Tourism Revue 3/04
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Tourism Revue 3/04
Refereed Section L’Analyse de la Consommation Touristique: Les Methodes ex post MARIOS SOTERIADES Dr. Marios SOTERIADES, Maître de conférences, Département «Tourisme», TEI de Crète, Archanes, Crète, GR- 70 100. Phone: ++2810-379-661 Fax: ++2810-752-813 E-Mail: [email protected] Dr. Stelios VARVARESSOS, Maître de conférences, Département «Tourisme», TEI de Lamia, 13, rue Ath. Gelestathi, GR – 33100, Amfissa – GRECE Phone: ++2265-072-268 Fax: ++2265-072-504 E-Mail: [email protected] 6 Abstract The topic of visitor consumption is of great interest to international organizations and scientific research because of its particular significance. The analysis of tourism activity’s economic impact on the host country might be carried out by implementing ex post methods and approaches based mainly on the System of National Accounts. These methods refer to the tourism contribution to the national economy and the analysis of direct and indirect economic effects. The aim of this kind of tourism expenditure’s analysis is to obtain the necessary information and to acquire the knowledge needed to formulate and implement the appropriate economic policy, as well as to elaborate the adequate planning and rational tourism management. Tourism activity has specific characteristics rendering its economic analysis a difficult task. In the present paper the main methods attempting to estimate the tourism’s economic impact are reviewed, with emphasis on those allowed to obtain the most reliable results; tourism satellite accounts and input-output analysis. This review is followed by a presentation of the evaluation criteria permitting to estimate their value. In the second section we summarise the scientific debate on tourism economic impact, which primarily focuses on two main issues – the theoretical approach and the adequate methodological instrument. The paper concludes by highlighting the actual state of art in this research field. Resumé Le thème de la consommation touristique attire l’attention de nombreux spécialistes et organisations internationales en raison de son importance particulière. L’analyse de l’impact économique de l’activité touristique sur la zone réceptrice des flux touristiques peut s’effectuer avec l’aide des méthodes ex post. Ces méthodes se rapportent à la contribution du tourisme à l’économie nationale et à l’analyse des effets directs et indirects d’ordre économique. L’objectif de ce type d’analyse de la consommation touristique est d’obtenir les informations nécessaires et de se procurer le savoir indispensable pour formuler et mener la politique économique nationale adéquate et élaborer ainsi une planification cohérente et une politique rationnelle du tourisme. Le tourisme présente des particularités qui rendent son analyse économique difficile. Dans cet article sont examinées les principales méthodes et approches qui tendent d’estimer les effets économiques du tourisme, en mettant l’accent sur celles qui ont permis d’obtenir les résultats les plus notables; les comptes satellites du tourisme et l’analyse inputs-outputs. Ensuite se fait le point sur le débat scientifique concernant les retombées économiques du tourisme, qui est préoccupé par deux sujets importants - l'approche théorique et l’outil méthodologique approprié - afin d’en arriver à un certain nombre de conclusions. Introduction La thématique de la consommation touristique (méthodes ex post) recouvre essentiellement l’analyse de l’impact économique de l’activité touristique sur la zone réceptrice des flux touristiques. En d’autres termes, ces méthodes se rapportent à la contribution du tourisme à l’économie nationale et à l’analyse des effets directs et indirects d’ordre économique. L’objectif de ce type d’analyse de la consommation touristique est d’obtenir les informations nécessaires et de se procurer le savoir indispensable pour formuler et mener la politique économique adéquate et élaborer ainsi une planification cohérente et une politique rationnelle du tourisme. Cependant, l’analyse économique se heurte à des difficultés importantes, en raison de la transectorialité et de la nature multiforme de l’activité touristique (Theobald 1995, p.3-19). Les difficultés pour délimiter le phénomène touristique sont les suivantes (Varvaressos 2000, p.249-250): ■ Le tourisme est un phénomène multiforme. ■ L’activité touristique est hétérogène: tandis que les autres branches d’activité produisent des produits plus ou moins tangibles, le