10 Les naturistes et Alexis Carrel

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10 Les naturistes et Alexis Carrel
10
FFN Nouvelles - bulletin trimestriel n° 3 - avril/juin 2004
Les naturistes et Alexis Carrel
Michel VADEE
Club du Soleil de Poitiers
A maintes reprises et de façon récurrente, en particulier après lecture du Manifeste du Club du Soleil d'Albert Lecoq, dans sa version originelle, des adhérents de nos Clubs se sont étonnés, et certains au fait de l'idéologie raciste
et fascisante soutenue par Alexis Carrel se sont offusqués, de voir cet auteur porté au rang des théoriciens bénéfiques au mouvement naturiste. Pour tenter de répondre à ce questionnement, notre ami Michel Vadée, philosophe
de formation, adhérent de longue date du Club du Soleil de Poitiers, à la demande déjà ancienne de la rédaction, a
accepté d'aller y regarder de plus près. Nous ne pouvons que le remercier pour la quantité et la qualité du travail
fourni. La parution simultanée d'un article sur Carrel, dans le dernier numéro de la Vie au Soleil, n'est pas l'indice
d'un sujet à la mode. Il s'agit, en fait, d'une pure coïncidence mais qui démontre que c'est une vraie question qui
se pose dans le mouvement.
Il est bien entendu que la responsabilité de l'auteur est seule engagée pour le propos qu'il développe. NDLR.
Pourquoi les pionniers
du naturisme furent-ils
abusés ?
Certains posent encore parfois la
question : comment se fait-il que
Kienné de Mongeot, Albert Lecocq,
et beaucoup d'autres, aient pu recommander L'Homme, cet Inconnu
d'Alexis Carrel (1), quasiment sans
émettre de réserves ? Cette question
n'a guère été abordée dans la presse
naturiste. Dans le Manifeste du Club
du Soleil, rédigé par Lecocq en 1950,
on pouvait lire jusque vers 1990-95:
"Le Club du Soleil approuve, dans
son ensemble, la pensée naturiste
telle qu'elle s'est dégagée depuis
Hippocrate jusqu'à Alexis Carrel" (2)
Or, Lecocq ne faisait que suivre K.
de Mongeot, premier à louer le livre.
De fait, Carrel a longtemps eu très
bonne presse dans de larges cercles
en France. L'Homme, cet inconnu a
connu, dès sa parution, un succès
difficile à imaginer aujourd'hui. Prix
Nobel de médecine (1912), Carrel
jouissait d'une notoriété justifiée
dans son domaine. Mais en 1950,
ignorait-on qu'après sa longue carrière à l'Institut Rockfeller pour la
Recherche médicale de New-York
(1906-1939), il s'était compromis
avec le régime de Vichy de 1940 à
1944 ?
Pourtant, La Vie au Soleil, revue
créée en 1949 et dirigée par A. Lecocq, pionnier d'un naturisme social
et ouvert, a mis son livre au rang
des ouvrages "de base" pour les naturistes. De même, après 1950,
dans sa revue Vivre, K. de Mongeot
renouvelle le vibrant éloge qu'il en
avait fait dès 1935. Nous sommes
très surpris que ni l'un ni l'autre n'ait
dénoncé les thèses élitistes, sexistes
et racistes soutenues partout dans
l'ouvrage. Le plus étonnant, c'est
qu'ils n'aient "pas vu" que, dans son
dernier chapitre, s'alarmant du nombre élevé des malades mentaux (3)
et des criminels encombrant hôpitaux psychiatriques et prisons, Carrel n'y allait pas par quatre chemins.
Pour alléger ce fardeau social et
"améliorer la race", il proposait les
grands moyens : dressage "par le
fouet" et élimination des "incurables"
par le gaz grâce à "un établissement
euthanasique" ! (4)
Tous ceux, très nombreux, qui approuvèrent le livre, l'avaient-ils lu
jusqu'au bout ? Comment lit-on un
livre à succès? Pourquoi un tel éloge
d'une oeuvre si discutable ? Simple
quiproquo ? Ignorance et inattention, le " programme " et le rôle de
Carrel ayant été longtemps méconnus et cachés ? Qui a trompé qui ?
