PORTRAIT TATIANA DE ROSNAY

LIBÉRATION JEUDI g sEPTEMBRE
2oIo
PORTRAIT TATIANA DE ROSNAY
(Neuilly-sur-Seine), <<sonnom àrallonge>> el
<<sa
tronche de
pour une <<snob>>. Ce qu'elle n'est pas,
explique-t-elle en passant du français à I'anglais, sa langue
maternelle, à chaque fois qu'elle s'emporte, puisque son
époux, qui travaille dans l'événementiel, touche, dit-elle, un
safeire <tnrmql>, qu'elle habite ut 70 mz près de MonÞarnasse, est catholique mais nonpratiquante, s'habille en jeans,
a voté Royal en2007 et trouve d'une <<trÍstesse absolue>>la
politique du gouvernement à l'égard des Roms. tJnierstood?
Yes, yes. De toute façon, on la voyait plus gauche caviar du
VIe arrondissement que BCBG du XVIe. Après tout, elle a bousillé ses premiers escaryins chez Castel, boit son thé au Select,
assiste aux sauteries littérai¡es dorurées à Matignon et connaît
Frédéric Beigbeder depuis des lustres. Oui mais non: à I'entendre, sa nationalité << franglaise >> Ia rend inclassable.
Elle-même s'avoue à moitié perdue: depuis octobre 2009 et
<<I'humiliation>> qu'elle a subie, lorsqu'elle a dù prouver sa
nationalité pour obtenir le renouvellement de son passeport,
elle ne sait plus ce qu'être français signifie. <Ilironie del'hßbourge>>, on Ia prenne
toire,c'estqtecelomesoitorrivéàmoi,l'arßtonéeàNeuilþ!>
I
Comme ses amis du beau monde, Tatiana de Rosnay ne se
prend pas pour n'importe qui. Contrairement à beaucoup
d'entre eux, elle est trop intelligente poü se prendre au EN E DATES
sérieux: <<J'en oi tellernent
boté que jene stßpasprête
28 septembre 19ór
d' oubliq d' où je vims. >>
Naissance à Neuilly-surAvant d'ête r¡ne écrivaine à Seine (Hauts-de-Seine).
succès, elle était une écri- ó décembre r98ó Coup
vaine <<invisible>. Le genre de foudre avec Nicolas
dont on cherche le livre
vingt minutes en rayon avant
de le trouver en bas, au fond
ou en dessous, quand il n'est
pas épuisé sans espoir de remise en forme . EIe s'qpelai|
Sørah est son neuvième ro-
man. Elle s'est battue
<EIle s'appelait Sarah>>, son neuvième roman,
best-seller mondial bientôt porté à I'écrar, â changé
la vie de cette chic Franglaise de 48 ans, fille de Joêl.
deux ans avant de levoirpu<<-f 'ai très mal véqt cette
blié.
¡téríode, confesse-t-elle gravement. Sarc le soutíen de
l'lw¡me
a
son mafl.
1992 Premier roman,
I'Appartement témoin
(Fayard).
2oo5 Rencontre I éditrice
Héloi'se d'Ormesson.
zooT
EIle
sbppeloit Soroh
(EHO). 2oto Eoomerong et
réédition du Voisin (EHO).
15 octobre 2oto Sortie en
salles de Flle säppe/oit
Soroh.
Mars 2olt Publication de
son prochain roman.
de mavie, þ oais qrc
j'ø,urqß arrêté d'écrire.>> Sarencontre avec l'éditrice Héloibe
d'Ormesson, qu'elle interviewe en 2005 pour le magazine
Efle, et son mari, Gilles Cohen Solal, est déterminante: ils
exigent de lire Scmh,l' <<mfutmort>> dont elle ne veut plus
entendre parler, et décident de luirendre la vte. <Lophryut
demes confrères avaienthtlemuusqít deux ans atorttmoi.,
explique I'éditic e. Al' éryrrc, les gans n' étniml pøtt-êne ps
fits
ù, aJfronter cette hístoírc. >>
Depuis, la vie de Tatiana de Rosnay
a
basculé. Elle qui se fait
un devoir de répondre personnellement aux messages que
ses lecteurs postent sur son site ou ses pages Facebook se rehor¡¡e
Elle reçoit des litrres, des marque-
soudain
PATCI{LOÉAEBERI{ARDT
PhotoYANNR BANIER
pourront bien envoyer des colis piégés à la redaction ou nous asperger d'acide au prochain Salon
du liwe, on continuera de le penser et de l'écrire : la
romancière Tatjaridde Rosnay n'a pas un style exbîaordinaiTe. Elle-même le reconnaît sans détour: <<Ien'øipas
wßphmplitteraire.r, Et aussi: <<Iene sußpøswrc orþwe des
mots.>> Ceci étant dit (et redit), elle excelle daru un art moins
valorisé mais autrement plus vendeur que la prise de tête
s¡rtaxique et le nombTilisme gerrnanopraün: celui de raconter des histoires.