tourisme est «la cause» d’une Tourism Review, Vol 59, No 3/2004 M. Soteriades: L’Analyse de la Consommation Touristique: Les Methodes ex post production de biens et services divers et hétérogènes, qui visent à satisfaire les besoins aussi bien des touristes que des non touristes. Ces particularités du tourisme rendent son analyse économique difficile. Cette complexité est due à un manque de précision dans la délimitation et la conceptualisation économique du phénomène touristique, aussi bien du point de vue de la consommation que de la production (Lanquar 1994). Les effets provoqués par le tourisme sur l’ensemble de l’économie nationale sont de deux catégories (Bull 1991): ■ Les effets directs: le tourisme représente une partie importante de la consommation finale; il est le moteur de multiples activités productives et, enfin, il crée des emplois. ■ Les effets indirects: ce sont les résultats de la demande touristique et du multiplicateur. Nous allons examiner les principales méthodes qui permettent d’estimer le poids du tourisme dans l’économie nationale. Ensuite se le point sur le débat scientifique afin d’en arriver à un série de conclusions. 1 Les méthodes d’évaluation du poids du tourisme dans l’économie nationale Le tourisme est une activité de première importance car il contribue à l’ensemble de l’économie nationale par son effet d’entraînement. Il peut être, en tant que secteur productif, un facteur de développement et de redistribution de l’activité économique (Durand, Gouirand & Spindler 1994). Afin d’évaluer l’importance et la contribution de l’activité touristique dans une économie donnée, des organisations internationales et des chercheurs ont développé des méthodes en se fondant sur les concepts et les règles du Système de comptabilité nationale (SCN). 1.1 L’impact économique de l’activité touristique Analyser l’impact économique du tourisme consiste à (WTO 1999): ■ analyser la place qu’occupe le tourisme dans les économies nationales. ■ isoler et évaluer les facteurs qui sont à la base du développement du tourisme. Tourism Review, Vol 59, No 3/2004 ■ identifier les principaux éléments propres à stimuler ou à entraver son développement dans l’avenir et examiner les résultats de l’activité touristique en faisant des comparaisons avec les autres secteurs de l’économie. Etant donné que les transactions économiques liées au tourisme sont extrêmement complexes, les chercheurs et les organismes internationaux ont développé quelques modèles qui représentent les interactions les plus cruciales, de manière à réduire la complexité de la réalité et à rendre l’analyse possible et efficace. Un modèle d’impact économique constitue une représentation d’une approche théorique ayant comme objectif d’évaluer l’ampleur des effets (Frechtling 1995). Ces outils méthodologiques ont été mis au point afin de fournir des estimations sur l’influence exercée par l’activité touristique sur l’économie nationale. Cette influence comprend les bénéfices ou les effets positifs du tourisme, en principe en termes d’impact des dépenses de consommation sur les revenus, l’emploi, la production et les recettes fiscales. Cependant, l’analyse complète de cet impact nécessite que les instruments fournissent également des évaluations à propos des coûts du tourisme, tant pour l’administration publique et les collectivités locales que pour la population de la zone géographique sous examen. Un instrument méthodologique doit apporter des réponses fiables à un certain nombre de questions, telles que: ■ Quelle est la contribution du tourisme à l’économie nationale? ■ Quelle est la valeur ajoutée directe et indirecte générée par la consommation touristique? ■ Quelles sont les branches d’activité qui en bénéficient directement? ■ Quels sont les produits et services achetés par les touristes et l’importance relative de la demande touristique par rapport à l’ensemble de la demande finale? Ces réponses sont nécessaires à la procédure de planification, à la détermination de la politique et du marketing et au choix des stratégies adéquates. La plupart des modèles d’impact économique ont donc comme centre d’intérêt les dépenses des touristes, leur consommation (Fletcher 1994). Il existe au moins quatre catégories d’approches méthodologiques pour évaluer les effets économiques du tourisme: ■ les enquêtes de terrain; ■ les modèles d’évaluation de l’offre et de la demande; ■ l’approche de modèles économiques; ■ l’approche combinée. 