document PDF - Atlas Linguistique d`Alsace

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enquête du 02 mars 2000
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Enquête du jeudi 02 mars 2000
N.B. : - transcription en graphie normalisée
- les chevauchements ne sont pas marqués
- les pauses sont indiquées occasionnellement
- les conventions graphiques sont utilisées pour structurer les énoncés (point, virgule, etc.)
Tout d’abord, je voudrais vous remercier d’avoir accepté d’être la cobaye …
Je regrette, hein.
Vous le regrettez ? Amèrement déjà ?
Amèrement, ouais. (rires)
Je n’ai malheureusement pas trouvé de « Malabar » usagé comme je l’avais promis, donc
j’essaierai d’en trouver un, pas usagé.
Ce serait gentil, oui (rires)
Et donc à chaque fois il y aura donc des questions auxquelles vous ne souhaitez pas répondre,
… bien sûr c’est votre liberté et j’imagine, je pense que vous êtes d’accord que j’enregistre
notre conversation.
Il y a des droits d’auteur ?
Il n’y a pas de droits d’auteurs, il y a simplement des droits ensuite, dans la publication. Mais
rassurez-vous, on ne publiera pas intégralement vos propos, et deuxièmement votre anonymat
est bien sûr garanti.
D’accord.
L’INFORMATEUR
Quel est votre nom ?
...
Vous avez sans doute une adresse ?
Aussi, oui : xxxxxxxxxxx de [lεmbax], à Woerth.
Quand êtes-vous née ?
Quatorze mai euh 1981.
Et où êtes-vous née ?
À Haguenau.
Et savez-vous où habitaient vos parents quand vous êtes née ?
Hmm, à Woerth.
Est-ce qu’ils ont toujours habité là-bas ?
Non. (rires)
Où habitaient-ils ? Est-ce que vous connaissez leurs étapes ?
Non, mon père, il a toujours habité à Woerth, mais ma mère habitait Froeschwiller, c’est à, à
deux kilomètres de Woerth.
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Il est originaire de Froeschwiller, votre père ?
C’est ma mère.
Votre mère ?
Oui. (rires)
On a la mémoire qu’on peut. Euh … et l’autre parent est originaire de Haguenau ?
De Woerth.
De Woerth.
Je suis née à Haguenau, à l’hôpital de Haguenau. [rires, un peu exaspérés]
Et votre père a-t-il une profession ?
Oui.
Laquelle ?
Il est directeur technique.
Vous pourriez éventuellement dire de quoi, en quoi ?
Bin euh dans l’industrie Tixit, à Haguenau. J’fais une publicité d’ailleurs, c’est très bien, et
euh, voilà, i fait des, enfin i font des rayonnages, euh des étagères, des choses comme ça, mais
lui ne, il s’occupe pas trop de ça, quoi.
Et est-ce que vous connaissez sa formation ?
Euh il a eu … très bonne question … il a eu un, un BTS, un brevet de technicien, …
Dans quelle branche ou dans quelle discipline ?
Bin, technique, mais sinon euh j’en sais pas plus.
Vous n’en savez pas plus. Et votre mère ?
Ma mère est secrétaire. Mais elle n’a pas de diplôme.
Et ils travaillent tous les deux depuis …. ?
Depuis toujours, enfin depuis que je suis née, quoi. Enfin, mon père bien avant, ma mère, elle
a travaillé, cinq, cinq années après ma naissance … Elle a commencé à travailler.
Et ils ont toujours travaillé au même endroit ?
Bin non, ma mère, oui, toujours au même endroit, oui. Enfin, mon père était d’abord à
R(e)ichshoffen, après il est, il est parti à Haguenau. Mais les usines étaient, euh faisaient
partie du même groupe, donc …
Et votre mère travaille à Haguenau ou à Woerth ou à …
Non, à Obersteinbach [ob∂r∫tainbax], c’est encore plus au nord.
Et dans quel type d’entreprise ?
Dans un restaurant, elle fait la comptabilité et tout ça.
D’accord. Et donc vous-même avez toujours vécu à Woerth alors ?
Oui.
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Vous n’avez jamais bougé de Woerth ?
Excepté depuis qu’ je suis à Strasbourg, quoi.
Mais vous avez été à l’école élémentaire là-bas ?
Oui.
Vous avez été au collège là-bas ?
Oui.
Et au lycée ?
A Haguenau.
A Haguenau. Donc vous avez quand même bougé un peu.
Un p’tit peu, de quinze kilomètres.
Je vais vous poser une question qui va vous paraître bizarre, mais -comment dire ?, elle n’est
pas nécessairement prévue pour les étudiants- quelle profession exercez-vous ?
Je suis étudiante en anglais … deuxième année, voilà.
Et où exercez-vous cette profession ?
A Strasbourg.
Votre profession vous amène-t-elle à faire des déplacements ?
Non, si ce n’est traverser la rue (rires) jusqu’à mon studio.
Mais attendez voir : tout à l’heure vous disiez que vous habitiez Woerth.
Oui, enfin, à la fin de la semaine, je rentre chez moi.
Donc en semaine, vous n’habitez pas Woerth.
Non.
Vous habitez Strasbourg.
Strasbourg.
La cité universitaire toute proche.
Non, j’habite en face. Si vous voulez savoir …(rires)
La Cité Paul Appell ?
Non, c’est le Colisée.
D’accord. Est-ce que ce type de déplacement de Woerth à Strasbourg vous amène à avoir
beaucoup de contacts ?
Bin de nouveaux contacts depuis qu’ je suis à Strasbourg, oui, c’est sûr, mais sinon euh … De
contacts avez les gens, vous voulez dire ?
Oui.
Le fait de me déplacer ou le fait de m’être déplacée ?
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Les deux.
Bin le fait de m’être déplacée à Strasbourg effectivement, ça m’a fait connaître d’aut’ gens, au
niveau universitaire, sinon, non.
Ce sont des gens que vous connaissez ou dont vous avez fait connaissance dans le milieu
universitaire ?
Oui…
Pas en dehors ?
Pas en dehors, non.
Vous les voyez souvent ces gens ?
Tous les jours.
Tous les jours ? Ce sont des contacts plutôt étroits, plutôt lâches ?
Non, amicaux. Enfin, ça dépend toujours des personnes, hein [rires].
Bien entendu. Et quels types de contacts avez-vous par ailleurs ?
….
Est-ce que vous avez de nombreux contacts de façon générale avec d’autres gens, que ce soit
…
Mais j’ai un copain qui habite à Haguenau, et puis euh
A Woerth ou …
Oui, j’ai des, d’aut’ copains à Haguenau, j’ai une bande de copains que je vois régulièrement
le week-end.
I sont combien ?
Hmm ça varie de dix à quinze, ils sont en tout quinze environ, ouais.
Et quel est, enfin majoritairement ou de façon globale, quelles sont leurs professions ou leurs
activités ?
Bin ils sont étudiants ou alors ils étaient étudiants puis i z ont virés dans, dans un IUP ou des
BTS ou quelque chose de plus ciblé, de plus technique.
Et aucun n’a fini ?
Euh, si y en a un qui a fini son euh son IUT en info/comm.
Et donc qui est au travail ou à la recherche d’un emploi ?
A la recherche d’un emploi, oui.
D’accord. Donc il n’y en a aucun qui ait déjà un emploi ?
Bin ma sœur, ma sœur, si, elle fait partie du groupe, donc je la cite. Bin ouais, elle a fait un
BTS d’opticienne et elle est opticienne maintenant.
Tout à l’heure, quand je vous ai demandé confirmation, si vous étiez allée à l’école à Woerth,
vous m’avez dit oui. Vous avez toujours été à Woerth, à l’école primaire ?
Oui.
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Et bien sûr, vous n’avez pas encore terminé vos études ?
Bin non, non.
Vous ne pensez pas les terminer cette année ?
Ah non, non.
Et quand vous étiez à l’école, comment parliez-vous ?
L’école primaire ? De toute façon, j’ai toujours parlé français à l’école.
Maternelle.
Français
Dans votre famille, vous parliez aussi …
Français, oui. Mes parents me parlaient français, mais i parlaient alsacien entre eux.
Et donc c’est votre langue usuelle aussi ?
Tout à fait, ouais.
D’accord. Et qu’est-ce que vous savez parler d’autre encore, en dehors du français ?
J’essaie de parler anglais (rires), bin l’anglais, j’ai un peu étudié l’allemand, bin comme tout
le monde, au lycée, et puis j’ai fait encore une année d’allemand l’année dernière, enfin
d’allemand non spécialiste, et puis l’alsacien, mais de façon très moyenne, et puis voilà, le
français et l’anglais.
D’accord. Est-ce que vous connaissez ou est-ce que vous avez encore vos grands-parents ?
J’ai mes deux grands-mères.
Et vous les voyez régulièrement ?
Régulièrement, oui.
Est-ce qu’elles ont joué un rôle important ou normal ou peu important dans votre vie, dans
votre enfance notamment ?
Peut-être un peu la mère de ma mère, qui habite/tait ? Froeschwiller parce qu’on devait
toujours passer les vacances chez elle, mais un rôle important, non, non si ce n’est qu’elle
était bien gentille [rires].
Et quand -vous disiez que votre mère travaille- et le mercredi comment ça se passait ?
Bin justement elle avait congé, elle travaille à mi-temps, et elle avait congé le mercredi et le
jeudi, donc il n’y avait pas de problème.
Ca n’était pas une des grands-mères qui vous gardait ou bien… ?
Non.
Est-ce qu’il y a quelqu’un d’autre éventuellement qui a joué un rôle relativement important
dans votre enfance ?
Bin oui, ma nourrice.
Vous aviez une nourrice ?
Ouais. C’était not’ voisine et elle avait un enfant de notre âge, elle l’a toujours, rassurez-vous,
et puis, ouais, elle nous parlait français, que français.
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Et avec votre ou vos grands-mères, vous parlez comment ?
