Que nos vies aient l`air d`un film parfait - Sailly
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Que nos vies aient l`air d`un film parfait - Sailly
QUE NOS VIES AIENT L’AIR D’UN FILM PARFAIT Roman de Carole FIVES (117 pages) Curieux titre pour un roman, extrait d’une chanson de LIO : « Amoureux Solitaires » Le décor est planté, le roman décrit la décomposition d’une famille, après le divorce, il y a le Père, la Mère et l’aînée des deux enfants qui racontent ce qu’ils vivent et puis il y a un garçon prénommé Tom, le petit .qui ne s’exprime qu’à la fin du roman. Ce roman alterne les points de vue de chacun dont l’écriture est, chaque fois,différente « Tu as 8 ans et tu vas entendre la nouvelle qui va te coincer les mots dans la gorge pour longtemps, tout a pris un goût de perte et d’abandon, la légèreté t’a quitté» Le divorce ne sépare pas que les Parents, il sépare aussi les enfants Structuré en chapitres courts, écrits à la 1ère personne du singulier par chacun des protagonistes, décrivant ses ressentiments, ses angoisses, ses peurs, ses émotions face à ce désastre. Le fils Tom est confié à son Père, compte tenu de la fragilité de sa mère, vivant sous anxiolytiques, suivie médicalement par un psy «une mère sans enfants c’est comme un corps sans jambes, elle ne peut tenir debout» «Les moments que le fils partage avec son père, moments de complicité sont des instants coupables selon ta mère,….elle ne pardonnerait pas ces instants que tu as vécus avec ton père » S’ensuit une bataille pour la garde du garçon, la mère le réclame, Tom devient un enjeu entre père et mère devant Madame le Juge, Tom quitte son père, sa sœur, ses copains, TOM devient une bouée de sauvetage pour sa mère « tu es le fils qui peut sauver ta mère,…… elle est si fragile,…..,elle se raccroche à toi,…elle a récupéré la garde de son fils, elle prendra moins de médicaments Le père est parti parce qu’in ne supportait plus sa femme, « Tu es maintenant certain que pas une fois de leur vie tes parents n’ont dit : NOUS, tu sais que NOUS est une fiction, un pur fruit de ton imagination» « Tu pourras revendiquer bien haut que l’amour tu l’as vu, tu l’as déjà senti, même si ça ne dure pas, même si ça se transforme en poison, en tristesse, en colère, tu sais qu’il existe bien sûr et qu’il disparaît,…. Chacun pense que le divorce, ça ne sépare que les adultes, chacun son gosse sous le bras et vogue la galère,…on se partage le mobilier on se partage les enfants, …et la séparation des enfants on y pense ?» C’est dur de séparer une fratrie, de séparer le frère et la sœur qui ont grandi ensemble et qui ne demandaient qu’à rester ensemble, la sœur s’accuse d’avoir cédé , d’avoir trahi « je te cherche Petit Frère, je te cherche dans tous les livres, dans le sourire de mes amis,…...les grands ont oublié qu’ils avaient eu un frère, une sœur ou simplement un ami, un alter ego. En vieillissant ils taisent cet amour-là, ils le changent en autre chose, de plus commun, de moins magique » Dans le divorce , les enfants retrouvent l’autre parent, la soeur ou le frère , le temps des vacances scolaires « nous , on se retrouve en vacances afin de se rappeler que le reste de l’année nous sommes séparés, nous les enfants, nous sommes en transit, toujours les mêmes lignes, toujours les mêmes villes, nous revisitons indéfiniment le même pays, celui de notre enfance déchantée ,….Te revoir mon frère, c’est maintenant faire une pause, vivre un moment hors du temps, qui n’a plus aucun lien avec le quotidien,nous ne connaîtrons plus ces moments que sont censés partager les frères et les soeurs» Petit à petit, mois après mois, année après année, la tristesse fera place à la colère «Longtemps j’ai pensé que les autres étaient heureux, qu’ils n’avaient pas de problèmes, que tout se déroulait facilement pour tout le monde, je me croyais être la seule à être mal, je me sentais différente, maudite, c’était très violent, c’est plus tard que j’ai commencé à ouvrir les yeux et à voir que la vie, pour personne, n’était un conte de fées comme je l’avais cru » TOM, finalement, est devenu un homme, il choisit la vie d’errance et partage l’existence des nomades, il se construit une destinée sur le terreau des souffrances vécues durant son enfance « tout devient concret quand on prend la route, tu n’as pas le choix il faut avancer » «La famille, mon sentiment à l’époque c’était l’injustice, bien sûr je ne comprenais pas pourquoi je me retrouvais seul du jour au lendemain mais en voyageant j’ai relativisé ces années-là, j’ai croisé d’autres vies, j’ai pu mettre à distance mes angoisses, aujourd’hui on s’en fout un peu de tout ça c’est si loin le passé laissons-le là où il est, il faut vivre » POUQUOI AI-JE AIME CE LIVRE ? J’ai beaucoup aimé ce roman, l’auteur nous fait partager les émotions, les souffrances vécues lors d’un divorce, surtout à travers le regard et la parole de l’aînée, séparée de son frère et le mutisme du frère qui apprendra à vivre avec cela, il se construira une existence de ce passé. Carole FIVES adopte un ton juste pour dire le drame du divorce, à aucun moment elle ne juge, elle se contente de laisser la parole aux personnages. L’auteur s’intéresse moins au mécanisme de la séparation qu’à celui de l’arrachement vécu par les protagonistes de ce qui ne s’appelle plus une famille L’aînée met des mots sur ce qui signe la fin de l’enfance, quand il manque un bout d’enfance est-ce la porte ouverte à la folie Gérard FEUTRIE