RACINES206 - Avril 2010

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RACINES206 - Avril 2010
Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous
Par Christine Grandin
et Catherine Baty
Passion
livres !
Retrouvez le
thème de ce
dossier sur RCF
ission de
Vendée dans l’ém
Pr
r,
ie ise directe,
Françoise Cheval
11 h à 12 h.
lundi 12 avril de
Daniel, spécialiste des livres anciens.
Il était bouquiniste à Niort.
Un collectionneur d'ouvrages rares, une relieuse qui redonnent
vie aux pages anciennes, une libraire qui renoue avec le plaisir
de la rencontre : tous ont un point commun, ils adorent les livres !
À Parthenay
Daniel collectionne les curiosités
a mère qui ne savait ni
lire, ni écrire, voulait que
j'y arrive ! Elle a commencé à m'acheter les œuvres complètes d'Alexandre Dumas et de Victor
Hugo quand j'avais sept ou huit ans !”
En ce qui concerne les livres, Daniel
Muller, 60 ans, revient de loin… Et
depuis l'enfance, il considère “qu'ils
ont une âme”. “Quand vous avez entre
les mains des parchemins de François1er, des éditions originales d'Érasme
ou de Tiraqueau (ami de Rabelais),
c'est quelque chose ! Ça vient de tellement loin dans le temps. L'émotion
est là!” Longtemps spécialiste des livres
anciens, du XVe au XVIIe siècles, il a
“M
revendu l'an dernier, les quatre cents
plus beaux fleurons de sa collection,
dont certains valaient plusieurs milliers d'euros. Mais ce n'est pas vraiment la valeur marchande qui mène
la barque de la passion livresque de
Daniel. Plutôt une curiosité insatiable,
boulimique même, qui lui fait collectionner livres, objets, tableaux, statuettes, gravures ou porte-clés à
l'effigie de Pollux !
“Je sais déchiffrer le français ancien
et je traduis le latin. C'est avec l’expérience que j'ai acquis des connaissances, et puis j'ai des amis libraires
qui m'ont beaucoup aidé.” Il avoue
cependant des préférences : les
RACINES
12
ouvrages sur les fous – “du roi et les
autres, sans doute parce qu'ils ne sont
pas si fous que ça et plutôt intelligents”
– sur ou de Jacques Mesrine ou sur
l'affaire Petiot, sur les pirates ou les
bagnards, sur les colonies et les
négriers et pas mal de bouquins sur
l'ésotérisme aussi. “Journaux intimes,
biographies, récits de vie ou de plaidoiries, je ne lis jamais de romans, je
préfère le vécu, le vrai…” Vous l'aurez compris, Daniel aime “ce qui sort
de l'ordinaire”.
Cela ne l'empêche pas, aujourd'hui
encore, d'être consulté en expert, partout en France, par beaucoup de collectionneurs de tout poil. Il faut dire
avril 2010
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Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous
À Saint-Florent-le-Vieil
s.
t.
que pendant dix-huit ans, il fut un des
libraires-bouquinistes les plus connus
sur la place niortaise, rue Basse, à l'enseigne du Triboulet (1). Il y a stocké
jusqu'à 100 000 ouvrages. “J'ai toujours recherché dans les brocantes,
aux puces de Saint-Ouen, dans les
vide-greniers, les livres anciens d'érudition, de sciences, des incunables et
leurs enluminures (livres écrits à la main
avant l'imprimerie), les premiers écrits
des auteurs de la région, les anciens
Atlas ou précis de géographie.” Des
raretés qui racontent à leur façon, la
grande Histoire, celle qui nous a précédés. “Quelquefois je trouve par
hasard : j'ai longtemps cherché une
ordonnance du Docteur Petiot (criminel célèbre du XXe siècle), je l'ai trouvée sur internet chez un gars qui
habitait dans l'Yonne.”