1.2 A propos des enquêtes de terrain ... ... nous pourrions prétendre que cette approche n’offre que des possibilités réduites et ne peut contribuer à l’estimation des effets du tourisme que d’une manière complémentaire aux autres méthodes (Lanquar 1994, Soteriades 2002). 1.3 L’approche basée sur l’interaction entre l’offre et la demande: le compte satellite du tourisme Le compte satellite du tourisme constitue en substance un ensemble d’informations complémentaires qui sont reliées au cadre central du SCN. Alors que les donnés sont présentées d’une manière différente du SCN, elles comprennent au moins un agrégat qui résulte des comptes nationaux (WTO 1999). L’Organisation pour la coopération et le développement économiques (O.C.D.E.) avait adopté en 1991 un manuel sur les comptes économiques du tourisme fournissant un cadre de base pour recueillir des données sur les variables macroéconomiques des branches touristiques (OECD 1991). Pendant la dernière décennie, des travaux de recherche importants ont été réalisés – principalement par l’O.M.T. et l’O.C.D.E. – afin de déterminer un cadre méthodologique pour l’investigation du champ, de la contribution et des effets économiques du tourisme (OECD 1998, WTO 1999). Ces recherches consistaient à établir une base commune des statistiques du tourisme, avec le développement des comptes satellites (Shackleford & Verdugo 1999). Dans cette approche, l’O.M.T. a développé un cadre conceptuel et méthodologique pour l’établissement des comptes satellites. L’objectif est d’aider les administrations publiques et les autres acteurs impliqués dans les décisions de planification, de politique et de marketing du tourisme1. Selon cette méthodologie, la procédure de l’évaluation de la contribution économique du tourisme se décompose en trois phases; à savoir: 7 Refereed Section ■ détermination des branches d’activité qui sont concernées par le tourisme. ■ estimation de la production, du Produit Intérieur Brut et d’autres agrégats d’effets économiques sur les branches productives. ■ évaluation de la proportion de ces agrégats qui peut être imputable au tourisme pour chaque branche. Les deux premiers stades sont conformes aux principes généraux de détermination et de collecte des données statistiques de l’analyse d’input-output. Cependant, le troisième stade est à la discrétion des experts. Vraisemblablement, une équipe d’experts a déterminé un ensemble de coefficients du chiffre d’affaires qui est imputable à l’activité touristique par rapport au chiffre d’affaires total de chaque branche d’activité. Ensuite, ces coefficients sont appliqués aux agrégats se rapportant à l’offre: production, valeur ajoutée, taxes, etc. de chaque branche et sont agrégés afin d’estimer la contribution directe totale de la consommation touristique. Dans cette approche, le critère retenu pour caractériser une branche productive comme touristique est donc la part du chiffre d’affaires imputable au tourisme. Or, il existe plusieurs branches dont la production s’adresse directement ou indirectement aux touristes et elles ne peuvent pas être considérées comme des éléments composants de l’activité touristique. Cette phase de détermination et de ventilation a donc un élément de subjectivité qui relève de la procédure de classification. Dans le cas contraire, on utiliserait les coefficients touristiques effectifs et non pas ceux qui ont été déterminés d’une manière arbitraire. 1.4 L’approche de modèles économiques Dans cette approche, l’évaluation de l’impact est effectuée en construisant un modèle dont l’objet est de décrire, d’interpréter et d’analyser la réalité économique. La tâche consiste à représenter la structure, le fonctionnement et les interactions multiples d’une fonction économique qui est considérée comme un système. Les méthodes les plus utilisées pour évaluer les effets du tourisme sont: ■ l’analyse input-output ■ les multiplicateurs touristiques ■ les modèles économétriques. 8 1.4.1 L’analyse input-output L‘instrument essentiel de l’analyse économique moderne est la comptabilité nationale, qui s’est développée en même temps que la méthode de tableaux inputs-outputs. L’O.M.T. a accompli des travaux intéressants sur ce domaine et a organisé deux Conférences à Nice et à Vancouver2. L’analyse input-output permet d’évaluer comment les dépenses touristiques se répercutent dans l’économie. Elle estime l’impact total des revenus provenant du tourisme d’une manière plus détaillée et complète (Fletcher 1994). Il s’agit d’une méthode d’investigation des interrelations entre les différentes branches d’activité d’une économie. Elle peut être utilisé pour la prévision, car