les phone-shops

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les phone-shops
L ES PHONE - SHOPS
Aspects fiscaux et de police
Outre la voie de l’urbanisme, la commune peut décider de réglementer le secteur des phoneshops (ou télécentres) via la police administrative générale ou via la fiscalité.
A. LA POLICE
I. En amont
1. La police administrative générale : le règlement de police
a) les infractions
En vertu de l’article 119 de la Nouvelle loi communale (NLC), le conseil communal peut
adopter une ordonnance de police pour réglementer des situations touchant à l’ordre public. L’objet de
cet ordonnance est déterminé par l’article 135, §2, NLC : maintien de la tranquillité publique, de la
sécurité publique, de la propreté publique ou de la salubrité publique. À part sans doute la salubrité
publique, toutes les composantes de l’ordre public peuvent servir de base à une réglementation
communale sur les phone-shops, à des degrés divers cependant.
•
Les infractions à la tranquillité publique
Première question : le conseil communal peut-il, par ordonnance, instituer une heure de
fermeture pour les télécentres ? Non, et ce pour diverses raisons.
1. C’est inutile puisque les phone-shops sont visés par la loi du 24 juillet 1973 instaurant la
fermeture obligatoire du soir dans le commerce, l’artisanat et les services. En effet cette loi est
applicable, selon son article 1er, à « toute entreprise s’occupant de vente directe de produits ou
de prestations de services aux consommateurs, pour lesquelles il est nécessaire d’entrer en
contact avec le client », ce qui vise aussi les télécentres. En conséquence ces établissements
doivent être fermés à 20h00 (ou 21h00 les vendredis et jours ouvrables précédant un jour
férié). Les choses ne devraient pas changer sur ce point avec la future loi préparée par le
ministre Laruelle pour peu que l’avant-projet soit adopté dans son état actuel.
2. Le conseil peut-il prévoir des plages d’ouverture plus restreintes (de 10h00 à 19h00, par
exemple) ? Ce serait possible si la loi était formulée de manière telle que ses dispositions
apparaîtraient comme des dispositions minimales (exemple : « ouvrir au plus tôt à 5h00 et
fermer au plus tard à 20h00 ») ou si elle octroyait formellement cette compétence aux
communes. Or ce n’est pas le cas : les heures sont strictement fixées. Il s’agit donc d’un corps
de police cohérent et homogène, ce qui enlève tout pouvoir réglementaire aux communes dans
Ce texte constitue le support de l’intervention de Vincent Ramelot (conseiller AVCB)
lors du Forum Dexia « L’intégration de la télécommunication dans la ville » du 17-11-2005
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1
ce domaine1. Au contraire : la loi permet l’adoption d’une règlement communal dérogeant aux
heures de fermeture… dans le but de permettre des plages d’ouverture plus larges !2
3. Quand bien même cette loi n’existerait pas, rappelons-nous que le décret des 2-17 mars 1791
portant suppression de tous les droits d’aides, de toutes les maîtrises et jurandes, et
établissement des patentes (le fameux décret d’Allarde) interdit toute limite – autre que légale
– à la liberté de commerce et d’industrie. Une jurisprudence stable du Conseil d’État (en
matière d’établissement Horeca mais qui peut à notre sens être étendue mutatis mutandis aux
télécentres) interdit aux communes d’instituer de manière générale et indiscriminée une heure
de fermeture aux commerces.
Pour le reste, en matière de tranquillité publique, la compétence communale est assez limitée,
pour la première raison que, comme nous l’avons dit, les phone-shops sont censés être fermés à 20h00
et n’ouvrir qu’à 5h00 du matin. Les occasions de troubler la tranquillité publique ne peuvent donc se
produire que la journée. De plus, les réglementations fédérale (art. 561, 1°, du Code pénal) et régionale
(ordonnance du 17 juillet 1997 relative à la lutte contre le bruit en milieu urbain) en matière de bruit
sont telles qu’elles ne laissent que des « miettes » de compétence aux communes.