Comme on ne se refait pas, Daniel,
qui vit aujourd'hui à Parthenay, bien
qu'à la “retraite”, continue d'écumer
les librairies spécialisées, les brocantes
en Deux-Sèvres, en Vendée ou dans
la Vienne, pour trouver la perle rare.
Il est aujourd'hui président de l'association qui gère le Bric-à-Brac de la
gare et qui remet debout des personnes en rupture de ban, en les
employant pour des travaux d'intérêt
général(2). Il récupère avec son équipe,
un peu à la manière d'Emmaüs. “La
curiosité, le bazar, fouiner, dénicher,
j'aime bien. Quand j'ai "débarrassé"
les Dominicains à Poitiers, je suis resté
trois semaines parmi les livres et les
documents. J'étais heureux…”
Mais le métier de bouquiniste, à
son avis, a bien changé : “la rareté
pas chère, on n'en trouve plus. Tous les
livres rares ou précieux se vendent
maintenant en salle des ventes. Et
puis, on va de moins en moins trouver de bouquins d'époque : ils étaient
tirés à 200 exemplaires, donc il n'en
reste pas beaucoup qui circulent
aujourd'hui …”
C. G.
Pour le contacter : 05 49 71 05 35.
(1) De son vrai nom Févrial ou Le Feurail (né
vers 1479, mort vers 1536), paysan devenu
Fou du roi sous Louis XII et François 1er.
(2) TIG : sanction pénale de substitution à l'emprisonnement.
Plus qu'une librairie…
Michèle
Germain
a créé
ParChemins,
une librairie
où l'on
vient aussi
pour une
pause goûter.
epuis longtemps, j'avais
cette idée dans un coin
de ma tête”. En 2008,
Michèle Germain créait ParChemins
à Saint-Florent-le-Vieil. Dans cette
librairie au cadre un peu atypique,
elle vit au milieu des livres, mais aussi
des petits biscuits, des photos, d'œuvres d'artistes. “Je voulais que ce lieu
soit ouvert et multiple”, explique
l'Angevine, originaire de Belligné.
Il y deux ans, Michèle perdait son
emploi dans une association locale.
“J'ai pris ce licenciement comme
l'opportunité de faire autre chose.
Plus jeune, j'avais hésité à m'orienter dans les métiers du livre, mais le
peu de débouchés m'en avait dissuadée…”, raconte-t-elle alors que
ParChemins est le fruit d'une mûre
réflexion. Sa librairie sera donc au
croisement de tout ce qu'elle aime :
les livres, l'échange, la convivialité,
les bords de Loire… Dans sa boutique, des rayonnages bouquins
pour adultes (romans, poésie,
beaux livres régionaux, sur la nature
ou le jardinage…), des titres pour
les ados, un coin douillet pour les
jeunes lecteurs… Mais aussi des
tables pour se poser avec un chocolat chaud, et des gourmandises
locales et originales (confectionnées
par des artisans ou produits par des
producteurs de Maine-et-Loire).
À Saint-Florent-le-Vieil, un local
“D
RACINES
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associatif (Fleur d’eau) libéré lui
offre un emplacement au pied de
l'imposante abbatiale. Les promeneurs du dimanche, les touristes de
passage poussent la porte de la
librairie : “Je rencontre vraiment tous
les profils : ceux qui ne viennent que
pour les livres, d'autres pour goûter
tranquillement, des touristes qui
n'auraient pas pensé acheter un
ouvrage sur la Loire…” Sa librairie
accueille toutes les générations,
qu'elles soient férues de littérature
ou non, des enfants et leurs instituteurs, des curieux détaillant une expo
en place. Régulièrement, des écrivains viennent ici à la rencontre du
public autour d'un thème (BD, polar,
histoire…). Michèle anime aussi un
cercle littéraire, ouvre son espace à
un café-tricot dominical. Les habitués attendent le programme du
mois comme des rendez-vous à ne
pas rater. Si Michèle avoue que sa
petite entreprise doit encore se
consolider, l'envie et le plaisir sont
déjà bien enracinés.