il permet d’apercevoir et même de chiffrer les conséquences résultant d’une action dans une économie ou une branche d’activité (Lanquar 1994). Les tableaux inputs-outputs ont peu contribué à l’analyse du phénomène touristique qui, soit n’est pas distingué d’un secteur résiduel entre autres services, soit se présente seulement sous le poste «hôtellerie» ou «hôtellerie et assimilés». Ce n’est que depuis 1965-1970 que l’on a commencé à appliquer la méthode dans des études sur le tourisme. Des chercheurs soutiennent que, malgré des difficultés intrinsèques, la méthode peut être utilisée dans le domaine du tourisme, afin d’évaluer l’impact et la contribution du tourisme dans l’économie nationale (Fletcher 1989; Archer 1994). Plus particulièrement, l’estimation des effets pourrait s’effectuer avec un grand degré de fiabilité – étant donné que des tableaux inputs-outputs sont établis pour une période de cinq à six ans, dans la mesure où la prévision des conditions futures dans le tourisme peut se réaliser à l’aide des coefficients technologiques. Dans cette période de temps, les caractéristiques principales de l’appareil productif d’une économie donnée demeurent stables (Briassoulis 1991). Il est estimé que les applications empiriques de la méthode ont fourni des résultats satisfaisants3. (a) La consommation des touristes étrangers: une consommation privée spéciale Pendant les trois dernières décennies un courant de la recherche scientifique a développé une approche du phénomène touristique qui consiste à considérer le tourisme comme une consommation privée spéciale dans l’ensemble de l’économie réceptrice des touristes étrangers (Zacharatos 1984). Il s’agit d’un enrichissement, d’une avancée de la méthode d’analyse inputsoutputs. Cette approche a été affinée par G. Zacharatos qui avait fait remarquer l’intégration imparfaite du tourisme dans le SCN et a proposé de considérer la consommation des touristes étrangers en tant que consommation particulière par rapport à la consommation des nationaux en Grèce (Zacharatos 1986). Et ceci parce que le tourisme en tant que dépense de consommation en Grèce forme pour une période donnée un modèle de consommation dont les termes de l’évolution quantitative et qualitative sont conditionnés en dehors des frontières du pays. La base théorique de la méthode consiste à envisager le tourisme étranger comme une consommation privée spéciale au sein de l’économie nationale. Son élément fondamental est l'interrelation du tourisme étranger avec l’appareil productif de l’économie nationale. De cette manière, l’estimation empirique de la consommation touristique pourrait constituer une colonne particulière de la demande finale dans les tableaux inputs-outputs. Il est ainsi possible d’étudier l’impact provoqué par la production et la distribution de cette consommation au sein de l’économie nationale; c’est-à-dire d’analyser les effets du tourisme étranger sur le volume et la structure de la production nationale, les importations provoquées, l’emploi et les revenus. (b) La valeur de la méthode Bien qu’elle constitue l’un des meilleurs outils méthodologiques de l’analyse économique, l’analyse inputs-outputs n’est pas largement utilisée dans l’investigation de l’impact du tourisme (Fletcher 1989), essentiellement pour les raisons suivantes: ■ Le tourisme, en tant que secteur ou branche d’activité, n’est pas précisément défini dans la théorie économique, ni dans les classifications internationales normalisées. ■ Le tourisme, comme ensemble intégré d’activités, n’est pas inclus dans les autres secteurs du SCN ou n’y est inclus que d’une façon imparfaite. ■ L’absence de tableaux inputs-outputs rend impossible l’application empirique de la méthode dans plusieurs pays. En outre, l’insuffisance de l’information statistique disponible rend indispen- Tourism Review, Vol 59, No 3/2004 M. Soteriades: L’Analyse de la Consommation Touristique: Les Methodes ex post sable la réalisation d’enquêtes spéciales auprès des touristes. A cet égard, R. Lanquar (1994, p. 68) souligne: « …La difficulté réside dans le compromis entre les règles théoriques de l’élaboration des tableaux inputoutput et l’information statistique disponible… il faut d’abord définir le contenu économique du secteur touristique, afin de déterminer avec précision les secteurs qui ont un contenu touristique ou non… Aussi, il est souvent nécessaire de recourir à des enquêtes statistiques…». On estime que l’approche théorique du tourisme étranger comme consommation privée spéciale et sa méthode de calcul fournissent une base solide pour l’investigation de tout type d’effets du tourisme sur l’économie nationale. Néanmoins, l’application de la méthode nécessite la détermination et la quantification de la consommation touristique des touristes étrangers. En outre, la valeur de cette approche reste à évaluer, car elle n’a jamais été mise à l’épreuve. Les tableaux inputs-outputs ont mis en relief le caractère multiplicatif de la plupart des phénomènes économiques. Ce qui va être analysé à la suite. 