Murray, l`autre cannibale
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Murray, l`autre cannibale
96 Notre sélection TENNIS Le Journal de l’Île Murray, l’autre cannibale APRÈS TROIS MOIS D’EXERCICE cadenassés par Nadal, seul l’Écossais semble en mesure de tenir le rythme. Ça va chauffer sur terre ! Au terme d’un premier trimestre marqué par la gloutonnerie de Nadal et la voracité de Murray, le circuit débarque sur la terre battue avec le sentiment que s’ouvre une ère nouvelle. Federer en proie à de gros doutes existentiels, Djokovic parfois raplapla, le numéro 1 mondial incontesté Rafael Nadal devrait étendre les limites de son empire en gambadant sur l’ocre, sans que l’on sache encore si l’Écossais sera en mesure de surfer sur son élan sur une surface qu’il n’a pas encore apprivoisée. Dans ce nouvel ordre mondial, les Français, volontaires, mais pas encore étincelants, ont toujours leur mot à dire. mondial ? Frustration énorme face au constat de la petite déchéance qui arrive inexorablement ? Jeune tigre râleur puis champion zen et inarrêtable, le mythique Federer accède à une nouvelle phase de sa carrière dont il n’a visiblement pas encore intégré tous les codes de fonctionnement. Le meilleur joueur de l’histoire du jeu, entièrement dévoué dans cette quête de perfection, doit apprendre à frayer avec le commun des mortels et à louvoyer avec les affres du quotidien. Adepte du coach partiel (Higueras) ou de l’entraîneur au bout du fil (Roche), aujourd’hui en compagnonnage avec l’entraîneur Et si, stupéfaction, il se prenait les pieds dans le tapis ocre ? Il l’a avoué luimême à Miami lors de sa défaite, un problème d’ordre privé le tarabuste. On a donc ressorti des placards une rumeur sortie par un tabloïd anglais après le dernier Wimbledon : des parents au bord du divorce. Plus sérieux : qu’en est-il de cette tendinite au genou droit qui l’avait offert en pâture à Murray à Rotterdam et privé ensuite de Dubaï ? Mais après cette parenthèse, il a pu décrocher son treizième trophée en Masters 1000. Tout semble baigner à nouveau, même si les échéances prochaines vont peser lourd en année (1987) à une semaine d’intervalle (en mai) – n’étaient pas encore assez mûrs, surtout l’Écossais, à maturation plus lente que celle du Serbe. Et puis, crac. Federer s’est emberlificoté les pieds au moment même où Murray trouvait les bons appuis. Cela s’est produit, en dépit des apparences, en finale de l’US Open 2008, lors de la dernière victoire du Suisse en Grand Chelem, la première finale du Britannique dans un tournoi de cette catégorie. Depuis lors, c’est «Rodgeur » qui pleure et Andy qui rit. De se voir si beau dans un miroir où son reflet occupe royalement la place de 1er dauphin. Murray est le seul à avoir rem- d’Australie pour ses deux leaders (Gilles Simon et Jo-Wilfried Tsonga) ; deux titres dans la foulée pour le grand Jo (Johannesburg et Marseille) ; une intronisation dans le top 10 pour Gaël Monfils (le 23 février), quelques jours avant une finale sur terre battue à Acapulco ; et une reprise porteuse d’espoirs pour le convalescent Richard Gasquet (deux demies à Brisbane et Sydney, suivie d’une défaite homérique contre Gonzalez à Melbourne). La Coupe Davis a brutalement freiné cet essor, né d’une grande année 2008 (deux Français qualifiés pour le Masters – du jamais vu depuis décembre 1986). Le seul à avoir gardé le cap est Tsonga : surpuissant face à Stepanek en Coupe Davis, quart de finaliste à Miami, il n’a connu qu’un seul réel faux pas, à Indian Wells (3e tour, contre Andreev). Les trois autres ont en revanche déraillé ou fait du surplace. Simon a perdu ses deux simples face aux Tchèques avant de caler sur le versant US. Monfils n’a pas joué à Ostrava, mais a connu la même baisse de régime en Californie, puis en Floride. Quant à Gasquet, il a enchaîné sa défaite en double avec Llodra par un échec au troisième tour d’Indian Wells, puis un forfait à Miami. L’épaule en vrac, il s’est mis en mode « pause ». Il pourrait profiter de la saison sur terre battue pour réamorcer sa marche en avant au classement : inexistant à la même époque l’an dernier, il n’a pratiquement aucun point ATP à défendre jusqu’au début de la saison sur gazon. QUE VA CHANGER LA TERRE BATTUE ? Voici pour l'instant l'homme fort de l'année en compagnie de Rafael Nadal, Andy Murray est à créditer d'un mois américain exceptionnel. FEDERER VA-T-IL DANS LE MUR ? Un homme couvert de gloire qui ne peut réfréner ses pleurs en public en deux occasions (en mondiovision en finale à Melbourne et dans le confessionnal de la salle de presse à Miami) ne peut pas être au sommet de sa forme. Évidemment, le Suisse, fébrile, va mal. Dans les fins de tournoi, il termine ses matches de manière totalement sidérante et n’a plus seulement une bête noire (Nadal), mais deux, voire trois. L’ancien numéro 1 mondial n’a gagné aucune de ses six dernières rencontres face à ses