Motivation physique : hydrodynamique
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Motivation physique : hydrodynamique
Motivation physique : hydrodynamique I Présentation Le but de ce chapitre est de conduire une expérience numérique en relation avec un problème de mécanique des fluides. Le “matériel” fourni pour conduire à bien ce projet est constitué d’une librairie de programmes qui permettent (entre autres) de résoudre les équations de l’hydrodynamique à l’aide d’une méthode dite “en éléments finis”. La description succinte de ce type d’approche est effectuée dans le chapitre “Méthodes numériques : EDP”. Ce chapitre constitue le projet de fin de module ; le travail qui vous est demandé diffère sensiblement de ce que vous avez fait jusqu’à présent ; vous devez : – proposer un problème de mécanique des fluides ; – consulter la littérature adéquate pour prendre connaissance des résultats analytiques et/ou expérimentaux s’y rapportant ; – mener une expérience numérique pour retrouver (ou pas) ces résultats ; – discuter vos résultats. Bien entendu, les deux premiers points doivent être menés de concert, sans quoi vous risquez de perdre beaucoup de temps. La littérature n’est pas seulement constituée, je le rappelle, des pages Wikipedia. La citation des sources constituera un élément important d’appréciation du travail. Afin de limiter le champ des possibles, les problématiques envisageables sont détaillées ci-après. La philosophie de ce travail est d’effectuer le même type de travail que celui que vous avez fait dans le cadre de votre “Projet expérimental”, à la seule différence près que cette fois-ci, ce n’est pas devant une paillasse mais devant un ordinateur que vous mènerez vos expériences. II Installation de deal.II II - 1 Installation de deal.II La librairie à partir de laquelle vous mènerez l’expérience numérique de votre choix s’appelle deal.II. Elle est “Open Source” et récupérable à l’adresse http://www.dealii.org/. La procédure d’installation est décrite sur cette même page web. Dans l’usage que nous voulons en faire, deal.II recquiert l’installation des librairies tierces suivantes : – UMFPACK (http://www.cise.ufl.edu/research/sparse/umfpack/), – Trilinos (http://trilinos.sandia.gov/), ainsi que d’un logiciel de visualisation supportant le format VTK, VisIt [1] ou ParaView [2] par exemple. L’installation de ces logiciels est envisageable sur vos portables, mais peut prendre beaucoup de temps. Si vous n’y arrivez pas rapidement, concentrez-vous sur le travail demandé et utilisez les ressources du Centre Blaise Pascal. II - 2 Utilisation de deal.II Les paragraphes suivants présentent la façon d’accéder à la librairie deal.II (version 6.3.1) et aux logiciels de visualisation installés au Centre Blaise Pascal. 51 II - 2.1 Une première simulation Le plus simple pour commencer consiste à essayer de reproduire l’une des simulations proposées dans le tutorial de deal.II. Celle que nous présentons correspond à http://www.dealii.org/6.3.1/doxygen/deal.II/step_31.htm Pour cela, les commandes à taper dans un terminal sont les suivantes : mkdir dealii dealii/step-31 cd dealii/step-31 cp /usr/share/doc/deal.ii-examples/step-31/* . make ./step-31 Normalement, la simulation est lancée, et si vous la suspendez ou l’arrêtez, vous devriez voir apparaître des fichiers supplémentaires qui se terminent par l’extension .vtk. II - 2.2 Visualisation La visualisation des résultats est une étape clé des (grosses) simulations informatiques : il faut arriver à extraire l’information pertinente des Mbits, Gbits voire Tbits générés par le code. C’est une étape souvent négligée (car mal-connue), et loin d’être triviale. Dans notre cas, les fichiers .vtk peuvent être visualisés avec des logiciels adéquats, par exemple VisIt ou ParaView (installé au CBP). Pour visualiser ces données avec ParaView, il faut : – lancer ParaView depuis un terminal, avec la commande paraview ; – charger les données en sélectionnant les fichiers .vtk à l’aide du menu déroulant (File > Open), puis confirmer avec le bouton “Apply” dans