L`angioplastie Coronaire primaire Chez La Femme
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L`angioplastie Coronaire primaire Chez La Femme
ArTIclE OrIgINAl Cardiologie Tunisienne Résultats de l’angioplastie coronaire primaire chez la femme. Etude monocentrique tunisienne. Outcomes of primary coronary angioplasty in women. A tunisian monocentric study. Wissem Sdiri, Dorra Mbarek, Houcem Boussaid, , Taoufik El Kateb, Hédi Ben Slima, Selma Longo, Yousssef Ben Ameur, Mohamed Rachid Boujnah. Université de Tunis El Manar, Faculté de Médecine de Tunis, Tunis, Tunisie. CHU Mongi Slim, Service de Cardiologie, La Marsa, Tunisie. Résumé Mots-clés Summary Keywords Introduction : L’infarctus du myocarde (IDM) chez la femme présente un profil épidémiologique particulier et un pronostic réservé. Le but de notre étude est de comparer les caractéristiques cliniques et angiographiques ainsi que les résultats de l’angioplastie coronaire primaire en fonction du sexe. Patients et méthodes: Nous avons réalisé une étude rétrospective de 250 patients consécutifs colligés à l’hôpital universitaire Mongi Slim de La Marsa (Tunisie) entre janvier 2006 et juin 2011 admis pour un IDM avec sus décalage de ST évoluant depuis moins de 24 heures et traités par ATC primaire. Résultats : Notre population comportait 45 femmes et 205 hommes. Par rapport aux hommes, les femmes étaient plus souvent âgées (p=0.001), diabétiques (64% vs 37.4% ; p=0.001), hypertendues (62.2% vs 37.7% ;p<0.001), dyslipémiques (35.6% vs 19.5% ;p=0.029) et obèses (37.8% et 10.7% ; p<0.001). Les femmes consultaient après un délai moyen de 492±397mn contre 364±350mn chez les hommes (p<0.05). Le taux de succès angiographique était de 73.3% chez les femmes contre 86.3% chez les hommes (p=0.04). En excluant les patients admis en état de choc cardiogénique, le taux de mortalité intrahospitalière était de 17.14% chez les femmes et 5.4% chez les hommes (p<0.05). Conclusion : Le risque cardio-vasculaire élevé et la consultation tardive peuvent expliquer la lourde mortalité intra-hospitalière observée chez la femme tunisienne présentant un IDM Background : Women present some epidemiological features and a poor prognosis when having acute myocardial infarction. The aim of our study was to compare clinical and angiographic features in men and women and to determine whether gender influenced in-hospital prognosis of primary percutaneous coronary intervention Methods : We conducted a retrospective study including 250 patients admitted to Mongi Slim university Hospital at la Marsa (Tunisia) between January the 1st, 2006 and June the 30th, 2011. All these patients had an ST segment elevation myocardial infarction and underwent primary PCI within 24 hours after symptom onset. Results : Our population counted 205 men and 45 women. Females were significantly older (p=0.001). They had a higher prevalence of diabetes (64% vs 37.4% ; p=0.001), hypertension (62.2% vs 37.7% ; p<0.001), dyslipemia (35.6% vs 19.5% ; p=0.029) and obesity (37.8% vs 10.7% ; p<0.001). They were more likely to consult late (Mean time from symptom onset was 492±397mn in women vs 364±350mn in men ; p<0.05). In our study, angiographic success was achieved in 73.3% of the cases in women and in 86.3% of the cases in men (p=0.04). After excluding patients admitted in cardiogenic shock, the inhospital mortality rate was 17.14% in women and 5.4% in men (p<0.05). Conclusion : The high cardiovascular risk and the delay to consult in women, can explain the heavy inhospital mortality rate observed in tunisian women suffering from acute myocardial infarction. Infarctus du myocarde, Angioplastie coronaire primaire, Femmes. Acute myocardial infarction, Primary coronary intervention, Women Correspondance Wissem Sdiri Université de Tunis El Manar, Faculté de Médecine de Tunis, 1007, Tunis, Tunisie. CHU Mongi Slim, Service de Cardiologie, 2046, La Marsa, Tunisie. Cardiologie tunisienne - Volume 09 n°02 - 2eme trimestre 2013 -77-81 77 L’anGiopLaStie CoRonaiRe pRimaiRe CHeZ La Femme INTRODUCTION