Habitat et Vie civile au 18è siècle - La Ligue

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Habitat et Vie civile au 18è siècle - La Ligue
PLACE FORTE DE MONT-DAUPHIN
Habitat et vie civile au 18e siècle
Dossier enseignant
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Centre des monuments nationaux
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Place forte de Mont-Dauphin
Place Vauban. 05600 MONT-DAUPHIN
 06 70 58 54 62  04 92 46 12 68
 LE VILLAGE
En 1692, Vauban vient inspecter les fortifications du
Dauphiné et de la Provence afin de consolider la
frontière face au duc Victor-Amédée II de Savoie dont
les troupes ont récemment anéanti Guillestre, Embrun
et Gap. Il visite le plateau des Mille Vents proche de
Guillestre et s’enthousiasme pour ce lieu et ses
environs : « c’est l’endroit des montagnes où il y a le
plus de soleil et de terre cultivée ; il y a même des
vignes, des bois, de la pierre de taille, du tuf excellent
pour les voûtes et de la pierre ardoisine, de bon plâtre,
de fort bonne chaux, du charbon de terre et tout cela
dans la distance d’une lieue et demie au plus ». Il
projette de créer une place forte sur ce plateau et
adresse rapidement quelques plans au roi Louis XIV.
La place forte de
Mont-Dauphin
Dans sa description idyllique, deux points ne semblent pas retenir l’attention de Vauban. En effet, le
plateau venté et aride n’a jamais été habité, seuls les bergers y mènent paître leurs troupeaux. Malgré
tout le commissaire aux fortifications prévoit d’établir une ville à l’intérieur des fortifications car l’endroit
est isolé, le climat rude ce qui risque de rendre difficile la vie de garnison. La présence d’une population
urbaine, de commerces, de foires et de marchés doit selon lui permettre de développer une vie sociale
agréable et réconfortante.
Son projet rédigé, Vauban réfléchit à un nom pour cette nouvelle place forte : « comme nous avons des
Mont-Louis, Mont-Royal, Fort-Louis… je ne sais plus où en prendre qui soit digne d’elle, à moins que de
l’appeler Mont-Dauphin, nom qui conviendrait fort bien à Monseigneur le Dauphin et à la province dont il
porte le nom ».
Vauban obtient une décision favorable du roi et les travaux des fortifications démarrent en 1693. Des
concessions sont accordées aux futurs propriétaires pour obtenir un terrain à bâtir.
Au début du 18e siècle, Mont-Dauphin
compte vingt à vingt-cinq maisons
d’habitations. On trouve également des
commerces et des ateliers d’artisans :
quatre cabarets, une boulangerie, sept
auberges, un service de poste, une
boucherie,
une
cordonnerie,
dix
marchands négociants (vin, céréales,
bois, habits….). En plus de leur activité
commerciale, les habitants élèvent
quelques moutons et sont propriétaires
de terrains agricoles situés sur le terroir
d’Eygliers.
A la fin du 18e siècle, trois cents
habitants sont installés dans la place.
Malgré les avantages matériels que la
commune propose, Mont-Dauphin ne
suscite pas l’intérêt que Vauban lui
supposait. Pour développer l’économie
et attirer de nouveaux habitants,
l’administration propose de créer un
marché hebdomadaire. En 1765, Louis
XV accorde des lettres patentes pour
l’organisation de foires franches. Pour
faciliter l’accès à Mont-Dauphin, une
seconde
porte est
ouverte dans
l’enceinte au sud.
Parcours de vie de François Lagarde de l’auberge où
pend pour enseigne le « Lion d’Or » à Mont-Dauphin
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Originaire d’Orléans, François Lagarde s’installe à Mont-Dauphin avec
sa femme Jeanne Leroy vers 1696-1697. Il travaille tout d’abord
comme commis aux fortifications auprès des entrepreneurs Anglart et
Rankin (attributaires du marché des fortifications). En 1697, malade, il
rédige un testament dans lequel il exprime le vœu d’être enterré à
Mont-Dauphin. Il lègue à sa femme tous ses biens meubles qu’il
possède dans la maison où il loge appartenant à Pierre Rankin. Mais
François Lagarde se rétablit et retrouve vite un vrai dynamisme dans
les affaires.
