS
L’essai s’est déroulé dans de bonnes
conditions et tous les lots de poulains ont
pu être inclus dans les analyses statistiques.
Les températures moyennes ont été comparables à celles des douze dernières années
(12 °C à 17 °C entre mai et juin). Le mois de
juin a été relativement sec (10 vs. 105 mm
en moyenne sur 12 ans) alors que le mois
de mai a été plus humide (140 vs. 90 mm).
Ingestion d’herbe par le cheval au pâturage
3.1. Caractéristiques de la pâture
et conduite du pâturage
La hauteur et la biomasse des pâtures
mises à disposition des deux catégories de
poulains ont été similaires (Tab. I). La biomasse à l’entrée des animaux dans les parcelles a varié de 2,3 à 3,5 T MS.ha–1 entre
les niveaux extrêmes (Tab. I). La biomasse
d’entrée du traitement Haut a été significativement supérieure à celle du traitement
Bas, tandis que la biomasse d’entrée du lot
Moyen était intermédiaire. La biomasse et la
hauteur d’herbe avant pâturage ont été
étroitement corrélées (r = 0,87 ; n = 18 ;
P < 0,0001). La qualité de l’herbe proposée aux animaux a été comparable dans les
traitements Moyen et Haut (Tab. I). En
revanche l’herbe du traitement Bas a été
caractérisée par une teneur en MS plus élevée et une teneur en matières azotées plus
faible. La teneur en NDF n’a pas varié avec
le traitement et a été de 63 % MS.
Les quantités d’herbe offerte aux poulains ont été de 16 kg MS.100 kg–1 PV.j–1 en
moyenne. Elles ont toutefois été légèrement
plus faibles lorsque les animaux pâturaient
sur les traitements Moyen comparées au
traitement Bas. La hauteur du couvert après
pâturage a représenté 79 % de la hauteur
initiale en moyenne. Le rapport entre la hauteur sortie et la hauteur avant pâturage, qui
est un indicateur de la sévérité de la défoliation, n’a pas été affectée par le niveau de
biomasse ou l’âge des animaux (P > 0,10).
En conséquence, les écarts de biomasse et de
hauteur de couvert observés avant pâturage
entre les trois traitements ont été maintenus
après pâturage.
3.2 Quantités ingérées
et comportement alimentaire
Les quantités ingérées ont été en
moyenne de 7,7 kg MO.animal–1.j–1, soit
1,8 kg MO . 100 kg –1 PV . j –1 ou encore
82 g MO.kg–1 PV 0,75.j–1. Le temps de pâturage a représenté presque les deux tiers de la
journée (62 % soit environ 15 h). La vitesse
509
d’ingestion a donc été de 8,8 g MO.animal–1.min–1 en moyenne. Aucune interaction significative n’est apparue entre le traitement et l’âge des chevaux, les deux
facteurs sont donc présentés séparément.
Les quantités de crottins produites, la
digestibilité estimée et les quantités d’herbe
ingérées n’ont pas varié significativement
avec les niveaux de biomasse et de hauteur
du couvert (P > 0,10 ; Tab. II). La durée de
pâturage et finalement la vitesse d’ingestion
n’ont également pas été significativement
affectées par l’état du couvert (P > 0,10 ;
Tab. III).
Les quantités de crottins émises par les
poulains d’un an ont été inférieures à celles
produites par les animaux de deux ans
(P < 0,05). La digestibilité de la MO a eu
tendance à s’accroître chez les poulains de
2 ans mais les différences ont à peine été
significatives (P < 0,08). Une tendance similaire a été observée pour la digestibilité du
NDF (Tab. II). Les quantités ingérées ont augmenté de 1,3 kg MO.animal–1.j–1 (P < 0,01)
entre les poulains d’un et de deux ans. Cet
effet de l’âge a disparu lorsque les quantités
ingérées ont été rapportées au poids vif ou au
poids métabolique (Tab. II), les animaux les
plus âgés ayant même tendance à ingérer
légèrement moins. Les quantités ingérées
de matière organique digestible et de
matières azotées digestibles ont suivi les
mêmes tendances que celles rapportées pour
la MO totale. Finalement, le gain moyen
quotidien a été peu différent entre les poulains d’1 an et de 2 ans (404 vs. 365 g,
P > 0,10). Le temps de pâturage a été plus
faible chez les poulains de deux ans (1,7 h,
P < 0,05) et leur vitesse d’ingestion a été
sensiblement plus élevée (+ 3,3 g MO.min–1,
P < 0,01) que celle des poulains d’un an
(Tab. III).