compagnons du top 4 (Nadal, Murray, Djokovic). Plus que ses défaites – l’âge aidant, il était évident qu’il ne pourrait plus exercer une domination sans partage sur le circuit –, c’est la manière dont elles affectent le Suisse sur et en dehors des courts qui interpelle. Qu’est-ce qui cloche dans le monde jadis si policé du ténor bâlois aujourd’hui briseur de raquette ? Manque de discernement sur l’objectif à suivre : quatorzième Grand Chelem à gagner ou reconquête de la place de numéro 1 suisse de Coupe Davis Severin Luthi, apparemment pas très interventionniste, il devrait aussi remettre en cause sa manière de travailler. Un coach à plein temps ? Tout le monde le pense très fort... NADAL VA-T-IL REDESCENDRE SUR TERRE ? «Froid, moi ? Jamais !» Nadal, chaud bouillant cet hiver, pourrait faire de la pub pour Damart. Il connaît le meilleur début d’année de sa carrière avec déjà deux titres sur dur pour le premier trimestre. Son ratio victoires-défaites, 24/3 (battu à Doha par Monfils, par Murray à Rotterdam, et Del Potro à Miami) est éloquent. On l’attendait au tournant de cette nouvelle saison d’après l’accession au trône de numéro 1 et il répond présent. Il détient en ce moment trois titres de tournoi du Grand Chelem sur trois surfaces différentes, un exploit unique dans toute l’histoire du tennis. Ce n’est pas maintenant qu’il arrive dans son jardin – la terre battue – que le Majorquin devrait ralentir son train d’enfer. terme de points au classement (près de la moitié de ses points jusqu’au lendemain de Wimbledon). Il est vrai que son dauphin – Federer – a d’ores et déjà renoncé à ceux de sa finale de MonteCarlo l’an passé. Bonne nouvelle, pour un Nadal qui devra bien un jour mettre un terme à sa boulimie, même sur terre. D’ailleurs il se murmure qu’il pourrait, ô surprise, faire l’impasse sur le nouveau Masters 1000 de Madrid. Un tournoi dur (96 joueurs), de surcroît en légère altitude (700 mètres) et trop près de RolandGarros (6 jours). Comme quoi, même pour l’homme toujours invaincu sur terre battue en trois sets gagnants, le scénario n’est pas simple. MURRAY EST-IL LE NOUVEAU DAUPHIN ? On imaginait voir durer la rivalité entre Federer et Nadal au moins aussi longtemps que celle qui unit Sampras et Agassi pour toujours. Avec l’impression que si Djokovic et Murray pouvaient jouer les trouble-fêtes, les deux faux jumeaux du tennis – ils sont nés la même porté trois titres en 2009. Auteur d’un excellent premier trimestre, l’élève Murray ne s’est incliné que face à Nadal et Verdasco. Depuis sa défaite contre Nadal en quarts de finale de Wimbledon, il n’a perdu que sept matches ! Ses faceà-face avec les trois joueurs qui le précèdent – encore – au classement ATP sont éloquents. Face à l’Espagnol, Murray a remporté deux de leurs trois dernières confrontations. Contre « Djoko », depuis sa défaite à Monte-Carlo en 2008, il a enchaîné trois succès. Enfin, contre Federer, sa domination est encore plus éclatante. Depuis sa défaite en finale de l’US Open 2008, Murray s’est imposé quatre fois de rang... LES « NOUVEAUX MOUSQUETAIRES » MARQUENT-ILS LE PAS ? Oui, depuis cinq semaines. Plus précisément depuis le premier tour de Coupe Davis, contre la République tchèque, à Ostrava. Jusque-là, la nouvelle génération de Frenchies avait fait le boulot, et plutôt bien : quarts de finale à l’Open L’an dernier, la transition dur-terre n’avait en aucun cas bouleversé la hiérarchie. Tous les cadors avaient répondu présent, Nadal en tête qui remettra (sans gros soucis) son titre en jeu de monstre quasi-invincible, seulement terrassé par une énorme ampoule à Rome face à Ferrero. Mais en 2008, à ce stade de l’année, Murray, 20e mondial, n’avait pas encore atteint le sommet, et l’une des questions passionnantes de ce trimestre à venir le concerne : le Britannique, qui n’a encore jamais atteint les quarts de finale d’un tournoi sur terre battue, pourra-t-il s’acclimater à cette surface particulière ? Lui qui a fait ses armes entre quinze et dix-sept ans, à Barcelone, et dont l’obsession était de battre Nadal, pourra-t-il exaucer ses rêves ? Si oui, l’Écossais de nouveau cornaqué par l’Espagnol Alex Corretja (finaliste de Roland-Garros en 1998 et 2001) aurait toutes les chances de lorgner sur la deuxième place du classement. Parmi les autres débats potentiels, on s’interrogera aussi sur les facultés terriennes d’un Tsonga jamais vraiment testé sur le tapis ocre depuis ses jeunes années, ou les capacités d’un Verdasco qui n’a aucune raison apparente pour ne pas étrenner là aussi son nouveau potentiel physique au plus haut niveau. Sans surprise, Andy Roddick, qui a décidé de convoler avec son élue au printemps, ne se mêlera pas à la lutte, limitant son programme au seul Roland-Garros. Mais Monfils, demi-finaliste à Paris l’an passé, pourrait profiter de l’occasion pour s’installer confortablement dans le top 10. Dossier réalisé par la rubrique tennis