A la fin du 17e siècle, il fait bâtir une maison dans la place et ouvre
une auberge portant l’enseigne du « Lion d’Or », tout en menant de
front son autre activité. Puis en 1702, il décide de mettre en gérance
son commerce à Guillaume Avon, tailleur de pierre de Valence selon les
conditions suivantes : « le prix de la gérance est fixé à 200 livres par
an pour toute une maison située à la grande rue de Mont-Dauphin
confrontant la maison neuve de François Lagarde du levant, maison de
messieurs Rankin et Anglart du couchant, la grande rue du midi, la
citerne du septentrion et pour le temps et terme d’une année ».
François Lagarde a les moyens pécuniaires d’employer une servante
(cette dernière est originaire de Saint-André d’Embrun).
Après son décès survenu en 1706, sa femme vend leurs deux
maisons : une à Pierre et Michel Gallice, natifs de Briançon et
marchands dans la place tandis que l’auberge est vendue à Marc
Boisset de Castres aussi bourgeois de Mont-Dauphin. L’héritière a aussi
profité du règlement de la succession pour solder les 698 livres de
dettes contractées par son mari. Jeanne Leroy, veuve sans enfant, va
quitter les lieux ou peut-être se remarier. Les registres paroissiaux
datés du 18e siècle ne mentionnent plus son nom.
Mais rien n’y fait, devant la stagnation de l’habitat civil une plantation de différentes essences d’arbres
est réalisée au 19e siècle dans la partie sud de la place. Ce parc sert de lieu d’agrément à la population.
1
Le plan de la place forte est réalisé selon les
principes développés pour la construction de
toutes les villes nouvelles créées par Vauban où
les exigences de la défense (murs épais, pièces
voûtées, toitures d’ardoises) se superposent aux
nécessités de la représentation (alignement des
maisons, façades appareillées, ordonnancées et
symétriques).
Le village est situé au centre de la place, protégé
par les escarpements naturels, les remparts et les
bâtiments militaires périphériques. Il comprend
deux rues parallèles et une perpendiculaire,
caladées ou en terre battue. Larges et droites,
elles forment des lignes coupe-feu, permettent
une
surveillance
aisée
et
facilitent
les
déplacements de troupe et de matériel militaire.
La trame orthogonale divise l’ensemble de l’habitat
en
quatre
îlots
d’habitations.
Ces
îlots,
rectangulaires sont fermés. Seuls quelques
passages cochers traités en porche dans la façade
sur rue permettent d’accéder dans les jardins.
La rue principale se trouve dans le prolongement
de la porte de Briançon. La perspective axiale
dégage la vue jusque vers la plantation et le front
sud.
L’église dédiée à Saint-Louis est située à l’écart
des habitations vers le front de la Durance.
Commencée à la fin du 17e siècle, elle n’a jamais
été achevée faute de crédits et aussi en raison de
l’échec du développement du village.
Deux sources captées au delà des remparts vers
Eygliers assurent l’approvisionnement en eau de la
place. Elles alimentent fontaines et lavoirs.
Comme l’eau peut être coupée ou empoisonnée en
cas d’attaque, deux citernes complètent le
dispositif en assurant des réserves.
 LES MAISONS
Les maisons au volume important, s’alignent le
long des rues et sont mitoyennes. Les façades
principales se font face et donnent sur la rue. A
l’arrière, les maisons ouvrent sur les jardins.
A l’instar des édifices militaires, les constructions
civiles respectent les prescriptions voulues par
Vauban. Construites en moellons de pierre liés à
de la chaux et recouvertes d’un enduit, elles sont
couvertes d’une toiture d’ardoises remplacée
aujourd’hui par la tôle ondulée.
Les maisons comprennent quatre niveaux. Les
caves creusées dans la roche sont couvertes de
voûtes et peuvent servir d’abri en cas de siège.
Le rez-de-chaussée, souvent voûté, abrite
l’activité commerciale et une cuisine ou pièce
commune. Les nombreuses baies encore visibles
dans la rue Catinat indiquent l’emplacement de
ces boutiques et témoignent d’une recherche
esthétique par l’emploi du calcaire rose.
Un couloir traversant relie la rue au jardin. Ce passage est commun aux hommes et aux animaux dans
les maisons qui comportent une étable côté jardin. Un escalier permet d’accéder à l’étage réservé aux
chambres. Au-dessus encore, le matériel, les vivres et le foin sont stockés dans la grange. Celle-ci est
accessible par une ouverture à poulie donnant sur la rue évoquant ainsi la fonction agricole des combles.