Relevons toutefois que l’ordonnance de police peut imposer que les ondes sonores produites
dans l’établissement ne peuvent pas dépasser le niveau de bruit ambiant à la rue s’il est audible sur la
voie publique (disposition générale) ; l’ordonnance peut aussi imposer à l’exploitant de veiller à ce
que la clientèle de l’établissement ne trouble pas la tranquillité dans l’établissement ou lors de l’accès
ou de la sortie de l’établissement, ou ne forme pas d’attroupements à l’extérieur. Évidemment il s’agit
d’une obligation de moyen, non de résultat…
•
La propreté publique
En matière de propreté publique, la compétence communale est un peu plus large ;
l’ordonnance peut mettre ici aussi des obligations de moyens à la charge de l’exploitant, telles que
veiller à ce que la clientèle ne salisse pas les abords de l’exploitation (surtout si le phone-shops vend
des denrées alimentaires ou des boissons). L’ordonnance peut aussi imposer dans ce cas à l’exploitant
de disposer d’une poubelle à l’extérieur, par exemple, ou de nettoyer régulièrement ses abords.
•
La salubrité publique
La salubrité publique peut être définie comme l’absence de maladies. A priori nous ne voyons
pas de raison particulière de redouter que les télécentres soient une source privilégiée de maladies ou
d’infections… L’ordonnance de police ne devrait dès lors pas disposer de mesures particulières à ces
établissements en matière de lutte contre l’insalubrité.
•
La sécurité publique
Les communes sont en première ligne pour le maintien de la sécurité publique. C’est surtout
l’aspect « commodité du passage » qui peut entrer en ligne de compte ici : ce qui est sans doute le plus
souvent reproché aux télécentres, en matière d’ordre public, ce sont les attroupements qui non
seulement font du bruit ou génèrent éventuellement de la saleté, mais surtout entravent la commodité
du passage et provoquent un sentiment (justifié ou non) d’insécurité.
L’ordonnance de police peut donc imposer à l’exploitant de veiller à ce que la clientèle ne
forme pas des attroupements devant l’établissement.
1
Voyez notamment C.E. n° 106.211 du 30 avril 2002, Algoet, A.P.M., 2002, p. 106, et la jurisprudence citée par
M. BOVERIE, « Le permis de location », Mouv. Comm., 1996, p. 157, note 22.
2
Pour cet aspect également, la future réglementation ne devrait pas modifier fondamentalement les choses.
2
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•
Les dérangements publics
Depuis 1999, un 7e objet de police est rajouté à l’article 135, § 2, alinéa 2, NLC : les
« dérangements publics ». Il semble y avoir un consensus dans la doctrine pour considérer que ces
dérangements publics sont une forme atténuée de trouble de l’ordre public et non pas véritablement
une cinquième forme de trouble de l’ordre public.
L’apport de ce nouvel objet de police pour notre matière semble cependant limité. En effet,
avant de pouvoir combattre les dérangements publics, il faut encore les déterminer par règlement ! Il
ne suffit évidemment pas de considérer que les phone-shops sont des dérangements publics ni même
qu’en soi ils constituent une source de dérangements publics : encore faut-il établir une liste de
comportements suffisamment précis, considérés comme dérangements publics, qui, s’ils se produisent
en relation avec le phone-shop, peuvent donner lieu à des sanctions. On en revient à cet égard à la
constatation déjà faite : les infractions spécifiques sont peu nombreuses.
(En fait on a presque envie de dire que les seules infractions constatées sont, du point de vue
de la police administrative générale, assez peu graves, ce qui les range d’office dans la catégorie des
dérangements publics…).
b) les sanctions
Quelles sanctions peuvent être prévues pour les infractions à l’ordonnance de police ?
Si le conseil a fait le choix des sanctions pénales, alors ce seront les peines contraventionnelles
qui pourront être prévues par le règlement (amende pénale de 125 euros maximum, emprisonnement
de maximum 7 jours, confiscation spéciale, peine de travail) et appliquées par le tribunal de police.
S’il a fait le choix de la voie administrative, l’ordonnance de police peut prévoir deux types de
sanctions :
-
l’amende administrative d’un montant maximum de 250 euros ;
la fermeture administrative, à titre temporaire ou définitif, de l’établissement. Insistons bien
sur le fait que la fermeture (surtout la fermeture définitive) est une sanction sévère qui ne
devrait être imposée qu’en cas d’infraction sérieuse (nous voyons mal par exemple une
fermeture, même pour quelques jours, motivée par le fait que l’exploitant n’a pas muni son
établissement de la poubelle dont question supra).
La fermeture est imposée par le collège, à titre de sanction, au terme de la procédure visée à
l’article 119bis, §§ 2 et s., et pas par le bourgmestre (cf. infra).