l’“Object Inspector” ; – les différents champs visualisables apparaissent alors dans le menu déroulant de la barre de tâches “Common Filters Toolbar”. En sélectionnant la température “T”, vous devriez arriver à reproduire la figure correspondant à l’état initial du problème (si le fichier chargé est solution-0000.vtk), ou la situation à un instant quelconque de la simulation. ParaView permet de faire énormément de choses, et l’on se reportera à l’aide en ligne pour découvrir les possibilités du logiciel. On peut par exemple effectuer toute sorte de coupes à l’aide du menu déroulant Filters > Data Analysis, comme cela est illustré sur la figure 27. III Règles du jeu Afin que vous ne vous perdiez pas à aborder n’importe quel problème, vos sujets expérimentaux doivent se construire à partir de l’un des tutoriaux de deal.II suivants : – tutorial 31 (instabilité de Rayleigh-Bénard, convection, ...) ; – tutorial 33 (instabilité de Rayleigh-Taylor, de Kelvin-Helmholtz, ...) ; – tutorial 35 (portance, traînée, allée de von Karman, ...). Entre parenthèses se trouvent certains mots clés qui peuvent orienter vos recherches dans la définition d’une problématique. Vous êtes libres d’aborder un problème différent, la seule chose imposée étant que vos expériences numériques reposent (au moins en partie) sur l’un de ces trois tutoriaux. Cela vous permettra en particulier d’échanger des renseignements si vous éprouvez certaines difficultés (par exemple comment changer les conditions limites, comment visualiser vos résultats, comment en extraire certains chiffres, etc). IV Définition de la problématique J’ai choisi de baser mon étude sur le tutorial 35. Des études expérimentales ont été réalisées sur les tourbillons de von Karman avec des obstacles cylindriques ou au moins arrondis (voir par exemple [3]). J’ai cherché à refaire ces études pour un obstacle carré incliné à 45◦ dans l’écoulement. L’objectif de l’étude est de confirmer ou au 52 Figure 27 – Capture d’écran montrant l’analyse du fichier step-31/solution-0700.vtk où l’on peut voir le champ de température, le champ de vitesse, et des coupes horizontales du champ de température et de vitesse. contraire infirmer un comportement similaire des tourbillons avec un obstacle présentant des discontinuités (au niveau des angles du carré). V Résultats théoriques Une relation a été établie empiriquement par G. I. Taylor pour exprimer la fréquence des tourbillons en fonction des paramètres de l’écoulement : 19.7 U 1− f = 0.198 d Re où d est la taille caractéristique de l’obstacle, Re le nombre de Reynolds et U la vitesse de l’écoulement. Le nombre St = fUd est appelé nombre de Strouhal et ne dépend donc que de Re. Cette relation est, d’après Taylor, valable pour 250 < Re < 2 · 105 . Je cherche à généraliser cette relation en modifiant les paramètres, mais en conservant la forme fonctionnelle. VI Résultats expérimentaux J’ai lancé des simulations à partir du step-35 en modifiant à chaque fois le nombre de Reynolds. J’ai couvert une gamme de Reynolds allant de 10 à 1000. Mes résultats seront présentés avec les unités suivantes : – unité de temps : pas de temps de Paraview τ (sauf mention contraire) : 1 τ = 0.25 s avec mes paramètres de simulation. – unité de longueur : unité x telle que la longueur de l’obstacle soit 0.5 : d = 0.5 x. Pour Re = 1000, on observe pas de tourbillons en sortie de l’obstacle, mais des turbulences apparaissent dans tout l’espace en sortie d’obstacle. De même, pour Re = 10, on observe seulement une trainée après l’obstacle 53 Re 050 070 080 090 100 110 120 λ(x) 2.5 2.1 2.0 2.0 2.0 1.9 1.85 Table 1 – Résultats de mesures sur les simulations (de longueur environ 3d). Ces résultats sont cohérent avec [4] qui annonce des tourbillons pour 40 < Re < 400. On constate une différence entre les intervalles d’apparition des tourbillons. Pour chaque simulation présentant des tourbillons, je mesure la longueur d’onde, c’est-à-dire la distance entre deux tourbillons qui se sont développés du même côté de l’obstacle. Les résultats sont présentés