W-OUF ! - Galoche

Transcription

W-OUF ! - Galoche
W-OUF !
Moi, Galoche, j’en ai ras le poil du
soccer !
– Saute, Galoche !... Saute !... Saute !...
Saute !
En fait, j’adore le soccer. Mais jouer
le bouche-trou, comme en ce moment,
quelle humiliation, foi de Galoche !
En ce matin gris, mon Émilie donne
une autre séance d’entraînement à son
petit ami Pierre-Luc. Moi, j’accompagne
les tourtereaux pour aider ma Douce à
améliorer le jeu de notre jeune voisin.
– Bouge, Galoche, bouge ! me crie Émilie,
souhaitant que je joue au défenseur
devant son protégé. GROUILLE !
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Nous sommes sous de gros pylônes,
dans un champ qui n’a rien de
champêtre… Je le comparerais plutôt
à un champ de bataille, misère à poil !
On y a aménagé un terrain de soccer
pour les jeunes du coin. Le terrain est
parsemé de trous ; on dirait un fromage
suisse. Je bondis à gauche du ballon, à
droite, en avant, en arrière et voguent
les oreilles ! À ce rythme d’enfer, je ne
ferai pas vieux os !...
Le museau dans les airs et la langue
à terre, je jette un coup d’œil vers PierreLuc. Surprise ! Ce dernier sautille devant
le ballon comme s’il marchait sur des
œufs. « En tout cas, lui, il n’aura pas mal
aux os demain… »
PRUUUITTT ! PRUUUITTT !
Mes tympans frémissent d’horreur
sous ces coups de sifflet.
– Pierre-Luc ! lance Émilie, telle une
générale d’armée. Tu apprends à dribbler…
PAS À DANSER LA CLAQUETTE !
Je ris dans ma
bar­bi­chette.
P R U U U I T T T !
PRUUUITTT !
– Toi, Galoche,
continue !
Je reprends vi­te­­
ment mes stépet­tes :
mes oreil­les volent
de nouveau dans
les airs comme
deux grands fouets et ma gueule se
transforme en véritable ruine-babines.
Pour sa part, Pierre-Luc continue de
piétiner gentiment devant le ballon.
– Tu passes pas sur le pont d’Avignon,
avec ton ballon !... lui fait remarquer
Émilie. TU DOIS DÉJOUER UN DÉFENSEUR
ENNEMI !
Le défenseur ennemi, c’est moi,
Galoche : du moins, je fais tout pour
en avoir l’air. Quitte à passer pour un
chien-clown aux yeux des passants.
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– Oh ! Ah ! Oh !... s’énerve notre
jeune voisin, dans un soudain regain
d’énergie, faisant rapidement passer le
ballon d’un côté à l’autre à trois reprises
sans se prendre les pieds dans ses
espadrilles. C’est bon, ça, hein ?
Voilà Pierre-Luc dans les airs. Il
semble vouloir m’imiter et prendre son
envol à son tour.
– Aïïïe !...
Malheur ! Son pied droit est retombé
sur le haut du ballon. Il s’est tordu
la cheville et son derrière vient de
percuter durement l’une des centaines
de plaques de terre du vieux champ de
pratique.
« W-ouf ! Enfin un répit. »
Je remarque de gros nuag es
presque noirs au-dessus de nos têtes,
annonciateurs de pluie. Je m’imagine
alors Pierre-Luc tombant sur les fesses
dans une mare de boue…
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– Galoche ! hurle Émilie. On recom­
mence. HAUT LES PATTES !
Oh, oh ! Attention ! Il y a maintenant
de l’orage dans l’air… d’Émilie !
Regards remplis d’éclairs, ordres
lancés tels des coups de tonnerre,
explications répétées et répétées jusqu’à
bout de nerfs, Émilie a beau tout faire,
Pierre-Luc reste coincé sur le pont
d’Avignon… et moi, je reste affalé sur un
coin de gazon. Épuisé par mes acrobaties
aériennes, je ne bouge plus d’un poil.