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A l’intérieur, les maisons sont soigneusement
aménagées. La vie quotidienne doit rester
agréable malgré les hivers longs et rudes :
grandes cheminées, montées d’escaliers en bois
à balustres… Le pin, bois courant dans la région
fournit la matière première des meubles, solides
et massifs.
Malgré les recommandations successives des
autorités militaires pour construire et entretenir
les maisons, les habitants ne s’y conforment pas
toujours.
En 1755, l’intendant du Dauphiné doit intervenir
au sujet des défectuosités des cheminées qui
risquent de donner lieu à l’incendie des bâtiments
du roi.
Il ordonne qu’ « elles seront à l’avenir construites
selon les ordonnances et règlements de police et
ramonées trois fois par an sous peine de cent
livres d’amende contre les maçons et de les
reconstruire à leurs dépens et de trente livres
d’amende contre les habitants qui ne feront pas
ramoner leur cheminée ».
 LA VIE QUOTIDIENNE
MOBILIER DOMESTIQUE
Inventaire - Thomas Thorez propriétaire de
l’auberge « La chasse royale » (1702)
MONT-DAUPHIN
Dans la cuisine :
- tables, bancs, chaises, buffet en bois blanc (pin, sapin,
épicéa)
- chenets, broche en fer, crémaillères en fer, crochets, pinces
pour le feu équipent la cheminée
- éclairage assuré par des chandelles (chandeliers) ou des
lampes à huile
- mortier de pierre pour piler le sel
- poids à balance, mesure d’une émine de blé garnie de fer
- cuillères, fourchettes, assiettes, plats en étain, acier
- chaudron, marmites, casseroles en étain, laiton ou cuivre pour
cuire les aliments dans l’âtre
- bassines pour faire la vaisselle
- serviettes et nappes
Dans la cave :
- tonneaux pour conserver le vin vendu dans l’auberge
- claie à fromage
Dans les chambres :
- chenets avec pommeau (les chambres possèdent
cheminées pour le chauffage)
- tables, chevets, coffres, pétrin en bois blanc
- lits en mélèze garnis de courtine en toile de Bergame
- paillasses surmontées de matelas de laine
- draps et couvertures
des
Comme dans toutes les places fortes, les habitants doivent apprendre à cohabiter avec la troupe et se
conformer à des règlements stricts.
Dans la journée la rue principale s’anime des cris et boniments des boutiquiers, du bruit des charrettes
des vivandiers, aubergistes et boulangers transportant le ravitaillement de leurs commerces tandis que
les enfants curieux et espiègles, observent, après l’école, les soldats en exercice où s’attroupent près des
portes au moment de la relève de la garde.
Les femmes se retrouvent tous les jours aux fontaines pour remplir leurs seaux, laver le linge et papoter.
Les jours de foires et de marchés, le commerce s’intensifie.
Deux foires ont lieu chaque année. Vendeurs et acheteurs
viennent des vallées environnantes.
Outre le bétail, toutes sortes marchandises sont exposées sur
les étals : gros draps de pays, sel emmené de Provence. La
pierre à mesure adossée à l’angle de la rue Colonel Cabrié
atteste cette activité marchande.
L’été, les journées sont longues et harassantes à cause des
travaux des champs. Les enfants aident leurs parents,
fenaison, vendange et moisson nécessitant une main d’œuvre
importante.
Le soir venu, les familles se retrouvent autour de la table
devant la cheminée tandis que les soldats tentent de se
divertir dans les cabarets et auberges du village.
Mais après la retraite battue les cabaretiers doivent fermer leurs commerces sous peine de sanction.
Avant la nuit, la troupe ferme les portes et lève les ponts. Les soldats montent la faction sur les
remparts. Dans les maisons, les hommes font les comptes de la journée pendant que les femmes
tricotent à la lueur des dernières braises crépitant dans l’âtre.
Le dimanche et les jours de fête, civils et militaires assistent à la célébration de la messe. Moments de
rencontres et d’échanges par excellence, les habitants soignent leur aspect vestimentaire : costume noir
masculin et chemisier assorti à une jupe ample ou une robe pour les dames qui portent aussi la coiffe
agrémentée de dentelles. Dans l’église les places d’honneur sont réservées aux militaires gradés et aux
consuls.