(L’article 119bis, § 2, prévoit aussi comme sanction la suspension et le retrait de l’autorisation
mais ces sanctions ne peuvent pas être appliquées dans notre cas puisque la commune, en l’occurrence,
ne délivre pour l’ouverture et l’exploitation de l’établissement, aucune autorisation « propre ». Le
retrait du permis d’urbanisme ne peut se faire que conformément aux dispositions du COBAT et est le
fait du juge ; quant au retrait de l’autorisation d’ouvrir plus tard, que prévoirait le règlement communal
en exécution de la loi du 24 juillet 1973, elle fait l’objet des peines prévues par la loi elle-même
(amendes pénales ou fermeture ordonnée par le juge)).
L’ordonnance de police peut bien entendu prévoir pour chaque infraction l’amende
administrative et la fermeture de l’établissement, éventuellement de manière successive (l’amende en
cas de première infraction et la fermeture en cas de récidive). Néanmoins, si aucune raison juridique
ne s’y oppose, nous craignons que les difficultés liées à la différence de procédure dans l’un ou l’autre
cas ne rendent la tâche compliquée.
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2. Une police administrative spéciale : le règlement relatifs à la prévention des incendies et des
explosions
La loi du 30 juillet 1979 relative à la prévention des incendies et des explosions ainsi qu’à
l’assurance obligatoire de la responsabilité civile dans ces mêmes circonstances fixe le cadre général
des mesures de sécurité auxquelles doivent répondre certaines catégories de bâtiments. Par « mesures
de sécurité », on entend celles qui sont « destinées, d’une part, à éviter la naissance d’un incendie, à
détecter tout début d’incendie et à empêcher l’extension de celui-ci, d’autre part, à alerter les services
de secours et à faciliter tant le sauvetage des personnes que la protection des biens en cas
d’incendie » (article 1er de la loi du 30 juillet 1979). Il s’agit donc de mesures matérielles (qualité des
circuits électriques, installations de détection,…) et d’aménagement des lieux (issues de secours, etc.).
La liste de ces mesures est fixée par un arrêté royal du 7 juillet 1994 qui – il faut le signaler – ne
s’applique qu’aux bâtiments nouveaux (c’est-à-dire les bâtiments à construire, à rénover ou auxquels
sont apportées des extensions à la date d’entrée en vigueur de l’arrêté)3.
(L’article 8 de la loi du 30 juillet 1979 impose aux établissements désignés par le Roi de
souscrire une assurance en responsabilité objective, dont le défaut est constitutif d’infraction. Mais les
phone-shops ne figurent pas sur la liste des établissements visés, ni directement, ni indirectement4).
En vertu de l’article 4 de la loi du 30 juillet 1979, le conseil communal peut édicter des
règlements relatifs à la prévention des incendies et des explosions. Il peut, de même, compléter les
prescriptions des règlements généraux.
Il s’agit donc de règlements complémentaires, punis des sanctions prévues à l’article 10 de la
loi : un emprisonnement de huit jours à six mois ou une amende de vingt-six francs à mille francs. De
plus, en cas de condamnation, le juge peut ordonner la fermeture de l’établissement pour une durée
d’un mois à un an (article 10, § 2, de la loi).
II. En aval
1. Les mesures de police administrative générale
a) les cas d’intervention
La police administrative générale permet au bourgmestre d’imposer, par arrêté de police, des
mesures de contrainte à l’exploitant lorsque l’ordre public est menacé ou troublé. La base légale de son
intervention est l’article 133, alinéa 2, et l’article 135, § 2, alinéa 2, de la Nouvelle loi communale.
Les situations à la base de son intervention doivent constituer une atteinte à la tranquillité
publique, à la sécurité publique (en ce compris la commodité du passage), à la propreté publique ou à
la salubrité publique. La mesure peut aller jusqu’à la fermeture de l’établissement, qui ne sera levée
que lorsque le trouble a pris fin ou lorsque les mesures censées remédier au trouble sont prises, mais
elle doit toujours être proportionnée à la situation à laquelle elle entend remédier.
Le bourgmestre peut aussi intervenir dans deux autres cas de figure :
-
3
soit lorsque les conditions d’exploitation de l’établissement ne sont pas respectées (ce qui
suppose que soit la loi, soit un éventuel permis aient posé de telles conditions) ; le
bourgmestre peut alors, en se basant sur l’article 134ter de la Nouvelle loi communale,
Arrêté royal du 7 juillet 1994 fixant les normes de base en matière de prévention contre l’incendie et
l’explosion, auxquelles les bâtiments nouveaux doivent satisfaire, Monit., 26 avril 1995.
