PLANCHE Tu trouveras en toi la Pierre Cachée.

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PLANCHE Tu trouveras en toi la Pierre Cachée.
PLANCHE
Tu trouveras en toi la Pierre Cachée.
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A la gloire du grand architecte de l’univers.
Vénérable maître et vous tous mes frères en vos degrés et qualités.
Je vais vous présenter mon travail sur le thème :
« Tu trouveras en toi la Pierre Cachée ».
Introduction
« Tu trouveras en toi la Pierre Cachée ». Cela sonne comme une promesse de bonheur. En
entendant la formule, on est informé qu’il existe quelque chose de caché à proximité et qu’il sera
possible de le découvrir. Cela laisse supposer que la chose qui est cachée est très belle puisqu’on l’a
placée à l’abri des regards. Cela conduit à imaginer qu’il s’agit d’une pierre précieuse, d’un diamant
enfoui dans sa gangue, et, pourquoi pas, d’une émeraude comme la magnifique « Devonshire » de
1 384 carats qui fut offerte à William Cavendish par l'empereur Pierre 1er du Brésil. Un Pierre qui
donne la Pierre, cela ne s’invente pas !
L’espoir de cette découverte merveilleuse est d’autant plus fort que les conditions requises semblent
simples, l’expression laissant clairement entendre que cela ne dépend que de soi. Mais si le profane
peut follement croire à sa puissance intrinsèque suffisante, l’initié sait très bien qu’il lui faudra
l’acquérir peu à peu, en s’aidant d’outils symboliques, de la perpendiculaire et du levier entre
autres, et en faisant appel au travail, au travail encore et toujours, au travail sur soi. Car le pire
ennemi, c’est soi-même. Plus qu’il n’y paraissait au départ, la pilule que représente ce travail risque
en fait d’être amère, très amère, peut-être même acide, voire très acide. Et quitte à prendre un acide,
prenons l’acide sulfurique, que l’on appelait autrefois le VITRIOL.
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VITRIOL ! Cela ne vous rappelle rien ? La première fois que vous les avez vues, les sept lettres qui
composent ce mot étaient écrites, séparées par des points, en blanc sur fond noir comme un coq et
une faux dessinés à proximité. C’était dans le cabinet de réflexion, là où vous avez passé votre
première épreuve initiatique, l’épreuve de la terre. Vous l’aviez sans doute compris tout de suite, cet
endroit inhabituel ainsi que tous les symboles qui s’y trouvaient avaient pour but de vous faire
réfléchir sur vous-même et sur votre démarche. En revanche, il est peu probable que vous l’aillez
deviné à ce moment-là, mais ce VITRIOL n’avait pas tout à fait la même signification que les autres
symboles avoisinant tels que le sel et le souffre. Cet acronyme avait été placé à cet endroit dans un
autre dessein, celui de vous informer dès le départ de l’essentiel du programme de votre vie
maçonnique à venir.
Dans la suite de mon travail, je vous propose un cheminement à deux niveaux :
- En premier lieu, un décodage approfondi du symbole et du projet qu’il propose.
- En second lieu, la présentation de la mise en œuvre de ce symbole dans le contexte de
l’initiation maçonnique (avec quelques exemples personnels).
I. Une formule « alchimique » à décoder
V.I.T.R.I.O.L. (Prononcer chaque lettre)
Dans l’acception la plus courante en maçonnerie, car il en existe d’autres plus ou moins proches,
cette succession de lettres correspond à la formule latine : «Visita Interiora Terrae Rectificando
Invenies Occultum Lapidem» qui est généralement traduite mot à mot par : «Visite l’intérieur de
la terre et, en rectifiant, tu trouveras la pierre cachée». Le maçon un tant soit peu âgé
(symboliquement) accepte assez facilement que l’on contracte la formule originale par « Tu
trouveras en toi la pierre cachée » ; le « en toi » résumant à lui seul la visite de la terre et la
rectification. J’ai toutefois préféré en revenir à la phrase initiale pour mieux en développer l’esprit
dans la lettre juste.
La Terre est avant tout le symbole de la féminité créatrice, de la maternité, de la matrice de toute
chose. Sa représentation schématique est identique à la représentation chromosomique de la
femme : un cercle surplombé d’une croix. Elle a la même racine étymologique « humus » que
l’humilité, caractéristique féminine supposée. Par extension, la terre est aussi le symbole de la
fécondité et de la régénération. Elle est la vierge pénétrée par le soc de la charrue et fécondée par la
pluie et les semences venant du ciel qui donnera naissance aux graines nourricières. La terre est la
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matière à partir de laquelle le créateur, le GADLU, façonne l’homme. D’ailleurs, en
hébreu « Adam », l’homme, a la même racine que « Adamah », la terre. En allant encore un peu
plus loin dans le raisonnement, on en déduit que la terre est le principe essentiel de tout homme,
c’est-à-dire l’homme lui-même, en sa substance.