4. DISCUSSION
4.1. Conditions expérimentales
Les quantités offertes aux animaux ont
été de 16 kg MS.100 kg–1 PV.j–1 ce qui est
510
Tableau I. Structure et qualité moyenne des prairies avant pâturages, conduite du pâturage et structure des prairies après pâturage.
Biomasse
Age
Effets
Moyen
Haut
1 an
2 ans
ETR(1)
ET(l)(1)
Biomasse
Age
Avant pâturage
Biomasse d’entrée (T MS.ha–1)
Hauteur du couvert (HE, cm)
2,3
6,6
2,9
8,1
3,5
9,4
2,9
8,2
2,8
7,8
0,27
0,34
0,52
1,47
**
*
NS
NS
Composition chimique de l’herbe
MS (%)
MO (% MS)
Matières azotées (% MO)
NDF (% MO)
30,3
90,2
17,0
64,4
21,5
89,6
21,8
62,4
21,2
89,5
21,6
63,0
23,9
89,8
19,7
64,3
24,8
89,7
20,5
62,3
1,08
0,95
0,86
1,76
2,33
1,06
1,20
3,15
***
NS
**
NS
NS
NS
NS
NS
Conduite du pâturage
Quantité offerte (kg MS.100 kg–1 PV.j–1)
Ratio HS : HE
20,1
0,81
12,9
0,77
15,8
0,78
15,4
0,77
17,1
0,80
1,22
0,056
2,26
0,088
*
NS
NS
NS
1,9
5,4
2,4
6,2
3,0
7,1
2,5
6,2
2,4
6,2
0,17
0,51
0,21
0,51
***
*
NS
NS
Après pâturage
Biomasse (T MS.ha–1)
Hauteur du couvert (HS, cm)
*** P < 0,001 ; ** P < 0,01 ; * P < 0,05 ; NS : P > 0,05.
1 ETR : écart type résiduel du modèle, ET(l) écart type inter lot permettant de tester l’effet âge.
P. Mésochina et al.
Bas
Tableau II. Teneur en matières azotées des crottins, digestibilité de l’herbe ingérée, quantités de crottins émises et quantités ingérées selon les niveaux
de biomasse et l’âge des poulains.
Biomasse
Effets
Bas
Moyen
Haut
1 an
2 ans
ETR(1)
ET(l)(1)
Biomasse
Age
14,1
64,3
63,0
15,3
65,4
63,8
15,8
65,7
65,0
14,5
64,4
63,1
15,6
65,8
64,8
1,46
1,08
1,98
1,15
1,25
1,92
NS
NS
NS
NS
NS
NS
2,64
2,74
2,60
2,48
2,84
0,140
0,225
NS
*
Quantités de matière organique ingérée
kg.animal–1.j–1
kg.100 kg–1 PV.j–1
g.kg–1 PV0,75.j–1
7,41
1,76
79,3
7,93
1,89
85,2
7,63
1,80
81,4
7,01
1,94
84,5
8,30
1,69
79,4
0,51
0,13
5,61
0,81
0,19
7,95
NS
NS
NS
**
NS
NS
Matière organique digestible ingérée
kg.animal–1.j–1
g.kg–1 PV0,75.j–1
4,76
51,0
5,19
55,7
5,03
53,6
4,53
54,6
5,46
52,3
0,38
4,36
0,60
5,86
NS
NS
*
NS
Matières azotées digestibles ingérées
kg.animal–1.j–1
1,01
1,31
1,21
1,14
1,21
0,14
0,34
NS
NS
** P < 0,01 ; * P < 0,05 ; NS : P > 0,05.
1 ETR : écart type résiduel du modèle, ET(l) écart type inter lot permettant de tester l’effet âge.
Ingestion d’herbe par le cheval au pâturage
Teneur en MAT des crottins (% MO)
Digestibilité de la MO (%)
Digestibilité du NDF (%)
Quantité de crottins (kg MO.animal–1.j–1)
Age
Tableau III. Comportement alimentaire des animaux selon le niveau de biomasse et l’âge des poulains.
Biomasse
Temps de pâturage (% sur 24 h)
Vitesse d’ingestion (g MO.min–1)
Age
Effet
Bas
Moyen
Haut
1 an
2 ans
ETR(1)
ET(l)(1)
Biomasse
Age
60,3
8,6
66,3
8,4
60,5
9,1
65,8
7,6
58,8
9,9
2,18
0,56
4,54
1,25
NS
NS
*
**
511
** P < 0,01 ; * P < 0,05 ; NS : P > 0,05.
1 ETR : écart type résiduel du modèle, ET(l) écart type inter lot permettant de tester l’effet âge.
512
P. Mésochina et al.
proche des objectifs fixés et demeure très
élevé. Elles n’ont probablement pas limité
l’ingestion volontaire des poulains [13, 17].