4
Article 1er de l’arrêté royal du 28 février 1991 concernant les établissements soumis au chapitre II de la loi du
30 juillet 1979 relative à la prévention des incendies et des explosions ainsi qu’à l’assurance obligatoire de la
responsabilité civile dans ces mêmes circonstances.
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-
adopter un arrêté de police prononçant la fermeture de l’établissement pour une durée
maximale de trois mois ; cela dit il y a quelques conditions de fond (il faut que l’inaction soit
une cause de dommages sérieux, et la compétence de fermer l’établissement en extrême
urgence ne doit pas avoir déjà été confiée à une autre autorité) ; l’audition préalable du
contrevenant est impérative et le collège doit confirmer l’arrêté à sa prochaine séance, faute de
quoi il sera levé de plein droit ;
soit lorsque l’ordre public est troublé à l’extérieur de l’établissement à cause d’événements se
déroulant à l’intérieur de l’établissement ; le bourgmestre peut dans ce cas adopter un arrêté de
police fondé sur l’article 134quater de la Nouvelle loi communale, prononçant la fermeture de
l’établissement pour une durée maximale de trois mois ; l’audition préalable du contrevenant
n’est pas légalement requise mais s’impose malgré tout en tant que principe de bonne
administration ; le collège doit confirmer l’arrêté à sa prochaine séance, faute de quoi il sera
levé de plein droit.
Les exemples d’application de l’article 134quater nous paraissent tellement évidents qu’on a
presque l’impression que cette disposition légale a été insérée dans la Nouvelle loi communale pour
régler les problèmes générés par les phone-shops :
-
va-et-vient automobile ou piéton devant les commerces,
stationnement anarchique,
salissures de la voie publique,
attroupements de badauds bruyants,
petits commerces parallèles et illicites aux alentours des commerces,
etc.,
soient des cas où les troubles sur la voie publique sont causés par les activités se déroulant à
l’intérieur – ou à tout le moins à l’occasion desdites activités5.
On voit que, contrairement à l’aspect réglementaire, les conditions dans lesquelles l’autorité
communale peut intervenir sont diverses ; cela s’explique entre autres parce que diverses infractions,
dont la commune n’a pas la compétence réglementaire, peuvent constituer des troubles à l’ordre
public.
b) les mesures envisageables
Quels types de mesures de police peuvent être adoptées par le bourgmestre ?
Il est un peu illusoire de vouloir en dresser une liste : chaque cas particulier doit donner lieu à
une mesure particulière, qui de plus doit être proportionnée au trouble ou à la menace de trouble6.
Retenons-en cependant deux.
-
La fermeture de l’établissement, pour une durée indéterminée – c’est-à-dire : non pas infinie
mais jusqu’à ce que le trouble ou la menace ait cessé. Ce qui peut entraîner bien sûr une
fermeture définitive, si l’exploitant ne s’y conforme pas…
Comme vu plus haut, la fermeture peut être fondée, entre autres, sur la compétence
« ordinaire » du bourgmestre et sur l’article 134quater. Signalons que, si le bourgmestre
5
Cette interprétation de l’art. 134quater a été validée par le Conseil d’État dans l’arrêt n° 84.551 du 1er février
2000, Van Trappen ; cf. V. RAMELOT, « En route vers un véritable contentieux administratif communal ? »,
cette revue, 2001/02, pp. 5-6 ; cf. aussi le dossier « Les pouvoirs de police du bourgmestre », disponible sur le
site de l’Association http://www.avcb-vsgb.be, verbo Police.
6
Pour une typologie de ces mesures, nous renvoyons le lecteur à l’article suivant : Fr. LAMBOTTE, M.
MULLER et V. RAMELOT, « Les pouvoirs de police des communes », Rev. dr. comm., 2004/4, pp. 84-85.
5
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constate que les troubles ont lieu à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de l’établissement, il
pourra intervenir soit sur la base des articles 133, alinéa 2, et 135, § 2, de la Nouvelle loi
communale, soit sur la base de l’article 134quater de la Nouvelle loi communale ; mais, pour
respecter les enseignements de la jurisprudence du Conseil d’État7, la fermeture de
l’établissement ne pourra être prononcée que sur la base de l’article 134quater (et en en
respectant les conditions de forme plus strictes).
