ELE ART MET-RSX 6812

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ELE ART MET-RSX 6812
La dynamique de l'organisation relationnelle
: conventions et réseaux sociaux
au regard de l'enchevêtrement des modes de
coordination
THOMAS FROEHLICHER
GREFIGE – Université Nancy 2
Cahier de recherche n° 1999-07
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La dynamique de l'organisation relationnelle :
conventions et réseaux sociaux
au regard de l'enchevêtrement des modes de coordination
Thomas FROEHLICHER
Maître de Conférences
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La dynamique de l’organisation relationnelle :
conventions et réseaux sociaux au regard de
l’enchevêtrement des modes de coordination
Mots clés :
Modes de coordination – Dynamique organisationnelle – Réseau intra- et inter-organisationnel –
Jeux d’acteurs - Externalisation
Résumé
Comment concilier dans l’analyse de la dynamique organisationnelle milieux interne et externe, et de
la sorte atteindre une compréhension du changement dans les organisations qui ont recours pour la
réalisation de leurs activités aux relations interentreprises, les entreprises relationnelles ? Quelle
évolution attendre d’une telle organisation concernant le dosage de l’emploi des trois modalités de
coordination que sont la hiérarchie, le marché et la coopération, de l’enchevêtrement de ces modes
« idéal-typiques » de coordination ? Cette problématique est abordée par l’étude de la dynamique des
conventions à partir du discours des acteurs individuels recueillis par entretiens qualitatifs pour
comprendre deux éléments essentiels : l’enrichissement des conventions que provoque l’évolution de
l’enchevêtrement, et le moteur sociologique de cette transformation, les jeux d’acteurs, mêlant conflits
et coopérations par le truchement de réseaux sociaux et socio-techniques. Un modèle d’analyse de la
dynamique simultanée des comportements intra- et inter-organisationnels est ainsi construit et validé
une première fois par les données d’une étude du cas : celle de l’entreprise Watts, moyenne entreprise
évoluant dans le secteur de l’électricité (coupure et mesure du courant basse tension). La confrontation
entre le modèle théorique de l’enchevêtrement et un cas concret fournit un éclairage à portée
managériale sur la conduite du processus du changement organisationnel dans les entreprises
fortement externalisées.
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La dynamique de l’entreprise relationnelle :
conventions et réseaux sociaux au regard de
l’enchevêtrement des modes de coordination
« L’ornithorynque est un étrange animal, qui semble avoir été conçu pour
défier toute classification, qu’elle soit scientifique ou populaire : long de
cinquante centimètres en moyenne, pesant environ deux kilos, il a un corps
plat recouvert d’un pelage marron foncé, n’a pas de cou et possède une queue
de castor ; il a un bec de canard, de couleur bleuâtre dessus et rose ou
bigarrée dessous, il n’a pas de pavillons auriculaires, chaque patte se termine
par cinq doigts palmés et armés de griffes ; il passe suffisamment de temps
sous l’eau (et s’y nourrit) pour que l’on considère comme un poisson ou un
amphibien, la femelle pond des œufs, mais elle allaite également ses petits,
bien que l’on ne perçoive aucune tétine. » (U. Eco, 1997, pp.62-63).
Introduction
Nature de l’organisation ? Nature(s) des organisations ? Il aura fallu longtemps pour que l’économie
accepte de tracer de manière conceptuelle la frontière entre marchés et organisations. Cette
problématique au fondement d’une théorie des organisations a souvent conduit le monde académique à
accepter la « tyrannie » d’une opposition rigide entre deux modes de coordination, le marché et la
hiérarchie, consacrée par l’économie des coûts de transaction (O.E. Williamson, 1985). Pauvre palette
à deux éléments face à des organisations toujours plus complexes et diverses. En effet, la société et
son économie vivent une transformation radicale «post-industrielle » (A. Touraine, 1973) dont la
ressource clé est l’information, et, une des constantes, la nécessité d’une adaptation continuelle des
organisations à des conditions d’environnement en rapide renouvellement. M. Castells la qualifie de
« société en réseaux » (1998). Dans ce contexte, les organisations vivent une métamorphose (F.
Butera, 1991) qui prend la plupart du temps la forme d’une dé-intégration importante de leurs activités
(B. Baudry, 1995). Les entreprises ne se définissent plus seulement en référence à une ligne
hiérarchique, ou à une logique patrimoniale, mais à des processus économiques qui associent dans un
projet commun, au-delà des frontières de l’organisation, plusieurs firmes. On peut parler à ce propos
d’entreprises relationnelles.
L’accent est alors mis sur l’externalisation, c’est-à-dire l’emploi de modes de coordination relationnels
qui passent par l’établissement de liens interentreprises. A cet égard, deux questions se posent
notamment : quelles activités confier à des partena ires extérieurs (degré d’externalisation) et selon
quelle mode d’interaction (mode d’externalisation) ? Dans une perspective de changement
organisationnel, ces évolutions relèvent d’un « challenge managérial » permanent car le milieu interne
vit avec ce qui peut être perçu comme la menace perpétuelle de l’externalisation. Pour ces raisons,
nous souhaitons introduire un modèle d’analyse de la dynamique des organisations qui lie étroitement
milieu interne et milieu externe. Le processus décisionnel concernant le recours à l’externalisation
n’est pas dissocié de ses implications sur le milieu interne de l’entreprise. De nombreuses
contributions soulignent l’importance du rapport entre l’interne et l’externe quand il s’agit d’expliquer
la décision d’externalisation, ainsi E. Brousseau : « La prise en compte de l’impact de la structure
interne des firmes sur la relation interentreprises est évidemment essentielle dans le cadre d’une
théorie positive de la coordination interentreprises. » (1997, p.49).
Par ailleurs, la prise de décision est analysée en terme de conduite du changement organisationnel.
L’efficacité résulte alors moins d’une capacité d’allocation optimale des ressources que d’une capacité
à faire évoluer les modes de coordination. « Plutôt que de partir de la question des formes optimales
d’organisation de l’activité économique par référence à un critère d’efficience, il vaut mieux partir des
questions de coordination en se référant à un critère de viabilité du processus de changement (J.L.
Gaffard, 1995, p.6) ». Dans cette optique, la firme est définie comme le lieu d’établissement des règles
-4 -
et des conventions nécessaires aux prises de décision et permettant son bon fonctionnement (A.
Orléan, 1994, P.Y. Gomez, 1998).
Le modèle proposé comporte trois niveaux en interaction. La dynamique des conventions et
l’évolution de la structure sociale dans laquelle s’enchâsse l’entreprise et ses différents partenaires est
étudiée à partir d’une forme analytique médiatrice, l’enchevêtrement de la coordination, discernable
dans le discours des acteurs individuels : la combinaison évolutive, dans un même ensemble
organisationnel, de trois modes de coordination « idéal-typiques », la hiérarchie, le marché et la
coopération. Le dosage de cet enchevêtrement reflète les enjeux de multiples rapports sociaux, de
collaboration et de conflit, influencés autant qu’ils influencent les conventions en vigueur dans
l’entreprise. La convention de qualité qui définit les modes de coordination sur lesquelles l’entreprise
assoit sa compétitivité gagne également, selon nous, à être décrite à partir de la grammaire « idéaltypique » de l’enchevêtrement. La première partie de cet article fournit les clés du mode d’analyse
sous la forme de trois propositions. La deuxième partie introduit et décrit le cas de l’entreprise Watts
dont l’analyse permet de tirer du modèle des enseignements à vocation plus managériale : sur la
simultanéité « mondes interne/externe » dans les conventions de coordination, les conditions de la
dynamique de ces conventions : la nature du lien entre dynamique sociale et enrichissement des
conventions et un éclairage sur les transitions dans les coordinations par le truchement des objets « de
passage ».
1. Enchevêtrement de la coordination, convention et « enchâssement » social
Les modes de coordination des activités économiques ont donné lieu à de nombreux travaux. Parmi
ceux-ci, l’économie des coûts de transaction (ECT) occupe une position particulière en raison de
l’utilisation massive qui en a été faite. Nous en ferons le point de départ de notre analyse des modes de
coordination pour mieux nous en éloigner et préférer l’approche de G.B. Richardson passant d’une
dualité de modes de coordination à un triptyque de formes1 . Toujours à partir d’un regard critique
porté sur l’ECT concernant la notion d’incomplétude des contrats, un lien est établi avec l’économie
des conventions puis concernant « l’enchâssement » des activités économiques, avec les réseaux
sociaux. A chaque étape, des propositions de recherche sont établies.
1.1. L’enchevêtrement des modes de coordination
Le paradigme « transactionniste », dans la lignée des travaux de R Coase (1937) qui légitime les
organisations par l’existence de coûts de transaction sur les marchés, établit une stricte dichotomie des
modes de coordination hiérarchie – marché (O.E. Williamson, 1985) selon un schéma largement
décrit et interprété. Pourtant, de nombreuses observations ont rendu compte de l’existence de formes
organisationnelles échappant à ce schéma stricto sensu. Williamson admet lui-même ce fait 2 évoquant
l’existence de relations intermédiaires. Pour certains auteurs, ces relations de coopération, ne
constituent pas des organisations hybrides entre marchés et hiérarchies mais sont fondées sur
l’existence d’un mode de coordination autonome, la coopération, dont le fonctionnement est basé sur
une organisation en réseau qui tend à s’institutionnaliser (W.W. Powell, 1990 ; W.W. Powell, L.
Smith-Doerr, 1994).
1
Nous avons développé ces idées dans une contribution au Colloque de l’AIMS. Baroncelli A., Froehlicher T.,
(1997), « L’enchevêtrement des formes organisationnelles, marchés, hiérarchies, réseaux», Les Actes du
VIIème Colloque de l’AIMS, Louvain (disponible sur le site web de l’AIMS).
2
« Auparavant, je pensais que les transactions du type intermédiaire étaient plus difficiles à organiser et de ce
fait instables [...] Je suis à présent convaincu que les transactions du type intermédiaire sont beaucoup plus
communes [...] Une plus grande attention envers les transactions du type intermédiaire aidera à éclairer notre
compréhension de l’organisation complexe. Si de telles transactions se portent vers les extrêmes, quelles en sont
les raisons ? Si de telles transactions peuvent être stabilisées, quels en sont les processus de gouvernance ? »
(O.E. Williamson, 1985, traduction française de 1994, p.111)
-5 -
De la dichotomie au triptyque des modes de coordination
A partir de l’étude du fonctionnement de plusieurs districts industriels, G. Lorenzoni a identifié
plusieurs facteurs qui différencient le réseau inter-firmes, système d’entreprises en coopération,
d’autres formes organisationnelles (1997). Pour caractériser la coopération, il convient de s’attarder
plus sur la nature des relations qu’entretiennent les entreprises en coopération que sur la nature des
firmes elles-mêmes. La caractéristique distinctive des relations interentreprises au sein des réseaux
réside dans une simultanéité de relations verticales, horizontales et latérales. Les relations verticales,
typiques des formes hiérarchiques, sont réciproques dans un réseau. Elles associent fournisseurs et
clients. Les relations horizontales concernent des rapports entre concurrents, entre fournisseurs ou
entre points de vente dans un réseau donné. Si l’absence de répétitivité caractérise la relation
marchande où les transactions sont gouvernées par le prix, permettant d’éviter la spécification des
actifs en réduisant l’opportunisme, sa survenue, au contraire, stimule les processus d’apprentissage et
de connaissance mutuelle, créée les conditions favorables à la résolution des conflits, favorise la
réalisation d’économies d’échelle. L’autonomie des firmes les unes par rapport aux autres est un autre
facteur important. Enfin, la coordination se réalise principalement par une procédure d’ajustement
réciproque. Par ailleurs, la coopération est la plupart du temps associée à la présence dans la relation
d’une dose importante de confiance réciproque (T. Froehlicher, 1998). « Faire confiance à quelqu’un,
c’est supposer ex ante que la probabilité du risque associée à l’échange est très faible (B. Baudry,
1995, p.89) ». Ainsi, on différencie une forme réticulaire fondée sur un ensemble de relations de
coopération des formes marchandes et hiérarchiques sans avoir à se référer à ces deux dernières.