C’est à travers cette vision de la terre que l’on peut mieux comprendre l’invitation à « visiter
l’intérieur de la terre ». Toute naissance ou renaissance implique un passage par la terre. Dans le
cabinet de réflexion, le profane est supposé mourir pour donner naissance à l’initié sous l’action de
la terre. Plus tard, il devra peut-être connaître encore d’autres morts symboliques pour renaître
encore en la forme d’un être meilleur. Ce cheminement est le cheminement vers la terre promise.
Mais, comme dans la bible, la terre promise n’est autre que la terre d’origine, celle que l’on porte en
soi, celle dont on est constitué. Le voyage initiatique se fait donc à l’intérieur, en soi, en explorant
son terreau intime, pour en tirer le meilleur.
Même si parfois certains confondent les deux actions, « trouver la pierre cachée » n’est a priori pas
la même chose que « tailler sa pierre ». La découverte de la pierre cachée fait référence à une quête
spirituelle tandis que la taille de la pierre brute fait référence à une action humaine. La seconde
approche est orientée vers l’extérieur, vers les autres, elle implique une ouverture, un recours à
l’horizontalité. Elle s’exprime dans l’idée qu’il faut : « achever à l’extérieur l’œuvre commencée
dans le temple ». La pierre taillée cubique est d’ailleurs le symbole du compagnon appelé à voyager
pour parfaire son travail. La première approche est orientée vers « l’intérieur », vers soi et en soi,
elle suppose une introspection, un recours à la verticalité. Elle est bien illustrée par la devise
Socratienne : « Connais-toi toi-même et tu connaitras l’univers et les dieux ». L’une et l’autre sont
indissociables de l’initiation maçonnique, elles en représentent deux dimensions qu’il serait
dommage de réduire.
Dans la plupart des traditions symboliques, la pierre est le siège de la présence divine. On ne
manque pas de la trouver avec cette signification dans la plupart des religions, sous une forme
physique comme la pierre noire de la Ka’ba de la Mecque ou sous une forme virtuelle comme dans
l’Evangile chrétien : « tu es Pierre et sur cette Pierre, je construirai mon Eglise ». Découvrir la
pierre cachée consiste donc à se rapprocher du divin, à sublimer sa matière viscérale pour l’élever
vers l’esprit. A un moindre degré, la pierre est également le symbole de la connaissance et de
l’esprit. Comprise sous cet angle, la découverte de la pierre cachée est une incitation forte à la
réflexion sur nous-même ainsi que sur nos relations avec les autres et avec les dieux. La pierre est
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enfin le symbole de l’homme lui-même en tant que construction mortelle à l’image des dieux.
Trouver sa pierre cachée, c’est littéralement se construire, au sens quasi architectural du terme.
II. L’initiation maçonnique comme moyen de la « rectification »
Afin qu’ils ne restent pas épars, rassemblons maintenant les développements précédents dans le
contexte de l’initiation maçonnique. Ce qui réunis les frères c’est la quête commune d’une élévation
spirituelle rappelée par le VM au moment de la chaine d’union : « …Elevons-nous ensemble
vers notre idéal. Qu’il inspire notre conduite, qu’il guide notre vie… ».. Dans ce contexte, le « Tu
trouveras en toi la pierre cachée » rappelle à tous les frères, s’il en est besoin, que le temple est
avant tout une auberge espagnole dans laquelle on ne trouve que ce que l’on apporte. L’apprenti
formé de terre vient avec sa pierre cachée qu’il lui incombe de découvrir.
Dans ce cas, à quoi sert de se réunir dans le temple serait-on tenté de dire ? Ce serait oublier que la
découverte de la pierre cachée ne se fait pas facilement, qu’il faut « rectifier » et c’est là que la
présence au temple prend tout son intérêt. C’est dans le temple que l’on trouve la force et les outils
utiles pour progresser, sinon aboutir, dans cette quête. Il ne reste qu’à les exploiter comme nous y
invite encore une fois le VM à la fermeture des travaux : « que la lumière qui a éclairé nos
travaux continue de briller en nous… ». Reste que rectifier n’est pas un mot choisi au hasard. Dire
que c’est un synonyme de « travail » n’est pas suffisant, rectifier implique en plus la nécessité d’une
remise en cause, d’une mort suivie d’une renaissance sans cesse perpétrée.