dans le tableau 1. Pour chaque simulation, le changement de nombre de Reynolds ne fait varier que la viscosité du fluide : en effet, sur chaque simulation, on peut mesurer la vitesse de l’écoulement en mesurant le temps nécessaire pour un tourbillon pour parcourir une certaine distance. Dans chaque cas, j’ai mesuré un temps ∆t = 22 τ pour parcourir 3.2 x soit une vitesse de U = 0.145 x/τ = 0.58 x/s. Pour calculer la fréquence, on applique la relation f = f (Hz) = U λ soit : 0.58 λ J’ai utilisé gnuplot pour tracer la fréquence en fonction du nombre de Reynolds et j’ai fitté la courbe par la fonction : 0.198 U 19.7 f (x) = a · 1−b· d Re La courbe est présentée sur la figure 28 avec en trait plein le fit et en pointillés le tracé pour un obstacle cylindrique. Le résultat du fit donne : – a = 1.54 – b = 0.81 VII Discussion On constate, d’après les résultats du fit, que l’obstacle carré peut être comparé à un obstacle cylindrique : en effet, les deux coefficients de correction sont proches de 1. On peut tout de même remarquer que l’obstacle carré donne une fréquence supérieure pour tout nombre de Reynolds, ce qui montre que la présence d’angles saillants introduit plus de perturbations qu’une surface lissée. En supposant que les perturbations induisent des instabilités qui s’évacuent sous la forme de tourbillons de vorticité, plus de perturbations signifient plus de vorticité à évacuer et donc des tourbillons plus fréquents. Notons T = f =A d U, on obtient la relation pour la fréquence : 1 ν − AB 2 T d avec A, B ∈ R Par cette écriture, on constate que la fréquence dépend directement de la fréquence caractéristique de l’écoulement autour de l’obstacle f0 = T1 et la dépendance en dν2 représente la capacité des particules fluides à rester “accrochées” entre elles. 54 freq=f(Re) 0.5 frequency = v/lambda 0.4 0.3 0.2 0.1 0 50 100 150 200 250 300 350 Re Figure 28 – Tracé de f en fonction de Re Ainsi, si la viscosité diminue (le Reynolds augmente), les particules fluides sont moins soudées les une aux autres et donc les tourbillons se détachent plus facilement. Enfin, les points de mesure et la forme fonctionnelle montrent une saturation : la fréquence converge vers une fréquence limite flim lorsque le Reynolds augmente : flim = Af0 . Cela montre que lorsque la viscosité devient à la limite nulle, la fréquence est directement reliée au temps mis par le fluide pour parcourir la longueur de l’obstacle. Le coefficient A est donc un coefficient géométrique qui détermine la facilité qu’à un fluide parfait à contourner l’obstacle. Pour ce qui est du coefficient B, il correspond à la valeur de Re pour laquelle la fréquence va s’annuler et donc où les tourbillons doivent disparaître. Dans le cas du carré, on a donc B = Relim ≃ 16. La formule n’est censée être valable que pour Re > 250 mais on peut l’extrapoler. Comme précisé plus haut, il n’y a pas de tourbillons pour Re = 10, ce qui est en accord avec cette formule. Une simulation pour Re ≃ 20 permettrait de voir si la dépendance fonctionnelle est encore valable pour Re ≃ Relim : la simulation ne présente aucun tourbillon jusqu’à t = 280 τ = 70 s alors que la fréquence prévue est f (Re = 20) = 0.072 Hz soit une période de T = 14 s, donc on aurait du observer des tourbillons si la formule restait valable. Bibliographie [1] Visit. https://wci.llnl.gov/codes/visit/. [2] Paraview. http://www.paraview.org/. [3] Y. Nakayama. Introduction to fluid mechanics. Butterworth-Heinemann, 1999. [4] L. Espeyrac and S. Pascaud. Strouhal instability - von karman vortex street. http://hmf.enseeiht.fr/ travaux/CD0102/travaux/optmfn/gpfmho/01-02/grp1/, November 2005. 55 Annexe : État des écoulements Figure 29 – État de l’écoulement Re = 0010, t = 200 τ Figure 30 – État de l’écoulement Re = 0020, t = 280 τ 56 Figure 31 – État de l’écoulement Re = 0070, t = 105 τ Figure 32 – État de l’écoulement Re = 0100, t = 103 τ 57 Figure 33 – État de l’écoulement Re = 0170, t = 070 τ Figure 34 – État de l’écoulement Re = 0300, t = 112 τ 58 Figure 35 – État de l’écoulement Re = 1000, t = 042 τ 59