-
L’imposition d’une heure de fermeture ou l’interdiction d’ouvrir avant une certaine heure,
mesure cette fois-ci individuelle et trouvant sa justification dans le trouble (ou la menace de
trouble) constaté.
2. Des mesures de police spéciale
La législation relative à la prévention des incendies est une police spéciale qui a déjà été
appliquée à certains phone-shops.
L’article 11 de la loi du 30 juillet 1979 relative à la prévention des incendies et des explosions
ainsi qu’à l’assurance obligatoire de la responsabilité civile dans ces mêmes circonstances dispose que
« [l]e bourgmestre peut ordonner la fermeture provisoire de l’établissement qui ne répond pas aux
mesures de sécurité prescrites en vertu de la présente loi. La réouverture de l’établissement ne sera
autorisée que si les aménagements ou les transformations requis ont été exécutés » ; lesdites mesures
sont celles qui sont prévues par un arrêté royal ou par un règlement communal d’exécution de la loi.
C’est sur la base du rapport du Service d’incendie que le bourgmestre peut adopter un tel
arrêté : la charge de la preuve repose donc sur l’autorité communale, et non pas sur l’exploitant.
D’après l’alinéa 2 de l’article 11 de la loi, la fermeture durera jusqu’à ce que les aménagements ou
transformations requis auront été exécutés.
B. LA FISCALITE
1. Intérêt de taxer les phone-shops
Le conseil communal peut choisir de ralentir le rythme d’ouverture des phone-shops en
adoptant un règlement fiscal instituant une taxe sur l’exploitation de ces établissements, doublée
pourquoi pas d’une taxe (unique, cette fois-ci) sur l’ouverture de ces commerces.
Cela dit, attention : l’objet principal du règlement fiscal doit être la recherche de ressources
financières et non pas la lutte contre les nuisances générées par ces établissements8. Un caractère
dissuasif peut être attaché à la taxation à condition qu’il reste marginal : « Une taxe communale, à
l’instar des autres impôts, doit avoir pour objectif principal de prélever les moyens nécessaires pour
financer les services assurés par l’administration (…). Dès lors que l’objectif principal d’une taxe
communale est d’ordre budgétaire, rien ne s’oppose en principe à ce qu’elle poursuive également des
objectifs accessoires, non financiers. Aucune disposition légale ou réglementaire n’interdit à une
commune, lorsqu’elle établit des taxes justifiées par l’état de ses finances, de les faire porter par
priorité sur des activités qu’elle juge plus critiquables que d’autres ou dont elle estime la prolifération
nuisible. Une commune peut dès lors utiliser son pouvoir fiscal en vue de poursuivre des objectifs
d’incitation ou de dissuasion qu’elle détermine librement pour autant que ces objectifs restent
7
C.E., arrêts n° 82.188 du 6 septembre 1999, SPRL Horex c/ ville d’Hasselt (1) et n° 82.276 du 16 septembre
1999, SPRL Horex c/ ville d’Hasselt (2).
8
En ce sens : Q.P. n° 40 de Michel LAMOTTE du 17 mai 2004, Q. & R., Parlement wallon, 31 mai 2004, S.O.
2003-2004, pp. 33-35.
6
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accessoires, en d’autres termes que l’impôt communal ne soit pas établi à des fins uniquement
dissuasives ou ne devienne purement prohibitif »9.
Si en revanche le caractère prohibitif ou dissuasif en devient l’élément principal, le règlement
perd sa nature fiscale au profit d’une nature répressive, et ce quel que soit son intitulé10. Le conseil
veillera donc à rédiger son règlement en conséquence ; la meilleure façon de le faire est de mettre au
premier rang des motivations « Vu la situation financière de la commune » et de ne produire
qu’ensuite des considérations d’opportunité.
Pour prévenir les critiques portant sur une éventuelle discrimination par rapport à d’autres
commerces, non taxés, la commune motivera pour le surplus cette taxe par le fait que phone-shops
constituent une source de nuisances particulières : ils perturbent particulièrement la propreté et la
tranquillité publiques, obligeant les forces de l’ordre et les services communaux à davantage de
travail ; il est dès lors légitime de les faire contribuer spécialement au financement des missions de la
commune.