« Tertium datur - il y a un troisième cas » (G. Grabher, 1993, p.6). Une telle vision triangulaire des
modes de coordination épouse celle déjà ancienne de G.B. Richardson (1972), bien antérieure
d’ailleurs à celle de O.E. Williamson. Le premier suggère clairement un triptyque de modes de
coordination (coordination par le prix, par la hiérarchie et coordination concertée ou négociée). Sa
démonstration repose sur les notions de similarité et de complémentarité des activités. La hiérarchie
est requise pour des activités similaires et complémentaires tandis que pour les activités
complémentaires mais non similaires, le recours à la coopération ou au marché dépend de la nécessité
d’une coordination ex-ante ou non. « Il existerait une sorte de partage du travail de coordination entre
les trois modes de fonctionnement (A. Desreumaux, 1996, p.89) ».
Non-discrétion et non-exclusivité des modes de coordination : une représentation idéal-typique
Une autre manière de souligner les limites de l’ECT consiste à regretter la rigidité avec laquelle elle
considère deux propriétés : la discrétion et l’exclusivité mutuelle du recours à un mode de
coordination. En premier lieu, il faut revenir sur l’idée du caractère discret des modes de coordination
et affirmer qu’il existe entre la coopération et la relation marchande un continuum de formes possibles
selon le degré de concertation entre les acteurs (J.L. Ravix, 1990). Cela étant, Williamson amende
l’ECT dans ce sens quand il admet le principe d’un continuum entre marchés et hiérarchies3 . En
second lieu, les modes de coordination sont susceptibles de s’interpénétrer dans une même situation
organisationnelle. Il faut abandonner une conception « arithmomorphique » des trois formes
organisationnelles (G. Grabher, op.cit.). Celles-ci ne sont pas exclusives. La présence de l’une n’exclut
pas celle des deux autres. « L’hypothèse que ces mécanismes s’excluent mutuellement [...] obscurcit
plutôt que clarifie notre compréhension. [...] Le prix, l’autorité, et la confiance se combinent de
maintes façons dans le monde empirique. » (J.L. Bradach, R.G. Eccles, 1989, p.116 cité par G.
Grabher, 1993, p.7). Dans une analyse centrée essentie llement sur la coordination des relations
interentreprises, Baudry insiste aussi sur l’indépendance des modes de coordination et leur possible
combinaison 4 . L’idée d’une combinaison des modes de coordination existe aussi dans d’autres
approches des modes de coordination : modularité des modes de coordination (E. Brousseau, 1993,
3
Cf. note précédente.
« Pour nous, l’autorité, l’incitation et la confiance ne sont que des formes de coordination indépendantes, mais
des formes qui se combinent. Par exemple, même lorsque la confiance soutient l’échange, l’autorité est
susceptible à tout moment de se déployer et de renvoyer les contractants à l’épreuve marchande. L’épreuve du
marché va resurgir dès lors que le moindre soupçon s’empare du contractant dominant. » (Baudry, 1994, p.99).
4
-6 -
p.126) ou encore interpénétration du marché et de la hiérarchie 5 . C’est donc sous une forme idéaltypique, au sens de M. Weber (1904) 6 , qu’il faut considérer les trois modes de coordination que sont la
hiérarchie, le marché et la coopération et que résume le tableau 1. A ce titre, elles constituent les clés
d’entrée d’une interprétation du discours que les acteurs tiennent au sujet des mécanismes de
coordination dans leur entreprise.
Dynamique de l’enchevêtrement
Enfin, critique classique de l’ECT, l’absence du temps continu dans l’analyse est sûrement
préjudiciable à une bonne compréhension du fonctionnement des organisations. G.B. Richardson
introduit le paramètre temporel dans l’analyse et en particulier l’importance de la dynamique du
changement organisationnel. Le changement technique et l’évolution constante des marchés, entraîne
une évolution continue des manières de coordonner les activités économiques. « There exists, within
market economies, even independently of technical progress, a continuing process leading to increased
output, a changing division of labour and with it, the need for revised patterns of coordination which
new organisational structures are designed to meet » (Richardson, 1999) 7 .
Mode de coordination
Relation
Nature du contrat
Mode de décision
Répétitivité
Interaction / communication sociale
Degré d'autonomie
Hiérarchie
Autorité, adhésion, engagement
Contrat incomplet
La conviction, l’obligation
Continuité précarité/permanence
Leadership / subordination
Dépendance / solidarité
mécanique
Marchand
Transaction, liberté contractuelle
Contrat "complet"
Le "deal"
"Spot contracting"
Impersonnalité
Indépendance
Coopération
Echange, apprentissage
Contrat incomplet
Le consensus
La récurrence
réciprocité
Interdépendance / solidarité
organique
Tableau 1 : Le contenu idéal-typique de trois modes de coordination
Proposition 1 : On qualifie d’enchevêtrement, la combinaison ou l’hybridation de trois modes de coordination
idéal-typiques, dans une perspective dynamique, c’est-à-dire d’analyse du dosage respectif des modes et de son
évolution dans le temps le long de continuum qui vont de la hiérarchie à la stricte relation marchande ou à la
coopération mais aussi de la coopération à la relation marchande.
1.2. Enchevêtrement et conventions
Une autre critique faite à l’ECT concerne l’incomplétude du contrat.
Incomplétude du contrat et conventions
Les co-contractants dans l’impossibilité de définir ex ante l’ensemble du dispositif contractuel qui doit
garantir la bonne exécution du contrat, font face à des situations imprévues où le contrat ne dit rien sur
les solutions à mettre en œuvre. De manière encore plus problématique, ils leur arrivent d’être dans de
situations « indécidables ». Sont alors élaborées collectivement des conventions, dispositifs de
coordination non marchands, susceptibles de résoudre des situations indécidables par le calcul
5
« markets principles penetrate into the firm’s ressource allocation and organization principles creep into the
market allocation (K.I. Imai, H. Itami, 1984, p.285) ».
6
« On obtient un idéal-type (Idealtypus) en accentuant unilatéralement un ou plusieurs points de vue et en
enchaînant une multitude de phénomènes donnés isolément, diffus et discrets, que l’on trouve tantôt en grand
nombre, tantôt en petits nombres, et parfois pas du tout, qu’on ordonne selon les précédents points de vue choisis
unilatéralement, pour former un tableau homogène (einheitlich). On ne trouvera nulle part empiriquement un
pareil tableau dans sa pureté conceptuelle : il est une utopie. Le travail […] aura pour tâche de déterminer dans
chaque cas particulier combien la réalité se rapproche ou s’écarte de ce tableau idéal. » (Weber, 1904, p.165)
7
Cette importance d’une production continue de nouveaux agencements des coordination est aussi souligné par
J. Schumpeter pour qui l’entrepreneur génère un surcroît de développement grâce à sa capacité à imaginer de
nouveaux types d’organisation industrielle (J. Schumpeter, 1934).
-7 -
individuel (D. K. Lewis, 1969 ; T.C. Schelling, 1977). Les acteurs engagés dans des actions
collectives, ne s’inscrivant pas forcément dans la limite d’un champ organisationnel même si celui-ci
se définit aisément comme un espace de production et de consolidation de conventions 8 , ont besoin de
ces repères collectifs pour ajuster mutuellement leurs actions.P.Y. Gomez en fournit une définition
plus précise. « Une convention est une régularité qui résout de manière identique des problèmes de
coordination identiques (P.Y. Gomez, 1994, p.95)». Elle tient son efficacité de la réalisation
« d’économie cognitive » (O. Favereau, 1989) et obéit à certaines conditions et notamment aux trois
suivantes : chacun se conforme à la convention, chacun anticipe que les autres s’y conforment, il
existe au moins une autre régularité alternative. Les conventions se différencient en fonction de deux
éléments morphologiques : leur énoncé (but, composition, ce qu’elle est, à quoi elle sert, ce qu’elle
résout, qui l’adopte) qui définit un principe commun reconnu et accepté par tous, et un dispositif
matériel qui lui donne sa stabilité.
L’énoncé des conventions, variétés, combinaison et dynamique
Il existe une variété de conventions selon leur objet. R. Boyer et A. Orléan (1994, p.221) identifient
plusieurs types : conventions techniques permettant gains de conformité ou rendements croissants
d’adoption (B. Arthur, 1988), conventions d’effort (H. Leibenstein, 1982), conventions de qualité et de
qualification (F. Eymard-Duvernay, 1994 ; P.Y. Gomez, op.cit.), conventions sociales ou de
comportement (M. Granovetter, 1985 ; R. Swedberg. 1994). Les conventions possèdent deux
propriétés analogues à l’enchevêtrement des modes de coordination. D’abord, elles se combinent,
s’articulent et se complètent pour élaborer des coordinations toujours plus riches et complexes. « Les
situations concrètes qu’étudie l’économiste sont le plus souvent des situations composites où
coexistent plusieurs principes de coordination ; il lui faut donc disposer d’outils formels permettant de
comprendre comment s’agencent ces diverses ressources, marchandes, organisationnelles,
institutionnelles ou éthiques, et d’où vient que leur agencement puisse être rendu cohérent malgré la
diversité apparente des logiques qui les fondent (A. Orléan, 1994, p.16) ». Elles présentent également
un caractère dynamique. Elles prennent en compte le temps de l’action et des acteurs en situation.
« Elle noue ensemble dans le processus d’effectuation de l’action engagée de l’action engagée les
deux flèches du temps : celle qui, via les attentes de l’action, remonte le temps du futur vers le passé et
celle qui, via les équipements mobilisés (règles, objets, etc.) descend le temps du passé vers le
futur (R. Salais, E. Chatel, D. Rivaud-Danset, 1998, p.19) ». Elles ne sont pas non plus immuables
même si, par définition, une convention possède une grande stabilité manifestant une tendance à
l’auto-entretien. La convention peut s’affaiblir en raison d’une « suspicion » concernant son efficacité.
Une « suspicion de convention » est une information qui tend à remettre en question la stabilité d’une
convention (P.Y. Gomez, op.cit., p.121). Elle est alimentée par une coalition interne qui « pousse »
une nouvelle convention afin qu’elle soit acceptée (R. Boyer., A. Orléan, op.cit.). « Il est facile de
mettre en évidence des situations dans lesquelles la convention existante est inefficace. Peut-on alors
la remplacer cette convention par une autre, plus efficace ? […] Une telle transformation est possible
s’il existe certaines différenciations sociales qui permettent aux agents de localiser leurs interactions
en privilégiant les agents dont ils se sentent proches (R. Boyer, A. Orléan, Ibid., p.221) ». Plusieurs
schémas d’évolution existent. L’effondrement général survient quand l’ensemble ou une grande partie
des conventions est rejeté. L’invasion est le fait d’une population qui s’empare d’une convention pour
renverser la précédente. L’accord se produit à travers des procédures explicites de concertation et
d’harmonisation. La traduction ou le «bricolage » permet d’obtenir une compatibilité entre deux
conventions, « de garantir une certaine capacité de traduction de la nouvelle convention dans les
termes de l’ancienne (R. Boyer, A. Orléan, Ibid., p.229) ». Dans ce dernier cas, la convention
s’enrichit de nouveaux contenus.