Bin avec ma grand-mère, la mère de mon père, je parle en français, parce que elle aussi elle
essaie de parler français, elle parle bien l’français, mais elle aime bien s’exercer à le parler
pour ne pas oublier, quoi, mais avec la mère de ma mère ce serait plutôt essayer de parler un
peu l’alsacien parce que euh parce que euh bon pour ce qui est du français, elle est pas très
douée. Voilà.
Et ça va ?
Bon, disons que euh elle me parle en alsacien et moi j’ai tendance à lui répondre en français,
j’ fais pas vraiment d’effort pour parler l’alsacien, enfin, c’est automatique, j’parle français,
donc euh…
D’accord. Il y a une question qui peut vous paraître un peu bizarre, vu votre jeune âge, et ça
vaut bien sûr pour tout le monde et ça fait partie du questionnaire : quand vous pensez au
passé, est-ce que vous pensez que c’était mieux, moins bien ou est-ce que vous avez une autre
opinion ?
Par rapport à aujourd’hui ?
Oui.
Bin, bin oui forcément que c’était mieux, bin puiqu’on est bien entouré, y a les parents, mes
parents, ils étaient géniaux, ils le sont toujours, donc euh, non d’être ici, c’est sûr que ça
change, mais y faudra s’adapter hein, et ça changera aussi, j’pense que dans deux ans ou
même l’année prochaine, déjà là j’commence à me dire que Strasbourg, c’est bien, oui que…
Et si vous faites abstraction de votre propre histoire : est-ce vous pensez qu’à l’époque où vos
parents avaient votre âge, c’était mieux, moins bien ?
C’était moins bien. Parce qu’ils avaient moins de possibilités, moins d’argent, donc ils étaient
obligés de travailler beaucoup, d’aider les parents, et c’est à cause de ça qu’ma mère n’a pas
pu faire d’études et puis voilà. J’trouve ça dommage. Enfin là, j’peux pas faire abstraction de
mon histoire puisqu’il s’agit de mes parents.
Bien sûr. Je vais vous demander si vous avez un conjoint quel âge il a, …
Je n’ai pas de conjoint.
Vous n’avez pas de conjoint. Donc la question est éliminée.
RENSEIGNEMENTS COMPLEMENTAIRES
De façon globale : est-ce que vous regardez la télévision ?
Oui, [incompréhensible]. [anticipe ironiquement] Quel genre ?
Non. Est-ce qu’il y a une chaîne que vous préférez ?
La Deux, j’crois.
Et pourquoi ?
Pourquoi ? Pour Jean-Luc Delarue peut-être [rires], non parce que j’pense qu’il y a plus
d’émissions culturelles et moins vicieuses que sur la Une.
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En deux mots : …
Non en fait j’préfère j’aime beaucoup les débats, mais les débats objectifs, pas les débats …
euh … enfin un débat de Monsieur Delarue euh contrastait à un débat de euh Mad… de
Mireille Dumas. Enfin j’trouve qu’i y a un gouffre, quoi.
Donc c’est davantage ce type d’émissions que vous regardez alors ?
Ouais. Bon, y avait certaines séries aussi hein, personne n’y échappe, j’crois.
Par exemple, si ça n’est pas …
Bin, Friends, voilà, j’l’ai dit. (rires)
Et vous les regardez en français ?
Ouais.
Vous regardez d’autres choses ?
….
Disons dans la semaine qui vient de s’écouler…
Bin disons les informations des fois et puis euh … En fait, depuis qu’je suis à Strasbourg,
j’regarde plus trop la télé quoi
Vous ne l’avez pas ou … ?
J’regarde des films parfois le soir, des films de vingt heures trente mais sinon …
D’accord. Et écoutez-vous la radio ?
De temps en temps oui, je jongle entre Europe 2 et RFM.
Vous m’expliquez ce que c’est RFM ?
RFM, c’est une radio qui … qui passe davantage de standards. C’est c’est un peu plus
rétrograde que … que d’autres … qu’Europe 2 ou …
Qu’est-ce que vous entendez par « rétrograde » ?
Rétrograde ? C’est-à-dire que pas forcément à la mode du jour, quoi, disons qu’on repasse les
belles chansons d’antan [rires ; [s’adressant aux autres étudiants :]] Non ? Vous êtes pas
d’accord ?
Et comme je ne connais pas cette station, parce que je suis assez inculte, c’est une station
locale ou régionale ?
Locale, c’est à Strasbourg, ouais.
Ouais ?
J’crois non ? Je sais pas.
Et ce ne sont que des chansons françaises ?
Non, y a des chansons anglaises et américaines bien sûr.
D’accord.
Mais pas allemandes, bizarrement. [rires]
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Pas allemandes ?
Non ! … Ni alsaciennes. [rires]
Ah oui, mais ça je, j’évite.
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[protestations dans la salle : si, alsaciennes … le matin]
Vous n’êtes pas du matin sans doute ?
Non je suis pas du matin, exactement. [rires]
Alors, si j’ai bien compris, on vous a surprise au saut du lit ?
[rires] Voilà, c’est ça !
Est-ce qu’il vous arrive de lire un journal quotidien ?
… nnn non, non.
Jamais, même pas chez vous ?
Parfois j’feuillette les DNA puisque mes parents l’ont, mais non. Sinon, non.
Et quand vous le feuilletez, y a une part qui vous intéresse plus qu’une autre ?
[silence] non, non.
Quel regard jetez-vous sur cette …
J’regarde d’abord la météo, puis l’horoscope [rires] et puis euh, bin j’évite les annonces
mortuaires hein, ça m’dit rien, puis sinon le sport, ça, ça m’dit rien non plus, y reste quoi ?
Bin l’actualité [pause] internationale.
C’est ce qui vous intéresse ?
Bin si j’devais regarder quelque chose, ce serait ça avant tout.
Je crois que c’est le troisième cahier qui porte sur les actualités régionales, et le quatrième
cahier sur les actualités locales, est-ce que ça vous intéresse ?
Pour savoir ce qu’il y a à l’affiche à Haguenau, peut-être, mais sinon …
C’est tout ?
C’est tout.
Est-ce que vous lisez un autre quotidien ?
Non.
Vous vous informez uniquement par les médias audio-visuels ou radios ?
Voilà. … Télévisuels.
C’est la télévision qui est votre source principale ?
Voilà.
Et toujours dans le domaine de ce que vous pouvez lire, ce que vous choisissez de lire, est-ce
qu’il y a d’autres choses que vous préférez lire ?
…
Plutôt qu’un quotidien ?
Bin euh des romans.
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Hmm.
Bin ne me demandez pas des auteurs et tout le truc [soupir[ des romans ou … la science
fiction, mais sinon non, je je suis pas une grande /pause/ lectrice.
Il vous arrive de lire des hebdomadaires ?
Non.
Et dans les romans, vous dites la science fiction, ça vous intéresse ?
Non, enfin, plutôt c’qui fait un peu peur. … Voilà. … Stephen King et … des choses comme
ça.
Et c’est uniquement ou c’est plutôt ce type de choses que vous lisez et vous n’en lisez pas
d’autres ?
Voilà. Je lis absolument rien d’autre.
D’accord. Et vous les lisez alors en anglais ?
Non en français, non. Si c’n’est les œuvres qu’y a au programme en anglais.
Et pour le reste vous le lisez toujours en français ?
Ouais.
Jamais en anglais ou en allemand ?
Non.
Soit ici à Strasbourg, soit à Woerth, est-ce que vous appartenez à des associations, à des
clubs ?
[silence] Non. Non. [incompréhensible]
Formellement ?
Enfin j’faisais partie d’un club de volley, mais, mais j’ai arrêté.
Si ça n’est pas indiscret, vous avez arrêté quand ?
Euh y a quatre ans.
Donc ça fait déjà un certain temps.
Hmm [approbation].
Et c’est tout ?
C’est tout, ouais. On a, on est assez euh, on est assez hors du village, quoi, on participe pas
trop à la vie euh, à la vie associative.
Et ici à Strasbourg, vous faite partie d’un club ?
D’un club, non. D’un club de copains, mais sinon … [rires]
Ou d’une association, d’une structure plus formelle ?
Non.
Et en dehors de ce club de volley, est-ce vous avez fait partie, est-ce que vous avez fait de la
musique ?
Oui, du piano. Pendant huit ans.
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Et vous en faites toujours ?
Non.
Vous l’avez fait en leçons particulières ?
Oui.
Est-ce qu’il y a d’autres activités que vous faites depuis assez longtemps ?
Non, j’ai, j’ai rien fait d’autre.
Si vous deviez, vous, caractériser vos loisirs, pas nécessairement dans le sens de ce que vous
faites réellement, mais ce que vous préférez faire ? Qu’est-ce qui apparaîtrait en premier ?
En premier, bin ce serait des sorties avec euh avec mes copains, de de Haguenau, pis voilà
quoi.
Ces copains sont à Haguenau, ils ne sont pas à Woerth ?
Non, ils ne sont pas à Woerth.
Est-ce qu’il y a une raison à cela ? Est-ce que c’est votre euh … ?
Ouais, y a une raison à cela, c’est que euh les gens d’Woerth euh, enfin disons que euh /petite
pause/on n’est pas, on n’a pas vraiment de très bons rapports, quoi. Enfin, on est assez mal
vus euh, ma sœur et moi, à Woerth, donc [rire], enfin, mal vus dans le sens où les gens sont un
peu jaloux que nous, on aille à, à l’université et tout. C’est bizarre, mais bon c’est comme ça.
C’est pas un village très riche, donc euh bon …
Et ces copains, vous vous les êtes faits au lycée, quand vous étiez au lycée ?
Ouais. Mais c’était euh surtout par le biais d’ma sœur. Elle les avait rencontrés avant moi.
Puis bon, on est devenus tous copains euh comme ça.
Et ce sont tous des jeunes de Haguenau ou également d’autres villages ?
