Fiche sur la loi

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Fiche sur la loi
LA LOI
PLAN :
I) Les Fondements de la LOI.
A- L’Essence de la Loi
B- La Diversité des Lois
C- La Loi Humaine: Nécessité, Obligation Morale
I) LES FONDEMENTS DE LA LOI
A- L’Essence de la Loi
a) Au sens commun : La loi est définie comme toute règle prescrivant une action
bonne ou mauvaise. La Loi est une certaine règle et une mesure des actes1.
La loi est appelée à régler les actes humains.
b) Après avoir donné une définition de la Loi selon le sens commun. St Thomas d’Aquin
va s’atteler à en donner une définition précise. Le point de départ de la réflexion de St
Thomas est que la Loi est avant tout une œuvre de la raison.
LA LOI = ŒUVRE DE LA RAISON
Pour cela, St Thomas rappel que la Loi est appelée à régler les actes humains (sens commun).
Or la règle suprême dans l’homme c’est la raison (qui voit la fin à atteindre et qui ordonne les
moyens d’agir par rapport à cette fin). Or la fin est le premier principe de toute action2…
d’où il suit que la Loi relève de la raison.
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Ia, IIae, qu.90, art.1 (Somme Théologique).
Détruire la fin ou la nier, revient à détruire l’action. Nul n’agit si ce n’est parce qu’il veut atteindre une fin
(exemple : boire, manger, se détendre, étudier…). La raison qui connaît la fin ordonne les moyens à prendre
pour atteindre cette fin, autrement dit elle montre à la volonté le chemin raisonnable d’atteindre la fin
proposée. La raison est à ce titre, la règle suprême dans l’agir de l’homme. La volonté, chez l’être humain, n’est
mue que grâce à l’objet rendu connu par la raison (« Nisi volitum, nisi praecognitum » = Rien ne peut être
voulu, qui n'ait fait l'objet d'une connaissance préalable).
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LA LOI = NORME D’ACTION PROPORTIONNE A UNE FIN
L’homme agit toujours en vue d’une fin et en vue d’un but. Essentiellement, la nature
humaine a été créée pour deux fins bien précises : une fin (ou un bonheur) naturelle (qui
correspond au « bien vivre » en société) et une fin surnaturelle (qui correspond à jouir de Dieu
dans l’éternité). En Philosophie, la Fin joue le rôle de principe suprême : cela signifie que
l’agir de l’homme sera spécifié et déterminé en fonction de la Fin qu’il s’est fixé.
A ce titre, tout acte posé par l’homme est en proportion avec la fin qu’il s’est fixé (exemple :
si je veux me déplacer rapidement de Paris à Montpellier, je choisirais soit le train soit
l’avion… ainsi de suite pour tous les actes humains). De même que les actes humains sont
proportionnés par la fin et sont posés en vue d’obtenir cette fin ; la Loi se propose elle aussi
de guider les actes humains et de donner une règle précise en vue d’une fin politique (le
bonheur de l’homme en société).
PS : Pour information, on distingue généralement dans les actes humains deux moyens qui
préparent et guident l’action :
-
Un moyen intrinsèque : appelé VERTU (disposition à bien agir et qui rend
l’homme bon).
Un moyen extrinsèque : LA LOI
Ces deux moyens (VERTU et LOI) doivent permettre à l’homme d’agir bien et d’atteindre
leur but à tous les niveaux.
ACTE
LOI
FIN
(moyen extrinsèque)
VERTU
(moyen intrinsèque)
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LA LOI = EN VUE DU BIEN COMMUN
La Loi a pour but de servir le « Bien commun », c’est à dire ce qui est Bien pour l’ensemble
des individus vivant dans la Cité politique. La Loi ne peut pas servir des intérêts personnels
ou des intérêts d’un lobby, sans quoi elle en perdrait par le fait même le titre de Loi, tout au
moins pourrions nous l’appeler par analogie une Loi mauvaise ou tyrannique.
La Loi est donc au service du Bien Commun. De même que l’homme en tant qu’individu a
une perfection à atteindre, ainsi l’homme a aussi un rôle et une perfection à atteindre en
société : c’est le rôle de la loi de diriger les actes de ses sujets vers la perfection commune ou
le bien commun. Chaque individu, dans une société, est la partie d’un tout et est dirigé par la
fin du tout (le bien de la communauté) par la Loi.