Objets et formalisation des conventions
La stabilité d’une convention dépend fortement de l’existence d’un dispositif concret qui la formalise.
« Il s’agit d’alléger la charge qui pèse sur l’entendement des personnes dans leurs spéculations, leurs
8
Nous revenons sur ce point dans la troisième section de cette première partie au sujet des réseaux sociaux.
-8 -
jugements et leurs justifications en la reportant sur les objets (Orléan, op.cit., p.26) ». Certains objets
sont qualifiés au moyen d’un investissement de formes pour devenir des repères (Thévenot L., 1985).
Ils se classifient selon deux axes. Le premier concerne leur niveau de généralité (P. Livet, L.
Thevenot, 1994, p.147 ; N. Raulet-Croset, 1999, pp.235-237). Les objets sont « personnalisés »
lorsque leur identification s’inscrit dans la stricte limite d’une situation particulière (des savoir-faire
particuliers à une entreprise, …). Leur compréhension réclame la présence des acteurs qui les
mobilisent régulièrement. Ils sont «communs » quand ils sont transférables d’une situation à une
autre. On est passé d’un savoir tacite à une procédure explicite. Ils sont conventionnels s’ils sont
facilement généralisables (par exemple un mode d’emploi clair à usage du grand public). Le second
axe concerne plus spécifiquement l’échange (les conventions de qualité). Dans l’échange, les objets
sont plus ou moins standardisés. La définition de la qualité n’est en général pas une donnée mais une
construction sous la forme d’un investissement de qualification. Lorsque la qualité est indéterminée ex
ante, deux procédures peuvent contribuer à permettre l’échange sous la forme d’un référentiel de
qualité ou « cadre relationnel » : la réputation, une mesure attachée à un individu qui « capitalise » ses
actions dans le temps et en fait un savoir commun, ou la qualification, une instrumentation spécifique
pour évaluer la capacité industrielle d’une entreprise (mesure, test, certification, etc.). Il existe alors un
continuum entre les marchés de produits (quand la qualité est établie ex ante, le produit est acquis
selon un mécanisme marchand) et les marchés d’organisation (organisations réputées ou organisations
qualifiées) (F. Eymard-Duvernay, op.cit.).
Proposition 2 : L’enchevêtrement des modes de coordination peut concourir à la description des conventions.
Chaque élément de coordination idéal-typique est susceptible d’être vécu comme une convention de
coordination par les acteurs d’une firme qui « pousserait » un mode de coordination idéal-typique en tant que
principe commun supérieur 9 . La suspicion de convention provient alors d’acteurs désireux de modifier le
dosage initial. Cette modification passe par la formalisation d’objets transitionnels pour assurer le passage d’un
mode de coordination idéal-typique à un autre.
1.3. Enchevêtrement, conventions et réseaux sociaux
L’économie des conventions revendique de manière particulièrement explicite son caractère socioéconomique. On a déjà écrit plus haut que la notion de convention sociale y occupe une place
importante. Granovetter a d’ailleurs été associé à l’ouvrage de référence sur les conventions (M.
Granovetter, 1994). En particulier, l’approche française des conventions s’inscrit dans une perspective
sociologique (P.Y. Gomez, op.cit., p.84).
L’enchâssement de l’économie
Deux constats essentiels justifient cette posture théorique. D’abord, l’économie est « enchâssée » dans
les structures sociales (M. Granovetter, 1985 ; K. Polanyi, 1972). Elle ne peut fonctionner sans que
certaines conventions sociales soient établies au préalable notamment pour que les échanges
économiques puissent se dérouler de manière satisfaisante. Ensuite, ces conventions sociales ne sont
pas données mais construites au sens de l’ethnométhodologie. Les acteurs s’entendent à travers leurs
relations quotidiennes sur ce qu’est la « réalité sociale », construction sociale qui s’opère à partir des
relations intersubjectives (P. Berger, T. Luckmann, 1986). L’acteur n’est donc que partiellement
déterminé par la structure sociale dans laquelle il s’inscrit. Il conserve une part irréductible
d’autonomie et peut à son tour faire évoluer la structure (M. Granovetter, op.cit. ; R.S. Burt, 1982).
« Les acteurs ne se conduisent pas comme des atomes en dehors d’un contexte social, pas plus qu’ils
n’adhèrent comme des esclaves à un script déjà écrit. […] Les intentions contenues dans leurs actes
9
La firme intégrée internalisant systématiquement l’ensemble de ses activités (la hiérarchie), la société creuse ou
« shadow organisation », sorte de holding qui aurait comme principe de base d’externaliser systématiquement
sur des bases marchandes la réalisation de ses activités (le marché), le réseau stratégique où chaque entreprise
membre du réseau ne vaudrait que par la qualité des relations et la qualité intrinsèque des entreprises partenaires
(la coopération).
-9 -
sont plutôt encastrées dans des systèmes concrets de relations sociales entrain de se construire10 (M.
Granovetter, 1985, p.487) ».
L’organisation comme champ d’action
Définissons alors plus précisément la notion de milieu interne de l’organisation dans lequel
prévaudrait, de manière idéal-typique, une coordination par l’autorité (la hiérarchie). Pour cela, il faut
revenir sur la notion d’action collective. En sociologie des organisations, l’analyse stratégique
développée par M. Crozier et E. Friedberg (1977) et poursuivie plus récemment par E. Friedberg
(1993) au Centre de Sociologie des Organisations considère un acteur stratégique dont le
comportement est d’abord la conséquence de ses intentions et de ses projets personnels sans faire
l’impasse sur les conséquences des rapports sociaux antérieurs. La socialisation passée n’intervient
dans l’analyse que lorsqu’elle est mobilisée dans une situation concrète, un contexte d’action
particulier et il n’existe donc pas de dichotomie stricte entre l’organisation et les autres formes
d’action collective 11 ce qui a deux conséquences essentielles. Premièrement, la frontière de
l’organisation est une donnée relative selon l’intensité et la nature des liens informels entre les milieux
internes et externes. Le champ d’action pertinent pour l’interprétation d’une situation peut se situer
autour de la « frontière » de la firme 12 . Deuxièmement, l’étude doit porter en priorité sur les éléments
« clandestins » du management (M. Moullet, 1992). Une négociation « souterraine », implicite , est à
l’œuvre ; chacun luttant pour imposer ses propres options et atteindre ses objectifs, sortant
progressivement de la clandestinité au fur et à mesure que ses options deviennent légitimes dans
l’organisation.
L’analyse des réseaux sociaux
L’analyse concrète des champs d’action peut s’appuyer sur les réseaux sociaux en tant qu’instrument
analytique 13 , ensemble de liens concrets, informels et personnalisés entre des acteurs individuels (M.
Degenne, M. Forsé, 1994) qui associent ou opposent les acteurs individuels dans un champ d’action
particulier14 . L’existence de « zones d’incertitude » dans les champs d’action fournit un degré
d’autonomie irréductible à l’acteur par rapport à la structure. Il le mobilise à son profit (R.S. Burt,
1994) 15 . Dans cette optique, la frontière de l’organisation est une ressource pour un acteur évoluant à
son avantage simultanément dans un milieu interne et externe16 ; en d’autres termes un capital
relationnel important. Les acteurs mobilisant ces ressources pour améliorer leur capacité d’action et/ou
pour préserver certaines marges de manœuvre, jouent dans mais aussi avec le système d’action concret
dans lequel ils s’insèrent. L’analyse stratégique met l’accent sur une représentation conflictuelle où
10
Notre traduction.
L’organisation en tant que champ d’action se définit selon quatre critères : le degré de formalisation et de
codification de la régulation, c’est-à-dire les conventions, le degré de prise de conscience par les acteurs de leur
appartenance au champ d’action, le degré de finalisation des actions collectives et l’explication d’une délégation
de pouvoir à certains acteurs dans le champ d’action.
12
« Ces notions d’actions organisées sont d’autant plus utiles aujourd’hui que l’évolution récente des entreprises
a vu un éclatement de certaines de leurs structures classiques et une multiplication des acteurs qui peuvent à la
fois être considérés comme au-dedans et au-dehors (H. Amblard et alii., 1996, p.42).
13
Et non pas en tant que mode de coordination, comme c’est le cas très souvent dans la littérature.
14
Pour A. Degenne, l ‘expression n’a pas de définition universellement admise. Elles sert à exprimer que l’on se
préoccupe de relations entre les personnes et à se démarquer des autres usages du mot réseau qui réfèrent surtout
à des objets physiques (réseaux routier, téléphonique, informatiques ou neuronaux, …) (A. Degenne, support de
cours, EHESS, version du 3 septembre 1992).
15
Deux autres postulats paraissent essentiels : l’existence d’une multiplicité de rationalité d’action et la
rationalité limitée de l’acteur.
16
« Les individus et les groupes qui, par leurs appartenances multiples, leur capital de relations dans tels ou tels
segments de l’environnement, seront capables de maîtriser, tout ou au moins en partie, cette zone d’incertitude,
de la domestiquer au profit de l’organisation, disposeront tout naturellement d’un pouvoir considérable au sein
de celle-ci. C’est le pouvoir du marginal-sécant en relation avec les uns et les autres et qui peut, de ce fait, jouer
le rôle indispensable d’intermédiaire et d’interprète entre des logiques d’action différentes, voire contradictoires
(M. Crozier, E. Friedberg, 1977, p.86) ».
11
- 10 -
l’efficacité d’une organisation est la résultante d’un équilibre précaire dans les jeux d’acteurs. Ici, la
notion de pouvoir agit plus en vue d’une structuration de la relation qu’en tant que l’imposition de
quelque chose à quelqu’un. Une relation de pouvoir permet d’obtenir la coopération d’autrui (H.
Amblard, op.cit., p.35).
De son côté, la sociologie de la traduction accentue plutôt les conditions dans lesquels un accord est
obtenu à travers l’établissement de réseaux socio-techniques (M. Callon, op.cit.), le réseau rassemblant
des humains et des non-humains mis en intermédiaire les uns avec les autres. Originalité forte de la
démarche, les acteurs, « actants », sont aussi bien des sujets humains, individus, groupes de personnes,
entreprises, que des objets non-humains, technologies, dispositifs contractuels, etc. qui entrent en
coalition pour former des réseaux. L’actant est stratégique au sens de E. Friedberg mais dans certains
cas, c’est une entité non humaine qui est investie d’une fonction ou affectée d’un rôle 17 . La lutte de
pouvoir, le cas échéant, a lieu entre plusieurs réseaux socio-techniques mobilisés pour des objets
différents. Une nouvelle fois, les frontières du réseau ne recoupent pas forcément celles d’une
organisation dont le tracé dépend des interactions entre les entités constituantes18 . Il existe de
nombreux liens entre la sociologie de la traduction et l’économie des conventions. Dans les deux cas,
l’accent est mis sur l’importance de l’intermédiation des objets pour formaliser une convention ou, ici,
pour servir « d’intermédiaires » durant le processus de traduction 19 . Ceux-ci concourent à la
conception d’un « common knowledge » (l’investissement de formes dans les conventions) qui
solidifie le réseau (H. Amblard et alii., op.cit., p.162).