« Pierre-Luc va la rendre folle!... Mais
pourquoi ma Douce s’est-elle piégée
elle-même? » que je m’inquiète. Je me
remémore une scène qui s’est déroulée
il y a deux jours seulement entre Émilie
et les Zèbres, l’équipe de soccer dont
elle est le gardien de but.
– Émilie, t’es sûre que ton chum peut
remplacer Francis ?
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– Oui, certaine !
Quelle horreur ! Francis, le meilleur
attaquant de l’équipe, avait dû
déménager à Toronto, subito presto,
sa mère ayant obtenu une promotion
inattendue. Les Zèbres craignaient
d’être rayés des séries : l’équipe devait
absolument gagner son prochain match
contre les puissants Kangourous.
Ces derniers étaient devant eux au
classement, avec seulement un point
d’avance en poche… mais un point
fatidique pour les Zèbres !
– Émilie, tu sais qu’on joue contre les
Kangourous, jeudi soir ? C’est dans deux
jours, ça !
– Oui !
– Et tu sais qu’ils ont un petit
nouveau, Boum-Boum ? Un mastodonte
qui a compté trois buts, samedi
dernier.
– Oui.
Moi, Galoche, j’ai bien noté cette
hésitation d’Émilie avant sa réponse
et j’ai tout de suite compris que ma
Douce ne savait rien de cet énorme
petit nouveau. Mais elle est restée imper-tur-ba-ble.
– Euh… É… Émilie, est intervenu
Zoom-Zoom, le plus rapide des Zèbres.
euh... ton Pierre-Luc, là… je l’ai déjà vu
jouer au ballon-chasseur. Puis, euh…
il courait pas très souvent après le
ballon. C’était plutôt l’inverse.
– C’était il y a longtemps ! a aussitôt
répliqué ma Douce, sur un ton
tranchant. Il s’est beaucoup exercé. Il
va vous épater !
De promesse en promesse, de
garantie en garantie, de petit mensonge
en grand mensonge, Émilie est
finalement parvenue à intégrer son
Pierre-Luc au sein de son équipe.
– On va le faire jouer à l’aile, aux
côtés de Zoom-Zoom !
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– Ouais, génial ! S’il est aussi bon que
tu le dis, Émilie, lui et moi, on va faire
un malheur !
– Les Kangourous n’ont qu’à aller se
rhabiller !
– Et leur Boum-Boum avec !
L’enthousiasme était à son comble.
Le comble en ce moment, ici, sur le
pont d’Avignon, c’est que mon Émilie
n’a pas perdu son enthousiasme malgré
les contre-performances de Pierre-Luc.
– Bon, bon. Passons au botté. PierreLuc, il faut que tu comptes un but,
demain !
TOC ! TOC ! TOC ! Des gouttes de pluie
explosent sur mon museau.
– Émilie ? Il pleut, fait notre héros en
herbe. On rentre ?
– Rentrer ? s’étonne ma Douce en
prenant le ballon dans ses mains. Pleut,
pleut pas, au soccer… ON JOUE ! Venez,
suivez-moi tous les deux !
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La pluie se met à tomber aussi fort
que l’ordre d’Émilie.
– Oui, mais…, réplique le futur as des
Zèbres, on… on va être mouillés !
Se retournant vivement, ma Douce
lui répond, sur un ton de poudre à
canon :
– Faut pas être une poule mouillée
pour jouer au soccer, Pierre-Luc !
Dur petit matin pour les tourtereaux,
foi de Galoche !
Tout dégoulinant, moi, Galoche, je
trottine vers le but. Je me sens de nouveau
confondu par les comportements de ces
chers humains.
Pourquoi Émilie a-t-elle fait croire à ses Zèbres
que Pierre-Luc était un superjoueur ?
Pourquoi ma Douce s’entête-t-elle à vouloir
intégrer notre jeune voisin dans son équipe ?
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