Non, de Haguenau.
Ils sont tous de Haguenau ?
Ils sont tous de Haguenau.
Est-ce que vous allez de temps en temps au cinéma ?
Rarement.
Y compris avec vos copains de Haguenau ?
Non, là on va plutôt euh parfois en boîte, ou sinon on va on va boire un verre, mais pas au
cinéma.
Vous allez aussi dans les bals ?
Dans les bals [rires] ! Disons que non. Je ne suis jamais allée dans un bal.
Vous, c’est plutôt dans des boîtes ?
Non. Mais même pas trop les boîtes, chuis pas une fan de boîtes. Mais on va plutôt boire un
verre, ça c’est plutôt c’qu’on fait tous les, les week ends.
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Et si vous deviez ou si vous pouviez me décrire le type d’endroit où vous allez prendre un
verre, comment vous le caractériseriez ?
Bin, c’est des bars, avec une bonne ambiance /pause/ de la bonne musique. Alors i va me
demander « Qu’est-ce que la bonne musique ? » [rires]
[incompréhensible], bonne ambiance, bonne musique ?
Bin disons que euh c’est lié. Une bonne musique euh pour moi, ce sera pas forcément euh la
bonne musique que, que j’entendrai dans les bars. Disons que dans un bar euh, j’aime bien
entendre aut’ chose que euh d’la dance ou d’la techno, et chez moi je préférerai écouter d’la
musique classique, ça dépend toujours du, du lieu dans lequel on se trouve.
Et dans ce cas-là, qu’est-ce que c’est comme musique ?
Bin, c’est, c’est d’la variété.
Et quel est le type de clientèle [incompréhensible] bonne ambiance ?
Type de clientèle … Bin c’est des, des jeunes qui font des études, mais cccc’est assez
hétéroclite, y a /petite pause/ c’est une bonne ambiance, mais avec des gens différents les uns
des autres quoi. On n’est pas tous dans, dans le même euh, type tracé euh de vie quoi.
Donc ça n’est pas un bistrot, c’est bien un bar ?
C’est un bar, oui.
Si je vous demande si vous avez une activité dans la vie communale de Woerth, la réponse est
« non » ?
Non, [rires] oui.
Et est-ce que j’ai bien compris que vous vous intéressez relativement peu à la politique
locale ?
Ouais, c’est vrai.
Vous vous intéressez davantage à la politique régionale ?
[petit silence] Pas davantage, non. J’crois qu’m’intéresse pas à la politique en général.
Nationale non plus ?
Hmm, si, parce que bon euh, quand j’écoute les informations euh, le jour d’après je
m’demande quand même euh c’qui c’qui va suivre. Mais j’crois que c’est justement parce que
j’regarde pas assez la chaîne euh, la chaîne locale, donc y a pas l’envie euh qui qui vient pour
me dire « Qu’est-ce qui s’passe maintenant ? »
Parmi les hommes politiques … Vous connaissez les hommes politiques alsaciens ?
Vaguement … Ah non alors, du tout non (rires).
Les hommes politiques français globalement, vous en connaissez ?
Bin je j’les connais, mais je sais pas trop hein.
J’imagine que vous connaissez un certain nombre de noms sans doute. Est-ce qu’il y en a qui
vous paraissent plus sympathiques que d’autres ?
Bin Monsieur Sarzkozy me paraît euh pas sympathique du tout [rires], ça j’peux déjà vous
l’dire, euhmm, sinon euh (petit silence), Jospin m’avait l’air sympathique jusqu’à … y a très
peu de temps [rires], non écoutez euh je m’y connais pas trop en politique.
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A. SITUATION DU TEMOIN
I.
Si quelqu’un vous demandait de dire où vous habitez, qu’est-ce que vous répondriez ?
A Haguenau.
Et vous répondriez la même chose quelle que soit l’origine de la personne ? On va faire une
hypothèse : quelqu’un de Pechelbronn vous demande où vous habitez.
Bin là je dirais Woerth parce que j’me dis « I connaît Woerth. »
Et on fait l’hypothèse qu’un Strasbourgeois vous demande où vous habitez.
J’dirais Haguenau.
Et si c’était, j’sais pas, un Bordelais qui vous demandait ?
(petit silence) J’dirais Haguenau près d’Strasbourg, ch’crois.
Et si c’était un citoyen de Londres qui vous demandait ?
Bon bin j’dirais Strasbourg alors. [rires francs]
Pourquoi ?
Parce que c’est la réponse que vous attendez. [rires]
Vous savez des choses que moi je ne sais pas.
Non, parce que euh j’me dis qu’un étranger euh, si j’dis Haguenau, tout d’façon, i sait pas de
quoi i s’agit. Avec Strasbourg, i pourra peut-être mieux situer. (petit silence) C’est tout.
Si on vous demandait où vous vivez ? Dans quel endroit vous vivez ?
Hm qui c’est qui me demande ça ?
Les quat’ mêmes que tout à l’heure.
Ah bin, si c’est euh celui de Londres bin je dirais en Alsace, (silence) elle est bizarre vot’
question …
Vous allez voir, vous n’êtes pas au bout de vos surprises.
Merci.
Pour le Bordelais, qu’est-ce que vous … ?
(silence) Bin je dirais euh Strasbourg, ch’pense.
D’accord. Tout a l’heure vous avez déjà commencé à répondre à une question que je vais
vous poser par ailleurs. J’aurais aimé vous demander comment les gens étaient à Woerth ?
Quelle était un peu leur mentalité ?
Bin euh, comme beaucoup de villages euh, i z aiment, i z aiment bien parler, d’ailleurs i
parlent trop et euh, voilà c’est leur préoccupation première, raconter des choses sur les gens,
qui sont surtout pas fondées, quoi.
Vous semblez également faire l’objet de ces conversations ?
Moi non, mais ma famille, oui. Enfin, nous ensemble quoi.
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[incompréhensible]
Enfin, on n’est pas les premiers visés, mais disons qu’on sait très bien que, qu’on n’y
réchappe pas, quoi.
Tout à l’heure vous avez dit que vous diriez à un Londonien que vous habitez en Alsace. Ça
commence où ça s’arrête où, l’Alsace ?
(silence)
Pour vous.
Pour moi, ça commence à Woerth et ça se termine à Strasbourg. [rires]
Pour vous. Et si vous raisonniez maintenant un peu différemment, quelle serait la façon pour
vous de voir ce morceau ou cette Alsace que vous définissez, qui commence à Woerth, qui
finit à Strasbourg ? Quelles seraient ses spécificités ou ses particularités ?
(petit silence) De l’Alsace ? Les spécificités de l’Alsace ?
C’est-à-dire telle que vous la définissez, oui.
(silence ; soupir) [s’adressant aux autres étudiants] Vous pourriez répondre à ces questions,
vous ? [rires]
Bin, bin euh le dialecte déjà (silence) beaucoup de villages (pause), autour de grandes
agglomérations (silence) [rires]
Quel dialecte parlez-vous ?
(silence)
… vous parlez avec votre grand-mère ?
(pause) Quel dialecte ? Mais le dialecte euh, l’alsacien non ?
Vous parlez l’alsacien ?
Enfin, j’m’efforce.
Vous avez l’impression que vous parlez de la même façon que votre grand-mère ?
Bin non, pas du tout, non. Y a l’accent français qui s’chevauche sur mon, le dialecte. Et puis,
j’ai j’ai beaucoup de mal à trouver mes mots, donc euh fatalement euh je je cherche mes mots
et j’les dis en français, dans un contexte alsacien.
Est-ce qu’on parle de la même façon à Woerth et puis à Haguenau et à Froeschwiller ?
Woerth et Froeschwiller, oui. Mais euh, c’est vrai que euh dans d’aut’ villages euh j’entends
des, enfin quand j’entends parler les gens euh, quand i parlent alsacien, j’les comprends pas
toujours parce que i z ont d’aut’ façons de prononcer les les voyelles surtout.
C’est l’impression que cela vous donne, que vous ne pouvez pas comprendre à cause de la
prononciation ?
Ouais.
Est-ce que vous pourriez un peu dire quels sont les villages où vous ne comprenez pas, où
vous avez du mal à comprendre, par rapport à Woerth ou à Froeschwiller ?
Mais je j’pourrais pas vous dire, mais je sais que dès qu’on sortait de de de Woerth
Froeschwiller euh Haguenau, j’ai jamais entendu parler les gens alsacien, donc euh … Mais
entre Woerth et, enfin, Woerth et Froeschwiller, i parlent de la même manière certainement
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parce que mes parents, eux, parlent de la même manière. Donc c’est, c’est l’idée qu’j’m’en
fais. Mais c’est vrai que euh, à partir du moment où on sort de de Woerth, les gens i z ont une
aut’ façon de prononcer les choses. Même si c’est minime hein. Mais euh y a toujours des
différences. D’un village à l’autre.
Et vous pensez qu’il y a des endroits où vous ne comprenez rien du tout ?
(pause) J’tais, j’visite pas trop l’Alsace, donc euh, et quand j’visite, j’parle pas aux gens, donc
euh ou j’les entends pas parler l’alsacien, donc je sais pas.
Vous avez déjà entendu parler des Strasbourgeois ?
(silence) Non … non
Est-ce que vous avez le sentiment ou une idée à partir d’où, à partir de quel endroit on parle
différemment qu’à Woerth ou Froeschwiller ? Où ça commencerait à être …
Mais vous avez dû comprendre que euh j’en sais rien du tout hein. Je sais pas du tout. A partir
du moment où on sort de Woerth, y a forcément des différences d’un village à l’autre. Enfin,
c’est ce que j’crois.
II. COMPETENCE DU TEMOIN
Donc au fond, si je vous demandais une estimation, comment vous pensez parler votre
dialecte, qu’est-ce vous me proposeriez ? J’ai en magasin « très bien », « bien »,
« moyennement », « mal ».
Mal.