Proposition 3 : La dynamique de l’enchevêtrement et de là, des conventions, est déterminée par le jeu social qui
s’instaure autour des modes de coordination. Les modes de coordination idéal-typiques constituent des enjeux
essentiels dans les rapports sociaux. Les acteurs les intègrent dans leur stratégie personnelle et appuient le
mode qui leur confère le plus de ressources possibles et, par conséquent, de pouvoir. Les actants s’organisent en
réseaux socio-techniques autour du mode de coordination qui supportera le mieux leur projet. La frontière
organisationnelle est investie par les acteurs et les actants qui contribuent à la déplacer au gré de leurs
stratégies individuelles et réticulaires modifiant le dosage tout au long de la chaîne de valeurs de la firme des
éléments de celle-ci du ressort du milieu interne, des transactions ou de la coopération.
A travers ses trois propositions, nous soulignons le lien entre conventions et réseaux sociaux suivant
une approche socio-économique. Ces trois niveaux partagent quatre propriétés communes,
processuelle (et dynamique), combinatoire, relationnelle et d’objectivation.
Suspicion
Conventions
Coopération
Enchevêtrement
Enrichissement
Réseaux sociaux
Conflit
Figure 1 : Propositions pour un modèle de la dynamique organisationnelle
17
Le processus de mise en coopération dans un réseau socio-technique est détaillée en quatre phases : (i) la
problématisation, l’identification des raisons qui rendent indispensables les actants les uns par rapport aux autres
et la définition de points de passage obligés (PPO) pour tous les actants, un énoncé qui permet de précipiter la
convergence de tous au sein du réseau, (ii) l’intéressement, les actants sont « convoqués » pour une association
dans le réseau, (iii) l’enrôlement concrétise la phase précédente ; un rôle est affecté à chaque membre du réseau,
(iv) la mobilisation consiste à faire évoluer les positions de chaque actant pour aboutir à des propositions
crédibles et cohérentes grâce à la désignation de « porte-paroles » légitimes qui représentent une catégorie
d’actants enrôlés.
18
La démarche a d’ailleurs déjà été appliquée à la construction d’un réseau inter-firmes (M. Lea, T O’Schea, P.
Fung, 1995)
19
Quatre types d’intermédiaires apparaissent : les informations, les objets techniques, l’argent et certaines
personnes et leurs compétences.
- 11 -
Propriété
Conventions
Réseaux sociaux
Enchevêtrement
Processus
Incertitude
Incomplétude
Suspicion
Jeux d’acteurs
situés
Dosage
Combinaison
Relation
Enoncés
Cadrage relationnel
Conflits et
coopérations
Echanges sociaux
Passage
Des modalités
idéal-typiques
Continuum
Interpersonnel / inter-organisationnel
(coopération)
Interpersonnel/intra-organisationnel
(hiérarchie)
Transactions (marché)
Objectivation
Investissements
de forme
Ressources
Intermédiaires
Objets
transitionnels
Tableau 2 : Les propriétés transverses du modèle
Premièrement, ils endogènèisent un temps continu et autorisent une étude processuelle des
phénomènes organisationnels : incertitude, incomplétude, suspicion (conventions), jeux d’acteurs
situés (réseaux sociaux), dosage, passage, continuum entre les modalités idéal-typiques
(enchevêtrement). Deuxièmement, ils autorisent la combinaison des éléments disjoints qui les
caractérisent : combinaison des énoncés (conventions), des conflits et des coopérations (réseaux
sociaux), des modalités idéal-typiques (enchevêtrement). Troisièmement, ils partagent une perspective
relationnelle : un cadrage relationnel au sens de F. Eymard-Duvernay (conventions), primauté des
échanges sociaux (réseaux sociaux), échanges interpersonnels et inter-organisationnels s’imbriquent
étroitement dans la coopération, échange interpersonnel à dominante intra-organisationnelle dans la
hiérarchie 20 , transactions impersonnelles dans le marchand (enchevêtrement). Quatrièmement, le
modèle conduit à objectiver les logiques du changement organisationnel : des objets sont produits à
travers des investissements de forme (conventions). Certains jouent un rôle particulier. Ils se
positionnent au moment des « passages » en tant qu’intermédiaires entre les modalités idéal-typiques.
Nous les nommons objets transitionnels (enchevêtrement). Les modes idéal-typiques en tant qu’objet
de nature conventionnelle constituent des ressources ou du moins des intermédiaires mobilisés par les
acteurs ou les actants dans les échanges sociaux (réseaux sociaux) qui s’organisent en référence ou
autour d’eux.
2. L’enchevêtrement en pratique, le cas Watts
L’enchevêtrement des modes de coordination est une forme d’analyse médiatrice dont le contenu
idéal-typique autorise une approche compréhensive : les acteurs peuvent s’exprimer sur la question de
la coordination. Par conséquent, l’entretien qualitatif avec les principaux acteurs du système
décisionnel contient les éléments d’information nécessaires à la compréhension de la dynamique
organisationnelle. Discourant sur l’enchevêtrement, ils informent sur l’état des réseaux sociaux et des
conventions dans leur champ d’action précisant les frontières de celui-ci. Dans la partie suivante, nous
nous référons à un cas d’entreprise. D’abord, nous présentons les éléments méthodologiques qui ont
permis le recueil des données ainsi qu’une description générale de l’entreprise (politique générale et
conventions en vigueur). Ensuite, l’évolution du partenariat le plus « structurant » pour l’entreprise
Watts (avec la firme A) est détaillée. Enfin, nous en tirons des enseignements à vocation plus
managériale.
20
L’acteur mobilisé à titre personnel possède une délégation pour engager dans l’échange les ressources de
l’organisation qu’il représente dans la coopération tandis que dans la hiérarchie, les échanges sociaux intenses
qui incluraient des acteurs hors frontière organisationnelle n’engageraient pas d’autres organisations.
- 12 -
2.1. Le cas Watts, éléments méthodologiques, présentation et définition des conventions
Le cas Watts, entreprise industrielle dans le secteur de l’électricité basse tension, a été formalisé à
partir d’entretiens, d’observations et du recueil d’informations écrites sur l’entreprise21 .
Eléments méthodologiques
Les entretiens ont été réalisés en deux phases. La première phase a consisté en trois entretiens (environ
dix heures) avec un des deux directeurs généraux de la société Watts (ci-après M. Serge). Il a permis
de retracer l’histoire de l’entreprise. Ces entretiens ont été intégralement retranscrits. Parallèlement,
nous avons approfondi notre connaissance de l’entreprise grâce à une observation participante au sein
du département qualité durant une dizaine d’heures. Ce département gère et évalue la qualité de
l’ensemble des composants intermédiaires et des produits finis, qu’ils soient produits en interne ou
acquis en externe auprès des fournisseurs (relation marchande) ou des partenaires (relation de
coopération). Cette première phase a aussi été l’occasion de collecter des informations écrites sur
l’entreprise. Le document essentiel est le « Manuel d’accueil » donné aux cadres de l’entreprise qui
retrace l’histoire de l’entreprise, sa politique générale et fournit les chiffres principaux au plan
commercial et financier. La deuxième phase de l’étude a consisté à vérifier l’analyse effectuée. Trois
entretiens « confirmatoires » ont été réalisés : l’un avec le dirigeant général à qui une synthèse a été
présentée pour recueillir ses réactions. Les deux autres entretiens ont permis de compléter et de
vérifier les affirmations des premiers entretiens auprès de deux acteurs parmi les plus importants (ciaprès Ms. Gérard22 et Jean-Louis).
Généralités sur l’entreprise Watts
Des origines à 1967, l’installation : Durant cette période de près de quarante ans, l’entreprise familiale
a su patiemment atteindre un niveau de taille honorable, deux cents personnes, environ quinze millions
de chiffre d’affaires. Trois générations de dirigeant ont assuré ce développement. De 1968 à 1983,
acquisition d’une intelligence technologique : sous la houlette d’un nouveau président directeur
général, toujours aux affaires aujourd’hui, l’entreprise a connu un accroissement rapide, surtout en
termes d’effectif (vingt personnes embauchées par an en moyenne). Ce développement accroît les
compétences technologiques grâce à l’acquisition d’une capacité de conception (Bureaux d’études,
structure d’essai des nouveaux produits), de l’élargissement des compétences de production maîtrisées
en interne (atelier de décolletage, …) et enfin, de l’établissement d’un premier partenariat stratégique.
De 1984 à1996, l’approfondissement d’une intelligence stratégique : durant cette troisième période, la
croissance de l’entreprise est encore forte, s’exprimant plus par une hausse du chiffre d’affaires (plus
350 millions de francs en douze ans) que par un accroissement de l’effectif. L’entreprise reçoit le titre
de « champion de la croissance » décernée par une revue professionnelle. Cette évolution rapide et
positive repose sur une réflexion stratégique et organisationnelle. La tenue d’un séminaire de stratégie
sur le développement de l’entreprise s’accompagne du désengagement des activités de service au
client final, la réorganisation de l’entreprise en deux grands départements (1 et 2), chacun administré
par un directeur général (le département 1 est dirigé par M. Serge) et son comité de direction. A
compter de cet événement majeur, l’entreprise se développe simultanément au plan technologique,
21
Nous conservons scrupuleusement l’anonymat de cette entreprise dont le directeur général a bien voulu nous
consacrer de son temps, nous ouvrir de nombreuses sources documentaires et permettre une immersion dans son
entreprise. Qu’il en soit ici vivement remercié. En conséquence, les sujets, individus ou entreprises sont désignés
par des codes (une lettre pour les entreprises, un prénom pour les individus).
22
Il est intéressant de noter que M. Jean-Louis travaille toujours chez Watts où il est directeur de la R&D. Ce
département emploie aujourd’hui plus de quarante personnes et M. Jean-Louis fait partie des cadres supérieurs le
plus influents de l’entreprise. M. Gérard, qui après avoir été directeur commercial de l’activité mesure et devenu
ensuite président directeur général d’une joint-venture commune à Watts et A, était au moment de l’entretien
président directeur général d’une entreprise détenue majoritairement par A (suite à la revente des parts de Watts),
en concurrence directe avec l’entreprise Watts. L’entretien a donc été menée de manière contradictoire même s’il
a peu contredit les premières informations. En définitive, il a surtout contribué à compléter des informations que
M. serge avait omis de fournir.
- 13 -
multiplie les partenariats, accroît son niveau d’internationalisation et améliore très sensiblement son
organisation interne.
Les « conventions » apparentes
La revendication d’un engagement social : l’entreprise revendique une politique sociale engagée. Il
s’agit en fait de décliner dans l’entreprise une convention de qualité au service du client qui passe par
l’établissement de bonnes relations sociales. L’entreprise doit connaître une croissance forte pour être
en mesure de créer de l’emploi (une volonté de croissance). L’entreprise est une des premières
entreprises régionales à signer des accords d’entreprise avec la CFTC. Dès 1962, naît un journal
interne. En 1968, l’entreprise ne connaît qu’une heure d’arrêt de travail et une participation des
salariés au bénéfice de l’entreprise est instaurée. De manière générale, le discours de la direction
comprend une préoccupation sociale qui ressort du registre de justification des choix organisationnels.
Le choix d’une modalité marchande ou partenariale ne se fait pas seulement à la lecture de la structure
de coûts mais aussi en prenant en compte les desiderata des « gens » de l’entreprise comme on le verra
après l’analyse des récits. Des relations de qualité : à l’extérieur de l’entreprise, c’est la qualité des
relations avec les partenaires qui est essentielle malgré le souci d’indépendance, de pérennité de
l’entreprise et de stabilité de son actionnariat à dominante familiale. Deux types de relation externe
sont privilégiés. En premier lieu, le contenu de la relation verticale entretenue avec les clients résume
la stratégie développée : être perçu comme un spécialiste possédant une offre très différenciée. M.