C’est ce qui était recherché en vue de l’étude
de l’effet intrinsèque de la biomasse/hauteur de la pâture. La hauteur du couvert en
fin de pâturage a représenté 79 % de la hauteur initiale ce qui traduit une faible intensité
de défoliation et conforte cette hypothèse. En
effet, un autre essai conduit en parallèle avec
des poulains en croissance a montré que le
niveau d’ingestion volontaire des poulains
ne diminuait que pour des hauteurs en fin
de pâturage représentant moins de 40 % de
la hauteur initiale [13]. Les quantités offertes
lorsque les poulains pâturaient sur les faibles
biomasses ont été un peu plus élevées mais
ceci n’a probablement pas eu d’effet notable
compte tenu des niveaux moyens d’offert.
L’intensité de la défoliation a été tout à fait
comparable pour les deux catégories de poulains. Les deux types d’animaux ont donc
bien eu des conditions de pâturage très similaires ce qui autorise une comparaison des
deux âges. Sous ces conditions de pâturage,
les croissances moyennes des poulains se
situe dans les gammes de croissance recommandées pour des chevaux de ces âges (i.e.
entre 300 g.j–1 et 600 g.j–1 respectivement
pour des croissances modérées et optimales
des animaux d’un an et entre 100 g.j–1 et
350 g.j–1 pour ceux de deux ans [10]).
La teneur en matière azotée de l’herbe a
été légèrement différente entre les trois
niveaux de biomasse mais elle est toujours
restée supérieure à 17 % MO. Il est donc
peu probable que la teneur en protéines du
régime ait pu contribuer à réguler l’ingestion
des poulains [24]. La qualité de l’herbe proposée dans les trois traitements a finalement
été assez comparable ainsi que le montre la
digestibilité mesurée par les index fécaux.
4.2. Ingestion d’herbe par le poulain
au pâturage
Les quantités ingérées moyennes ont été
de 82 g MO.kg–1 PV0,75.j–1. Ce résultat est
en accord avec d’autres données obtenues
également avec des chevaux de selle sur
le même site expérimental [17]. Des travaux
conduits sur des juments allaitantes de
500 kg en Australie [9] concluent également
à des quantités ingérées moyennes de l’ordre
de 85 g MO.kg–1 PV0,75.j–1. D’autre part,
dans une étude bibliographique rassemblant
62 données d’ingestion volontaire chez des
poulains affouragés à l’auge nous avons
également observé un niveau d’ingestion
comparable [13]. Ceci conforte la méthodologie employée.
Cependant, les chevaux sont capables
d’ingérer des quantités d’herbe deux fois
supérieures à celles observées dans notre
essai. Ainsi, des jeunes juments de race
Mulassière poitevine, sur des prairies naturelles humides, ont consommé jusqu’à
140 g MO.kg–1 PV0,75.j–1 [12]. Des juments
allaitantes de race Camargue, sur un parcours semi naturel, ont ingéré 140–175 g
MO.kg–1 PV0,75.j–1 [2]. L’origine de ces différences entre les résultats obtenus sur des
poulains de selle à Chamberet et les deux
autres études restent à déterminer. Elle pourrait être liée à des besoins et/ou des capacités d’ingestion différentes entre individus et
peut être aussi à la qualité de l’herbe offerte.
La teneur en NDF du fourrage (63 % MS) a
été assez élevée dans notre essai.
Les quantités d’herbe ingérées par animal et par jour ont été supérieures pour les
chevaux de deux ans. Cette différence est
imputable au format des chevaux et à leur
dépense énergétique. En effet, une correction
du niveau d’ingestion volontaire par le poids
vif ou métabolique élimine l’effet de l’âge
des poulains sur les quantités qu’ils ingèrent. Ce résultat confirme les travaux
conduits par Trillaud-Geyl et al. [20]. Les
animaux âgés ont ingéré des quantités
d’herbe plus élevées essentiellement parce
que leur vitesse d’ingestion calculée a été
plus importante que pour les chevaux de
1 an. Ce résultat peut s’expliquer par une
capacité de prélèvement et de mastication
de l’herbe accrue, liée à une largeur de
Ingestion d’herbe par le cheval au pâturage
l’arcade dentaire supérieure [7]. Les mesures effectuées renforcent cette hypothèse,
la largeur de l’arcade de la couronne dentaire des poulains de deux ans a été supérieure à celle des poulains d’un an (respectivement 6,2 ± 0,21 cm et 6,6 ± 0,22 cm
pour les mâchoires inférieure et supérieure
des poulains d’un an, contre 7,1 ± 0,35 et
7,4 ± 0,35 cm pour celles des deux ans). Les
poulains d’un an étudiés ont compensé en
partie une plus faible vitesse d’ingestion par
un temps de pâturage supérieur à celui des
deux ans. Des résultats similaires sur l’effet
de l’âge et/ou du format des animaux sur
les quantités ingérées et les ajustement comportementaux ont été rapportés dans le cas
de bovins [25].