Et même chose maintenant pour la compréhension : vous comprenez très bien ?
Je comprends bien. Bien. Enfin, le dialecte que parlent mes parents hein.
Vous ne comprenez pas trop bien ce qui est parlé ailleurs ?
En fait, j’en sais trop rien vu que euh le seul dialecte que j’entends, c’est celui de mes parents.
Sinon les autres, les autres gens euh quand i m’parlent, i m’parlent français. Donc euh je sais
pas.
Et votre grand-mère ou les amis de votre grand-mère ?
Oui, eux i parlent de la même manière que mes parents, [quand ?] je suis là, donc euh
Et dans votre famille de façon globale, vous disiez tout à l’heure, vos parents parlent
l’alsacien entre eux…
Hmhm [approbation]
Toujours ?
Ça dépend du sujet.
Tout à l’heure vous disiez que vous aviez une sœur.
Oui.
Est-ce qu’il serait indiscret de lui demander son âge ?
Vingt-deux ans.
Et votre sœur elle parle l’alsacien avec vos parents ?
Jamais. Non jamais. Elle le parle jamais.
enquête du 02 mars 2000
15
Et vos parents, parlent-ils l’alsacien avec leurs propres parents ?
Ah oui, oui oui ! I parlent qu’en, qu’en alsacien, jamais en français.
Et ils s’adressent également à vous parfois en dialecte ?
Euh mon père, jamais. Mais ma mère euh, quand elle s’énerve euh, ouais. C’est en alsacien
plus qu’en français.
Mais ça n’est pas très fréquent alors ?
Si ! [rires]
Bon, bin j’ai fait une gaffe. Et quand il s’agit d’une conversation plus normale ?
[incompréhensible] elle nous parle français.
Vous savez pourquoi c’est comme ça ?
Parce que euh l’alsacien, c’est sa langue avant d’être le français, j’pense. Donc c’est, quand
elle s’énerve et qu’elle doit parler vite, elle préfère euh parler alsacien parce que c’est plus
automatique.
Et pour votre père ?
Bin mon père, euh (silence), i sait parler français quand i s’énerve aussi.
Mais est-ce que vous savez pourquoi il choisit le français et pas l’alsacien ?
Parce que, c’est p’t-être vis à vis d’nous … peut-être pour les études, je sais pas.
Vous avez d’autres frères et sœurs ?
Non.
Vous avez de la famille proche que vous voyez, disons, relativement souvent ? Des oncles, des
tantes ou des cousins …
Bin on s’voyait fréquemment y a quelques années, mais depuis quelque temps, on s’voit plus.
Et quelle était la langue dans laquelle vous vous adressiez
Français.
Tantes et oncles aussi ?
Du côté de mon père. Et du côté d’ma mère c’est toujours en français, parce que j’m’adresse
pas en alsacien, mais euh eux parlent alsacien entre eux, quoi.
Et vos cousins et cousines, si vous en avez, entre eux ou avec leurs parents ?
Bin, du côté de mon père, c’est toujours la même chose, c’est toujours en français, et du côté
d’ma mère, c’est certainement en alsacien, mais j’les connais pas très bien.
Dites-moi, du côté de votre père, que faisait son père à lui comme métier ?
Très bonne question. Il était architecte, mais i composait aussi, d’la musique et des chansons.
Vous savez où il exerçait ?
Non, j’en sais très peu sur mon grand-père. On m’en parle pas beaucoup.
Et du côté de votre mère, le père de votre mère ?
I tenait un un restaurant avec euh avec ma grand-mère.
enquête du 02 mars 2000
16
Vous savez où ?
A Froeschwiller.
Et est-ce que vous savez où habitait le père de votre père ?
Le père de mon père ? A côté d’chez nous, à Woerth.
J’ose pas vous demander des renseignements sur le grand-père de votre père ?
N’osez pas parce que j’pourrai pas vous répondre.
Votre sœur, qu’est-ce qu’elle a comme profession ?
Elle est opticienne.
C’est c’que vous avez dit tout à l’heure, c’est vrai. Elle travaille à Woerth ?
Non à Haguenau.
Tout à l’heure vous disiez, vous, que vous parliez mal le dialecte. Pour votre sœur, qu’est-ce
que vous diriez ?
Euh qu’elle le comprend aussi bien qu’moi, mais qu’elle le parle pas du tout
Pas du tout ?
Non.
Encore moins bien que vous, enfin …
Bin, je sais pas en fait, vu qu’elle le parle jamais, mais je sais qu’elle pourrait faire des
phrases en dialecte, mais elle s’en donne pas la peine.
Elle travaille uniquement hors public ou est-ce qu’elle travaille avec un public ?
Elle travaille avec les clients, elle fait euh, elle fait des montages de lunettes et tout ça et elle
vend aussi.
Et il lui arrive jamais de devoir parler avec quelqu’un en dialecte ?
Bin j’crois que les gens qui vont là-bas s’adressent, s’adressent aux gens en français, aux
vendeurs. J’crois qu’i se parlent en français.
Et comment estimez-vous que vos parents parlent le dialecte ? Ils parlent plutôt bien, plutôt
moyennement ?
Ils parlent bien le dialecte, j’pense qu’i parlent même très bien.
LE FRANÇAIS
On va s’intéresser à aut’ chose, on va s’intéresser au français.
Oui, pourquoi pas.
Je vais vous poser une question un peu rigolote, après tout ce que vous m’avez dit : on me dit
que j’dois vous demander comment vous parlez le français : « très bien », « bien »
« moyennement », « mal » ?
C’est à vous d’juger.
J’comprends rien à tout ça.
Bin bien, on va dire.
enquête du 02 mars 2000
17
Si je puis demander : pourquoi pas très bien ?
Bin parce que y a forcément des mots que j’connais pas et, alors j’pense pas qu’j’puisse dire
qu’j’parle très bien le français.
Alors on dit bien.
On dit bien.
Et quel français avez-vous l’impression de parler ?
Quel français ? ! Y a plusieurs français ?
Je sais pas. Je vais vous donner des exemples peut-être ? Est-ce que vous avez l’impression
de parler un français comme le f’rait un présentateur de télé ?
Non.
Ou est-ce que vous avez l’impression de parler le français comme à l’école ?
Bin oui, comme à l’école.
Ou est-ce que vous avez l’impression de parler le français comme on le parle à Paris ?
(silence) J’connais pas le français qu’on parle à Paris, j’sais pas s’il est différent du nôtre,
mais (silence) j’parle le français, qu’ce soit à l’école ou à Paris ou à Bordeaux, j’parle le
français.
Vos parents, ils parlent le français de la même façon que vous ?
Mon père oui, ma mère elle parle un peu moins bien.
Qu’est-ce que vous entendez par « moins bien » ?
Moins bien, c’est que elle a plus de mal à trouver, trouver ses mots…
C’est moins fluide ?
Oui. Et puis euh, et puis ch’ai pas, elle a une certaine gêne quand elle commence à parler le
français.
A votre avis, c’est dû à quoi ?
C’est dû au fait qu’elle connaît ses lacunes et qu’elle préfère s’exprimer en alsacien.
Eventuellement, elle aurait peut-être un accent qui la gênerait ?
Ah oui, ça [rires] elle l’a.
Et pensez-vous que c’est gênant d’avoir un accent ?
Bin moi ça me dérange pas, mais elle ça la dérange, enfin du moins, ça la dérangeait durant un
certain temps.
Et vous, quand vous parlez le français, avez-vous le sentiment d’avoir un accent ?
Bin dites-le moi ! J’en sais rien. J’en sais rien du tout.
Vous n’le savez pas.
Bin certainement qu’à certains moments, j’me lâche et … mes origines prennent le dessus.
[rires]
enquête du 02 mars 2000
18
C’est profond, ça !
[rires]
Et si vous en aviez un ou bien si vous pensiez que vous en avez un, est-ce que vous trouveriez
ça gênant ?
Bin étant … Si j’en avais un, …
Ou si vous en aviez un.
Vu qu’on m’a jamais fait la remarque ou très rarement, j’m’en souviens plus, bin j’me suis
jamais posé cette question-là.
On ne s’est jamais moqué de vous, on ne vous a jamais fait de remarque de ce type-là ?
J’suis jamais allée à Paris pour qu’on s’moque de moi, donc euh.
Vous pensez que ça n’est qu’à Paris qu’on peut s’moquer d’vous ?
Non non c’est un peu partout. On nous dit souvent que peu importe si on croit qu’on a un
accent ou pas, du moment qu’on sort euh, de de l’Alsace, les gens s’en rendent compte.
Est-ce que c’est vrai ?
Je sais pas.
Vous n’êtes jamais sortie de l’Alsace ?
Bin si, mais euh j’ai pas dialogué avec des jeunes comme moi qui auraient pu me faire la
remarque.
Si vous deviez caractériser l’accent du français que parlent les locuteurs en Alsace, comment
vous le caractériseriez ? Comment vous le qualifieriez ?
(silence) Bin le problème, c’est qu’je suis habituée au, à l’accent d’ma mère. Donc euh, cet
accent-là m’gêne pas. Mais y en a qui ont, qui ont un accent beaucoup plus prononcé encore
et puis là, je l’trouve, je l’trouve pas très beau. Et même parfois j’pourrais dire qu’il est
vulgaire.
Est-ce qu’il y a des accents qui vous plairaient bien ? Ou pas ?
(petit silence) Bin c’est sûr que l’accent marseillais est bien charmant, mais bon sinon …
Pourquoi dites-vous qu’il est charmant ?
Bin parce que euh i, pour les voyelles et euh les consonnes nasales, i z accentuent plus alors
que les Alsaciens, i z ont tendance à, pour les voyelles, ils les raccourcissent et ils les rendent
plus, plus crues.
Et en quoi vous trouvez cela parfois vulgaire ?
Parce que, c’est p’êt’ dû au fait que ma mère, quand elle s’énerve, elle parle alsacien, donc
euh j’ai tendance à associer l’alsacien avec ses états d’âme, quoi.