Serge évoque, à ce sujet, sa parabole personnelle du « Dieu choisi ».
« Dès que l’on peut faire différemment, on cherche à coincer le client. On est prêt à dépenser de
l’argent pour vous mais soyez fidèles. Mais le client est naturellement fidèle car il ne peut plus
changer ses habitudes : il s’agit d’une fidélisation par « dédication ». Un truc sur-mesure, à la
commande, sur spécification. On vous a choisi comme Dieu (le client). On est voué à votre service
mais vous devez nous protéger. Nous sommes vos « serfs ». C’est une dépendance intéressée. »
En second lieu, l’entreprise développe au plan horizontal des partenariats industriels. Son portefeuille
de partenaires industriels est richement doté. Ces partenaires sont localisés dans plusieurs pays,
rarement en France, plus souvent en Allemagne, en Italie ou en Espagne. Ils sont de taille variée, de la
petite entreprise à la grande firme industrielle au sein d’un groupe d’envergure mondiale. Une partie
d’entre eux est initiée par l’entreprise Watts qui approche des partenaires de taille équivalente ou plus
petite pour les convaincre de concevoir et produire un élément spécifique de son catalogue (marque
Watts). Une autre partie comprend des accords où l’entreprise Watts a été contactée et où elle produit
pour le compte d’autres entreprises souvent plus importantes (des produits à leur marque).
2.2. « Petite » histoire d’un partenariat entre l’entreprise A et Watts
La coopération contractuelle
Au début des années 1980, Watts constate une forte demande de la part de ses clients pour des
applications de mesure, métier très différent de la coupure de courants basse tension, spécialité du
département 1 de Watts. L’entreprise se rapproche d’un fournisseur spécialisé étranger sélectionné à
l’occasion d’un salon professionnel avec qui elle compte établir une activité de négoce simple. Durant
les deux premières années, les ventes restent très faibles en raison du manque d’expérience des
commerciaux et des techniciens de Watts. M. Gérard, responsable commercial du principal concurrent
de Watts et leader français de la mesure, est alors embauché. Ainsi débute une coopération 23 étroite
avec l’entreprise A qui participe activement au chois et au recrutement de M. Gérard, salarié de Watts
mais dont le salaire est payé pendant deux ans par A. Grâce à la présence de M. Gérard au sein de
Watts, le partenariat connaît un prolongement puisque la décision est prise d’adapter le produit de A
pour qu’il réussisse en France et pour que l’entreprise A enregistre un surcroît de vente dans ce pays
23
nommée ci-après partenariat pour reprendre le terme utilisé par les acteurs eux-mêmes.
- 14 -
justifiant les coûts engagés. Fondamentalement, les stratégies sont très différentes. A développe une
stratégie de volume tandis que Watts souhaite plutôt offrir à l’installateur, seul segment de clientèle
visé, qui réclame un « guichet unique » pour l’équipement électrique, un catalogue étoffé de produits
exclusifs et à sa marque. Le catalogue symbolise la nature de la relation commerciale et oppose les
contenus stratégiques des entreprises Watts et A. « Le catalogue est un enjeu essentiel. Un client vous
achète un catalogue, plus qu’un produit ». 24 Watts fait entrer A dans son catalogue avec une clause
d’exclusivité contractuelle en France. L’évolution du partenariat est fortement liée à ce dispositif
juridique car la clause d’exclusivité limite considérablement la perspective d’un développement
important des volumes de vente de A en France.
L’établissement d’une coentreprise (JVA)
Le partenariat Watts - A entre ensuite dans une seconde phase. A l’occasion d’une réflexion
stratégique au sein de l’entreprise et de la prise de responsabilité du fils du dirigeant (saut de
génération), A veut accéder à de nouvelles sources de volume en France. En particulier, elle souhaite
prospecter de nouveaux segments de clientèle, pour vendre toute sa gamme de produits et pas
seulement ceux qui intéressent Watts. En excluant les clients grossistes du champ de la négociation 25 ,
un compromis est trouvé sous la forme d’une coentreprise (JVA)La structure du capital de JVA se
présente de la manière suivante : majorité des parts pour Watts, minorité de blocage pour A, le solde
sous la forme d’une participation minoritaire de M. Gérard. Pourquoi un tel dispositif ? L’idée vient de
M. Gérard qui après avoir doublé chaque année le chiffre d’affaires de la mesure au plan national
souhaite accélérer et pérenniser ce domaine d’activité dans l’entreprise Watts. La mesure ne représente
encore qu’une activité mineure au sein du département 1. Trois motifs principaux confortent l’option
de création d’une entité autonome comme JVA. D’abord, l’entreprise A est convaincu du potentiel du
marché français. Ensuite, M. Gérard souhaite travailler avec un constructeur spécifique pour assurer
l’évolution des produits (il dit avoir « l’esprit constructeur »). Le risque existe de son point de vue que
Watts décide un jour de mettre Watts en concurrence sur ses prix et se contente d’être un simple
distributeur. Enfin, M. Gérard souhaite concrétiser quatre années d’effort intenses. L’existence de JVA
lui en donne l’occasion. Il faut tout de même près de huit mois de négociation pour que M. Gérard, qui
a le soutien de M. Serge, puisse convaincre la direction de A qui n’a jamais investi dans une autre
société. JVA créée, une direction confiée à une personne de A est évoquée mais A refuse et impose M.
Gérard en tant que président directeur général de JVA.
Affaiblissement du partenariat, saut technologique et nouvelle donne organisationnelle
L’arrivée de nouveaux acteurs dans le processus fragilise considérablement la stabilité du dispositif.
L’entreprise Watts prend la première le virage de l’électronique et embauche un jeune ingénieur de
haut niveau, M. Jean-Louis, ingénieur en mécanique et en électronique, spécialiste de la technologie
des « micro-capteurs ». Celui-ci élargit son influence en diffusant dans l’entreprise des applications
électroniques. A son arrivée, M. Jean-Louis est porteur d’un projet correspondant à une innovation
majeure dans le domaine de la mesure (supervision électronique à base de micro-capteurs permettant
de centraliser la fonction mesure dans les systèmes électriques) ; son développement est cofinancé par
l’Anvar. C’est la première fois que le département 1 de Watts a en portefeuille un produit radicalement
nouveau et unique en son genre au moment de son lancement. Avec la complicité de M. Serge, du
département 2 de Watts et des clients, M. Jean-Louis organise le mariage de l’électronique et des
appareils de mesure électriques. Chez A, M. Gilbert père ne croit pas à l’électronique. Lorsqu’il cède
la place à son fils, l’embauche par A d’un ingénieur spécialiste de l’électronique, plus âgé et moins
« pointu » dans son domaine que M. Jean-Louis, M. David, diminue encore la probabilité de
24
Le catalogue est également à l’origine du partenariat de B avec Watts (cette fois, c’est Watts qui fournit le
catalogue de l’entreprise B). « En Angleterre, on vend bien notre business mais nous avons des concurrents qui
vendent aussi autre chose. On a pas les produits que vend Watts et on aimerait les vendre. Pour grignoter des
parts de marché, c’est plus la technique qui fait la différence, c’est plus le distributeur, la seule façon de
progresser, c’était en fonction de la largeur des produits vendus. Un guichet unique pour avoir tous les
produits. »
25
Les grossistes industriels distribuent leurs produits aux clients de Watts.
- 15 -
pérenniser ce partenariat. M. David ne souhaite pas poursuivre ce partenariat. S’instaure une nouvelle
phase de négociation. A reprend les parts de Watts dans JVA qui continue provisoirement à distribuer
les produits traditionnels marqués Watts et fabriqués par l’entreprise A. Néanmoins sans que ni A, ni
JVA ne le sachent, Watts se prépare à fabriquer une gamme complète de solutions de mesure
électronique. Ce saut technologique modifie des paramètres importants. La conception est facilitée.
D’abord, le développement par programmation (software) remplace la conception délicate, longue et
coûteuse des outillages. Ensuite, la fabrication des microprocesseurs (ASICS) est l’objet d’une mise en
concurrence entre l’achat à des fournisseurs (fondeurs) et l’atelier électronique du département 2. Par
ailleurs, concernant la gamme de produits analogiques, deux nouveaux partenariats sont établis avec D
et E pour remplacer les produits fabriqués par A et ne pas affaiblir le catalogue. On aboutit au sein de
Watts à un enrichissement et à une complexité accrue des modes de coordination (relation marchande
avec les fondeurs de microprocesseurs, hiérarchie accrue car internalisation des solutions
électroniques, nouveaux partenariats en émergence). Il conduit aussi l’entreprise Watts à envisager une
nouvelle source de volumes et un mode d’organisation plus marchand comme l’atteste la réflexion
engagée par M. Serge sur la « localisation » des activités productives en rapport avec cette la mise en
concurrence systématique des activités liées à l’électronique. Deux lieux sont évoqués, l ‘Inde et la
Tunisie. Avec A, la relation s‘étiole rapidement après la revente des parts que détenaient Watts dans
JVA. La relation entre A et Watts se vide progressivement de son contenu partenariale pour devenir
une simple succession de transactions marchandes. Elle s’interrompt brutalement en 1998 sur
l’initiative de Watts après plusieurs séquences de renégociations des conditions d’achat ; Watts
s’appuyant systématiquement, dans ces derniers moments de la relation, sur des études de prix au plan
européen pour réclamer des diminutions de prix de quinze pour cent en moyenne.
2.3. Eléments sur la dynamique des conventions de coordination
Le cas Watts est un cas singulier comme le sont toutes les histoires d’entreprise. Confronté au modèle
de l’enchevêtrement, il fournit quelques pistes intéressantes que nous souhaitons explorer brièvement,
notamment pour formaliser quelques résultats du point de vue de la prise de décision à un niveau
stratégique. Il s’agit d’élaborer des outils de diagnostic et/ou de prescription en management
stratégique en ce qui concerne la dynamique organisationnelle conjointe « intra » et « inter ». Pour
commencer, on précise la notion de convention de coordination au-delà des modalités idéalestypiques. Ensuite, les conditions de la dynamique sont évoquées sous l’angle du jeu social et des objets
transitionnels mis en œuvre. Enfin, nous suggérons dans une discussion finale que le modèle de
l’enchevêtrement recèle un potentiel analytique intéressant pour étudier les contrats de gestion
déléguée, dits d’externalisation. Dans les paragraphes qui suivent les citations sont toutes de M. Serge,
le directeur général de Watts.
Des coordinations « idéal-typiques » aux conventions
Dans l’esprit de Max Weber, le type idéal n’est qu’un outil d’analyse qui, confronté au réel révèle une
connaissance plus proche de la réalité. Que nous apprend Watts de ce point de vue ? En premier lieu,
les modalités idéal-typiques ne sont pas réellement indépendantes. La hiérarchie se combine
nécessairement à l’une des deux autres modalités, résultat relativement trivial, mais surtout, ce n’est
pas le même type de hiérarchie qui apparaît dans les deux cas.
« Il y a le problème de l’investissement. Aujourd’hui je fais du partenariat. Avoir des usines, avoir
des pépins de R&D ce serait très différent. Ce n’est pas le même métier » .
Mais, pour aller plus loin dans l’approche de la hiérarchie, il est impossible de la dissocier du mode
d’externalisation, marchand ou coopératif, en dehors des frontières de l’entreprise (Figure 2). De ce
fait, il apparaît donc au moins deux types de hiérarchie dont coopération et marché constituent des
prolongements à l’extérieur de la firme.