Chez Tatiana de Rosnay, Ies familles ont des secrets que les
murs savent garder et que les lecteurs crèvent de percer
- quitte à sauter quelques pages pour arriver plus vite à la fin.
Dans EIle s'appehít Søch, le best-seller qui I'a fait connaîüe
et dont I'adaptation au cinéma sort le 13 octobre avec Kristin
Scott Thomas, une journaliste américaine chargée de couwir
la soixantième commémoration duVél d'Hiv découvr.e que
sa belle-famille f¡Aqçaise a croisé le chemin d'une fillette
juive victime de la rafle. Prenant, bien que souvent mélo et
didactique, le roman s'est vendu à 400 000 exemplaires en
France, 2,4 millions à l'étranger, et a été traduit en 35 lanes fans
gues, hissant Tatiana de Rosnay au rang d'auteur français le
plus lu en Europe et aux Etats-Unis,en 2009, deva:rt EricEmmanuel Schmitt et Muriel Barbery. Catapultée superstar
à Æ ans sonnés, elle est comme le lapin surpris par les pbares
d'une voiture: pétrifiée, désorientée et incapable de dire si
elle y laissera sa peau.
Elle fait partie de ces femmes qui, sans être des beautés, ne
laissent pas les hommes indÍfférents. Le visage allongé à la
|d6rligli:ni, la silhouette élancée, elle porte ses cheveux au
natu¡el - <<paíwe et sexe>, coulme dit son mari Nicolas. La
prewe éclatante qu'àsonâge, onpeutviwe ca¡¡¡ns dens lsg
pubs: <En harmonie avec son corps>>. <<Ado, j'étaisbt¡lotte,
se souvient la romancière . le pesais tutt ce que je mangeaß ,
íIm' ærivqi| mþnÊ de ne fohe wmb. Vetir mæ purts se Woner
dfrß lew fuqré pttys@ue rne dfuøit.> On la comprend. Elégants, athlétiques, pioruriers dubio et célèbres pourfendeurs
de la malbou-ffe, le scientifique IoëI de Rosnay et sa femme
Stella, une Anglaise issue de I'aristocratie, auraient donné
des complexes à n'importe quelle ado al¡c fesses un peu
molles. Ainsi, ce n'est qu'à la quarantaine, après avoir renconté son prince charmant, doruré naissance à deux enfants
et réglé un Gdipe coriâce, que Tatiana de Rosnay est en paix
avec elle-même. Seule faÍlle decelée après úois heures d'interview: la crainte qu'en raison de son lieu de neissance
pages à son nom, des fleurs, des chocolats et des bijoux. Pas
une semaine ne s'écoule sars qu'elle ne soit invitée à un événement littérai¡e. D'ici Noël, elle se rend¡a en province, mais
aussi en Suisse, en Norvège, aux Pays-Bas et aux Etats-Unis
pour donner des conférences sur Ne s'qploit Saah¡présenter Bæmøartg, son dernier roman, ou coudr les avant-pre-
mières.
<<Ie suis terrorisée ùI'idée de danir ikétmdre le
fíLm
comme le font les actrices. 11 est mùrc qtrcstion Ete je.fasse la
mntée desmmches d\nfestival!> Sa famille n'enpeutplus.
Son mari, jaloux , <<checke>> ses Tweets pour se rassurer. Sa
fille de 18 ars lui reproche de la négliger au profit de Sarah.
Seule son éditrice se réjouit du temps exceptionnel qu'elle
consacre à ses lecteurs : <<fuiøa þnctiørw. ùl' ørgþ-sorcruv.
Porn ele, lo prwnotion føit
pütie úr metiq
laî
d' éd-rvùt.
n
Íaûlo,
Jaire sonsløw dans des amphithédtres de 400 pøsottnes
panr compendre EleIIe açamelle.>>
Son prochain rcman, dont I'action se situe au XD(e siècle, sera
<ghtsÌtxtospeaif> et <qrwirc dnnsl'ection>>. Risqué. S'il marche, de Rosnay pourrait-elle exploser à la Nothomb? <<Sa
noþriété güldit deJaçonpermmente, analyse Héloise d'Ormesson. Le srccès acttæIde Boomerang prorne Et'ellen'est
pøsl'utteurd'unseull.iitre.Dephsmptusdegansretímnu:É
sonnom. Donc oui, si je n'étais pas superstítíanse, je diraß
qt' elle est anpasse de døenir ww møque,. >> EtTatranade Rosnay d'ajouter, sur le ton solennel du martyr résolu à donner
sa
vie pour I'humanité :
<<-Ie
suis ptête.>>
+
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