Et l’accent qu’auraient les locuteurs alsaciens en français serait associé à ça aussi alors ?
Peut-être.
Est-ce que vous aimeriez avoir un accent ?
(petit silence) Non. Bin j’ai le mien certainement donc ouais
enquête du 02 mars 2000
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Est-ce que vous pensez que le bon français existe ?
…
Tout à l’heure je vous ai demandé si vous parliez bien le français, et vous m’avez répondu,
non, pas très bien, mais bien.
Bin le bon français, oral ou écrit ? Ecrit peut-être, mais oral … j’pense pas.
Vous pensez qu’ça n’existe pas ?
Non, j’pense que ça n’existe pas.
Est-ce que vous pensez que le vrai français existe ?
(silence)
Le français authentique ?
Oral ou écrit ?
Oral.
Non, j’pense pas.
Alors je vais essayer de poser ma question un peu différemment. Si quelqu’un voulait
apprendre le français, un étranger disons, et s’il vous demandait conseil [un Anglais, un
Allemand, …] pour apprendre le français en France, qu’est-ce que vous lui conseilleriez ?
De s’accrocher.
Ouais, mais ça c’est un peu … De faire quoi ? D’aller où ? Quels conseils donneriez-vous ?
Bin de euh d’essayer de le pratiquer au maximum pas dans les bouquins, mais d’aller parler
aux gens plus, parce que ça aide plus à apprendre que …, et puis oui, de pas choisir tel ou tel
accent, mais de faire, de faire une compilation d’un tout quoi, d’aller, d’aller voir un peu
partout.
Concrètement qu’est-ce que vous lui conseilleriez ? Un endroit précis ?
Mais il y a pas d’endroit précis.
De loger chez l’habitant ?
Oui de loger chez l’habitant. Je pense que c’est le meilleur moyen.
Donc par exemple ici à Strasbourg ?
Bin ici à Strasbourg ou ailleurs.
Et chez qui alors ?
Chez qui ?
Peu importe les personnes ?
Bin c’est sûr que si, si c’est des personnes qui parlent en majorité l’alsacien, bin c’est pas
conseillé d’aller chez eux pour euh, pour apprendre à parler le français.
Alors quelle suggestion lui feriez-vous ?
(petit silence) C’est une question piège aussi.
enquête du 02 mars 2000
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Non, non, c’est pas une question piège.
Mais le pire, c’est que je vois pas ce que vous attendez comme réponse, donc…
Mais j’attends pas d’réponse. Enfin j’attends une réponse, mais pas … Mais la question se
pose réellement : Je veux apprendre le français sur le tas, comment j’fais ? Quel est l’endroit
ou la façon de faire la plus efficace ?
Bin la façon de faire la plus efficace, c’est de loger chez des gens qui parlent le français et de
parler avec eux. J’pense que c’est le seul moyen.
Et comment les repérer pour ne pas me tromper ?
Bin i faut, i faut s’adresser à un organisme qui s’occupe de ça et qui les aideront.
Est-ce que vous pensez qu’en Alsace, on parle un français différent des autres régions
françaises ?
Oui mais c’est relatif, ça dépend des gens. C’est sûr que, que j’entends ma mère parler le
français, elle parle certainement pas aussi bien que, que quelqu’un d’autre, même en Alsace.
C’est relatif au gens, j’en sais rien. Et surtout que j’vais, que j’vais pas, j’suis pas allée dans
d’autres régions étudier euh le niveau de langue des gens en français.
Vous les avez entendu parler je pense ?
Bin on a tous des lacunes en français, j’veux dire. A partir du moment où c’est oral, bin c’est
relatif.
J’pensais pas nécessairement à des lacunes, ça peut être des différences.
Y a pas de, y a pas de bon ou de mauvais français, on parle français.
Vous, vous parlez le français avec tout le monde.
Exactement.
Excepté de temps en temps avec l’une de vos grands-mères.
Voilà.
Quand un locuteur, comme votre grand-mère, ont plusieurs langues à disposition, ils font des
choix. Ils font des choix à partir de quoi ?
A partir de, à partir du sujet qu’elle aborde. Si c’est un sujet commun, elle pourra parler en
alsacien, si s’agit des, des ouais études comme on a vu, c’est sûr qu’elle parlera français.
[fin de la face A de la cassette]
[question non enregistrée]
C’était quoi la question ? Ah oui, les … bin non, en fait c’est, dès qu’i s’agit d’un sujet où, où
y a pas de terme alsacien qui, qui convienne, eh bin, c’est sûr qu’on parle français. Mais pour
ce qui est d’ma grand-mère euh, elle parle toujours alsacien, elle aborde jamais de sujet très
… très … j’ai envie de dire évolués, mais c’est péjoratif.
Vous voulez le nommer autrement ?
J’trouve pas d’mots.
enquête du 02 mars 2000
21
Je vous propose une affirmation ? Voilà l’affirmation et j’aimerais savoir ce que vous en
pensez : « Pour bien parler le français, il faut abandonner le dialecte. » Qu’est-ce que vous
pensez de cette affirmation ?
(silence)
Plutôt en accord, plutôt …
Si j’étais en accord, ça voudrais dire que j’parle mal le français vu que j’ai pas abandonné le
dialecte, enfin que j’essaie de le parler avec ma grand-mère, avec ma mère un p’tit peu et
j’pense pas qu’ça ait nui à mon apprentissage de la langue française.
Et si vous repensez maintenant à votre mère, est-ce que ce serait …
C’est aut’ chose. Elle avait pas le, la même éducation qu’moi, elle est pas allée à l’école. Non,
à partir du moment où on est dans une école, on nous apprend la langue française et y a pas
d’raison qu’on apprenne mal le français si à côté euh on sait aussi parler le dialecte.
Au total, vous seriez plutôt en désaccord ?
Contre.
[pause de 7,5 minutes]
On poursuit ? Bin oui.
ALLEMAND
Malheureusement, c’est ça ? … Parlez-vous l’allemand ?
Très moyennement. Encore plus moyennement que l’alsacien donc.
Et vous le parlez comme à la télé, comme vous l’avez appris à l’école ?
Comme je l’ai appris à l’école, oui.
En Allemagne ?
Non, en France.
Non, non comme on le parlerait en Allemagne ?
(petit silence) Bin euh j’pense pas que l’allemand parlé en Allemagne corresponde à
l’allemand qu’on nous apprend à l’école, quoi. C’est comme l’anglais qu’on nous apprend euh
au niveau universitaire, c’est l’anglais d’la reine, et j’pense que personne ne parle c’t anglaislà … ou très peu de gens.
Si vous le dites … Est-ce que vous lisez l’allemand ?
Bin je sais le lire, mais je lis rarement des choses en allemand.
Ecrivez-vous parfois en allemand ?
Bin non, jamais, mais j’peux l’écrire.
Si vous deviez qualifier votre compétence en lecture et en scription de l’allemand : vous
pensez que vous lisez plutôt bien, moyennement, mal ?
Bin j’écris assez bien l’allemand, mais le lire, c’est déjà beaucoup plus compliqué.
Est-ce que vous pensez qu’il existe un bon allemand ?
(petit silence) Enfin, c’est comme pour le bon français, le bon allemand, bin non. Y a pas de
bon allemand.
enquête du 02 mars 2000
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Si d’aventure, vous souhaitiez apprendre l’allemand, vous perfectionner en allemand, qu’estce que vous feriez ?
(petit silence) Bin si vraiment c’était euh mon choix, je pense que j’irais en Allemagne et
comme, comme jeune fille au pair.
Vous iriez où ?
N’importe où en Allemagne, j’veux dire euh
J’sais pas : à Kehl ou à Karlsruhe ou à Woerth en Allemagne tout près ?
J’en sais rien du tout, n’importe où … sans, sans préférence.
Vous pensez qu’on parle le même allemand partout, que ça n’a pas tellement d’importance,
l’endroit où l’on se trouve ?
Bin je pense, j’connais très mal l’Allemagne, mais je pense, oui.
Est-ce que vous pensez que des Allemands, cette fois-ci, peuvent avoir un accent lorsqu’ils
parlent l’allemand ?
Bin i risquent d’avoir l’accent allemand.
C’est amusant ça. Je vais repréciser ma question : comme il y a, en Alsace, des gens qui ont
un accent lorsqu’ils parlent le français, est-ce que vous pensez qu’il existe en Allemagne des
gens qui ont un accent lorsqu’ils parlent l’allemand ?
(petit silence) Je sais pas.
Est-ce qu’il vous arrive de parler l’allemand ?
Jamais.
Un touriste ne vous a jamais abordée, soit à Woerth, soit à Strasbourg, soit à Haguenau ?
Si, si, là j’essaie de m’efforcer de parler l’allemand, mais c’est vrai aussi que quand j’essaie
de parler l’alsacien, j’ai tendance à parler un peu plus euh l’allemand que l’alsacien parce que
j’ai, j’ai appris l’allemand un p’tit peu à l’école, donc, c’est, c’est les termes allemands qui
restent davantage.
Et donc lorsqu’un touriste allemand, je sais pas, vous demande son chemin ou j’sais pas quoi,
vous lui répondez plutôt en allemand ou plutôt en français ?
Bin j’essaie de parler allemand, si vraiment j’vois que, qu’i sait pas parler français.
Et vous n’avez jamais été en Allemagne ? Enfin, j’veux dire pour aller acheter des chaussures
ou faire votre marché ?
Non.
Vous n’y allez jamais ?
Non. On est passés par l’Allemagne, mais on s’est jamais arrêtés pour faire les courses ou aut’
chose.
Et en Suisse, vous avez déjà été en Suisse ?
Oui, j’ai d’jà été en Suisse.
En Suisse, où ça en Suisse ?
Bâle.
enquête du 02 mars 2000
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Et quel est votre sentiment : comment les gens parlent là-bas ?