- 16 -
L’enrichissement de la convention de coordination de Watts :
CC : convention de coordination
CCma : convention de coordination marchande
CCco : convention de coordination par la coopération
CT : convention technologique
CTan : convention technologique analogique
CTel : convention technologique électronique
H : modalité idéal-typique hiérarchique
Hma : hiérarchie fondée sur les coûts (management « hard »)
Hco : hiérarchie fondée sur la compétence (management « soft »)
M : modalité idéal-typique marchande
C : modalité idéal-typique de la coopération
CCco = Hco + C +
CCma = H ma + M +
CT an
CT el
Catalogue
Innovation
CCWatts = (CCma + CT el)+ (CCco + CTal) = (Hma + Hco) + M + C + (CT an + CTel)
Figure 2 : L’enrichissement d’une convention de coordination
En ce qui concerne la coopération, les conventions explicites que revendiquent Watts l’attestent. Elles
articulent un monde interne régi par la recherche d’un engagement de tous par une quête de bien-être
social compatible avec l’entretien de relations interentreprises de qualité au plan vertical avec les
clients ou au plan horizontal concernant des activités complémentaires réalisées avec des partenaires
industriels.
« l’engagement des salariés, leur bien-être dans leur fonction, et le respect des autres, sont portés
au niveau des valeurs fondamentales de l’entreprise, et en assurent la cohésion et le
26
développement harmonieux »
« L’indépendance financière n’exclut pas une grande ouverture au partenariat commercial et
industriel […] Constructeur, Watts souhaite maîtriser la conception, l’industrialisation et la
commercialisation de ses produits stratégiques […] La recherche permanente de partenaires
industriels et commerciaux permet à Watts de proposer à la clientèle, une offre produit élargie et
27
de mieux se positionner face à la concurrence des grands groupes »
L’engagement des partenaires doit égaler celui des salariés d’où une définition du partenariat comme
une dynamique continue de progrès et d’amélioration des produits échangés.
« On a partagé avec A. On lui a appris des choses en électronique, un transfert de technologie
gratuit pour A, en échange des efforts qu’ils ont faits en réalisation. On a fait l’étude, eux ils ont
fait la partie industrialisation, les cartes, les boîtiers. »
« Par rapport au temps, quand on est très dépendant ou du moins interdépendant, on passe plus
de temps, on est plus attentif. Il dépend de nous parce qu’il ne sait pas tout sur les produits et nous
c’est un peu pareil. On dépend de lui parce que l’on ne sait pas produire ce que l’on achète chez
lui. »
« Pour X, très grande entreprise du secteur de la production et distribution d’électricité, le mot
partenariat ne veut rien dire du tout. X recherche de bons fournisseurs. Une personne haut placée
de l’entreprise X déclarait récemment devant plus de 250 fournisseurs : « vous savez, des
partenariats, des «trucs » et des « machins », je ne sais pas ce que cela veut dire ». En
réfléchissant en aparté, je me suis demandé ce que cela voulait dire. Un partenariat, c’est une
26
27
Dossier d’accueil des nouveaux cadres
Ibid.
- 17 -
relation d’interdépendance. X ne se considère pas comme interdépendant de ses fournisseurs. Si
celui-là n’est pas intéressé par ce rôle de fournisseur, elle en trouvera un autre qui lui aura envie.
Nos relations industrielles sont vraiment des partenariats, à indépendance relative. »
Quand l’interdépendance qui en découle faiblit, le partenariat se délite et subit l’épreuve de la
hiérarchie que l’entreprise envisage alors car elle est rendue possible par l’apprentissage interorganisationnel effectué au cours du partenariat. Dans cette convention de coordination de coopération
(CCco, hiérarchie et coopération enchevêtrée), le mode de justification au sens de Boltanski et
Thévenot (1991) est celui de la compétence à développer soi-même, à trouver ou éventuellement à
prendre chez un partenaire.
« On serait capable d’être autonome vis à vis d’eux avec une petite équipe d’ingénieur. Je n’aime
pas ces situations parce que les gens nous poussent, ils posent des questions à notre partenaire
sans obtenir de réponses, … Et puis, on sait faire nous-mêmes. »
« Il prend des risques. Il ne réagit pas à la vitesse souhaitée. On sera amené à penser un jour ou
l’autre de façon autonome. Au fur et à mesure de la relation, on commence à entrer dans leurs
produits, dans leurs technologies. On les a même poussés à faire des produits de technologie un
peu supérieur par exemple en faisant des produits communiquants qu’eux n’avaient pas l’intention
de faire. Et en même temps, on a appris la technologie de base. Donc on serait capable de se
rendre autonome vis à vis d’eux. »
« L’entreprise A au fur et à mesure a pris ombrage de ce savoir-faire de Watts. […] Nous avions
envie de rentrer sur un domaine qu’ils considéraient vraiment comme leur champ réservé. […] A
est une entreprise plus petite que Watts mais très spécialisée dans son domaine. […] Ils nous ont
dits « vous êtes incapable de développer un compteur car vous n’avez pas les compétences. J’ai
dit, « chiche », je vais vous montrer que je suis capable de faire un compteur. […] Il y a une
dimension psychologique. Ils font de l’appareil de mesure depuis les années 50. Ils s’étaient mis
dans la tête que Watts, ce sont les interrupteurs et les onduleurs et, A, c’est la mesure. Finalement,
nous faisons de la mesure et l’électronique se développe très vite. Watts est en train de leur
prendre leur métier, d’entrer dans leur domaine, de « piquer » leur vocation. C’est un problème
existentiel. »
Le mode marchand apparaît à l’occasion d’un changement majeur dans les conventions
technologiques (CT) adoptées par l’entreprise. Après avoir fondé son développement sur des produits
à technologie simple, analogique (CTan), elle s’oriente depuis vers des technologies électroniques de
haute précision (CTel, technologie des micro-capteurs), fruit d’une politique d’innovation, avec
plusieurs conséquences. Elle possède pour la première fois des produits en avance technologique par
rapport à ses concurrents, donc des produits difficilement imitables.
« C’est très difficile de déposer un modèle parce que vous déposez un schéma, un concept et les
gens peuvent reproduire. C’est quasi-indéfendable. C’est pour cela que vous avez très peu de
dépôts de brevet car déposer un brevet, c’est rendre le schéma public. On utilise des technologies
de génération bien ultérieure maintenant, des ASICS, qui font qu’on cache à l’intérieur d’un
microprocesseur tous les schémas qu’on pouvait voir auparavant sur une carte. Avant, on avait un
schéma avec des pistes, ensuite il y en a eu toujours plus mais on arrivait toujours à les repérer.
Aujourd’hui, avec les ASICS, ce sont des pistes magnétiques, « soft », par instructions. C’est très
compliqué de trouver un schéma ou des instructions qui sont dedans. »
Cette technologie transforme radicalement le processus de fabrication fondée sur des composants
programmables qui ne nécessitent donc plus d’importants investissements en outillage.
L’investissement en R&D important consenti pour mettre au point ces nouveaux produits transforme
aussi la stratégie. La quête du volume devient primordial pour amortir d’importants coûts fixes. Si
cette évolution ne remet pas en question la stratégie d’un catalogue toujours plus complet de produits
très diversifiés, il n’en demeure pas moins que l’entreprise raisonne beaucoup plus sur les produits aux
technologies avancées en termes de coûts et de volumes de production d’où un nouveau mode de
justification par les coûts et le calcul. De fait, une convention de coordination marchande (Ccma,
hiérarchie et marché enchevêtrés) s’impose selon trois axes. D’abord, il s’agit de la mise en
concurrence d’un atelier de Watts (département 2) et des fondeurs de microprocesseurs (ASICS).
- 18 -
« On n’a pas de main d’œuvre car cela nécessite des productions importantes. Je crois qu’il faut
50 000 pièces. Le développement pur d’un produit comme cela c’est 500 000 – 700 000 francs.
Pour les ASICS (ou superviseurs), les fournisseurs sont des japonais, Thomson, Siemens. Quand
nous avons rapatrié notre production qui était faite chez A, nous avons fait faire effectivement
dans les ateliers du département 2 (où sont produits les composants électroniques). Aujourd’hui,
d’une manière générale pour les produits électroniques, appareils et systèmes électroniques, on
met notre atelier régulièrement en compétition avec l’extérieur, sauf s’il y a des problèmes de
charge. »
Ensuite, des solutions industrielles localisée dans des pays à faibles coûts de main d’œuvre (Tunisie,
Inde) sont étudiées pour mettre en concurrence production interne et production localisée (un arbitrage
entre faire et faire-faire). La décision est prise en fonction d’un calcul économique chiffré selon des
prévisions de volumes et de coûts. Enfin, la quête des volumes suppose aussi l’implantation sur de
nouveaux marchés comme les Etats-Unis, quitte dans cette nouvelle convention marchande à travailler
avec des partenaires purement commerciaux, selon un système de transactions
« La notion de dépendance est un peu différente quand on considère les Etats-Unis car dans les
choix qu’on a fait on ne peut rien faire aux Etats-Unis tout seul. On a besoin d’un « éléphant »
pour nous véhiculer là-bas et nous acceptons d’être dépendant d’une grande entreprise pour
distribuer nos produits aux Etats-Unis, Y. Nous misons beaucoup sur Y pour réussir notre
implantation aux Etats-Unis. Il s’agit de 220 ou 230 distributeurs. C’est le principe du
référencement du supermarché. Les Américains sont froids, impersonnels, répondent quand ils en
ont envie, s’énervent à chaque fois qu’il y a un petit écart de notre part. »
L’arrivée d’une nouvelle convention de coordination n’efface pas la coordination précédente mais
l’enrichit selon un dispositif qui permet d’édicter un « principe supérieur commun », ici les vertus de
l’innovation et du catalogue réunies pour satisfaire la clientèle sans menacer l’emploi et au contraire,
poursuivre une croissance continue. Ainsi, on intègre la première convention, notamment
l’engagement prévu des salariés, dans l’énoncé de la nouvelle convention de coordination.
« Je suis tenté par (le recours au marché mondial), la localisation. Mes gens savent pourquoi je
vais en Inde. Ils redoutent un peu que je prenne cette initiative. »
« C’est plus facile de localiser lorsque vous êtes en phase de développement. Il faut que cela
tienne compte du phasage, savoir si le produit a déjà été fabriqué en interne ou pas. Ce que je n’ai
pas encore fait chez moi, je ne le délocalise pas. Je le localise. C’est comme ça qu’il faut
l’engager sinon vous créez des tensions en interne. La délocalisation, c’est piquer du travail pour
le donner à d’autres. La localisation, je ne pique rien ici puisque je n’ai jamais rien fait. »
« Mon souci c’est qu’on lance des produits. On détermine le produit pendant un certain temps, ici,
en prenant les précautions oratoires pour expliquer que le produit n’est pas destiné à être
fabriqué ici « ad eternam ». On possède alors déjà des options en fonction des volumes. Il s’agit
d’un système d’investissement progressif. A partir du moment où on a atteint un certain volume, il
est normal que je me demande si je localise ce produit dans des pays à faible coût de main
d’œuvre ou pas. Je peux continuer mes investissements pour générer du volume, accentuer la
cadence et réduire les coûts. Ou alors, je dis, je localise. Je vais alors gagner sur tous les tableaux
et je mets un maximum d’investissement à l’étranger. Je récupère non seulement un taux horaire
inférieur mais également des capacités de production. »
Coûts maîtrisés
Coûts non maîtrisés
Compétence stratégique
Compétence périphérique
Hco ∪ Hma
C → Hco
Hma / M
C/M
Tableau 3 : les conditions pratiques de l’enrichissement d’une convention de coordination
Dans la convention enrichie se côtoient deux modes de justification différents et dont les termes sont
indépendants : compétences et coûts. Ces deux modes se croisent pour aboutir à un modèle de décision
concernant la coordination pour chaque stade de la chaîne de valeur de l’entreprise (Tableau 3). Les
compétences stratégiques à coûts maîtrisés sont administrées en interne selon les deux modes
- 19 -
conventionnels ce qui revient d’une certaine manière à concilier dans le système de prise de décision
les préceptes du contrôle de gestion et du « knowledge management ». Les compétences stratégiques
dont les coûts ne sont pas encore maîtrisés font l’objet d’une coopération en vue de constituer une base
d’expertise minimale qui autorise ensuite une éventuelle internalisation. Les compétences
périphériques à coûts maîtrisées font l’objet d’un arbitrage constant entre hiérarchie mais solidement
piloté par les coûts et transactions marchandes. Celles à coûts non maîtrisés sont à priori externalisées
selon un mode marchand.
