Anesthésie en urgence et estomac plein
Transcription
Anesthésie en urgence et estomac plein
Anesthésie en urgence et estomac plein Benoît Plaud Université Paris-Diderot Assistance Publique – Hôpitaux de Paris Anesthésie, réanimation chirurgicale GHU Saint-Louis, Lariboisière, Fernand Widal, Paris, France [email protected] Chirurgie en urgence et mortalité Le degré d’urgence de la chirurgie (jours, heures ou sans délai) impacte fortement sur la mortalité postopératoire OR de 1,7 à 3,2 pour un risque de base à 4% Vonlanthen et coll. Lancet 2012; 380: 1034–6 Pearse et coll. Lancet 2012;380:1059–65 Enquête "mortalité" Sfar Inserm L’absence de séquence d’induction rapide était fréquente dans les cas analysés. En matière d’induction la technique d’AG chez les personnes suspectes d’occlusion était inappropriée Intubation sans curare Doses élevées d’agents anesthésiques Intubation avec un curare non dépolarisant Auroy Y et coll. Ann Fr Anesth Reanim 2009;28:200-5 Pronostic de la chirurgie abdominale en urgence Age (ans) < 60 60-69 70-79 > 80 8 25 62 85 Cancer (%) 1,2 14,2 21,2 26,0 Mortalité (%) 0,0 3,5 8,0 21,4 ASA II-III (%) Reiss et coll. Int Surg 1989;74:93-6 Pensez à l’ambulatoire, toujours, même dans l’urgence! Franck et coll. Ann Fr Anesth Reanim 2013;32:392-6 Beaussier et coll. Ann Fr Anesth Reanim 2013;32:384-5 Ambulatoire & urgences Franck et coll. Ann Fr Anesth Reanim 2013;32:392-6 Le pré requis La réanimation pré-opératoire (ne retarde pas le geste chirurgical) La vidange gastrique La pression cricoïdienne La pré oxygénation Evaluation Déshydratation Hypovolémie Critères cliniques Critères de monitorage hypotension, FC, oligo-anurie, soif, pli cutané Invasifs ou non ± critères biologiques NFS, Ht, créatinine, iono S, GdS, biomarqueurs… Mise en condition initiale Voie(s) veineuse(s) Aspiration gastrique Sonde urinaire Oxygénothérapie Correction de la volémie Correction équilibre électrolytique Cristalloïde, macromoélcules K+ Efficacité thérapeutique Clinique + monitorage + biologie Passage au bloc opératoire sans délai Trois dénominations pour un même concept Induction en séquence rapide Anesthésie pour estomac plein Crush induction Syndrome de Mendelson ou inhalation du contenu gastrique Mendelson. The aspiration of stomach contents into the lungs during obstetric anesthesia. Am J Obstet Gynecol 1946 Quels sont les patients à risque d’estomac plein ? Ou Quelles sont les situations cliniques où l’induction en séquence rapide est requise ? En pratique : erreur de jugement dans 40% des cas d’inhalation 133 inhalations : 10 principaux facteurs n (%) Urgence 31 (23) Trendelenburg 8 (6) Anesthésie trop légère 18 (14) V° masque prolongée 8 (6) Pathologies abdominales 17 (13) RGO 7 (5) Obésité 15 (11) Hernie hiatale 6 (5) Morphiniques avant l’induction 13 (10) Autres 31 Troubles de conscience 10 (8) Kluger et coll. Anaesthesia 1999;54:19-26 La séquence d’induction rapide hypnotique Pré O2 (3 min) Perte de conscience FeO2 > 85 % T0 10 N Laryngoscopie Intubation Ballonnet gonflé 3 capnogrammes Suxi T0 + 30 sec T0 + 90 sec 30 N Manœuvre de Sellick T0 + 150 sec Pré oxygénation : en pratique Ventilation spontanée 3 min, FiO2 = 1,0 Hamilton et coll. Anesthesiology 1955;16:861-7 Circuit machine, étanche Monitorage FteCO2 FteO2 (>90%) La pré oxygénation Total CRF Sang Tissu Campbell et coll. Br J Anaesth 1994;72:3-4 Facteurs de risque de désaturation Benumof et coll. Anesthesiology 1997;87:979-82 La Manœuvre de Sellick But Prévenir l’inhalation du contenu gastrique lors de l’induction en augmentant la pression du sphincter supérieur de l’œsophage Limite Pas d’étude clinique de bonne qualité démontrant son efficacité Historique Cricoid pressure to control regurgitation of stomach contents during induction of anaesthesia Sellick. Lancet 1961;2:404-6 La Manœuvre de Sellick Où? Comment? Main dominante Pouce et majeur fixent le cartilage sur la ligne médiane Index exerce une pression perpendiculaire à l’axe du rachis ± 2nde main sous le rachis Quand? En avant du cartilage cricoïde En