1.4.2 Les multiplicateurs touristiques Les multiplicateurs touristiques sont basés sur la théorie keynésienne ou résultent de l’analyse input-output. Selon B. Archer et C. Cooper (1994, p.75), le tourisme international est une exportation invisible, en ce sens qu’il crée un flux de devises au sein de l’économie d’un pays récepteur de touristes étrangers. Comme toute autre industrie exportatrice, cette entrée de revenus crée un chiffre d’affaires pour les entreprises impliquées, des revenus pour les ménages, des emplois et des revenus gouvernementaux. Cependant, cette procédure de génération ne s’arrête pas là. Une partie des flux monétaires reçus par les entreprises, ménages privés et services publics sera redépensée à l’intérieur de l’économie réceptrice, provoquant de cette manière des vagues additionnelles d’activité économique. Ces effets secondaires peuvent au total être considérablement supérieurs aux effets directs initiaux. En effet, toute étude tentant d’évaluer l’impact économique du tourisme doit s’efforcer de mesurer la totalité des effets provoqués par les vagues successives de l’activité économique générées par la dépense initiale (Vellas 1996). Tourism Review, Vol 59, No 3/2004 Des nos jours, on reconnaît qu’il existe deux types de multiplicateurs (Archer 1977, Archer 1982 et Fletcher 1995b): ■ le multiplicateur des revenus basé sur les dépenses ■ le multiplicateur de l’emploi direct et indirect. (a) L’effet multiplicateur des revenus touristiques Le tourisme fait appel à de nombreuses branches de l’économie, à la fois pour son installation et pour son fonctionnement. Les dépenses des touristes créent des revenus pour tous ceux qui sont impliqués dans l’activité; contribuant ainsi à l’accroissement du revenu national. Les employés et les fournisseurs des branches du transport, de l’hébergement, des distractions, des souvenirs sont rémunérés sous forme de salaires ou de paiements pour les marchandises et les services qu’ils offrent. A un stade ultérieur, l’accroissement de consommation par les participants à l’activité touristique vient augmenter, au fur et à mesure que ces dépenses sont effectuées, les revenus des personnes et des branches au service de cette activité et ainsi de suite; c’est l’effet multiplicateur. Ces flux monétaires provoqués par le tourisme dans les différentes branches de production, ainsi que les bénéficiaires ultimes – constituant la base de calcul de l’effet multiplicateur (Lundberg, Krishnamoorthy & Stavenga 1995, p.135-143). (b) Faiblesses du multiplicateur La procédure du multiplicateur a été exhaustivement documentée et ses faiblesses et limitations ont été démontrées (Archer & Fletcher 1991). La critique la plus pertinente a été formulée par B. Archer (1977). Le jeu du coefficient multiplicateur peut être entravé par certains facteurs (Durand, Gouirand & Spindler 1994), dont: ■ la nécessité de faire des achats de marchandises importées (phénomène de fuite des recettes vers l’étranger); ■ la hausse des prix peut, selon son intensité, annihiler ou réduire sérieusement l’effet cumulatif attendu. Selon R. Baretje et P. Defert (1970), le multiplicateur touristique constitue plus un procédé d’exposition logique des dépenses en cascade qu’un instrument de mesure scientifique. 1.4.3 Les modèles économétriques Pour ce qui est des modèles économétriques, nous pourrions observer qu’il s’agit d’un usage combiné de la théorie économique, des mathématiques et des statistiques afin de déterminer les variables qui sont la cause des relations économiques (Smeral 1988 et Frechting 1995). Des chercheurs ont utilisé de données statistiques en vue construire de modèles de dépenses touristiques et de mieux appréhender les facteurs influençant leur volume. Ces travaux de recherche ont visé essentiellement à construire de modèles de dépenses des touristes internationaux, en utilisant des séries chronologiques de donnés économiques (Sheldon 1994, p.34-41). En principe, il semblerait que l’on utilise trois variables explicatives dans ces modèles, à savoir: les taux de change, les