Pourquoi dès 1935 se laisse-t-on
abuser à ce point par une idéologie
raciste ? Intérêt à profiter du renom
de l'auteur en faisant silence sur les
aspects gênants du livre ? N'y a-t-il
pas eu aussi une bonne part d'aveuglement volontaire ?
Pour tenter de répondre à ces questions, nous procéderons en trois
temps: l/ en quels termes les fondateurs du naturisme français accueillirent-ils le livre de Carrel? 2/ pourquoi leur appréciation élogieuse a-telle pu durer si longtemps? 3/ comment comprendre cet aveuglement
des pionniers d'un naturisme humaniste sur l'idéologie raciste et fascisante que Carrel affichait pourtant
clairement ?
L'éloge du livre de Carrel dans la
littérature naturiste
Dès la parution de L'homme, cet inconnu, Kiéné de Mongeot le salua
très chaudement et en donna des
extraits (Vivre n° 188, 1er déc. 35 ;
voir encadré). Puis, le 15 janvier
1936, Vivre publia un compte-rendu
de six grandes pages : "Le cri
d'alarme du Dr A. Carrel et la doctrine de Vivre" signé " Philosophus ",
nom de plume de Jean Didier (5). Ils
seront les seuls à faire des réserves
sur les thèses de Carrel, ou plutôt
sur les méthodes de " reconstruction
de l'homme " préconisées à la fin de
son livre (voir l'Encadré)" (6).
Après la renaissance des groupes
naturistes à la Libération, A. Lecocq - ancien du Sparta-Club
(section du Nord) -, loue le livre et
en conseille la lecture sans aucune
mise en garde. L'homme, cet Inconnu figure souvent parmi les " Ouvrages de Culture Naturiste " recommandés par La Vie au Soleil (7).
Fougerat de Lastours fait de même à
l'occasion (8). La Vie au Soleil (n°
13, mars 51) contient un compterendu tout aussi favorable des Réflexions sur la conduite de la vie,
oeuvre posthume de Carrel éditée
par son épouse. En septembre 1952,
la biographie de Carrel du Dr Robert
11
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"Je recommande particulièrement aux lecteurs de Vivre l'ouvrage du Pr
Alexis Carrel : L'homme, cet inconnu. Il leur permettra de découvrir les
aspects inconnus de l'homme civilisé et leur donnera confiance dans les
doctrines de " Vivre " lesquelles concordent - et c'est un immense honneur pour elles - avec certaines idées du célèbre praticien. K. de Mongeot, Vivr-Santé, 1er déc. 1935
"Tout l'enseignement du Dr Carrel, comme celui de K. de Mongeot, se
résume, en effet, en cet appel têtu et opiniâtre : " Prenez garde. La Civilisation présente nous tue : échappez au Moloch du machinisme, si vous
voulez vivre une vie humaine ". Les moyens seuls diffèrent. M. Carrel
vise à constituer un Aréopage tout-puissant de savants : c'est le sommet
social. Nous, ici, DES MAINTENANT, nous voulons sauver la masse humaine par des moyens directs ; et nous prétendons avoir raison. " [....]
Selon Carrel, "dès maintenant, il est impératif, il faut que tous ceux qui
ont charge d'âmes - et de corps - éducateurs, écrivains, prêtres, médecins, renonçant à leurs misérables querelles, à leurs vils appétits individuels et égoïstes, enseignent résolument aux autres hommes, ... qu'ils
doivent transformer leurs mœurs, leur genre de vie, leur mentalité tout
entière sous peine de disparaître lamentablement, eux et tout ce à quoi
ils se disent attachés.
Soupault fait l'objet d'un article où
on défend le "grand savant" contre
les "sarcasmes de certains" et la
"sourde hostilité de l'Eglise catholique" (La Vie au Soleil, n° 24). Plus
tard, le Dr Herscovici, membre de la
Commission d'Hygiène du Département de la Seine, met une citation
de Carrel en tête de ses articles dans
la Vie au Soleil (9)
Qu'apprécie-t-on dans le livre ?
