Quelque part dans la forêt de Baraïl, au bord du grand Ocean du

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Quelque part dans la forêt de Baraïl, au bord du grand Ocean du
Quelque part dans la forêt de Baraïl, au bord du grand Ocean du Sud et au Sud Ouest d’AlVor, au milieu des grandes plaines, vivent les Elfes Gardiens.
Il naquit au milieux des arbres gigantesques de cette forêt. Durant les trois premières années
de sa vie, il vécu avec ses parents; du moins à ce qu’on lui avait dit. Saviez-vous qu’on garde
pas ou peu de souvenir d’avant ses trois ans?
Une fois cet âge atteint, il rejoignit les autres: Les Gardiens non Attribués. Entre le feuillage
épais et les branches noueuses, ils s’entrainaient. Chacun voulait être prêt, bien sûr, être le
meilleur pour celui auquel il se lierais. Il n’y avait jamais de bagarres, pas de jalousie, rien
d’autre que l’impatience mêlée d’angoisse que tous partageaient. Chacun voulait rencontrer
son passeur. Le Passeur, et les entrainements, voilà ce qui rythmait leurs conversations.
Un jour, comme souvent, Sil et Neyrïa, une de ses amies les plus proches, s’étaient assis sur la
branche la plus haute de leur région de la forêt. De la, ils leur semblaient qu’ils dominaient le
monde... Il devaient avoir douze ans, s’il se rappelait bien...
Au milieu d’un long silence que les adolescents utilisaient comme de longues tirades dans
leurs dialogues, la voix de Neyrïa s’éleva:
«Ca fait quoi d’aimer?
Un sourire avait étiré alors les lèvres fines du garçons. Il adorait lorsque son amie se hasardait
à ces interrogations. Il passaient des heures à discuter des choses de la vie, du haut de leurs
quelques années de vie.
-De quel genre d’amour tu parles?
-Je sais pas. Celui qu’on portera à notre Attribué.
Sil prit le temps de réfléchir. Il garda les yeux dans le vague le laissa dériver sur le bleu du
ciel sans nuages, s'accrocher aux feuilles secouées par le vent.
-Je crois qu’on ne peux pas savoir. Pas tant qu’on ne l’a pas vécu.
-Et quand on le vit? Comment on sait si on aime ou si on apprécie?
-Je suppose que c'est comme une évidence.
-Donc il y a toujours un risque de se tromper?
Silence, de nouveau. Comme une réponse.
-On ne peux pas se tromper. Quand on pense qu’on aime, on aime. Et puis quand on aime plus
que d’habitude, ça doit être ça, le vrai amour.
Il sentit Neyrïa se renfrogner à coté de lui.
-C’est nul comme réponse.
-Je sais.
-Alors pourquoi tu l’as dite?
-Parce que je pense quand même qu’il y a une part de vérité.
-Tu pense que c’est aussi simple?
-Je n’en ai aucune idée.
-Et quand tu es attribué? Comment tu sais que tu es attribué? Comment tu sais que c’est le
bon Rêve, et pas un comme les autres?
-Je suppose qu’on le sait, c’est tout.
L’Elfe resta pensive un instant. Un groupe d’oiseau s’envola en piaillant à quelques centaines
de mètres, tâches ébènes sur l’infini bleu.
-On verra bien...»
Sil avait dix-sept ans lorsqu’il fut Attribué.
Il appartenait à la race des Elfes Gardiens, sa destinée se résumait à cela: guider, emmener
vers la lumière, accompagner doucement les passeurs de l’autre côté de leur porte. Dans leur
monde. Les passeurs? Oh, oui, les auteurs si vous préférez.
Jeune, vieux, expérimenté, débutant, chaque passeur est lié à son propre Gardien. Car, lorsque
l’heure vient, lorsqu’il a accompli son devoir, lorsqu’il a ouvert une nouvelle porte dans le
monde immense de l’Imagination, il lui faut la passer, cette porte. Seul, cela lui est
impossible. Alors un Gardien met un pied dans le monde des humains, juste le temps de
glisser les doigts dans les siens, pour l’attirer de l’autre côté.