LA LOI = PROMULGUEE PAR L’AUTORITE
La Loi n’est pas réglée par l’intelligence de n’importe qui mais de celui qui seul représente la
communauté toute entière et qui œuvre pour la fin de cette communauté : c’est le Chef de la
Société (Président, l’Etat, l’autorité légitime…)
En outre, cette Loi pour qu’elle s’applique aux sujets doit être promulguée ou rendue visible à
tous. Une loi de tiroir n’est pas une loi, elle ne reste ordonnée au bien commune que de
manière éloignée (comme une armure de musée est ordonnée à la bataille…)
Si l’on reprend donc les différents critères que St Thomas d’Aquin donne à la Loi, nous
pouvons tirer une définition de la LOI :
Définition : La Loi est :
-
Une ordonnance de la raison (cause formelle)
En vue du bien commun (cause finale)
Sous l’impulsion de l’autorité légitime (cause efficiente)
Promulguée, rendue officielle (cause matérielle)
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B- LA DIVERSITE DES LOIS
a) La Loi Eternelle : la Sagesse Divine prévoyant toutes choses
La Loi Eternelle est l’ordonnance par laquelle la divine sagesse (Dieu) dirige tous les êtres à
leur fin qui leur est propre. Ou autrement dit, la Loi Eternelle est celle qui dicte les règles qui
doivent diriger l’univers vers le bien commun.
b) La Loi Naturelle
La Loi naturelle est une participation de la loi éternelle dans la créature raisonnable.
La Loi naturelle est la loi inscrite dans notre nature humaine et que la raison forme. La
loi naturelle n’est rien d’autre que la lumière de l’intelligence mise en nous par Dieu ; par
elle, nous connaissons ce qu’il faut faire et ce qu’il faut éviter.
La loi naturelle est écrite et gravée dans l’âme de tous et de chacun des hommes parce qu’elle
est la raison humaine ordonnant de bien faire et interdisant de pécher3. Cette loi est dite
naturelle non pas en référence à la nature des êtres irrationnels, mais parce que la raison qui
l’édicte appartient en propre à la nature humaine.
La raison saisit, sous la poussée des inclinations physiques l’ordination de la nature humaine à
des fins déterminées. Tous les Hommes connaissent les principes de la Loi naturelle : les
premiers principes dans l’ordre de l’intelligence (principe de non contradiction4), dans
l’ordre moral (principe de syndérèse). Certains hommes peuvent toutefois ignorer certains
de ces principes : à cause de leur aveuglement, de leur passion et de leur éducation.
PS : La référence à la loi naturelle est précieuse aujourd'hui.
Premièrement, face à la montée d'une culture qui limite la rationalité aux sciences dures et
abandonne au relativisme la vie morale, elle insiste sur la capacité naturelle qu'ont les hommes
à saisir par leur raison le message éthique contenu dans l'être.
Deuxièmement, face à l'individualisme relativiste qui considère que chaque individu est
source de ses propres valeurs, elle rappelle le caractère non-conventionnel mais naturel et
objectif des normes fondamentales qui régissent la vie sociale et politique.
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Léon XII, encyclique « Libertas praestantissimum »
Principe de non-contradiction = il est impossible qu’une chose soit et ne soit pas en même temps et sous le
même rapport
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Troisièmement, face aux menaces d'abus de pouvoir, voire de totalitarisme, que recèle le
positivisme juridique et que véhiculent certaines idéologies, l'Eglise rappelle que les lois
civiles n'obligent pas en conscience lorsqu'elles sont en contradiction avec la loi naturelle et
elle prône la reconnaissance du droit à l'objection de conscience ainsi que le devoir de
désobéissance au nom de l'obéissance à une loi plus haute .
c) La Loi Humaine ou Loi Civile
Définition : La Loi civile est une ordination de la raison pratique en vue du bien commun
de la société civile, établie et promulguée par celui qui a la garde de cette société.
Relations entre les lois :
Le droit positif doit s'efforcer de mettre en œuvre les exigences du droit naturel. Il le fait
soit par manière de conclusion (le droit naturel interdit l'homicide, le droit positif prohibe
l'avortement), soit par manière de détermination (le droit naturel prescrit de punir les
coupables, le droit pénal positif détermine les peines à appliquer pour chaque catégorie de
crimes).
Toute loi Humaine dérive de la Loi Naturelle. Une Loi n’a de valeur que dans la mesure où
elle participe à la justice. Une loi injuste n’est pas une loi. Or, dans les affaires humaines, une
chose est dite juste du fait qu’elle est conforme à la règle de la raison. Et la règle première de
la raison chez l’homme est la loi naturelle (dont le premier principe ordonne de faire le bien et
d’éviter le mal).
