article Arromanches - Patrouille de France

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ON EN PARLE AUJOURD'HUI
VENDREDI 6 JUIN 2014
L’excellence dans les airs
Les Alpha Jet ont effectué leur entraînement hier, en situation, au départ d’Octeville (photo Christian Cariat)
D-Day. Le fleuron de l’armée de l’air française vole aujourd’hui et demain au-dessus de la Normandie. La Patrouille
de France et ses emblématiques Alpha Jet clôturent la cérémonie à Ouistreham et feront le show à Arromanches.
L
es yeux clos. Des gestes qui
paraissent quelque peu désordonnés. Et quelques mots qui
jaillissent, d’ici ou là. « Je rends du
trim », « je dégauchis », « on cadence, on
cadence encore… » L’étrange ballet se
poursuit pendant une vingtaine de
minutes totalement incompréhensibles pour le néophyte à qui l’on
vient de demander le silence total.
Privilège rare et étonnant que d’assister à « la musique », nom donné
à l’ultime répétition au sol de la Patrouille de France.
« Une grande fierté »
Ces pilotes ont fait lever vers les
cieux des millions de paires d’yeux.
Véritables acrobates des airs, dont
l’aisance n’a d’égal que le calme
olympien qu’ils affichent, les pilotes
de la PAF ne pouvaient pas être
absents dans le ciel normand en
cette date commémorative.
Dès hier, les Alpha Jet sont arrivés
sur le tarmac de l’aéroport
du Havre. Une foule d’amateurs
se presse contre les grilles. Le spectacle comble les mirettes. Aux côtés
des avions tricolores, de vieux coucous britanniques sont venus passer
la nuit en Normandie avant les 70
ans du D-Day. Un Spitfire Mark 9,
construit en 1944, est sur zone. Il a
connu juin 1944 et revient pour
rendre hommage à la Royal Air
Force. Son pilote est ému, fier. Et
c’est peu dire que les pilotes français le sont aussi. « C’est une grande
fierté pour nous de pouvoir être présent
pour les commémorations du 70e anniversaire du Débarquement. Une très
grande fierté de faire une démonstration face à nos glorieux anciens, nos vétérans », s’enthousiasme le capitaine
Benjamin Chanat.
Dans l’escadron, il est Athos 3, le
pilote de l’appareil évoluant à l’intérieur gauche de la formation. Avec
sept autres Athos, dont un leader, il
survolera Ouistreham ce vendredi. Pilote de chasse sur Mirage F1CR en Afghanistan, en Libye ou
encore en Centrafrique, il démarre
sa première année à la PAF. « C’est
un rêve d’enfant et l’aboutissement d’une
carrière. Et, là, c’est une célébration très
particulière. C’est un honneur en tant
que militaire, de représenter le drapeau
tricolore durant ces journées. »
Pour les Athos, les célébrations ont
aussi une saveur particulière cette
année. 2014 correspond au centième anniversaire de la première
mission aérienne militaire, au 80e
anniversaire de la naissance de
l’armée de l’air et au 70e anniversaire de la disparition d’un commandant de renom : Antoine de
Saint-Exupéry.
Au moment de tracer le drapeau
bleu blanc rouge dans le ciel audessus des dix-neuf chefs d’États,
à près de 800 km/h, les Athos n’auront pas le temps de penser au
passé. Ils doivent être au top de la
concentration.
Retour le 4 octobre
Surtout que, comme chaque année,
les formations ont été revisitées et
seront présentées demain à Arromanches, à 15 h 25. Durant 23
minutes, la Patrouille de France va
dérouler sa série 2014, entre « diamant », « Concorde », « losange »
et autre « canard », slalom et croisement. Ou encore, la nouvelle
« boucle en Apollo », imaginée en
l’honneur des parrains 2014 de la
PAF, les spationautes Patrick Baudry et Jean-Loup Chrétien.
« Ici, je me sens chez moi »
Seule la météo pourrait venir jouer
les trouble-fête. Si le plafond est en
dessous de 1 000 pieds (environ
305 mètres), les Alpha Jet restent
au sol. « Au-dessus, nous pouvons adapter la formation », rassure le capitaine Yannick Quichaud, en charge
de la communication. « Mais on espère pouvoir terminer sur un magnifique
éclatement final », sourit Athos 3.
L’impressionnante série piquer des
avions en un demi-cercle parfait.
Pour ceux qui n’auront pas les yeux
rivés sur le ciel normand aujourd’hui et demain, une session
de rattrapage est prévue le 4 octobre à Sainte-Adresse . Il sera
question, cette fois encore, de commémoration. Mais de la Grande
Guerre…
ANTHONY QUINDROIT
[email protected]
Souvenirs. David Mylchreest est le symbole vivant des liens qui unissent, depuis soixante-dix ans, la région à ses
libérateurs. Ce vétéran de l’armée anglaise a eu le coup de foudre pour la Normandie et particulièrement le sud de l’Eure.