Quelles affinités se reconnaît-on
avec les idées de Carrel ? Cela ne
ressort guère des simples mentions
du livre, ni des quelques citations
dont on se sert comme exergues. En
1949, dans sa plaquette Le naturisme en 10 règles (p. 26), Lecocq
dit seulement : " Comme l'a remarquablement souligné le Dr Alexis
Carrel, l'homme n'a pas évolué en
rapport du progrès matériel ; il y a
déséquilibre et désaccord" (10)
Dans La vie au soleil, des formules
de Carrel sont utilisées, parmi une
quantité d'autres : de Gandhi, Russell, Einstein, ... Dans un en-tête
Certes, constamment, il [Carrel] préconise le culte des hommes résistants (15) et des héros, il vilipende l'égalité démocratique sottement niveleuse, il tempête durement contre " la trahison des femmes " trop souvent oublieuses de leur rôle véritable ; mais il se contente de proposer
un eugénisme à portée problématique, et surtout la création d'une sorte
d'institut des Sciences de l'homme (conçu sur le modèle de la Cour suprême des Etats-Unis) qui régirait souverainement le domaine de la thérapeutique collective.
Il nous semble au contraire que c'est tout de suite et sans tarder que la
tâche de cette Réforme fondamentale doit être entreprise .... Ou la Civilisation changera son orientation, ou la race blanche d'abord disparaîtra.
D'immenses événements se préparent, annonciateurs de cette confrontation des Jaunes et des Blancs ; où ceux-ci vaincront difficilement, où
de toute façon, ce serait la fin de notre ère culturelle ".
signé " A.-L. " précédant un article
pris d'une revue anarchiste qui niait
qu'il y eût une "philosophie" naturiste, Lecocq proteste en avril 1951
en s'appuyant sur l'autorité de Carrel
(11) : " On peut harmoniser notre
vie avec les exigences de la nature
sans déshumaniser l'individu. Le Dr.
Alexis Carrel, dans ses Réflexions
sur la conduite de la vie, qui peut
être considéré comme un exposé de
la philosophie naturiste, souligne la
nécessité d'obéir aux lois naturelles,
parallèles à l'ascension de l'esprit,
laquelle permet à l'homme de
contrôler ses instincts. " (La Vie au
Soleil, n° 14).
Voilà l'idée principale que Lecocq
retenait : " obéir aux lois naturelles
". Quinze ans après, en 1966, à côté
de l'éditorial de Lecocq, en première
page, on " conseille aux débutants la
lecture des monographies publiées
[...] dans la collection ARENA, ou [...
son] catalogue [...] d'œuvres sélectionnées se rapportant au naturisme,
au nudisme, à l'hygiène, la diététique, [...], auxquelles il faut ajouter
[...] des ouvrages de philosophie de
base, comme L'homme, cet Inconnu
d'Alexis Carrel (la Vie au Soleil, n°
103). Le grand mot est lâché : " la
philosophie de base " des naturistes!
Diable ! En quoi consiste donc cette
"philosophie" qui se serait trouvée
aussi chez Carrel ?
Donc, en 1951, Lecocq évoque le
respect des "lois naturelles", thème
cher aux naturistes : d'ailleurs il publie une série d'articles sur ce sujet
(12) . Or, justement, Carrel, faisant
le procès de la civilisation moderne,
mécanique, industrielle et urbaine,
clamait qu'elle violait "les lois de la
nature et de la vie". Telle était aussi
l'idée que Jean Didier retenait au
cœur de son analyse du livre en
1936 : L'homme, cet inconnu "vérifie
tellement les doctrines que nous
propageons depuis dix ans, que nous
n'insisterons jamais assez sur les
vérités ... qu'il accumule et crie ", en
particulier " l'antagonisme entre le
progrès physique mécanique et le
progrès mental et moral" (Vivre, 15
janv. 1936).
K. de Mongeot, J. Didier, puis Lecocq
et les naturistes en général, félicitèrent donc Carrel pour avoir dressé
un réquisitoire en règle contre la société contemporaine, contre le machinisme, le règne de la mécanique
et de la chimie, contre les cités industrielles, causes des grands fléaux
sociaux : méfaits des conditions du
travail en usine, mauvaise alimentation (critique du pain blanc), abus de
l'alcool, du tabac, des drogues, pandémies : syphilis, tuberculose..., enfin, crise de la natalité, crise des
12
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mœurs (divorces, avortements),
nombre important d'individus faibles
ou débiles, des criminels, etc. (13)
Carrel n'était pas original. A l'époque, nombreux furent les observateurs qui diagnostiquèrent un affaiblissement général des populations
occidentales et qui parlaient de leur
"dégénérescence " !