Toute la méthode maçonnique est résumée par le VITRIOL. Prétendre vouloir en décrire toutes les
applications serait vain tant le domaine est vaste et diversifié. Ce serait en outre surement très
théorique et très ennuyeux. J’ai donc choisi d’en développer trois modalités et trois seulement. Je
les ai choisies en fonction de mon propre vécu et des illustrations que je pouvais en donner.
La première application du VITRIOL est sans doute le Self-control que le rituel maçonnique
permet à l’initié de développer s’il le désire. Si l’on considère que la première chose à faire dans
tout projet est d’acquérir la méthodologie adaptée, il est assez logique que l’initiation commence
par cela. Le monde profane formalise les comportements irréfléchis, privilégie l’apparence sur le
fond, pousse à des réactions épidermiques plus ou moins censées. Le temple est le lieu de l’acte ou
du verbe murement pesé. Je sais que certains rongent leur frein pendant leur temps d’apprenti au
cours duquel ils sont astreints au silence ; pour ma part, ce fut une véritable révélation de l’intérêt
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que l’on peut trouver à écouter les autres avant de s’exprimer, à mieux les comprendre, à prononcer
des paroles exclusivement utiles. D’autres éléments du rituel concourent à l’acquisition de ce
contrôle de soi : la nécessité rituelle de demander la parole au lieu de s’en emparer, l’obligation de
maintenir un geste d’ordre lors de toute intervention ou déplacement, les communications
indirectes, les préséances, etc… Tous concourent à faire en sorte que la recherche de la pierre
cachée se fasse de manière ordonnée et cohérente grâce à une bonne maîtrise de ses actes et paroles.
La seconde application intéressante du VITRIOL est la modération de la vanité que l’on peut
développer dans le monde profane. Soyons clairs, je ne suis pas sûr que tous les maçons soient tous
très modestes et je ne suis pas sûr non plus que la modestie soit la qualité la plus voyante que
j’arbore. Ce dont je suis convaincu c’est qu’un maçon est nécessairement amené à comprendre
progressivement que l’être prime sur le paraître, qu’un échec est une invitation au succès et qu’un
défaut n’a rien de dramatique dès lors qu’on fait l’effort de le réduire. Un soir, en participant à un
diner fraternel, j’ai eu la surprise de voir l’un des invités présenter son action sociale avec beaucoup
d’arrogance alors qu’il se trouvait en compagnie de frères bien plus brillants que lui mais qui
restaient silencieux et qui l’ont même félicité à plusieurs reprises. Devant mon air interrogatif, l’un
deux m’a dit que l’on ne s’élevait pas en enfonçant les autres mais en les aidant à s’élever euxmêmes. Je n’oublierai jamais.
La troisième et dernière application du VITRIOL que je voudrais évoquer est la capacité du maçon
à se détacher de la matérialité des choses, plus ou moins progressivement. Laisser les métaux à la
porte du temple, ce n’est pas une formule creuse, les indices de la réussite sociale n’ayant aucun
intérêt en loge. Ce qui est plus remarquable c’est que très souvent, on ne les reprend pas en sortant
de l’atelier, ou dans tous les cas, pas de la même manière. On ne progresse pas sur le chemin de la
spiritualité que représente la pierre cachée en continuant à adorer le veau d’or. Relativiser la réussite
sociale purement monétaire est pour moi l’un des fondements de l’idéal maçonnique. Apercevoir la
pierre cachée dans ce cas, cela ne consiste pas pour autant à rejeter la réussite dans le monde
profane, qu’elle soit sociale ou individuelle, cela consiste à comprendre le but que l’on cherche à
atteindre par ce biais.
Conclusion
Trouver en soi la pierre cachée c’est finalement une relecture des fondamentaux de la vie. Cela
consiste en la recherche de ses valeurs intérieures, à faire la part des choses, à distinguer l’important
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du secondaire, à ne pas (ou plus) accepter de petites (ou grandes) compromissions, à résister au
conformisme, à choisir sa voie en conscience et à ne pas se la laisser imposer.
A chaque augmentation de salaire, il est fréquent que le VM demande au postulant quels sont les
progrès qu’il a accomplis dans le degré qu’il aspire à quitter pour s’élever encore. A côté des
classiques réponses relatives à la meilleure maîtrise des outils symboliques, on entend fréquemment
des réponses du type « j’ai pris conscience de.. » et du type « j’ai changé… ». Ceux qui parlent ainsi
ont commencé à entrevoir la pierre cachée.
L’initié maçon est comme la vilaine chrysalide qui se nourrit d’elle-même, de tout ce qu’il y a dans
son cocon pour, un jour peut-être, se transmuer en un être d’une profonde beauté aérienne : le
papillon.
J’ai dit.
A l’Orient de Paris, le 19 mars 6012.
Christian P
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