«Ç
a ne s’arrête pas ! » Aucune trace d’exaspération dans cette exclamation. Juste de
l’étonnement amusé. Celui de
David Mylchreest, alerte nonagénaire anglais installé depuis des
années dans le sud de l’Eure. Ce
sujet de Sa Majesté a toujours du
mal à comprendre pourquoi il est
sous le feu des projecteurs braqués sur la Normandie ces derniers jours, 70e anniversaire du
Débarquement oblige. « Cet aprèsmidi [lundi, Ndlr], je dois encore me
rendre à Caen pour une cérémonie »,
continue l’ancien combattant.
VÉTÉRAN
En cette période de célébration
du D-Day, David Mylchreest, 90
ans, est très sollicité. Son uniforme
de l’armée britannique, sur lequel
sont épinglées ses décorations et
médailles, est à portée de main.
Presse, médias et organisateurs de
manifestations commémorant le
Débarquement s’arrachent le vétéran de la bataille de Normandie
qui a élu domicile à NeauflesAuvergny.
Anglais de naissance, Normand
d’adoption et de cœur, David
Mylchreest symbolise à lui seul
les liens si particuliers qui se sont
tissés depuis soixante-dix ans entre
cette région et ses libérateurs.
Les invitations pour les cérémonies sont arrivées à foison. Hier
jeudi, il était aux côtés de François
Hollande et de la reine Élisabeth
II à l’ambassade britannique, à
Paris.
REINE D’ANGLETERRE
Aujourd’hui vendredi, David Mylchreest retrouvera le président
français au mémorial de Caen.
Cet après-midi, le vétéran aura
même l’insigne honneur d’accueillir la reine d’Angleterre à son
arrivée à Ouistreham. Pourtant,
ce 6 juin 1944, David Mylchreest
était encore de l’autre côté de la
Manche. Son régiment avait pour
mission de surveiller les côtes anglaises dans l’éventualité d’une attaque allemande. C’est dans ce
joli sud anglais que ce jeune lieutenant de 20 ans - il s’est engagé
volontairement à 17 ans - a reçu
l’ordre de rejoindre la 43e division d’infanterie sur le front normand. Il débarque à Arroman-
ches le 12 juin, six jours après le
Jour le plus long.
peut finir sa phrase, la voix
étreinte par l’émotion. Puis, se ressaisissant : « La guerre, ça vous marque à jamais. » Toutefois, David
Mylchreest tient à rester réaliste :
« La guerre est une catastrophe, un
gaspillage énorme mais parfois, il est
nécessaire de la faire. Et j’ai dû la
faire, à certains moments de ma vie. »
LA BATAILLE
FAISAIT RAGE
« Quand nous avons débarqué à Arromanches, la bataille faisait toujours
rage, se souvient David Mylchreest. Bien sûr, ce n’était pas aussi
dur que les jours précédents, mais ça tirait beaucoup de partout. Caen n’était
pas encore libérée. » Il fera partie de
ceux qui arracheront Caen des
mains des Allemands, à l’issue de
deux jours d’un combat âpre et
meurtrier. Puis, David Mylchreest
et son régiment continueront leur
avancée vers le nord, jusqu’aux
Pays-Bas, en passant par la Belgique. La Seconde Guerre mondiale se termine, pour lui, à Elst,
en territoire néerlandais, près du
fameux pont d’Arnehm où il sera
blessé. Rapatrié en Angleterre, il
restera encore dans l’armée
jusqu’en 1953. Il en repartira avec
le grade de capitaine.
MOMENTS
DOULOUREUX
La bataille de Normandie, et plus
généralement cette Guerre mon-
LA PAIX
David Mylchreest
diale dans laquelle il s’est illustré
- elle lui vaut aujourd’hui de crouler sous les honneurs - David Mylchreest n’aime pas trop en parler.
Chez lui, les moments douloureux occultent facilement les faits
d’armes. De la bataille pour la libération de Caen, il n’a gardé que
le souvenir des 500 hommes qu’a
perdus son régiment, tués ou blessés. Parmi eux, des amis. « Ils
étaient si jeunes… », souffle-t-il. Il ne
Il n’est pas étonnant, dès lors, que
l’essentiel du message délivré par
David Mylchreest aux élèves, lors
des conférences ou rencontres
qu’il anime très souvent dans des
établissements scolaires, consiste
en la préservation de la paix, par
tous les moyens. La paix, David
Mylchreeest l’a trouvée sur la
terre qu’il a libérée en 1944. Il y a
posé ses valises. Entre la Normandie et lui, c’est une véritable histoire d’amour : « C’est peut-être difficile à croire pour tout le monde mais
j’aime la Normandie. Je me sens chez
moi ici. Je n’ai ni femme ni enfant,
mais j’ai la Normandie. Les membres
de ma famille, mes parents, des frères
et sœurs sont morts et enterrés en Angleterre. Moi, c’est ici que je veux être enterré ».