Alfred de la Chambre Bleue

Transcription

Alfred de la Chambre Bleue
Alfred de la Chambre Bleue
-Depuis cette aventure les villageois ne sortent plus la nuit.
Myriam ferma le livre des contes et posa l'ouvrage sur la table de chevet de son fils, Alfred.
-Allez c'est tout pour aujourd'hui tu devras attendre demain soir pour la prochaine histoire.
-Foutaises ! chuchota Alfred, à peine la porte de sa chambre fermée.
La prochaine histoire il la voulait maintenant et si personne ne souhaitait lui raconter il l’inventerait
lui-même. Dans son coffre à jouets, à côté de son lit, il sortit une épée en bois et se dirigea vers son
cheval à bascule.
-En avant Pégase ! On va les démonter ces fumiers !
Pointant sa lame vers le placard qui était en fait la maison d'une demoiselle en détresse il fit
cabrer Pégase bien déterminé à bouter les Playmobils qui encerclent la demeure de la dame. Alfred
mit rapidement pied à terre et entama un terrible combat, qui au vu du grand nombre de Playmobils,
paraissaient être des plus déséquilibrés. Alors figurine après figurine, ennemi après ennemi, son épée
frappait encore et encore, voyant au fur et à mesure la victoire se rapprocher. Toutefois malgré la
rage qu'il mettait à l'ouvrage le preux chevalier Alfred de la Chambre Bleue réprimait ses cris de
guerre, étouffait ses hurlements victorieux. Car en effet malgré la fièvre du combat il n'oubliait pas
que dans les tréfonds de la terre c'est-à-dire au rez-de-chaussée, demeurait un couple d'impitoyables
dragons qui, au moindre bruit faisaient irruption sur les terres du chevalier pour interrompre ses plus
belles batailles, ils se permettaient même parfois de lui confisquer son arme ultime : sa lampe à
imagination, sans laquelle il ne pouvait plus invoquer toutes sortes de créatures sur les murs.
Les Playmobils finalement vaincus, Alfred ouvrit la porte de la maison de la demoiselle
prénommée « Dame de la chambre d'à côté que j'ai volé à ma sœur ». Elle habitait dans cette maison
depuis longtemps. Et tout portait à croire qu'elle y habiterait encore pendant quelques temps. La
légende dit même que le chevalier de la chambre bleue ne pourrait faire sortir la Dame de sa
demeure qu'aux premières lueurs de l'hiver quand il serait temps pour lui de rejoindre les royaumes
enneigés afin de retrouver son cousin Ernest, grand mage des vacances de Noël.
-Oh ! De la Chambre Bleue vous m'avez sauvé la vie ! s'écria la dame, s'il-vous-plaît
emmenez-moi avec vous !
L'histoire aurait très bien pu s'arrêter là, Alfred chevauchant Pégase jusqu'à l'aube avec sa
demoiselle sur l'épaule, mais un terrible accident qu'aucune légende n'avait prédit obligea Alfred à
changer ses plans. En effet quelques jours auparavant Marianne la Maudite, qui était l'ancienne
propriétaire de la malheureuse demoiselle, avait joué un mauvais tour au Chevalier de la Chambre
Bleue. Un mauvais tour que nous ne développerons pas car, pour Alfred, la tâche de Ketchup était
encore trop fraîche sur son T-Shirt. Alors ni une ni deux ni rien du tout il arracha la tête de la Dame et
ne put réprimer un grand cri de joie. Euphorique, Alfred de la Chambre Bleue entreprit alors le
dangereux périple qui devait le mener jusqu'à la porte maléfique qui signifiait l'entrée dans le
territoire de Marianne la Maudite. Il traversa donc très lentement le long tunnel qui séparait les deux
Royaumes et à mesure qu'il approchait, une odeur méphitique vint lui titiller les narines.
- Le parfum de la dragonne, Marianne le lui aurait volé ? se demanda Alfred.
Ne pouvant supporter davantage cet air empoisonné il déposa rapidement la dame décapitée devant
la porte de la Maudite et entama le voyage de retour en courant, mais à mi-chemin :
- AAAAAAAAAAAAAHHH !
Il se retourna en entendant ce grand bruit. Diantre la maudite se tenait à quelques mètres de là.
- Alfred, je vais te buter. déclara Marianne.
Se préparant déjà à détaler Alfred lança, en guise d'ultime galéjade :
- C'est pas moi c'est les Playmobils !
Une poursuite infernale démarra alors. Dans la nuit des tunnels qu'ils connaissaient tous les deux par
cœur Alfred fut bien vite pris au piège et dût se résoudre à dévaler les escaliers au risque de
rencontrer le couple des dragons, Marianne la Maudite folle de rage ne réfléchit même pas et
entreprit également le voyage vers les enfers. Profitant de la totale obscurité des lieux Alfred se
cacha derrière une chaise et attendit. Au moment où il croyait avoir échappé à sa poursuivante il se
mit à sa recherche avec l'espoir de la prendre de revers. Il chercha partout, en vain. Quand il trouva
finalement l'ignoble Marianne il eut la surprise de la voir dans les bras du dragon, sauf que cette nuitlà contrairement à toutes les autres nuits où Alfred s'était fait prendre hors de sa chambre, le père
n'avait pas l'air d'un dragon, juste d'un père. Juste d'un père avec des valises à côté de la porte.
Alfred ne comprit pas tout. On lui dit qu'on l'aimerait comme avant et qu'en plus il aurait droit à deux
Noëls.
La porte se ferma rapidement sur le père et sur les deux valises. Avec en main une Barbie
décapitée et une épée en bois les enfants accompagnèrent leur mère dans l'ancien terrier des
dragons où tout trois finirent par s'endormir.
Depuis cette aventure les enfants ne sortent plus la nuit.