Les hygiénistes, les médecins
"naturalistes", les nutritionnistes,
diététiciens, etc., en particulier les
pionniers des divers courants " naturistes " y ont reconnu leurs analyses
et leurs conclusions . Chaque page
du livre de Carrel apportait la confirmation de leur diagnostic des maux
de la société moderne. Carrel y ajoutait un talent certain prétendant parler en praticien et médecin ; il se
voulait au-dessus de la mêlée, affirmait ne procéder qu'à des " observa-
Notes
1. Paru en septembre 1935, à la fois en
anglais et en français, il fut le premier
best-seller mondial du XXe siècle (60 éditions aux Etats-Unis en 4 ans). En France,
les ventes atteignirent 31.000 exemplaires fin 1935. Dès 1936, il était traduit en
treize langues. Plus d'un million d'exemplaires vendus en France de 1935 à
1990 !
2. Ce paragraphe a
plement supprimé
étant inchangé. On
le dossier de la FFN
net à "naturisme".
été purement et simvers 1995, le reste
trouve ce texte dans
consultable sur Inter-
3. "Les maladies mentales à elles seules
sont plus nombreuses que toutes les autres maladies réunies" (L'Homme, cet
inconnu, p. 222). "Pour la perpétuation
d'une élite, l'eugénisme est indispensable" (p. 409) : "L'établissement par l'eugénisme d'une aristocratie biologique héréditaire serait une étape importante vers
la solution des grands problèmes de
l'heure présente" (p. 412).
4. "Ceux qui ont tué, volé, enlevé des
enfants, dépouillé les pauvres, qui ont
gravement trompé la confiance du public,
un établissement euthanasique, pourvu
de gaz appropriés, permettrait d'en disposer de façon humaine et économique" (ibid., p. 434), ce que le régime national-socialiste d'A. Hitler mit en oeuvre
avec le programme 7.4 en 1940, se couvrant sans aucun doute de la haute autorité du Dr Carrel, explique Lucien Bonnafé
(voir Lucien Bonnafé et Patrick Tort,
Alexis Carrel, Jean-Marie Le Pen et les
chambres à gaz. Paris, éd. Syllepse,
1992). De plus, Carrel eut certainement
sa
part
de
responsabilité
dans
"l'extermination douce" de milliers d'internés psychiatriques en France durant la
Seconde Guerre Mondiale, En effet, ils
n'eurent pas droit aux suppléments alimentaires qui étaient de règle dans les
autres hôpitaux, d'où un nombre élevé de
"morts de faim". Seuls, un ou deux psychiatres avaient tenté de dénoncer ce
scandale en 1941-1942. Voir Max Lafont.
tions ", et révoquait toute " théorie "
ou philosophie préconçue. Tout cela
a plu et ... trompé ! Ne voyait-on
pas qu'il y ajoutait une idéologie politique très marquée? Il mettait en
accusation la démocratie, critiquait
les mesures en faveur des pauvres,
des malades et des déshérités. Il
fallait, disait-il, abandonner les lois
sociales, revenir à la " sélection naturelle ", aux vieilles traditions qui
forgent les élites fortes : laisser
jouer les lois naturelles ", les mœurs
et pratiques ancestrales que la civilisation détruisait : restaurer la famille, l'austérité de l'effort et du travail, pour refaire des élites ! Le
thème de la dégénérescence des
masses servait beaucoup à Carrel
pour enfoncer le clou et faire passer
son idée centrale de " reconstruction
de l'homme " par la régénération des
" races blanches " qui avaient fait
l'Occident !
L''extermination douce : la mort de
40.000 malades mentaux dans les hôpitaux psychiatriques en France, sous le
régime de Vichy. Ed. de l'AREFPPIn 1987,
Mais cela ne fut découvert et établi que
vers 1980.
fois mis en exergue à ses éditoriaux une
phrase de Carrel (n° 22, mai 52, N) 23,
juill. 52). D'autres se réclament de lui en
cours d'article (A. Barbé, n° 39, janv. 55).
Il ne semble pas que Fougerat de Lastours se soit appuyé sur Carrel. Il faudrait
aussi chercher du côté des Docteurs Durville et dans les livres des naturistes (Dr
Poucel, Dr Pathault, etc.) à partir de
1935.
