Corps - CANOPÉ - Académie de Poitiers
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Corps - CANOPÉ - Académie de Poitiers
Il était le seul que son désir de n’être pas remarqué rendit remarquable. Pierre Michon, Les vies minuscules (1984) La première édition des journées Corps (in)croyables. La pratique amateur en danse contemporaine, s’est tenue du 15 au 17 octobre 2014, à Poitiers, à l’UFR lettres et langues, à la maison des Étudiants et à la chapelle des Augustins (Canopé – Site de Poitiers), combinant une journée d’études éducation artistique et culturelle, puis deux journées d’études universitaires. Le 16 octobre au soir, à la Maison des Étudiants, dans le cadre de la programmation du Centre de Beaulieu, étaient présentées deux pièces chorégraphiques, l’une, Partition, avec les danseurs amateurs de l’Atelier des 12 heures de la compagnie Alice de Lux (Chauvigny), par le chorégraphe Matthieu Doze, assisté de Claire Servant ; l’autre La Part du Rite, Latifa Laâbissi / Figure Project et Isabelle Launay (université de Paris 8). Pour cette dernière pièce, on peut désormais renvoyer à l’ouvrage de référence Grimaces du Réel. Latifa Laâbissi, les presses du réel / les laboratoires d’Aubervilliers, 2015, p. 238-265, où Isabelle Launay donne le texte qu’elle présentait au cours de la pièce, sur la pratique amateur dans la danse expressionniste des années 20 et 30, avec quelques mentions des rencontres de Poitiers. Cet événement était co-organisé par l’Université de Poitiers (avec le laboratoire EA 3816 FoReLL, Formes et représentations en linguistique et littérature), Canopé Poitiers, la compagnie Alice de Lux le Centre de Beaulieu), avec le soutien de la DRAC Aquitaine Limousin Poitou-Charentes et du Rectorat de l’académie de Poitiers – DAAC. Les participants, en particulier chercheurs, enseignants, de la maternelle à l’université, artistes, responsables institutionnels et associatifs, se sont intéressé-e-s à la notion même d’ « amateur », complexe et labile, voire controversée, sous ses aspects artistiques, pédagogiques, politiques. La notion d’ amateur est en effet propre à interroger ou troubler d’autres catégories, comme celles de professionnel, artiste, citoyen, voire danseur, en associant à la pratique artistique, avec un accent singulier, des enjeux cruciaux du corps dansant, l’engagement, le plaisir, le désir, ou encore l’expression, le soin, le partage, l’émancipation, la révolte. Plus radicalement, la mise en perspective esthétique et politique, donc anthropologique et historique, de la pratique amateur contribue à montrer que la notion de « professionnel » ne va pas non plus de soi, ayant aussi des implications esthétiques et politiques, donc idéologiques ou économiques, variées, ainsi qu’une histoire : la recherche en danse s’intéresse ici à l’amateur comme à un terme marqué, en tant que non-professionnel, alors que dans de nombreuses situations, époques, cultures, c’est le professionnel de danse (non amateur) qui est un terme marqué, qu’on pense au chœur tragique grec classique, à tel ou tel genre médiéval ou baroque, aux cultures hip-hop ou techno, aux danses rituelles, anciennes ou modernes, de transe, célébration, carnaval, aux pratiques de danse en milieu dit traditionnel, par exemple rural, occidental ou non, ou enfin, et c’est là un point essentiel, en milieu éducatif, de la maternelle à l’université ou dans toutes les institutions et associations visant au développement de l’éducation artistique et culturelle. La formule « corps (in)croyables repose sur une observation : les corps d’amateurs dansants, souvent, ne sont pas des corps « incroyables », ils ne sont ni virtuoses, ni exceptionnels, toujours triomphants ou Corps (In)croyables, 2014. tragiques, surhumains ou en représentation, ils sont simplement « croyables », ordinaires, directs, quotidiens, humains, présents, vrais. Cependant, sur la scène spectaculaire, ou dans ce qui peut en tenir lieu pendant le temps de la performance, où qu’elle se passe, ils peuvent devenir extra-ordinaires, comme issus de l’ordinaire et, du fait même de leur passage à la sc ne, suprêmement originaux et surprenants ’où une ambiguïté, une incertitude dynamique qui demande non seulement à être interrogée mais aussi, comme elle l’est d’ailleurs souvent, dans divers dispositifs relevant d’une politique culturelle, locale ou nationale, défendue, promue. Les Actes de ces journées de 2014 sont en cours de publication, aux Éditions du Centre National de la Danse (Pantin), et devraient paraître en 2017, complétées par quelques interventions présentées à la rencontre Corps (in)croyables 2 : La pratique amateur en danse contemporaine : espaces et regards, (16 et 17 novembre 2016). Ces deuxièmes rencontres examineront la dialectique de l’espace et du regard, en s’intéressant à la fois au danseur / performeur dit amateur et au spectateur, comme au regard porté sur l’un et l’autre par les artistes, responsables d’institutions, professionnels, etc… et surtout par les amateurs mêmes, en dialogue, avec une attention particulière portée aux points suivants : les lieux et territoires et les cercles d’appartenance concernés par la pratique amateur ; la relation entre amateur performeur et spectateur ; les attentes des amateurs et non-amateurs. Les analyses historiques, théoriques et appliquées, menées par des chercheurs en études chorégraphiques et retenues par les éditeurs seront donc accessibles au public prochainement, après la deuxième session, en 2017, accompagnées de deux synthèses, l’une sur le dispositif Danse en amateur et répertoire, animé au CND (Centre national de la danse) par Laurent Barré, l’autre sur le contexte poitevin, exemplaire et en constante évolution, par Michel Briand. On a pu d’ailleurs voir mise en valeur cette double dynamique en juin 2016, au TAP (Théâtre Auditorium de Poitiers), les 4 et 5 juin 2016, pour les dix ans du dispositif du CND : il n’est pas surprenant que tout cela se passe à Poitiers. Les six interventions issues de la première session brossent un tableau déjà nuancé de la question : - Du piéton ordinaire (Isabelle Ginot, université de Paris 8) - Mise en danse du souvenir : Qu’est-ce qui nous arrive ?!? (2013-2014) de Mathilde Monnier et François Olislaeger (Catherine Girardin, université Paris Ouest Nanterre La Défense) - Kontakthof de Pina Bausch : « On n’a pas tous les jours une occasion comme ça » (Pierre Katuzewski, université de Bordeaux Montaigne) - De l’observation à la danse, incorporation de l’altérité animale (Joanne Clavel, Anne-Gaëlle Huellec, Paula Takegami-Martinez, univ. de Paris 8 et collectif Natural Movement) - Gymnastique par la danse et chœur de mouvement. Un exemple de danse amateur dans l’Allemagne des années 20 (Axelle Locatelli, univ. de Paris 8) - Danser avec une population : le paradoxe des Veilleurs de Belfort (Gérard Mayen, critique) Mais l’une des grandes originalités des journées Corps (in)croyables, en 2014 et 2016, est qu’elles ne sont pas simplement universitaires, mais le résultat d’une dynamique, impliquée par le sujet même et la variété des dispositifs employés, conférences mais aussi débats et table-rondes, présentation d’expériences de création et de transmission. Il s’agit d’une recherche de haut niveau théorique, mais toujours appliquée à des situations précises. Michel Briand, université de Poitiers Corps (In)croyables, 2014.