La convention de coordination, ressource et intermédiaire des jeux d’acteurs
Quelle est le moteur de l’évolution des conventions ? Il se situe au niveau des processus coopératifs
qui conduisent à la constitution de réseaux socio-techniques (RST) qui inclut un « actant » particulier
sous la forme d’un mode de coordination idéal-typique. Le réseau, outre des individus de l’entreprise
ou à l’extérieur, une technologie particulière, des modalités juridiques (clauses, contrats ou création de
sociétés), comprend aussi un mode de coordination qui fait corps avec les projets du RST. La
« stratégie » de cet actant particulier consiste à s’institutionnaliser en tant que mode « idéal » de
coordination, « espérant » de cette manière se répandre dans l’organisation par isomorphisme 28 (P.J.
Di Maggio, W.W. Powell, 1983, p.153). Si le RST institutionnalise la convention de coordination, une
rivalité entre un ou plusieurs actants coalisés chacun autour d’un mode « idéal » de coordination peut
également survenir. Dans ce cas, deux ou plusieurs RST s’opposent alors les uns en vue de pérenniser
la convention de coordination en l’état, les autres pour faire évoluer cette convention à leur profit. Si
ce jeu d’acteurs et d’actants n’aboutit pas à la défection, la convention s’enrichit de contenus distincts
qui se combinent.
Dans le cas Watts, la convention de coordination s’enrichit par enchevêtrement et aussi par l’arrivée
d’une nouvelle convention technologique, « levier » de cette évolution. La coopération de Watts avec
l’entreprise A entraîne une confrontation entre deux RST. Le réseau emmené par Gérard (coopération,
RSTCO ), qui assure le rôle de « traducteur » (c’est lui qui a la charge « d’intéresser » à son projet les
dirigeants de Watts et de A) affronte quelques années après la création de JVA un second réseau dont
l’ambition est d’imposer une innovation à développer en interne, animé par Jean-Louis (hiérarchie,
RSTh ). Le RSTCO associe Gérard, les commerciaux qu’il dirige chez Watts et qui l’accompagnent au
moment de la création de JVA, les directeurs de A et Watts, la société JVA qui possède une certaine
autonomie par rapport à Watts et A, la convention technologique Ctan, et la modalité « idéale » que
constitue la coopération qui assure à Gérard un adossement pérenne de JVA à un véritable
constructeur dans le domaine de la mesure. Il est à noter que Gérard a dès le départ l’ambition de
développer de manière autonome une activité dans la mesure. Ce n’est pas un hasard s’il accède à cette
responsabilité qu’il conserve d’ailleurs après la fin du partenariat entre A et Watts.
« Gérard avait largement développé les affaires au sein de Watts. A souhaitait accélérer le
développement de cette filiale. Gérard était très influent. C’est une personne très commerçante,
spécialiste du domaine, débauchée à la concurrence. Avant de diriger JVA, il était responsable
commercial du département mesure. Il avait avec lui 4-5 personnes qui ne faisaient que de la
mesure. Il avait un petit laboratoire pour faire les modifications, les adaptations. Il avait un vrai
« business » au sein de Watts dans ce domaine. »
Le RSTh est constitué autour d’une nouvelle convention technologique, CTel, incarné par de nouvelles
gammes de produits dans les deux départements de l’entreprise Watts avec l’appui des deux directeurs
généraux. Il est emmené par Jean-Louis qui, libre de procéder à la conception des nouveaux produits,
doit d’abord coopérer pour l’industrialisation et la fabrication avec A, puis s’opposer à cette
coopération lorsqu’il trouve sur son chemin David. La modalité « idéale » hiérarchique entre alors
dans le RSTh et le coopération avec A cesse. Les liens avec A, JVA et Gérard sont progressivement
28
Le principe de l’institutionnalisation d’un mode de coordination par isomorphisme procède de trois manières :
isomorphismes coercitif, on est obligé, persuadé ou invité à adopter une certaine mode de coordination,
mimétique (par imitation) ou normatif (par socialisation, par le biais de formation par exemple). La notion
d’isomorphisme de la théorie institutionnaliste est en adéquation avec le concept de mimétisme développée par
l’économie des conventions et décrit dans la première partie.
- 20 -
rompus. La modalité partenariale est conservée à travers d’autres coopérations pour des motifs
commerciaux (catalogue).
« Nous avons embauché Jean-Louis pour développer de manière générale nos connaissances
technologiques. C’est un ingénieur qui a une double formation ce qui est très rare dans ce secteur.
C’est un Supélec, électricien, mais c’est en même temps un Bréguet donc un mécanicien. Quand il
est arrivé, il a dit « moi je viens d’une entreprise où j’ai développé quelque chose qui pourrait
vous intéresser aussi. » Il s’agissait de comptage, de gestion d’énergie, d’appareil de mesure au
sens large. Je me suis dit « tiens, effectivement, ce ne serait pas mal de demander à Jean-Louis de
développer ce concept et dans le cadre de nos relations avec l’entreprise A de leur demander d’en
assumer la fabrication. On n’était pas en concurrence avec eux. On en est alors venu à
l’électronique. »
« Jean-Louis, dès son arrivée, a dit : « si un jour A essaie de rompre avec l’entreprise Watts, il
n’y aura pas de problème car je suis là ». Comme on avait une forte demande de la part de nos
clients, on avait du mal à résister à ce genre de suggestion. Je savais que je possédais une
maîtrise technique en interne. »
« L’ancien dirigeant de A était de la génération pré-électronique, l’analogique. C’est un gars qui
connaît bien les appareils à aiguilles, qui avait embauché quelqu’un pour lui faire un peu
d’électronique mais très peu. Lui, il n’y comprenait pas grand chose. Par contre, son fils ,qui a
succédé à son père depuis, était dans la culture et avait embauché un spécialiste, David, pour
développer l’électronique. »
« Pour corser la chose, A a aussi embauché un ingénieur d’un niveau un peu supérieur à ce qu’ils
avaient jusqu’à présent, David, qui est devenu une sorte le rival du nôtre. Ces deux personnes ont
commencé à se défier l’une l’autre. Nous avions notre Jean-Louis. Eux, ils avaient leur David. Il
faut dire qu’auparavant Jean-Louis patronnait un peu les techniciens de chez A en leur disant ce
qu’il devait faire, en faisant un peu du transfert de savoir-faire. David lui a répondu : « c’est pas
mal ton truc mais cela ne marche pas comme il faut, c’est trop compliqué ou c’est trop cher ». A
compter de l’arrivée de David chez A, il y a donc eu de leur part une remise en cause de notre
savoir-faire : ils ont fait des variantes, ils ont fait des produits propres. A commençait aussi à
avoir des velléités de production, des produits qui n’étaient pas parfaits pour nous. Il fallait les
retoucher. Nous avons alors commencé à le faire chez nous. »
La représentation en RST s’inscrit ici comme un outil privilégié de management stratégique. Le réseau
permet de visualiser les tenants et aboutissants d’une prise de décision stratégique pour l’organisation
en termes de rapports de force entre les acteurs de l’entreprise. Le décideur est alors en mesure de
mieux préparer le changement organisationnel, notamment en établissant son propre RST incluant les
actants mobilisés pour administrer les possibles contradictions que l’énoncé de la nouvelle convention
de coordination devra inclure.
Les objets « de passage »
La dynamique des conventions de coordination fait apparaître des dispositifs concrets, des objets
transitionnels qui jalonnent le passage d’une modalité de coordination à une autre. Les trajectoires
indiqués par ces objets n’ont pas de caractère irréversible. Ils indiquent des voies dans les deux sens,
de la coopération à la relation marchande et retour, de la hiérarchie à la relation marchande ou à la
coopération et retour. Certains dispositifs constituent des points d’équilibre permettant d’aller dans un
sens ou dans un autre. Ils établissent un cadre propice à la négociation entre les acteurs en vue de
dénouer certaines contradictions. Nous mettons l’accent sur deux trajectoires qui sont évoquées dans le
cas Watts (Figure 3).
Dans les citations qui illustrent l’importance de ces objets transitionnels, nous avons eu recours à
d’autres coopérations que celle avec l’entreprise A (marquées B, C, D et F29 ). Dans un premier temps,
la coopération correspond à un investissement relationnel dans lequel sont mobilisés quatre objets
transitionnels particuliers. Le premier correspond à la relation personnelle établie entre deux ou
29
L’entreprise X est le principal concurrent de Watts.
- 21 -
plusieurs acteurs individuels qui établissent un premier cadre relationnel propice pour engager la
relation de coopération.
« Dès le départ on a sympathisé avec les Anglais de l’entreprise B. On s’est rapidement appelé
par nos prénoms. C’est rapidement devenu Tom, Bob, etc. La relation a été amicale. Il y avait, de
plus, entre moi et le dirigeant de B, une relation particulière. Il m’a pris sous son aile, comme un
père. Cela joue beaucoup surtout dans les phases d’apprentissage. Quand vous avez quelqu’un
qui est pareil que vous, vous apprenez moins vite que quand vous avez quelqu’un qui vous materne
un peu. Ces relations sont très importantes à l’intérieur de B car les excellentes relations qu’on
pouvait avoir les décideurs en Angleterre ont été transmises à leurs collègues français. »
Coûts et dispositifs de
H
contrôle qualité
Les relations
personnelles
M
Spécifications techniques
et échanges réciproques
introductifs
Contrat d’exclusivité
Etude de prix
Etude de »
« fournisseur
fournisseurs
Cession de parts
Coentreprise (majorité,
désinvestissement
minorité de blocage)
C
Figure 3 : Trajectoires et objets transitionnels
Dans un cas, cette relation personnalisée est difficile à conserver (entreprise C). La coopération est
problématique.
« Il faut que la prise en compte de nos besoins s’opère au plus haut niveau, par le dirigeant luimême à titre personnel. Sinon je retombe dans le cadre d’une relation commerciale classique.
Moi, je veux bien que le patron s’occupe directement des Etats-Unis et qu’il soit donc souvent
absent mais qu’il s’occupe aussi de ses partenaires industriels et il n’en a pas beaucoup à part
Watts. Il n’a pas ce genre de collaboration ailleurs, collaboration au sens de spécifications rien
que pour nous. En Belgique, en Angleterre, il vend les produits de son catalogue. Il n’a pas fait le
même effort que pour nous. Au départ, c’était bien lui, sa fille, responsable du marketing, mais
elle n’y connaît rien elle. On l’a eu à Paris une semaine. On a une excellente relation
heureusement avec son directeur général qui est un ancien responsable R&D. On va les voir. On
entretient beaucoup la relation. »
La seconde concerne les prémisses de la coopération. Les deux entreprises procèdent à des échanges
« introductifs » où chacun prend à sa charge une partie de l’investissement spécifique correspondant à
l’adaptation pour Watts d’un produit à un nouveau marché pour l’entreprise A. Cette phase peut
s’interpréter selon les termes de l’économie du don et du contre-don et de l’établissement d’une
réciprocité ; chaque partie surenchérit sur l’apport du partenaire pour montrer une velléité à augmenter
la qualité de la relation (Godbout J.T., Caillé A., 1992).