2. Une taxe annuelle ou une taxe d’ouverture ?
L’établissement d’une taxe d’ouverture uniquement nous semble discriminatoire pare que, par
définition, elle ne frapperait que les nouveaux établissements et pas les phone-shops déjà installés au
moment de son instauration (sauf à imaginer qu’il n’y a aucun phone-shop sur le territoire de la
commune…). De plus, cela entraîne une distorsion de la concurrence puisque cela freine non pas
l’activité en général mais l’arrivée de nouveaux exploitants11. N’oublions pas enfin que les nouveaux
entrants seraient plus fortement frappés, non pas numérairement bien sûr, mais proportionnellement
puisqu’ils devraient ajouter ce montant fiscal aux risques liés au début d’une nouvelle exploitation.
La base taxable pour la taxe d’ouverture est le début d’exploitation d’un phone-shop
(changement de destination ou d’utilisation,…). À priori la taxe d’ouverture ne devrait pas être perçue
en cas de transmission de l’exploitation.
Une taxe annuelle permet d’éviter ces critiques.
Quant à la combinaison des deux systèmes, elle est envisageable ; les discriminations
dénoncées plus haut subsistent mais dans une moindre mesure puisque tous doivent mettre la main au
portefeuille.
3. Quelle est la base taxable d’une taxe annuelle ?
Le règlement peut décider de taxer l’établissement lui-même, soit via une somme forfaitaire
(mais avec un risque de discrimination puisque le montant de la taxe serait identique quelles que soient
les dimensions de l’établissement), soit via un montant proportionnel au mètre courant de façade ou à
la surface.
Pour essayer de mieux rencontrer la réalité économique, le règlement peut fixer comme base
taxable les cabines ou appareils mis en service dans l’établissement, ce qui permet d’aboutir à un
montant total plus proportionné à l’importance économique de l’établissement… mais ça augmente les
risques de fraude à la déclaration.
9
C.E. n° 114.119 du 23 décembre 2002, Espace P et crts., Rev. dr. comm., 2003/3, p. 90 ; voyez aussi C.E n°
85.916 du 14 mars 2000, Gillion et crts.
10
Il est en effet constant que l’appellation attribuée à un règlement n’est pas déterminante de sa nature (C.E. n°
44.939 du 18 novembre 1993, Halleux, Rev. dr. comm, 1994/2, p. 128).
11
Un règlement-taxe peut certes avoir pour objet annexe de freiner le développement d’une activité jugée
indésirable mais il n’appartient pas à la commune, comme déjà annoncé, de protéger les commerçants déjà
présents de futurs concurrents. « Pas plus de x phone-shops par commune ! » est peut-être un souhait légitime
mais en aucun cas ce la commune n’a le droit de limiter le nombre de commerces de tel type sur son territoire.
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Le conseil communal pourrait aussi être tenté de prendre comme base taxable le chiffre
d’affaires de l’établissement. Ce n’est cependant pas permis parce que cela s’assimilerait à une taxe
similaire aux centimes additionnels établis sur base de l’impôt sur les revenus, ce qui est interdit par
l’article 464, alinéa 1er, 1°, CIR/9212.
Enfin, la taxe est par principe établie par déclaration. À ce titre, rappelons que l’article 6,
alinéa 1er, de la loi du 24 décembre 1996 relative à l'établissement et au recouvrement des taxes
provinciales et communales dispose que l’absence de déclaration, la déclaration incomplète ou la
fausse déclaration entraînent l’enrôlement d’office de la taxe ; selon l’alinéa 5 du même article, le
règlement taxe peut prévoir une majoration du taux en cas de taxation d’office, majoration de
maximum 200% du montant de la taxe. Le montant total dont le redevable devra s’acquitter peut donc
s’élever jusqu’à 300% du montant initial. De quoi augmenter l’aspect préventif… et financier des
choses.
***
12
Lequel interdit aux communes d’établir des centimes additionnels à l’impôt des personnes physiques, à
l’impôt des sociétés, à l’impôt des personnes morales, à l’impôt des non-résidents, ou des taxes similaires sur la
base ou sur le montant de ces revenus. Elles peuvent en revanche établir des taxes additionnelles à l’IPP –
déclarées comme telles, donc. Mais un impôt qui frappe le revenu sans prendre la forme d’une taxe additionnelle
à l’IPP, comme le ferait une taxe sur les revenus d’un phone-shop, est considérée être une taxe similaire sur la
base ou le montant de ces revenus. Cf. Civ. Mons, 16 décembre 2004, Jurisprudence Fiscale, août 2005, pp. 721724 ; Bruxelles, 18 mai 2001, Ch. W. contre commune de F., inédit.
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