I parlent bizarrement. En tout cas, ça n’a rien à voir euh avec l’allemand. I z ont un, eux i z
ont un accent … suisse, un gros accent.
Et comment vous parliez vous, à ce moment-là ?
L’allemand, j’parlais l’allemand, mais i comprennent bien sûr l’alle, mais i savent parler
l’allemand, mais i z ont un dialecte, je pense, enfin, j’ai des cousins qui habitent en Suisse,
donc euh, i z ont un dialecte assez, assez étrange.
Et vous les comprenez ?
Non, j’ai du mal.
Et comment vous faites alors ?
Bin on dialogue en allemand.
En allemand. Et vos parents, est-ce qu’i comprennent … ?
I comprennent euh le le suisse ?
Hummm [approbation]
I comprennent, oui, mais avec difficulté aussi.
Et eux, ils se rendent plus souvent en Allemagne que vous ?
Euh non, mais ma mère euh a des beaucoup de clients allemands, donc elle est obligée de
parler allemand.
Est-ce qu’il vous paraît important ou utile de bien parler l’allemand ou de bien l’écrire ?
En Alsace, oui. J’pense que c’est important, de connaître le français et l’allemand. C’est
d’ailleurs pour ça qu’je fais des études d’anglais. [rires]
Oui, parce que vous connaissez déjà les deux ?
Oui, bien sûr ! [rires]
Vous pourriez p’t-être dire deux mots, en quoi c’est important en Alsace ?
Bin parce qu’i y a beaucoup de touristes allemands, donc j’veux dire, au niveau euh du
commerce et tout ça, bin, i vaut savoir parler allemand.
Ce serait une raison suffisante, les raisons commerciales… ?
Pour moi, oui, c’est la seule raison.
Vous pensez pas qu’on pourrait s’en passer ?
(petit silence) Bin si les Allemands décident d’apprendre le français, on pourrait s’en passer,
ouais.
On peut aussi communiquer en anglais ?
Aussi, ouais.
enquête du 02 mars 2000
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DIALECTE
Dans votre entourage immédiat, familial, ce sont vos parents qui parlent le dialecte, l’une de
vos grands-mères. Est-ce qu’il y a d’autres gens que vous connaissez et que vous voyez
relativement régulièrement ?
Ma nourrice, mais au niveau des jeunes euh, j’en connais pas qui parlent l’alsacien, si c’n’est
mes cousins du côté de ma mère, mais on s’fréquente plus, donc euh
Est-ce que vous pensez qu’il existe un dialecte sans faute ?
(silence) Non (rires)
Pourquoi pas ?
Pourquoi pas, bin, c’est comme pour le français, comme pour l’allemand, comme pour
n’importe quelle langue, y a pas langue sans faute, d’autant plus que euh l’alsacien est pas une
langue écrite, donc euh
Pourquoi d’autant plus ?
Bin qu’i y a pas de critères bien définis pour c’qui est de l’alsacien. Disons que i peut y avoir
des variables, j’pense.
On va se replacer dans la même situation que tout à l’heure : on va dire qu’un de nos voisins
franc-comtois vienne vous trouver en vous disant, voilà, moi j’aimerais bien apprendre le
dialecte alsacien.
Je lui dirais d’venir chez nous hein, (rires) ma mère l’aidera. [rires]
Donc c’est comme ça qu’il l’apprendrait ?
Bin non, j’pense qu’i faut euh, i faut qu’ce soit quelqu’un qui, qui ait des bases au niveau de
la scolarité, parce qu’une langue euh, il faut savoir bien la parler déjà, et puis euh il faut savoir
l’enseigner aussi.
Mais concrètement qu’est-ce que vous lui proposeriez ? Qu’est-ce que vous suggéreriez ?
Bin pour l’alsacien y a pas trop l’choix, i faut, il faut vivre avec des Alsaciens pour pouvoir
parler, enfin i y a pas beaucoup de, enfin je sais pas s’il y a beaucoup de, de, de livres
alsaciens pour l’aider.
Où pourra-t-il trouver ces Alsaciens justement qui parlent le dialecte à ce moment-là ?
Enormément.
Oui, mais où ?
Mais dans n’importe, plutôt dans les villages, j’pense, mais bien sûr dans les villes aussi, y a
beaucoup d’Alsaciens qui parlent l’alsacien, mais les villes sont souvent universitaires, donc
on, y a beaucoup de jeunes qui parlent le français.
Bon, vous dites qu’il pourrait venir chez vous, mais il serait plutôt embêté puisque vous ne le
parleriez peut-être pas avec lui…
Ah non, c’est sûr qu’i peut pas apprendre l’alsacien avec moi, j’disais chez nous, dans not’
village, y a des gens qui parlent que ça, hein, ils parlent que l’alsacien.
Et quand vous dites « des gens », i z ont votre âge ?
Non, non, du tout, c’est des vieilles personnes.
enquête du 02 mars 2000
25
Donc il faudrait qu’il aille chez de vieilles personnes pour l’apprendre ?
Bin ouais, si vraiment il a décidé d’faire ça, bin, ouais, il faut tenter le tout pour le tout hein
[rires]
C’qui serait un peu embêtant évidemment : j’imagine que ça n’est pas nécessairement les
mêmes centres d’intérêt qu’il y aurait quoi ?
….
Si quelqu’un vous demandait donc où il pourrait aller pour apprendre l’alsacien et s’il est
effectivement en contact avec des gens plus âgés, je ne suis pas sûr qu’ils aient les mêmes
centres d’intérêt.
C’est sûr, oui. Bin, l’idéal c’est d’trouver euh quelqu’un de jeune qui parle l’alsacien
couramment.
Vous verriez quelqu’un ? Vous pensez qu’ça existe sans problème ?
Moi personnellement, j’connais personne qui parle vraiment bien l’alsacien et qui, qui, qui ait
mon âge ou un peu plus d’mon âge, j’connais personne.
Donc il faudrait qu’il prenne un peu son mal en patience et puis qu’il aille …
Mais ça dépend de c’qu’on appelle jeune aussi. Y a des gens de quarante-cinq ans qui parlent
très bien l’alsacien, qui sont certainement jeunes hein.
Merci.
Vous avez quarante-cinq ans ?
Non, je n’ai pas quarante-cinq ans, hélas. Plus. Vous voulez simplement dire qu’ça n’est pas
nécessairement la génération des grands-parents, voilà c’que vous voulez dire ?
Oui
Mais pour votre génération ce serait plus difficile, si j’comprends bien, juste pour être sûr.
Ah oui
Tout à l’heure nous avons parlé de « dialecte alsacien ». Qu’est-ce que c’est, si vous deviez
expliquer ça à quelqu’un ? Qu’est-ce que c’est ?
Bin euh c’est un, c’est quoi ? Bin c’est un dialecte de l’allemand, on a vu ça en cours, là,
j’vais m’faire euh.
C’est un dialecte de l’allemand ?
Euh est-ce qu’y a vraiment des dialectes, c’est ça la question.
Je sais pas. Non en fait, quelqu’un vous dit : « J’ai entendu que vous parliez autrement, on
m’a dit qu’c’était un dialecte » et vous essayez d’expliquer c’que c’est.
Bin que c’est un dérivé de, de la langue allemande. … Ou alors c’est la langue allemande qui
est née du, de l’alsacien, j’sais plus.
Allez savoir. Si cette personne vous disait : « Mais on m’a dit qu’y avait un rapport avec la
langue allemande, mais j’vois pas trop lequel. », mais est-ce que vous en voyez un, vous ?
Bin oui, bin les, les racines sont les mêmes, … les racines sont les mêmes euh l’accent euh
ressemble un peu euh à l’accent germanique, même énormément … les constructions euh
enquête du 02 mars 2000
26
syntaxiques sont les mêmes … et y a toujours les cas qui, qui entrent en compte qui viennent
de là, non ?
Donc vous pensez qu’il y a pas mal de relations entre les deux, c’est ça ?
Oui, y a beaucoup de … j’me trompe ? Y a beaucoup de relations, oui.
Moi j’en sais rien.
Vous n’en savez rien, c’est fou.
Toujours votre visiteur, votre étranger qui vous dit : « Mais on m’a dit qu’il y avait des
endroits en Alsace où on parlait mieux le dialecte que dans d’autres endroits. » Pour vous,
c’est vrai ?
Non.
Qu’on aille à Colmar ou qu’on aille à Mulhouse ou qu’on aille à Wissembourg, c’est pareil ?
Bin c’est pas pareil, vu que les gens, i z ont une aut’ façon d’le prononcer, mais y a pas une
manière qui est meilleure que l’autre.
A votre avis, si un Mulhousien vous parlait en dialecte, est-ce que vous le comprendriez ?
(petit silence) Bin j’ai jamais parlé à un Mulhousien … mais j’pense que non, j’aurais du mal,
si la prononciation est différente.
Et un Strasbourgeois ? Vous pensez qu’vous comprendriez ?
J’comprendrais pas, j’pense.
REPERES LINGUISTIQUES
Alors on va faire un essai. Je vais vous donner quelques mots, isolés de leur contexte, et vous
allez me dire si vous les comprenez.
Vous allez êt’ déçu.
h
Pourquoi je serais déçu ? Si je vous dis [k opf] ?
J’comprends, c’est la tête.
Comment vous dites dans vot’ parler ?
Pareil. (rires)
Pourriez pas m’le dire ?
h
[k opf]
Si je vous propose [fli∂g∂] ? [fli∂g∂] ?
Ah non, ça j’le comprends pas, non (rires)
Comment vous dites pour « voler » ?
[flij∂]
h
Je propose [k Int]. Vous dites ?
h
Pareil [k Int].
enquête du 02 mars 2000
Je vous propose [Ix].
[Ix], c’est quoi ça ? [rires] C’est « euch » non en allemand, (souffle : [Ix])
On me demande bêtement de lire ça, je lis ça.