- 22 -
« On a partagé avec A. On lui a appris des choses en électronique, de la technologie gratuitement,
en échange des efforts qu’ils ont faits en réalisation. Nous avons fait l’étude, eux ils ont fait la
partie industrialisation, les cartes, les boîtiers. »
« Nous avons fait faire à D des produits spéciaux pour la France. Ils ont accepté de le faire. Nous
avons partagé l’investissement. C’est eux qui ont fait tout le développement. »
« Dans les accords signés avec F sur le plan de la coopération, le développement du produit, eux,
ils faisaient les études, nous on faisait les essais, on collaborait pour que le cahier des charges
soit respecté. Sur le plan commercial, la firme F avait en gros l’Europe du Nord et nous on avait
en gros l’Europe du Sud en exclusivité. Dans le reste du monde chacun faisait ce qu’il voulait. »
Sur cette base, la relation se concrétise dans la production conjointe des spécifications techniques qui
correspond à un temps important passé ensemble à se mettre d’accord sur le cahier des charges d’un
produit spécifique à cette relation de coopération.
« Pendant six mois, on a appris qu’on n’avait pas le bon produit. Par contre, pendant six mois, on
a appris ce que faisait l’entreprise X, notre principal concurrent au niveau des spécifications de
leurs produits. Qu’est-ce qu’ils faisaient, comment ils le faisaient, quels étaient les manques des
produits ? On en a rapidement déduit la nouvelle « spécif », la nouvelle définition qu’il fallait
donner à l’entreprise C pour pouvoir démarrer ce marché. Les ingénieurs de notre partenaire C
nous ont accompagnés chez certains clients. Finalement, ils ont mis six mois pour accepter notre
nouvelle « spécif ». Il fallait qu’ils dépensent de l’argent, qu’ils refassent des cartes imprimées,
des essais, remonter une équipe. Même au niveau de la formation des vendeurs il a fallu faire
beaucoup de compléments de formation par rapport aux formations qu’on avait déjà faites sur
l’activité mesure. C a fini par accepter de faire le produit spécifique pour le marché français.
C’était pour nous une preuve de confiance intéressante et depuis cela marche assez bien. On a un
homme produit et un assistant sur cette famille et on est le premier client C en dehors des EtatsUnis. »
On entre alors dans une seconde phase marquée par une première « juridisation » des conditions de la
coopération par des documents contractuels dont la clause la plus significative est celle d’exclusivité.
Cet objet, gage d’une volonté de coopération devient progressivement un objet de conflit lorsque la
relation s’affaiblit mais auparavant, un nouvel objet juridique est produit, la coentreprise JVA qui
marque le point ultime de la coopération mais aussi le point d’inflexion de celle-ci. JVA est un point
d’équilibre au sein duquel se tranche une contradiction majeure entre Watts et A, deux stratégies de
développement inconciliables. La controverse trouve sa clé dans l’évolution de la répartition du
capital. Avant de sortir du partenariat, Watts vend ses parts à A. La relation se déqualifie
progressivement pour retrouver le statut de transaction marchande.
« On était d’accord de monter une coentreprise avec A sous réserve que Watts soit majoritaire.
Finalement, nous possédions 51 % dans cette filiale. Nous avons apporté sans trop rechigner
notre fonds de commerce. Nous avons travaillé à valeur nominale et l’entreprise A a amené en
contre partie un contrat d’exclusivité. On continuait donc comme avant. On était même d’accord
que JVA vende à des concurrents, des confrères. Par contre, on a refusé, et cela a été accepté, que
A vende aux grossistes car ils auraient pu être en concurrence directe auprès de nos clients
surtout à travers les grands grossistes très concentrés. A ce moment, A a souhaité aussi que le
manager, l’animateur de cette filiale soit aussi actionnaire. A a pris sur sa part en gros 16 % de
ces actions et les lui a cédées ; A se contentant de conserver 34 % de minorité de blocage.»
« J’étais déjà sur la défensive au moment du début de JVA car on sentait que si on ne créait pas
cette coentreprise on était pas certain de pouvoir continuer ce partenariat. Ils seraient peut-être
allés sans nous sur le marché français. Alors, on a beaucoup donné pour pouvoir le garder. Ainsi,
on a retardé l’arrivée de A sur le marché mais surtout, l’avantage principal de l’opération, c’est
que nous avons gagné du temps car on n’était pas clair sur notre propre stratégie.
Fondamentalement, le risque était que A trouve des distributeurs en concurrence avec Watts
auprès des circuits pouvant vendre à nos clients. Les grossistes. C’est à partir de ce moment là
que nous avons commencé à nous poser des questions. Un jour ou l’autre, la situation va mal
tourner. On a réfléchi. Très vite on a commencé à chercher d’autres solutions que le partenariat
avec A tout en maintenant le principe de la coentreprise. »
- 23 -
« La question de l’entreprise A a été : « pouvons-nous devenir majoritaire dans la filiale que nous
considérons comme étant la notre puisqu’elle ne s’occupe que de nos produits ? Pourquoi est-ce
le distributeur qui est majoritaire ». On leur a finalement vendu nos parts en échange d’un contrat
qui nous assurait une exclusivité de vente dans notre segment cible de clientèle avec, de plus, une
discussion préalable entre A, JVA et Watts à l’ouverture d’un nouveau compte client. A partir de
là, on a eu assez peu de problèmes commerciaux mais tout en se disant un jour ou l’autre la
situation va mal tourner. »
Le dernier objet mobilisé sur l’axe marchand – coopération est l’étude de prix réalisée par Watts qui
indique ainsi précisément le statut marchand qu’il entend conférer à cette relation. Après quelques
négociations axées uniquement sur les prix, la relation cesse. Finalement, Watts est passé d’un marché
d’organisations, à l’établissement de la coopération, à un marché de produits lorsque la relation
déqualifiée se résume à de simples transactions sur des produits standardisés qui n’évoluent plus
(Eymard-Duvernay, op.cit.).
« A partir du moment où on a vendu nos parts, on a aussi cherché à renégocier les prix avec
l’entreprise A. On voulait une plus grande marge de manœuvre en cas de bagarre commerciale. On
a commencé à négocier les prix et en renégociant les prix on a effectué une étude de prix sur toute
l’Europe auprès tous les fournisseurs potentiels en prévenant A. Au fur et à mesure, on a
effectivement repéré quelques fournisseurs qui faisaient 40 % moins cher que l’entreprise A. »
La fin de cette coopération fait alors passer à une dynamique sur l’axe hiérarchie – marché. Ici, la
firme fixe la frontière en fonction d’un dispositif de quantification pour arbitrer entre des coûts de
production interne et les prix fixés par des fournisseurs tunisiens ou indiens ou encore entre les prix de
cession internes annoncés par le département 2 de Watts et les prix pratiqués par les graveurs de
microprocesseurs contactés ; cet arbitrage dépendant des volumes produits. Ce raisonnement vaut
principalement pour des produits standardisés dans le cadre d’un marché de produits.
« La production interne implique des coûts calculés par avance. On sait que le taux horaire coûte
tant. On a accès à une évaluation détaillée. Il suffit d’étudier les coûts horaires. Chez moi, les
coûts horaires, c’est de l’ordre de X francs, (il prend cela comme une base 100). […] Sur une
même base, c’est-à-dire si je veux transférer ma production en Tunisie, le taux horaire me coûte n
francs (n en base 100). Et il travaille sur mes plans. Je rajoute à cela le coût du transport des
pièces et le rapatriement. Cela change la base de calcul. Dans mon calcul, je rajoute ce que me
facture le prestataire de services, m. n + m (m en base 100) de l’heure […] n + m de l’heure,
comparé à 100. C’est cher. Alors, j’étudie. Est-ce que j’ai des coûts logistiques cachés liés à la
préparation des commandes, à la manutention des pièces détachées. Est-ce que j’ai des volumes
suffisants pour mettre en branle ce système. Pour l’instant, j’ai peu d’exemples où je puisse le
faire. En fait, le temps de préparation est plus important que le temps de montage. »
En définitive, le décideur, soucieux d’adapter son entreprise à de nouvelles conditions
environnementales, tente de conserver dans les choix des modes de coordination la plus grande
réversibilité possible. Il aura alors intérêt à jalonner les trajectoires suivies d’objets transitionnels
susceptibles d’intensifier ou d’affaiblir le recours à un mode de coordination particulier. Les objets
transitionnels rencontrés suggèrent une typologie, très partielle. Quatre catégories apparaissent : les
dispositifs techniques (les spécifications, les échanges introductifs, le contrôle qualité), les dispositifs
juridiques (clauses contractuelles, coentreprise), les dispositifs relationnels (relation personnalisée,
étude de prix) et dispositifs de mesure (étude de prix, analyse des coûts). Déjà, les données recueillies
permettent d’entrevoir un autre dispositif concernant l’apprentissage. On pourrait imaginer dans le
cadre de la relation A – Watts l’existence d’un dispositif formalisé visant à accélérer l’apprentissage
inter-organisationnel (G. Hamel, 1991) qui compléterait les efforts récents de l’entreprise pour
cataloguer ses connaissances (knowledge management).
Conclusion
Le modèle de l’enchevêtrement a pour objet l’étude de la dynamique des organisations relationnelles
qui ne peuvent pas dissocier les changements structurels internes des modifications survenues dans
l’intensité et la nature des liens entretenus avec d’autres organisations. Il est destiné à améliorer la
- 24 -
compréhension de cette évolution conjointe des milieux intra- et inter-organisationnels : la forme
analytique constitué par la notion d’enchevêtrement des modes « idéal-typiques » de coordination
permet de saisir le processus d’enrichissement des conventions de coordination et son moteur, les jeux
d’acteurs observés sous l’angle des réseaux socio-techniques en confrontation au sujet des choix de
coordination.
Trois apports ressortent validés par l’application du modèle à une réalité singulière mais riche
d’enseignements :
- En relation avec l’un des deux modes externes de coordination qui en est le prolongement, la
hiérarchie se différencie en au moins deux types, établissant deux conventions de coordination,
marchandes et coopératives dont la cohabitation problématique oriente la prise de décision
stratégique ;
- la figure du réseau socio-technique offre un point d’ancrage au décideur pour établir l’état des
rapports de force entre acteurs dans et en dehors de l’entreprise vis-à-vis d’un changement significatif
dans la manière de coordonner les activités de l’entreprise ; il peut alors préparer une stratégie,
notamment par la constitution de son propre réseau socio-technique ;
- cette stratégie passe par la construction d’objets transitionnels (techniques, juridiques, relationnels,
de mesure, d’apprentissage, …) disposé tout au long des continuum qui vont d’une modalité « idéal »
de coordination à l’autre. Ils constituent des objets intermédiaires dans la dynamique
organisationnelle, points d’équilibre mais aussi d’inflexion, à partir desquels se dessinent la
métamorphose incessante d’une organisation aux frontières floues.
Il reste bien évidemment à préciser ces éléments et les enrichir par des nouveaux contenus en
provenance de nouvelles observations empiriques d’autres milieux organisationnels. C’est le projet
que nous poursuivrons activement à l’avenir.
Bibliographie
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