La mobilité externe: un gage de succès
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La mobilité externe: un gage de succès
La mobilité externe: un gage de succès ! DOSSIER Case - Eko Services « Economie sociale, tiers secteur, coopérative à finalité sociale » : les synonymes ne manquent pas pour désigner ces structures qui placent l’humain au centre de leurs actions. Parmi elles, EkoServices, une entreprise agréée « titres services », implantée sur 18 sites en Belgique et active dans les prestations ménagères et le repassage. Comment le concept de « retour sur investissement » est-il appréhendé dans cette forme d’économie particulière? La mobilité : abstraction ou réalité pour des personnes peu qualifiées ? Rencontre avec Luc Mespouille, administrateur délégué d’EkoServices. 28 Dossier « EkoServices, c’est avant tout de l’humain! » Ces quelques mots, prononcés par Luc Mespouille en début d’entretien, soulèvent d’emblée l’essence du tiers secteur. Pour appréhender l’économie sociale, il faut d’abord comprendre et se rapprocher de l’autre, à la fois semblable et différent, car empreint de multiples difficultés. « Nous travaillons avec quelque 1000 ouvrières et ouvriers qui se rendent quotidiennement au domicile des particuliers pour s’occuper de leur nettoyage ou effectuent des travaux de repassage », explique l’administrateur délégué. Ici, pas de GRH au sens strict du terme mais un terme cher au tiers secteur, celui d’ « accompagnateur social ». « EkoServices dispose d’environ 100 personnes dédiées à l’encadrement (essentiellement assistants sociaux et psychologues), ce qui représente 1 accompagnateur pour 10 ouvriers », commente Luc Mespouille. « Leur but est avant tout l’encadrement, l’accompagnement et l’écoute des travailleurs. Mais c’est aussi eux qui se chargent du « job coaching » du personnel et donc, quelque part, de la pérennisation de notre structure. Disons que le terme « accompagnateur social » se rapproche plus de notre finalité que celui de GRH. » RECRUTEMENT: UNE DOUBLE FACE Contrairement à ce que l’on pourrait penser, recruter du personnel peu qualifié n’est pas chose aisée. Luc Mespouille se souvient : « Si je me replonge 10 années en arrière, à nos débuts en 2004, nous recevions en moyenne 70 CV par jour. Aujourd’hui, les CV spontanés sont de plus en plus rares (environ 1 à 2%). Les entreprises comme la nôtre se sont multipliées et les travailleurs ont fait « Chez nous le terme accompagnateur social remplace celui de GRH. » leur « marché ». Nous devons de plus en plus faire l’effort d’aller chercher nous-mêmes nos futurs collaborateurs. » Les canaux de recrutement utilisés se démarquent également de ceux mobilisés par les entreprises dites « traditionnelles ». « Nous commençons seulement à utiliser Facebook car bon nombre de nos ouvrières et ouvriers n’y sont pas encore présents. Quant à Linkedin, ça ne répond pas du tout aux profils que nous recherchons ! » précise Luc Mespouille. Pour s’en sortir, il faut donc faire preuve d’ingéniosité. « En 2006, nous avons pas mal utilisé la publicité, tant audio que visuelle », explique Luc Mespouille. « Aujourd’hui, nous accordons de plus en plus de place aux partenariats avec le FOREM. Ainsi, nous sommes présents sur le salon Euro Métropole à Tournai, où les demandeurs d’emploi susceptibles de nous intéresser sont nombreux. De plus, le FOREM nous envoie régulièrement des profils pouvant répondre à nos attentes. » Et l’administrateur délégué d’ajouter : « Le recrutement dans un secteur comme le nôtre ne peut pas aller que dans un sens. Il ne faut pas tout attendre de nos futurs collaborateurs. Nous devons aussi nous mettre en avant ! » ROI PEU PALPABLE Dans l’économie sociale, analyser le retour sur investissement est une tâche ardue et ce pour plusieurs raisons. Luc Mespouille PEOPLESPHERE N0191. DÉCEMBRE 2014 Luc Mespouille: « D’un côté, nous devons faire en sorte que les travailleurs soient bien chez nous mais d’un autre, nous devons tout faire pour qu’elles soient mieux ailleurs et s’insèrent dans l’économie classique. » confie : « D’abord, nous travaillons avec des profils très spécifiques dans un contexte lui aussi assez particulier. Certes, certains ouvriers peuvent travailler plus efficacement que d’autres d’un point de vue qualitatif. Cependant, dans le domaine du nettoyage, soit on se rend chez le client, soit on ne s’y rend pas. Pour le repassage, c’est déjà plus spécifique, on peut déjà analyser différem- « Mesurer la productivité n’est pas notre objectif premier! » ment la productivité d’un travailleur ». Mais Luc Mespouille insiste : « Ce n’est pas notre objectif premier ! Notre but est de réinsérer des personnes peu qualifiées, et c’est un véritable travail ! Certaines doivent tout réapprendre : se lever le matin, prendre soin d’elles,…Un autre facteur relatif au ROI est relevé par l’administrateur délégué : « Nous dépendons en partie de subsides publics pour fonctionner. C’est un avantage indéniable car PEOPLESPHERE N0191. DÉCEMBRE 2014 la pression est moindre. Cela nous permet de nous axer sur nos vrais objectifs. » L’un de ces objectifs majeurs, c’est le combat contre l’absentéisme. Luc Mespouille déclare: « Des évaluations sont d’ailleurs mises en place régulièrement entre accompagnateurs sociaux et travailleurs afin d’évaluer les attentes et donc, diminuer au maximum l’absentéisme. Mais nous nous félicitons déjà car notre taux d’absentéisme est actuellement de l’ordre de 4%…Quelles structures traditionnelles peuvent en dire autant ? » UNE MOBILITÉ EXTERNE Est-il possible d’évoluer en interne pour ces travailleurs peu qualifiés ? Pour Luc Mespouille, la réponse est mitigée ! « Nous sommes une entreprise de réinsertion sociale », insiste l’administrateur délégué. « C’est tout le dilemme. D’un côté, nous devons faire en sorte que les travailleurs soient bien chez nous mais d’un autre, nous devons tout faire pour qu’elles soient mieux ailleurs et s’insèrent dans l’économie classique. » La fonction de « job coaching » prend ici tout son sens. Luc Mespouille raconte : « Nos accompagnateurs sociaux suivent les travailleurs dans l’établissement d’un plan de carrière. Il peut s’agir du choix d’un autre emploi, de la reprise d’études, de la mise sur pied d’une activité complémentaire. Il faut rester conscient que nous ne sommes qu’une jonction. Toutefois, l’administrateur délégué nuance: « Certes, on ne peut pas obliger une personne à nous quitter avec un revolver sur la tempe mais le départ, à terme, est ce à quoi nous devrions tendre idéalement. Pour vous donner une idée, les travailleurs restent en moyenne 5 années chez nous. » Néanmoins, des mouvements de va et vient sont observables avec le temps : « Lorsque les personnes nous quittent, nous faisons un entretien final avec elles. Nous leur faisons savoir que nous restons disponibles si nécessaire. Nous devons montrer que nous ne sommes pas loin. Il n’est d’ailleurs pas rare que des travailleurs nous rejoignent à nouveau après quelques années. Quelque part, cela montre que notre méthode de travail et notre investissement sont appréciés. N’est-ce pas ça aussi, un bon indicateur de retour sur investissement ? » MICHAEL DUBOIS ALEXIS TAMINIAUX Case - EkoServices / Dossier 29