C. B.
Prochains rendez-vous : samedi 3 avril,
rencontre avec deux auteurs, Lise Tiffaneau
et Alina Roberts. Dimanche 4 avril : café-tricot. Vendredi 8 avril : atelier d’écriture.
ParChemins, 1 rue Charles-de-Renéville à
Saint-Florent-le-Vieil. Tél. 02 41 42 92 14
ou 06 75 03 04 70. Mail : [email protected]. Site : http://librairieparchemins.blogspot.com.
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En Vendée
Les livres sous toutes leurs coutures
l y a presque trente ans, AnneMarie Kadem installait son atelier
de relieuse sur l'île de Noirmoutier. Au 123 avenue Mourain, à L'Herbaudière. Elle est née dans la maison
d'à côté. L'océan est tout proche. La
mer fait partie de ses racines, même
si l'humidité de cet air iodé la fait
rager: une vraie galère pour ses livres.
Anne-Marie vit au milieu des pages
et des pages. Des ancestrales, des
attachantes, des plus banales. Son
travail : redonner de l'allure, embellir ou préserver. Elle est désormais la
seule relieuse professionnelle de Vendée. On lui apporte des ouvrages de
collection, de bibliophiles avertis ou
tout simplement des livres chargés
d'émotion et que leurs propriétaires
veulent conserver très spécialement.
Parce qu'ils sont dédicacés, parce que
le grand-père veut les transmettre à
ses descendants.
Anne-Marie doit parfois découdre
chaque page pour redonner forme à
l'ouvrage. Il faudra une dizaine
d'étapes successives. Réparer le
papier sans le dénaturer, presser les
pages qui se sont regonflées en les
décousant, rafraîchir les tranches,
marquer à la cisaille la gouttière,
pour, à nouveau relier les pages,
recoudre, coller le dos, l'arrondir au
marteau, renforcer, poncer… jusqu'à
I
l'ultime chapitre de ce
Anne-Marie Kadem
travail : la dorure. “C'est est relieuse sur l’île
la dernière étape qu'il ne de Noirmoutier.
faut pas rater”, lâche Un métier d’art
Anne-Marie, avec, en devenu rare.
mémoire, quelques
angoisses. Les lettres et
les fleurons sont apposés
à chaud et à la feuille
d'or sur le cuir de la couverture. Minutie et précision.
“La reliure est un métier
ancestral, les gestes que
je fais aujourd'hui sont les
mêmes qu'au MoyenÂge”, explique l'artisan
d'art qui est aussi créatrice. Quand complexe qu'on ne le croit. Du moins
le travail laisse une place à l’inspira- celui d’autrefois. Les façonnages
tion, elle recouvre les livres de actuels sont plus expéditifs. Pour
bateaux, d'arbres, de formes géomé- cette raison les livres se détériorent
triques en cuir. La mosaïque est la plus vite. “Regardez ce papier en
pur chiffon il n'a pratiquement pas
marqueterie de l'ébéniste.
Quelques ingrédients du métier bougé au fil des siècles. Comparez
ont évolué, les colles, les coloris des avec ce livre de poche déjà tout jauni
papiers de la page de garde (mar- et taché”, démontre Anne-Marie
brés, flammés…) ou des cuirs, mais avec regret…
l'essentiel reste immuable. Le relieur
C. B.
connaît le livre sous toutes ses coutures, même si parfois l'âge de l'ouvrage révèle des surprises. “Les gens Anne-Marie Kadem, 123 avenue Mourain-del'Herbaudière, 85330 Noirmoutier-en-l'Île.
pensent souvent que tout ça tient avec Tél. 02 51 39 31 76. Elle sera présente au
un peu de colle par-ci par-là !”, iro- salon du livre de Saint-Gervais (85) les 17 et
nise la professionnelle. L'objet est plus 18 avril.
RACINES
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