Mais il faudrait le mettre euh dans un contexte, dans une phrase.
C’est bien ce qui est amusant, mais hors contexte.
Ah d’accord.
Non, je plaisante. [bli:b∂] ?
Pardon ?
[bli:b∂]
Alors chez nous, c’est euh [bli:v∂]
Et vous savez ce machin qui relie deux rives, où y a d’l’eau qui passe en-dessous …
Le pont ?
Oui, voilà. Comment vous appelez ça en dialecte ?
Je sais pas.
J’vous propose d’autres mots, vous me dites si vous les connaissez ? A [e:s∂l] ?
On dit plutôt [es∂l].
De [bo:d∂] ?
Le parterre ? (rires) Non, pareil, on n’accentue pas la voyelle.
E [hus] ?
[hus] ? (rires) C’est une maison, c’est ça ? Mais j’imagine …
Comment vous dites ?
[hüs]
[lεIt] ?
[lεIt], c’est d’l’anglais, ça. (rires). J’connais pas. Ah si, c’est couché hein ?
Si j’vous dis [laIt] ?
(silence) Ah ‘es tut mir leid’ [incompréhensible], non j’connais pas.
Si je vous dis [lit] ?
Nous on dit pareil, c’est les gens.
[hi:t∂] ?
(silence) ça doit être ‘cacher’, non ?
[lå:f∂] ?
(silence) Comment on dit ça ? Oui, oui c’est « marcher ».
Comment vous dites ?
J’crois qu’on dit [laUft] comme en comme en allemand.
27
enquête du 02 mars 2000
28
Et puis un terme dont je n’sais pas si vous le connaissez parce que c’est davantage de la
ruralité, du monde agricole, vous connaissez ce terme e [vεIt] ?
Non.
E [vaIt] ? Non plus ?
Non.
[∫bεk] ?
Oui, ça ch’connais ouais, on dit pareil.
On dit pareil dans les villages environnants ?
J’ai jamais parlé d’ [∫bεk] avec les villages environnants.
Vous l’avez peut-être entendu ?
Non.
A Froeschwiller, on dit aussi [∫bεk] ?
On dit aussi ça, oui.
A Woerth aussi ?
A Woerth aussi.
Vous savez, il y a parfois des animaux qui sont assez désagréables et parmi ceux-là il y en a
un qu’on appelle e [Råt]. Vous connaissez cela ?
Non, ça doit être le rat, mais …
Et parmi les animaux aussi, il y a d’une part des animaux qu’on appelle e [manl∂] …
[manl∂], nous on utilise ça pour euh décrire la poupée euh qu’on fait pour euh j’sais plus
quelle occasion, les poupées là, en pâte, [mεnl∂]
Comment vous prononcez ça ?
[manl∂]
J’vous dis [fat] …
C’est gras, [fat] on l’dit pareil.
Vous dites [fat] et vous dites [∫bεk] ?
C’est bizarre n’est-ce pas ?
Si je vous propose le terme de [gaUl]
(silence)
Ça vous dit quelque chose ?
Non.
Et si je vous propose le terme de [phεRt] ?
(silence)
Non plus ?
enquête du 02 mars 2000
29
Non plus (rires).
Comment vous dites pour dire l’automne ?
Le quoi ?
L’automne, ouais la saison.
J’crois qu’on le dit en français ça, on s’foule pas.
[incompréhensible] en français ?
Ouais.
J’vous propose [galRü∂p].
[gal∂RU:v∂] on dit.
Vous dites [gal∂RU:v∂]. [hoRiç∂] ?
[hoRi∫∂] on dit.
Oui, et qu’est-ce que ça veut dire ?
« écouter »
Je vous propose [le∫bl∂].
J’connais pas.
Mais vous connaissez certainement [lIb∂l] ?
[lIbl∂] ?
Qu’est-ce que c’est ?
J’ai dû entendre, mais je sais pas.
Ce sont les lè..
C’est les lèvres.
Tout à l’heure lorsque vous disiez que les dialectes avaient un rapport avec l’allemand, vous
saviez plus trop, vous voyiez plus trop si c’est plutôt l’un qui précède l’autre ou …
J’crois qu’c’est l’alsacien qui précède l’autre, on a dû voir ça en cours.
Oui, mais en dehors du cours …
Non, mais avant, j’pensais bien que l’alsacien dérivait de l’allemand.
Au fond, si maintenant vous deviez le dater, poser un jalon dans l’temps ?
Au cinquième siècle.
Oubliez toutes ces bêtises qu’on vous a apprises ! (rires) Est-ce que vous avez l’impression
que l’alsacien fait partie de l’allemand, est-ce que c’est plutôt la langue d’une région, … ?
C’est la langue d’une région.
Cette région que vous avez définie tout à l’heure ?
Non. La véritable région alsacienne que j’saurais pas définir.
Vous pourriez pas mettre une extension géographique ?
enquête du 02 mars 2000
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Pour moi, l’Alsace, c’est c’qu’on voit sur la carte de bas en haut, mais … Bas-Rhin, HautRhin, on parle alsacien partout non ?
Et ça s’arrêterait où ?
(silence) Mulhouse
Au sud ?
Au sud, ouais.
Et au nord ?
Wissembourg (rires) C’est pas bien au nord ça ? Si !
Et puis à l’ouest ?
(rires) A l’ouest …
Est-ce que vous avez une idée ?
Non.
Où ça peut s’arrêter ? Est-ce qu’il arrive qu’en dialecte, on nomme des gens qui parlent
autrement, est-ce qu’on leur donne un sobriquet, est-ce que ça arrive ce genre de chose ?
(petit silence)
Voyez, je vais vous donner un exemple : les Mulhousiens appellent les Strasbourgeois des
‘Pekser’.
Ah.
Vous n’avez jamais entendu ça ? Est-ce que dans votre village vous avez déjà entendu ce
genre de … ?
Non.
Est-ce qu’il vous arrive parfois d’aller à la gendarmerie ?
Non.
Vous n’commettez pas assez de délits hein.
C’est ça.
Est-ce qu’il vous arrive d’aller dans une banque ?
Oui.
A Woerth ou à Strasbourg ?
A Woerth et à Strasbourg.
Et d’une façon générale, comment les gens parlent ?
Le français, sans accent. [rires, souffle : qu’est-ce qu’un accent ?]
Et lorsque vous allez faire éventuellement les courses dans une boucherie, dans une
boulangerie …
Ah bin si c’est à Woerth, …
Si c’est à Woerth ?
enquête du 02 mars 2000
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Si c’est à Woerth, ce sera l’alsacien.
Mais vous parlez le français ?
Je parle, on s’adressera à moi en français et je répondrai en français, oui.
Mais les autres clients ?
Ce sera en alsacien, pour les, un peu plus âgés.
Vous pensez que c’est dû à l’âge ?
Ouais.
Et tout à l’heure quand vous avez parlé du verre que vous allez boire avec des copains, les
gens qui sont dans ce bar, vous les entendez parfois parler ?
Non, jamais alsacien. Non.
Grosso modo, est-ce que j’me trompe ou vous mettez un lien entre l’âge et le fait de parler
l’alsacien ? Ou de s’en servir ?
De manière générale, oui, mais y a toujours des exceptions.
Bien entendu. A Woerth il y a également des boulangeries.
Oui.
Vous allez parfois dans une boulangerie ?
Oui.
Et ça se passe d’la même façon qu’à la boucherie ?
Oui.
Donc ça veut dire aussi que le boulanger est du crû, qu’il sait parler le dialecte, …
Voilà.
Et i s’adresse à vous aussi en français ?
Il s’adresse à moi en français, oui.
Mais pourquoi i fait ça ?
Parce qu’i s’dit qu’chuis jeune, donc je parle français, mieux que l’alsacien.
Et [incompréhensible] c’est la p’tite machin et …
Ah bin si s’dit ça, il m’parlera d’autant plus en français, j’pense.
D’accord. J’vais vous lire l’extrait d’une conversation, après vous m’direz ce que vous en
pensez. D’accord ?
Humm [approbation].
Lecture : « Enfin écoute, à vrai dire, le journal, üsser wenn de jetzt hesch de Express, de Point odder
so Dings eso hesch, gell, où vraiment c’est, là vraiment on peut dire que c’est des journalistes qui
t’écrivent sur un sujet, nit. Awer wenn de so e Zittung hesch comme les Dernières Nouvelles, alles,
was in de erschte vier, finef Sitte steht, hesch schun an de télé ghöert. »
Qu'en pensez-vous ?
enquête du 02 mars 2000
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Que vous avez parlé trop vite et qu’j’n’ai pas eu le temps de comprendre, mais que c’est un
mixage du français et de l’alsacien, c’est sûr, et que pour c’qui est des termes euh un peu je
sais plus, vous voudriez pas le relire ? [rires]
Je vous en lis un autre ?
Oui.
C’est l’extrait d’une conversation téléphonique.
Lecture : « Ja, Monsieur Raab, do isch d Madame Fackler, du bureau de Saint-Jean. Bonjour. Wisse
n Er, warum ich wiedder anruef ?… Unsri mache wiedder uf siewenezwanzig Grad… Ja, c’est
impossible, hein… Madame Jund, quand elle est arrivée ce matin, il y avait vingt-neuf… Sie het d
Tüer e bissel ufgemacht… mir kann awwer kein… ich weiss nit… ce, ce gars était là l’autre jour, un
dann het er ebs gemacht un gsaat et puis tout d’un coup, ça a fait clic et, effectivement, ça a remarché.
Vendredi, il faisait bon, angenehm et tout, et aujourd’hui, c’est, ça va être pas tenable parce que es
gibt ken Luft, hein, siewenezwanzig Grad, hein, e bissel viel… Ja je compte sur vous, hein, merci
Monsieur Raab, au revoir. » [la lecture est entrecoupée des rires du témoin]
Qu’est-ce que vous en pensez ? Est-ce que cette personne parle bien le dialecte ?