5. Fidèle collaborateur de Vivre, professeur érudit, Jean Didier était un ancien
père jésuite et un vieil adhérent du Sparta-Club de de Mongeot (ce club gymnique
avait développé diverses sections en région parisienne et en province)
6. Vivre reviendra plusieurs fois dans les
mois suivants sur le livre de Carrel, mais
sur des points tout à fait mineurs. Face à
des critiques marginales un peu vives,du
Dr Pathault, K. de Mongeot, qui publie sa
lettre, prend la défense de Carrel, voulant
faire "la part du feu" (Vivre, n° 190, 1er
février 1936).
7. Elle mentionne le livre de Carrel dans
ses n° 11, nov. 50, 12, janv. 51, 15, mai
51, 22, mai 52, 25, nov. 52, 45, fév. 56,
etc.
8. "La grande figure du Dr Carrel ne pouvait être absente du Salon "Nature et
Santé" et ses ouvrages - somme de son
expérience d'homme et de savant - édités
par Plon, ont leur place dans la bibliothèque de tout naturiste" (Nature et Santé,
Diététisme et Héliose, Médecine et Prévention, Collection Vie et Lumière, n° 12,
1953, p. 57). Mis à part ce coup de chapeau, il ne semble pas que Fougerat se
soit référé à Carrel dans ses ouvrages.
Nous n'avons effectué qu'un rapide sondage dans "Naturisme", journal des Drs.
Durville, sans trouver de mention de Carrel en 1936. Certains auteurs de livres sur
le naturisme font figurer le livre de Carrel
dans leur bibliographie : Ph. Russo
(1962), G Schwab (1963), A. Bara
(1974)... L'ont-ils lu ou se fient-ils au fait
que de Mongeot, puis Lecocq, et leurs
revues l'aient recommandé ?
9. Sénescence, rajeunissement et Vie
naturiste", la Vie au Soleil, n° 57-58-59
en 1958, articles précédés d'une citation
de Carrel en exergue : "Afin de durer, la
société et l'individu doivent se conformer
aux lois de la vie". Lecocq aussi avait par-
Parmi les naturistes, seuls quelquesuns (K . de Mongeot et J. Didier)
émirent des réserves, mais combien
timidement et seulement en 193536 ! Dans l'ensemble, ils ont approuvé le diagnostic et le pronostic, récusant seulement l'Institut d'étude de
l'homme que proposait Carrel pour
piloter la mise en pratique de mesures concrètes ! Ils prétendaient, eux,
que le sport, la vie saine, la pratique
des activités de plein air et la gymnité, offraient la solution, déjà mise en
œuvre avec succès dans leurs communautés privées. Ainsi, les fondateurs du naturisme français semblent avoir voulu "profiter" de la notoriété de Carrel et du succès de son
livre. Mais était-ce bien la motivation
fondamentale de leur éloge de Carrel ?
10. Idée alors banale : tout le monde
connaissait le mot de Bergson : Nous
avons besoin d'un "supplément d'âme".
11. De même, K. de Mongeot, poursuivi
par le parquet de Liège pour la publications de photos de "trois jeunes filles,
saines, belles et souriantes", s'était référé
à deux reprises au livre de Carrel pour en
faire un témoin de sa défense (Vivre, n°
191, 1er mars 1936).
12. "Les lois de l'hygiène naturiste". La
Vie au Soleil, n° 19 à 25 (nov. 51-nov.
52)
13. Carrel était loin d'être le premier et le
seul à faire un tel diagnostic de
"dégénerscence" générale des nations
occidentales : en fait, il compile et pille
ses contemporains. Drouard le montre
bien dans son livre très documenté : Une
inconnue des sciences sociales : La Fondation Alexis Carrel. MED-MSH, Paris,
1992.
14. K. de Mongeot parle souvent de la
"régénération" de l'individu. Le mouvement de Fougerat de Lastours se définit
comme "Ligue de Régénérescence physique et mentale". Cette idée de régénération est omniprésente dans les ouvrages
naturistes à cette époque.
15. Leit-motiv de K. de Mongeot et de sa
revue Vivre-Santé : la résistance physique
et mentale peut être retrouvée par la pratique fréquente et régulière d'exercices
physiques en état de gymnité, alliée à une
hygiène rigoureuse et des moeurs
"spartiates" : telle était l'éthique de son
mouvement, que couronnait le culte de la
beauté, mis en oeuvre dans les section du
Sparta-Club.

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