revenus des touristes et le niveau des prix dans la destination, comparé à celui du pays d’origine. D’autres variables y sont également incluses, telles que le coût de transport, les goûts / préférences, les dépenses de marketing, les conditions climatologiques, etc. Ces modèles servent à estimer les élasticités du revenu, du taux de change, de prix relatifs et du coût de voyage. Les modèles économétriques les plus utilisés sont: ■ Le modèle de recettes résiduelles, conçu par Kreutzwiser (Smith 1989, p.270-289). ■ Les modèles de ratios de dépenses: T-Map I et TRAITS-II. ■ Les modèles de facteur de coût: par exemple le Travel Economic Impact Model (TEIM). ■ Le modèle du Computable General Equilibrium (CGE), basé sur les principes de la théorie néoclassique, en tenant compte des effets de prix et des contraintes de l’offre, conçu par J. Skene (1993). ■ Autres modèles: Almost Ideal Demand System (AIDS); Linear Expenditure System (LES) et Tourism Expenditure Model (TEM). 1.5 L’approche combinée Enfin, dans le cadre d’une approche combinée, l’évaluation de l’impact consiste à associer les différentes techniques des méthodes précédentes. Son résultat est la mise au point d’un «système d’analyse», dans lequel un ensemble d’éléments et de variables 9 Refereed Section se trouvent en interdépendance et / ou en interaction continue et forment un ensemble unifié. Nous pourrions en citer deux exemples: ■ Le modèle intégré utilisé par G. West (1993). Il combine l’analyse input-output avec un modèle économétrique de séries chronologiques. ■ Le modèle de l’Oxford Econometric Forecasting, développé en collaboration avec le World Travel & Tourism Council. Cette approche pourrait contribuer à surmonter les faiblesses présentées par les autres méthodes (Soteriades 2002). 1.6 Les critères d’évaluation des méthodes Les différentes méthodes d’évaluation de l’impact économique du tourisme varient sensiblement dans leurs approches et leurs estimations. Il est donc nécessaire de juger ces méthodes d’une manière aussi objective que possible. L’objectif principal est d’avoir une approche qui soit applicable et valable dans différentes régions et qui fournisse des estimations pertinentes dans des cadres différents. Nous aurions ainsi des comparaisons fiables, tant dans l’espace que dans le temps. Les critères retenus pour leur évaluation sont au nombre de cinq (Frechtling 1995, p.485-487): ■ Cohérence: l’approche ne doit pas comporter d’ambiguïtés. ■ Couverture: l’approche devra couvrir toutes les dépenses du tourisme et estimer la contribution totale générée par la consommation touristique. ■ Efficacité: la méthode doit utiliser au maximum les données statistiques disponibles en retenant des critères satisfaisants. ■ Exactitude: une approche doit offrir la possibilité de comparer ses estimations. ■ Possibilité de transfert: la méthodologie doit être applicable à différentes zones géographiques et à différentes périodes de temps. Les cinq critères cités ci-dessus doivent être utilisés dans toutes les phases de l’application d’une méthode. On vient de terminer un réexamen des différentes méthodes et approches développées afin d’analyser la consommation touristique. Tout au long de l’exposé, nous avons pu constater que l’optique de chaque méthode est différente. Après avoir exami- 10 né les progrès réalisés par la recherche en matière d’analyse de la consommation touristique, nous pouvons faire le point sur le débat scientifique. 2 Le débat scientifique sur les retombées économiques du tourisme Le thème de la consommation touristique attire l’attention de nombreux spécialistes et organisations internationales en raison de son importance particulière. Les différents travaux et études posent le problème et chaque approche et méthode s’efforce d’apporter une réponse, soit sur les aspects théoriques, soit sur des problèmes empiriques. Le débat international est préoccupé par deux sujets importants: ■ l'approche théorique ■ l’outil méthodologique approprié. Nous estimons que le point de départ l'approche théorique - est crucial. Le choix de l’approche théorique conditionne la méthode d’appréhension du phénomène touristique et d’évaluation de ses effets. En quoi consiste finalement le tourisme: en un compte satellite ou en un système de statistiques économiques ? En une liste d'activités définies de manière conventionnelle par rapport au consommateur ou arbitrairement qualifiées de caractéristiques du tourisme? Une constatation s’impose; le tourisme n'est pas une science, mais un corpus de connaissances émanant