Bin quand elle le parle, elle le parle bien, mais qu’elle arrête de mixer les deux, parce que …
Pourquoi ?
Je sais pas, parce que ss ss c’est bizarre.
A votre avis, pourquoi le fait-elle ?
Bin là j’peux même pas dire que c’est parce qu’i y a des mots qu’elle connaît pas, vu qu’c’est
des mots assez simples, donc peut-être qu’elle veut montrer aussi à son interlocuteur qu’elle
sait parler français, j’en sais rien. Mais en tout cas c’est pas beau.
Pourquoi ça n’est pas beau ?
Bin parce que, moi j’ai l’habitude, quand mes parents parlent alsacien, ils le parlent, et i z
essaient pas euh une phrase en français une phrase en alsacien, c’est soit l’un soit l’autre.
Et vous n’approuvez pas le mixage, comme vous l’avez appelé ?
Non, pas trop.
Et quelle est la raison ?
Euhmm bonne question (petit silence) parce que j’trouve qu’une langue est toujours belle à
entendre, mais que, qu’i faut pas faire un …, mais si encore c’était pour certains mots bien
ciblés où on trouve pas la définition, j’veux bien mais …, je sais pas, c’est bizarre.
J’vais vous proposer quatre notions et j’vous d’manderais ensuite de les classer, par l’ordre
d’importance que vous voudrez : de valeur, … D’accord ? Dialecte, français, allemand,
patois. Vous voulez que j’les redise ?
Non. Bin euh français, dialecte, patois, j’connais pas trop la définition du patois, donc
j’pourrais pas répondre, bin ce sera le même ordre que ce qu’vous avez dit : ce sera français,
ce sera français, dialecte, allemand, patois.
Et pourquoi cet ordre-là ?
Parce que le français c’est ma langue, le dialecte c’est la langue de mes parents, l’allemand
c’est la langue voisine et le patois, parce que, bon, j’connais pas.
Est-ce que vous pensez qu’il est utile de parler le dialecte ?
enquête du 02 mars 2000
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Bin pour communiquer avec ma mère, oui.
Et de façon moins centrée sur la famille par exemple ? Est-ce que vous pensez que
globalement c’est utile ?
Bin en Alsace c’est, en fait non, c’est plus tellement utile, beaucoup de gens parlent le
français aussi, donc euh …, mais si on veut dialoguer avec des vieilles personnes, c’est sûr
que i vaut mieux savoir parler un peu ou avoir des notions en alsacien.
Est-ce que vous pensez que ça a du sens de transmettre le dialecte aux enfants ?
(petit silence) Bin si on n’a pas envie que le dialecte se perde, oui, ça a du sens.
Et vous, qu’est-ce que vous en pensez ?
J’en sais rien, vu que mes parents i z ont pas essayé de me le transmettre, … mais en tout cas
j’m’en sors très bien sans savoir parler euh très bien alsacien.
Tout à l’heure vous aviez dit que votre mère changeait parfois de langue selon le sujet. Est-ce
que vous pensez qu’on peut parler de tout en dialecte ou qu’on ne peut pas parler de tout en
dialecte ?
On peut parler de tout en dialecte, sauf quand on, quand i y a des mots techniques qui, qui
entrent en compte.
Vous pensez qu’ça s’y prête, on peut tout dire ?
Oui.
Pourtant tout à l’heure vous avez dit que l’une de vos grands-mères n’abordait pas certains
sujets.
Bin oui, la haute technologie, elle l’évite, en général, …
C’est p’t-être pas non plus son sujet de prédilection ?
En plus, pour c’qui est des études, pareil, en fait elle parle que d’ce qui la touche elle-même,
donc euh
Et bien sûr là le dialecte suffit.
Suffit, oui.
Vous pensez qu’on pourrait parler d’aut’ chose ? Des études ou chais pas…
Avec elle ?
Non avec elle, bien sûr ; vous pensez qu’au moins techniquement, linguistiquement ce serait
possible ?
Pour c’qui est des termes comme euh agrégation ou euh n’importe quoi, non, ce sera plus
difficile.
Est-ce que vous pensez qu’il serait bon d’enseigner le dialecte ?
(silence) Bin pour ceux qu’ça intéresse, bien sûr, mais vous voulez dire cours obligatoire ?
Non, je sais pas.
[rires] Décidément, vous savez rien.
Comment vous verriez ça ?
enquête du 02 mars 2000
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Bin ce serait utile dans le sens où ça nous aiderait en plus à apprendre la langue allemande,
parce que je continue à croire que ces deux langues sont fortement liées.
Est-ce que vous le verriez plutôt pour des enfants ou des jeunes qui n’savent pas le dialecte,
enfin qui n’l’ont pas appris chez eux ou est-ce que vous verriez plutôt cela pour des enfants
ou des jeunes qui ont appris le dialecte chez eux et qui seraient amenés à le structurer à
l’école … Comment vous verriez cela ? Pour qui verriez-vous un enseignement, si
enseignement il y avait ?
Ce serait plutôt pour les, pour les enfants qui ont déjà des bases en alsacien et qui veulent, et
qui, ce serait bon qu’ils le perfectionnent, mais pour les gens qui, qui ne l’parlent pas, c’est
que c’est un choix des parents ouais p’t-êt’ pas d’eux-mêmes, ouais, ça c’est, ouais, je sais
pas. Elles sont terribles vos questions.
Ce sont des gens un peu pervers qui les ont pondues. Donc au fond, vous savez pas trop, estce que je comprends bien, vous savez pas comment concrètement ça pourrait s’passer ou c’est
le principe qui vous chagrine ?
Bin personnellement j’aimerais pas qu’on, qu’on fasse un cours obligatoire euh d’alsacien, ça
c’est sûr.
Mais quand faudrait-il l’enseigner à votre avis : ce serait plutôt à l’école maternelle, à
l’école élémentaire, au collège ?
Dans les jeunes classes, ouais, à l’école, pe’t-êt’ pas maternelle, mais primaire.
Et quel dialecte faudrait-il alors enseigner ?
Je sais pas (rires). Je sais pas.
Çui de Woerth ?
Pourquoi pas çui de Woerth ou celui d’ailleurs, mais il faudrait qu’i y ait un dialecte commun.
Commun à qui ?
Bin, à tous les Alsaciens. Un accent (en) commun.
Quand vous étiez à l’école primaire, est-ce que vous savez si vous aviez des camarades dont
la langue usuelle était le dialecte ?
Non, i y en avait pas. On parlait français.
Vous ne le savez pas.
J’le sais pas, non. Non, mais tous les gens qu’j’connaissais parlaient le français et pas
l’alsacien.
Est-ce que vous avez le sentiment que le dialecte est encore bien vivant ?
Non. Si au niveau de la plus ancienne génération, mais au niveau des jeunes, ça l’est plus du
tout. Ou pour certains, si, bien sûr, mais d’une manière générale, ça s’perd.
Donc on pourrait dire qu’il est en survie, déjà mort ?
Non, pas déjà mort mais, mais il essaie de survivre, mais difficilement.
Pourquoi difficilement ?
Difficilement, parce que tout le monde, enfin tout le monde, beaucoup de gens ont tendance à
l’abandonner au profit du français.
enquête du 02 mars 2000
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Question plus problématique pour vous : avez-vous l’impression que le dialecte change ?
(silence) I change parce qu’i y a beaucoup de termes français qui, qui viennent s’intégrer dans
le dialecte. C’est tout ce que je peux dire.
Vous pensez que le dialecte peut disparaître ?
Oui.
Pourquoi ?
Parce que … j’crois que si ça continue comme ça, finalement plus personne ne le parlera, au
fur et à mesure des, des générations.
Et quelle est votre propre position face à cette disons disparition annoncée ? Qu’est-ce que
vous en pensez ?
J’trouve que c’est dommage.
Pourquoi ce serait dommage ?
Bin parce que i s’agit quand même de, de nos racines, mais c’est vrai que moi-même, j’fais
aucun effort pour, pour m’perfectionner quoi.
Est-ce que vous pensez qu’il faudrait entreprendre quelque chose pour que ça aille dans
l’aut’ sens ?
(silence) On peut pas obliger les gens à, à faire contre leur gré, s’ils décident d’abandonner le,
le dialecte, eh bin, on peut pas faire autrement.
On dit parfois, i[incompréhensible] qui disait que pour être un vrai Alsacien, il faut parler
alsacien. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Pour être Alsacien, il faut aimer l’Alsace, et pas forcément parler alsacien.
Au fond qu’est-ce qui vous amène à ce type de position ?
(silence) J’fatigue là, j’crois.
Vous avez le droit, vous avez le droit.
Bin c’qui m’amène à ce type de position, c’est que beaucoup de gens qui sont extérieurs,
enfin, j’en sais rien en fait, mais j’crois que beaucoup de gens qui sont extérieurs à l’Alsace
n’aiment pas franchement les Alsaciens p’t-êt’ à cause du passé ou aut’ chose, donc j’pense
que si quelqu’un a envie d’aimer l’Alsace, eh bien il l’aime et il est Alsacien et s’il veut vivre
ici hein, il a pas besoin de parler l’alsacien, il suffit d’aimer l’endroit où il est.
Au fond, qu’est-ce que c’est un Alsacien ?
Un Alsacien, c’est quelqu’un qui aime l’Alsace, c’est quelqu’un qui vit en Alsace et qui est
bien content d’y vivre.
Etes-vous une Alsacienne ?
Oui.
Pensez-vous que la situation alsacienne est une situation unique en Europe ?
(silence) Bin non, puisqu’i y a les Suisses eux-mêmes qui, qui sont partagés entre plusieurs
langues, donc euh, i z ont eux-mêmes leur patois ou leur dialecte, j’en sais rien. Non, j’pense
pas.
enquête du 02 mars 2000
D’accord, je vous remercie et je vous laisse tranquille.
Merci.
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