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 LE POUVOIR A MONT-DAUUPHIN
Au 18e siècle, l’autorité dans la place forte est détenue par différents personnages :
-
Le pouvoir municipal : Mont-Dauphin accède au rang de ville royale en 1753 et devient le cheflieu de la communauté Mont-Dauphin-Eygliers. Celle-ci est administrée par trois consuls qui
représentent l’ensemble des habitants et gèrent les finances. Les consuls sont élus annuellement
par l’assemblée générale formée par la réunion de tous les chefs de famille. Le premier consul est
choisi parmi les habitants de Mont-Dauphin, les deux autres par ceux d’Eygliers. Pour être
éligible, il suffit de posséder une propriété (maison ou fonds taillables). Les assemblées se
déroulent au pavillon du gouverneur dans une pièce louée comme maison commune.
L’ordre administratif instauré en 1753 par l’arrêt royal suscite des crispations du côté d’Eygliers
qui accepte mal d’être rétrogradé au second rang. Finalement, les deux communes deviendront
indépendantes à la Révolution française.
-
Le pouvoir seigneurial : le territoire de Mont-Dauphin-Eygliers est possession de l’archevêque
d’Embrun qui détient des droits féodaux et de justice. Dans la place forte, un châtelain représente
l’archevêque. Il assiste aux réunions de la communauté et occupe aussi la fonction de juge de
police (le registre paroissial d’Eygliers daté du 8 octobre 1695 mentionne que le châtelain doit
dresser un procès-verbal à la suite de l’accident mortel de Jeanne Gerbier, habitante de MontDauphin qui est tombée d’une muraille).
-
Le pouvoir militaire : un gouverneur secondé par un lieutenant du roi commande au nom du roi.
Outre les décisions propres à la gestion quotidienne de la troupe, il peut intervenir en cas de litige
entre civils et militaires. L’armée possède la primauté sur les magistrats municipaux. A certains
moments, l’état-major est même considéré comme étant « trop despotique » et son action
« défavorable au développement urbain et commercial de la place ».
-
Le pouvoir mandemental : à un échelon fédératif supérieur, Mont-Dauphin-Eygliers et la
communauté de Saint-Crépin forment un mandement et conservent forêts et pâturages en
indivision gérés par des représentants élus appelés syndics.
-
Le pouvoir provincial : le village dépend de la province du Dauphiné dirigée par un intendant qui
représente le roi. Il détient l’autorité en matière économique, administrative et judiciaire. Il
délègue ses prérogatives à des subdélégués (nos sous-préfets actuels). Mont-Dauphin appartient
à la subdélégation d’Embrun.
-
Le pouvoir religieux : Mont-Dauphin appartient à l’archevêché d’Embrun. Localement un prêtre
aumônier assure le culte. Une confrérie du Saint-Sacrement est établie dans le village.
C’est la Révolution française qui balaiera cette organisation de l’autorité à laquelle elle substituera des
institutions attachant plus d’importance à la séparation des pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif.
Toutefois le pouvoir militaire se maintiendra fortement jusqu’au 20e siècle à Mont-Dauphin.
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RENVOIS
BIBLIOGRAPHIE
 BODIN Bertrand – FAUCHERRE Nicolas : Vauban, les sites majeurs – Glénat 2009
 BORNECQUE : Mont-Dauphin, place forte de Vauban – Editions du patrimoine - 2007
 CHOMEL Vital : Dauphiné, France : de la principauté indépendante à la province (12e-
18e siècles) - PUG




COLLECTIF : Vauban la forteresse idéale – livre DVD – La Maison d’à côté - 2007
FAUCHERRE Nicolas : la place forte de Mont-Dauphin – Actes Sud – 2007
MONSAINGEON Guillaume : Vauban, un militaire très civil – Editions SCALA – 2007
VIROL Michèle : Vauban – Editions Champ Vallon – 2003
CARTES
IGN
IGN
:
:
La France de Vauban N° 923
France : forts et citadelles N° 907
SITES INTERNET
Les fortifications des Alpes : http://sentinelles-des-alpes.com
Histoire des Hautes-Alpes : http://hautes-alpes1789.ifrance.com
Association Vauban : http://www.vauban.asso.fr
L’inscription des sites Vauban au patrimoine mondial de l’UNESCO : http://unesco.org/fr/list/1283
Le réseau Vauban : http://site-vauban.org
L’actualité sur les sites UNESCO de Mont-Dauphin et Briançon : http://vauban.alpes.fr/
Le site du CMN : http://mont-dauphin.monuments-nationaux.fr
SITES
 Les autres fortifications de Vauban classées à l’UNESCO :
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