C’est pour cela que Sil vivait.
Pour aider son passeur à rejoindre son propre monde.
Et cette nuit, le Rêve venait enfin le cueillir au creux de son sommeil.
Le noir, d’abord. Pas ce noir triste et glauque, non, ce noir profond comme l’immense pupille
d’un enfant curieux. Ce noir dans lequel l’elfe se retrouva soudain, alors qu’il venait de
s’endormir. Il se sentait éveillé et vivant, d’autant plus vivant que son corps n’existait pas,
plus, dans ce Rêve. Il n’étais qu’âme, seule son essence pure errait dans ce sombre infini,
libérée de son corps pourtant fort et agile.
Il n’était qu’écoute.
Conscient que le moment arrivait, il tendis sa conscience vers le Grand Noir et laissa son
Attribué venir.
Le noir se... Contracta. Il se compacta en un masse soyeuse et souple, et au fur et à mesure
qu’il se réduisait, laissa place à une couleur étrange, brillante, chaude, un peu pâle mais
incroyablement douce. Il ne pourrait la décrire. A peine la voir. Seulement la ressentir.
La boule noir se sépara en deux. De longs filaments en coulèrent avant de s'immobiliser petit
à petit en se balançant légèrement. Une brise que Sil n’avait pas perçu auparavant
ébouriffèrent ces mèches brillantes, qui se parèrent de reflets bleus sombres.
La brise se fit plus forte, et une mèche jeta un éclat de lumière plus vif que les autres.
Au lieu de mourir doucement, l’éclat persista.
Puis se transforma en une boule d'énergie pure couleur azur.
Enfin, se divisa.
Deux billes bleues se glissèrent sous les rubans ébènes.
Elles lançaient de petits éclairs malicieux,se réduisant comme pour sourire.
Puis se fut une tempête qui se leva.
Les mèches s’affolèrent, masquèrent entièrement les sphères bleutées, s’agitants dans tous les
sens, dansants au gré des folles bourrasques qui les animaient.
Puis retombèrent brusquement.
De chaque coté d’un visage enfantin et doux.
D’un nez en trompettes, de lèvres rosées, d’yeux bleus ciels frangés de longs cils.
Un petite. Une enfant souriante au regard magique.
Si Sil avait emporté son corps dans ce songe, il aurait probablement sentit sa gorge se serrer et
une émotion indescriptible faire monter des larmes au bord de ses yeux émeraudes.
Puis le visage se retourna vivement. Elle avait entendu quelque chose, derrière elle. Elle lança
un dernier regard à l’elfe sans le voir, puis se mit à courir à l’opposé.
L’Elfe fut seul avec la couleur.
La couleur, il le savait désormais, de l’âme de sa petite attribuée.
Doucement, il s’en retourna dans son corps, glissant peu à peu vers la conscience.
Il retrouva son enveloppe corporelle, posée dans un hamac entre deux arbres géants. Et
lorsque ses paupières s’ouvrirent sur ses pupilles de chat, le vent lui chuchota un nom.
Léna...
Il le sut immédiatement. Il sut qu’il aimait Léna, aussi sûrement qu’il savait qu’elle était son
Attribuée. aussi simplement et avec la même certitude que l’on sait que le ciel est bleu ou que
le soleil brille.
Et il su ce qu’il avait à faire.
Doucement, dans le jour encore jeune, il se glisse hors de son hamac, attrapa son arc et son
carquois, enfila son armure.
Il lui faudrait trouver la porte de sa Passeuse.
Il lui faudrait aller la chercher, attendre qu’elle s’approche elle même de l’entrée de son
monde.
Il lui faudrait la guider.
Car c’était ce pourquoi il avait passé sa vie à s’entrainer.
Comment?
Ca, ce n’est pas à moi qu’il a confier la tâche de vous le raconter.

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