La Loi Naturelle dérive de la Loi Eternelle, car c’est Dieu qui l’a gravé dans le cœur de
l’homme.
Il y a donc un ordre admirable entre l’ensemble des lois, dont la source est évidemment, le
Législateur suprême car omnipotent, non créé et Créateur de toutes choses.
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RELATIONS ENTRE LES LOIS :
LOI ETERNELLE (Dieu, législateur suprême)
LOI NATURELLE (L’Homme créé avec une Loi propre)
LOI POSITIVE
(Expression concrète des principes de la Loi Naturelle dans la société civile)
PS : Une Loi peut être dite juste et être une Loi à proprement parler si et seulement si elle suit
cet ordre des choses.
C- LA LOI HUMAINE : sa nécessité, son obligation morale
a) Nécessité de la Loi Humaine :
La loi Humaine est nécessaire pour deux raisons :
-
Elle doit manifester premièrement aux membres de la communauté les
prescriptions qui dérivent de la Loi naturelle comme des conclusions ou des
déterminations5. Tous les membres de la communauté ne peuvent par eux-mêmes
connaître ces prescriptions, soit à cause de la faiblesse de la raison, soit à cause des
passions, soit à cause de leurs occupations ne leur laissant point le temps de cette
recherche. Il appartient aux sages, c'est-à-dire au législateur, de manifester et de
promulguer ces prescriptions.
-
La loi humaine est aussi nécessaire pour imposer des sanctions aux hommes
pervers et portés aux vices. Ces hommes ne peuvent guère être menés par des
paroles. Il est nécessaire de les contraindre par la force et la violence. De la sorte
ils s’abstiennent de mal agir. La Loi garantit par là une vie paisible.
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Certaines Lois humaines ne sont que des conclusions tirées des principes de la loi naturelle. Exemple : le
précepte : « Il ne faut pas voler, dérive comme une conclusion du principe : il ne faut pas faire le mal ».
D’autres lois dérivent de la loi naturelle à titre de déterminations. Exemple : celui qui fait le mal doit être puni.
La loi humaine détermine ce principe de la loi naturelle en statuant que tel crime sera puni de telle manière.
(MGR Grenier, cours de philosophie, Tome 2).
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b) L’obligation morale
Posons-nous la question de l’obligation imposée par la Loi Humaine. Cherchons ici si la loi
humaine oblige en conscience.
La résolution de cette question dépendra du jugement que l’on peut se faire sur une Loi juste
ou injuste. Une Loi juste par définition oblige en conscience, alors qu’une loi injuste (qui
n’est pas une loi mais une simple corruption de la loi) ne peut pas obliger en conscience.
1) Explication : Une loi juste oblige en conscience
Toute Loi Humaine qui est juste oblige en conscience. En effet, une loi juste est une loi qui
respecte les relations entre les lois naturelles et éternelles. Une loi juste dérive donc de la
loi naturelle, qui elle-même dérive de la loi éternelle. Or la loi éternelle et la loi naturelle
oblige en conscience tout homme. C’est pourquoi une loi juste oblige en conscience.
Deuxième argument : la Loi naturelle et la raison droite imposent à la conscience
l’obligation d’obéir aux justes prescriptions des supérieurs légitimes. Or les lois humaines
sont des prescriptions des supérieurs légitimes, prescriptions conformes à la justice. Donc, les
lois humaines obligent en conscience.
2) Explication : Une Loi injuste n’oblige pas en conscience
Une Loi peut être injuste de quatre manières :
-
Une loi est injuste par sa matière : lorsqu’elle commande des actes mauvais ou
défend des actes bons
Une loi est injuste par sa fin : lorsqu’elle ne vise pas l’intérêt général mais l’intérêt
personnel du législateur ou l’intérêt d’un groupe réduit (lobby).
Une loi est injuste par son auteur : lorsque le législateur n’a pas autorité pour
légiférer (cas du tyran...)
Une loi est injuste par son manque de proportion : lorsque la loi est au-dessus des
capacités de ceux à qui elle s’adresse.
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BIBLIOGRAPHIE :
- Somme Théologique St Thomas d’Aquin, Ia, IIae, qu.90 et suivantes
- Denis Sureau, « Saint Thomas d’Aquin, petite somme politique »
- MGR Grenier, cours de philosophie, Tome 2
- Encyclique « Libertas praestantissimum », Léon XIII
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