La digestibilité estimée de la matière
organique et des fibres a eu tendance à
s’accroître chez les poulains de deux ans.
Ce résultat est original et demanderait à être
confirmé. Il pourrait être lié à une efficacité digestive plus importante chez des animaux plus âgés. Il est en effet peu probable
que les poulains âgés, ingérant plus vite,
aient pu exprimer une capacité de tri accrue
sur les parcelles.
4.3. Effet des caractéristiques du couvert
sur l’ingestion des poulains
Les biomasses et les hauteurs moyennes
des couverts proposés aux poulains ont
été relativement faibles (respectivement
2,9 T MS.ha–1 et 8,0 cm). Les gammes de
variation sont restées modérées puisque les
différences entre les traitements extrêmes
n’ont été que de 1,2 T MS.ha–1 et de 2,8 cm.
Dans ces zones, il apparaît que le niveau
d’ingestion des poulains en croissance n’est
pas relié à la structure de la végétation. La
vitesse d’ingestion des poulains n’a pas non
plus été affectée par les traitements. Pour la
majorité des herbivores soumis à des hauteurs et une plage de variation équivalentes,
une relation positive entre les quantités ingérées, la vitesse d’ingestion et la disponibilité
de l’herbe est généralement observée
513
[15, 16]. Par rapport aux autres herbivores,
les chevaux semblent donc moins gênés par
des couverts de faible hauteur. Dans un autre
essai, nous avons d’ailleurs montré que
l’ingestion volontaire des poulains n’était
pas affectée jusqu’à une hauteur du couvert
de 3,5 cm [13]. En outre, les poulains plus
âgés n’ont pas été plus sensibles aux variations des caractéristiques du couvert contrairement à ce qui est observé chez les bovins
où la réduction de hauteur du couvert
entraîne une réduction des quantités ingérées et de la vitesse d’ingestion d’autant plus
importante que les animaux sont de format
plus important [3].
Les chevaux se classeraient parmi les
herbivores les plus résistants face à une
diminution de la biomasse/hauteur de la
végétation. La vitesse d’ingestion du cheval, par rapport à d’autres herbivores, se
maintient plus longtemps lorsque la biomasse et/ou la hauteur des couverts diminue [6]. Ce résultat est probablement lié au
fait que les chevaux disposent de deux rangées d’incisives, à la différence des ruminants qui n’en présentent qu’une. De surcroît, ils sont capables d’ajustements
comportementaux importants face à la diminution de la disponibilité de l’herbe, en particulier, par une augmentation du temps de
pâturage [5]. Ainsi dans le cas d’une très
forte réduction de la hauteur du couvert,
Mésochina [13] a montré que les chevaux
pouvaient présenter un temps quotidien de
pâturage supérieur à 19 h. Dans notre essai,
la gamme de variation testée ne semble pas
avoir nécessité un ajustement de la durée
de pâturage, les biomasses/hauteurs les plus
basses n’étant probablement pas encore
contraignantes pour les poulains.
5. CONCLUSION
Ce travail fournit les premières références
sur les quantités d’herbe ingérées par les
poulains en croissance au pâturage. Cellesci avoisinent 85 g MO.kg–1 P0,75.j–1. Les
différences d’ingestion volontaire entre
514
P. Mésochina et al.
des poulains de 1 et de 2 ans semblent principalement imputables à leur format. D’autre
part, les chevaux apparaissent comme des
herbivores capables de maintenir leur niveau
d’ingestion volontaire et finalement leur
niveau de croissance dans des pâturage
beaucoup plus ras que les autres herbivores.
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier l’équipe de Chamberet (Institut du Cheval) pour son soutien logistique et humain à la mise en place et au bon
déroulement des expérimentations, et plus particulièrement Jean-Jacques Peyraud, pour son
appui technique, sa disponibilité et sa contribution aux mesures.
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