arrière du corps vertébral de C6 Début avant l’induction Fin après l’intubation en place et ballonnet gonflé Quelle pression? Quelle pression appliquée ? Avant la perte de conscience PC de 10 Newtons > 20 newtons : douleur, réflexe de toux, régurgitation Dès la perte de conscience PC de 30 Newtons > 40 newtons : obstruction VAS, difficulté d’intubation, fracture cartilage cricoïde A quoi correspond des pressions de 10 et 30 N ? Manœuvre de Sellick. Simulateur Seringue de 50 mL obturée et remplie d’air Disponible dans chaque SOP Flucker et coll. Eur J Anaesthesiol 2000;14:443-7 10 20 30 40 40 38 33 30 La Manœuvre de Sellick augmenteelle la difficulté d’intubation? P.C. 30N Contrôle n Echec 1er essai (%) 344 4,4 356 3,7 Durée d’intubation médiane (s) Cormack (%) I II III Mobilisation larynx (%) 11,3 67,7 29,1 3,2 12,5 10,4 * 65,7 30,9 3,4 2,5 * * PC (p < 0,001) ; durée essai = 30 sec ; double aveugle, TAS Turgeon et coll. Anesthesiology 2005;102:315-9 En pratique Manœuvre simple et facilement réalisable Peu de risques si elle est bien effectuée Nécessité d’entrainements répétés pour exercer la bonne pression Pas d’efficacité prouvée en terme de mortalité Faut-il continuer de pratiquer la manœuvre de Sellick ? Les médicaments Hypnotique Curare Morphinique Controverse, bruit de fond, sur l’inocuité de l’étomidate Chez le patient septique Chez le patient cardiaque pour une chirurgie non cardiaque Legrand et coll. Anesth Analg 2013;117:1267-9 Quel agent d’induction ? Délai d’installation court (< 60 s) étomidate, kétamine, propofol Benzodiazépine : NON Si hémodynamique instable kétamine (2 – 3 mg/kg) ± étomidate (0,3 mg/kg) Quel curare? 1. Délai d’action court (≤ 1 min) 2. Excellentes ou bonnes conditions d’intubation dans 100 % des cas 3. Durée brève ( 10 min) 1+2+3 = succinylcholine Dose Adulte 1 mg.kg-1 (poids réel) Rocuronium, vécuronium vs succinylcholine Rocuronium Dose (mg/kg) Vécuronium Succi. 0,6 0,9 1,2 0,1 1,0 Délai (min) 1,5 ± 0,6 1,3 ± 0,5 0,9 ± 0,2 2,4 ± 0,7 0,8 ± 0,3 Min - Max (min) (0,8 – 2,6) (0,8 – 2,4) (0,6 – 1,4) (1,6 – 3,4) (0,8 – 1,1) T125 (min) 37 ± 15 53 ± 21 73 ± 32 41 ± 19 9±2 Min - Max (min) 23 - 75 25 - 88 38 - 150 17 - 82 5 - 14 Magorian et coll. Anesthesiology 1993;79:913-8 Le rocuronium 100 % de patients 80 60 Propofol 2,5 mg/kg Laryngoscopie 50 s après le curare Pression cricoïdienne Inacceptables Acceptables 40 20 0 Roc. 1 mg/kg n = 133 Sux. 1 mg/kg n = 139 Andrews et coll. Acta Anaesthesiol Scand 1999;43:4-8 En pratique En 2014, en France, la succinylcholine reste le curare de première intention. En cas de contre-indication absolue Rocuronium dose élevée 0,9 - 1,2 mg/kg poids théorique CI à la succinylcholine Antécédent personnel ou familial d’HM Fragilité musculaire Hyperkaliémie ou situations à risque d’hyperkaliémie (dérégulation haute) Myopathie, myotonie (rhabdomyolyse) Brûlures étendues Paraplégie, hémiplégie, dénervation ( > 48 h ) Allergie documentée à la succinylcholine Déficit en butyrylcholinestérases Plaud et coll. Ann Fr Anesth Réanim 2002;21:247-8 Et le morphinique ? Contre Effet émétisant, fréquence des vomissements de la durée d’apnée Pour de la réponse hémodynamique à l’intubation Eclampsie HTIC, HSA de la qualité des conditions d’intubation Réveil : risque d’inhalation 40 Risque global : 67 / 215 488 ou 1 / 3 216 Inhalation (n) 30 20 10 0 Avant induction Ventilation au masque Laryngoscopie Réveil Warner et coll. Anesthesiology 1993;78:56-62 En urgence le risque est X par 4! Classe ASA Programmée Urgence Valeur de P I 1 / 9 229 1 / 2 949 0,319 II 1 / 7 494 1 / 1 679 0,043 III 1 / 2 397 1 / 552 < 0,001 IV et V 1 / 1 401 1 / 343 0,066 Total 1 / 3 886 1 / 895 < 0,001 Warner et coll. Anesthesiology 1993;78:56-62 Les grandes idées Situation à risque de complication mettant en jeux le pronostic vital (enquêtes Sfar-Inserm et ESA) Les fondamentaux Vidange gastrique Pré oxygénation Pression cricoïdienne La séquence Sellick, hypnotique et succinylcholine reste une bonne pratique clinique en accord avec les données acquises de la science.