de multiples disciplines. D’un point de vue scientifique, le tourisme est considéré comme un champ d’étude relatif, d’une part, aux motifs, attentes et expériences du touriste, et, d’autre part, aux effets économiques, sociaux, culturels et écologiques sur les pays récepteurs de flux touristiques. Selon B. Archer (1989), l’objectif principal de la recherche touristique est de «… fournir un cadre systémique visant à expliquer et analyser le phénomène touristique dans ses formes variées». Ceci implique une approche interdisciplinaire dans l’étude du tourisme. Plusieurs disciplines – comme l’économie, la géographie, la psychologie et la sociologie - fournissent des théories, concepts, méthodes et techniques permettant d’étudier d’une manière approfondie quelques aspects du tourisme. La discussion de la première section nous a offert l’occasion de voir les points forts et les faiblesses des approches existantes. Il convient de prendre en considéra- tion l’état actuel des connaissances scientifiques de manière plutôt constructive que destructive, en essayant d’approfondir notre savoir sur la consommation touristique. Il faut également rechercher un cadre qui puisse nous permettre de promouvoir une intégration des différentes disciplines et / ou approches. Il est évident que les perspectives basées sur les différentes disciplines scientifiques tendent à être plutôt complémentaires qu’antagonistes (Johnson & Thomas 1994, p. 3). De nombreux chercheurs effectuent leurs travaux au sein des frontières traditionnelles entre les disciplines. Cependant, des travaux menés dans tous les domaines pourraient nous faire progresser dans la compréhension du phénomène touristique. Les certitudes et doutes en matière de consommation touristique concernent essentiellement la méthode contribuant à mieux cerner la réalité touristique. Il semble que l'on tente d'approcher et de définir le tourisme par rapport aux informations fournies par le système statistique existant. Cependant, les données disponibles sont dispersées et rarement homogènes. Le manque d’appareil statistique satisfaisant, l’hétérogénéité du tourisme et les particularités de l’activité touristique ne permettent pas de mesurer d’une manière précise sa contribution, ni d’évaluer son poids dans l’économie nationale (Theobald 1994). A ce jour, il n’existe pas de modèle touristique global et complet. On dispose plutôt d’une série de modèles différents mettant l’accent sur tel ou tel domaine du système touristique. Cependant, ils offrent au moins une précieuse base de départ pour l’analyse et l’interprétation de la consommation touristique. En plus de l’opinion distincte formulée pour chaque méthode ou approche, il semblerait que certaines conclusions générales s’imposent. ■ L’estimation des retombées économiques du tourisme est une tâche complexe. ■ Tout travail de recherche est presque toujours orienté vers un aspect déterminé ou une direction particulière. D’une certaine manière, cela conditionne le type d’information disponible et la base des connaissances dont on dispose sur le thème en question. Cependant, il y a complémentarité dans l’information qu’apporte chacune des méthodes examinées (Lanquar 1994; Varvaressos 2000): Tourism Review, Vol 59, No 3/2004 M. Soteriades: L’Analyse de la Consommation Touristique: Les Methodes ex post Les comptes satellites du tourisme permettent une agrégation des flux financiers (origine et attribution des flux de revenus et de capitaux) que fait un pays durant une année pour des échanges effectués à des fins de tourisme. ■ Les tableaux inputs-outputs fournissent une information sur les transactions réelles existant entre les branches de production, la valeur des produits et les services créés par l’économie et les attributions faites à ses différents usages (consommation, exportation et investissement). Toutefois, nous estimons que l’approche du multiplicateur est insuffisante, dans la mesure où elle ne fournit que des renseignements largement contestables. ■ 3 Conclusions Le tourisme ne constitue en aucun cas un secteur ou une branche d’activité au sens pur du terme. De même, il n’existe pas d’industrie touristique en termes économiques purs. Il y a une offre touristique dont les différentes composantes proposent des produits et des services destinés à satisfaire les besoins des touristes. Le tourisme a longtemps souffert de l’image d’une activité marginale, notamment parce que sa nature multiforme est difficile à appréhender d’un point de vue statistique et que la consommation qu’il génère est très hétérogène. Celle-ci touche une quantité énorme de branches de production. Cette consommation génère des effets directs et indirects importants sur les différentes unités spatiales. En guise de conclusion, nous pourrions formuler les remarques suivantes: ■ La consommation touristique constitue la cause de l’impact économique du tourisme sur une zone géographique. L’interaction de cette consommation et de l’offre correspondante génère des effets économiques, positifs et négatifs. ■ Des outils méthodologiques servent à estimer les effets économiques du tourisme. La méthode parfaite devrait être capable d’évaluer avec la plus grande exactitude les effets positifs et les coûts générés par l’activité touristique dans une unité spatiale, de telle manière qu’elle puisse être appliquée également à d’autres régions ou pays. Cette méthode pourrait faire l’objet d’un travail de recherche intéressant. Tourism Review, Vol 59, No 3/2004 ■ La consommation touristique génère des effets indirects importants qui consistent essentiellement en la consommation intermédiaire par les autres branches productives. ■ L’étendue des effets économiques est conditionnée par une série de facteurs et de conditions propres à la zone examinée. Les facteurs les plus importants sont: le volume et la composition de la consommation touristique; la structure de l’appareil productif, le niveau de développement économique de la zone réceptrice et le degré de diversification des activités économiques; le taux de dépendance des importations nécessaires à la satisfaction de la consommation touristique; et enfin, les termes d’organisation et les conditions de fonctionnement de l’activité touristique. ■ Les différents outils fournissent des estimations différentes, mais aussi complémentaires. En effet, il y a complémentarité dans l’information qu’apporte chacun de ces instruments; le compte satellite du tourisme fournit une estimation des effets directs de l’activité, alors que les tableaux inputs- output mesurent en plus les effets indirects. ■ L’analyse input-output suppose la disponibilité de tableaux inputs-outputs et l’établissement d’un système d’information adéquat qui aurait la structure appropriée et comprendrait un nombre important de variables quantitatives et qualitatives. Les critères d’évaluation des différentes méthodes mentionnés ci-dessus constituent une base scientifique permettant de juger la fiabilité des estimations obtenues par chacune. Ces critères ne nous permettent pas de trancher absolument en faveur d’une approche, mais de distinguer celle qui convient le mieux aux objectifs du travail de recherche. La multidisciplinarité de l’analyse du tourisme exige une approche intégrale du phénomène, approche devant être faite essentiellement en fonction de sa nature multiforme. Il serait faux de supposer que la consommation et la production du tourisme peuvent être sensiblement dissociées. L’interdépendance entre l’offre et la consommation est évidente. Les facteurs de la production touristique sont conditionnés par le savoir dont nous disposons sur les types de consommateurs et leurs motivations. La recherche s’oriente aujourd’hui vers l’offre touristique, tout en prenant considérablement en compte la consommation (WTO 1999). En définitive, nous estimons que la recherche en matière de tourisme devrait abandonner les méthodes traditionnelles d’analyse et approcher le phénomène comme une activité multisectorielle qui contribue à l’ensemble de l’économie nationale. C’est la seule manière d’appréhender et d’analyser sa nature complexe et son fonctionnement multidimensionnel. 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CEC, OECD, WTO, UN (2001), Tourism Satellite Account: Recommended Methodological Framework, Brussels. 2) Pour la première conférence voir la publication spéciale, Special Issue: Measurement of the Economic Impact of Tourism – WTO’s Enzo Paci World Conference at Nice. Tourism Economics (1999), 5(4). 3) Les études les plus notables sont: Burger, V. (1978). The Economic Impact of Tourism in Nepal: An Input-Output Analysis. Ph.D. Thesis, Cornell University, USA; Zalacain, F. (1981). A Regional and Inter-regional Input-Output Analysis of the Puerto Rican Economy. Ph.D. Thesis, University of Illinois, USA; Sawamiphakdi, D. (1988). The Economic Impact of the Demand for Arkansas Tourism. Ph.D. Thesis, University of Arkansas, USA; Henry, E. & Deane, B. (1997). The contribution of tourism to the economy of Ireland in 1990 and 1995. Tourism Management, 18(8), 535-553. Tourism Review, Vol 59, No 3/2004