Les syndromes coronariens aigus (SCA) avec sus décalage persistant du segment ST constituent un problème majeur de santé publique. Il s’agit d’une urgence médicale extrême qui peut engager le pronostic vital à court terme. La reperfusion myocardique représente la pierre angulaire du traitement de l’infarctus du myocarde (IDM). Dans la littérature internationale, l’angioplastie coronaire (ATC) primaire a démontré sa supériorité par rapport à la fibrinolyse intraveineuse avec notamment une mortalité précoce et tardive moindre ainsi qu’une meilleure survie sans évènement cardiaque majeur (MACE). Toutefois, le pronostic de l’IDM est conditionné par de nombreux facteurs, notamment le sexe. En effet, l’IDM avec sus décalage de ST est réputé plus grave chez la femme et le recours à un traitement invasif est beaucoup moins fréquent que chez l’homme [1]. Le sexe féminin semble donc un facteur de mauvais pronostic au cours de l’infarctus du myocarde [2]. Le but de notre étude était d’étudier les caractéristiques cliniques et angiographiques de la femme se présentant pour un IDM avec sus décalage du segment ST et traitée par ATC primaire et d’évaluer l’impact du sexe sur le pronostic intra-hospitalier. PATIENTS ET METHODES Nous avons réalisé une étude rétrospective de 250 patients colligés au sein du service de cardiologie de l’hôpital Mongi Slim de la Marsa (Tunisie), entre janvier 2006 et juin 2011, hospitalisés pour un SCA avec susdécalage persistant du segment ST et traités tous par ATC primaire. Les critères d’exclusion étaient un délai entre le début des douleurs et l’ATC supérieur à 24 heures ou une thrombolyse intraveineuse préalable au geste d’ATC. ANALYSE STATISTIQUE Les données ont été saisies et analysées au moyen du logiciel SPSS® version 15.0. Nous avons calculé des fréquences simples et des fréquences relatives (pourcentages) pour les variables qualitatives, des moyennes, des médianes et des écartstypes pour les variables quantitatives. Les comparaisons de 2 moyennes sur séries indépendantes ont été effectuées au moyen du test t de Student pour séries indépendantes. Les comparaisons de pourcentages sur séries indépendantes ont été effectuées par le test du chi-2 de Pearson ou le test exact bilatéral de Fisher. La recherche des facteurs prédictifs de succès et des facteurs de risque d’événement en étude univariée a été effectuée en calculant l’Odds ratio. Afin d’identifier les 2ème Trimestre 2013 facteurs de risque liés de façon indépendante à l’événement, nous avons conduit une analyse multivariée en régression logistique méthode pas à pas descendante. Dans tous les tests statistiques, le seuil de signification a été fixé à 0,05. RESULTATS Caractéristiques cliniques : (Tableau 1) Tableau 1 : Caractéristiques cliniques des patients en fonction du sexe Age (ans) Diabète FEMMES HOMMES 64% 37.4% 67.13±10.18 HTA 62.2% Tabac 91.7% Dyslipémie Obésité Insuffisance rénale Antécédents cardiovasculaires 35.6% 58.2±10.78 0.001 37.7% <0.001 24.4% <0.001 3.9% 0.06 19.5% 37.8% 100.7% 37.8% 40% 11.1% p 0.001 0.029 <0.001 NS HTA : hypertension artérielle Notre population comportait 205 hommes et 45 femmes. Il y avait donc une nette prédominance masculine (82%), avec un sex-ratio de 4.55. L’âge moyen de la population masculine était de 58.2±10.78 ans avec des extrêmes allant de 33 à 89 ans. L’âge moyen dans la population féminine était de 67.13±10.18 ans avec des extrêmes allant de 43 à 87 ans (p<0.05). En subdivisant les patients selon les tranches d’âge, la majorité des hommes (51.7%) avaient un âge compris entre 50 et 74 ans, alors que plus de la moitié des femmes incluses dans notre étude (51.5%) étaient âgées de 75 ans ou plus (p=0.001). La prévalence du diabète était plus élevée chez les femmes. En effet, 64 % des femmes étaient diabétiques, contre 37.4% des hommes (p=0.001). L’hypertension artérielle a été retrouvée chez 62.2% des femmes et chez 37.7% des hommes (p <0.001). Une dyslipémie a été notée chez 35.6% des femmes et 19.5% des hommes (p=0.029). Parmi les hommes, 91.7% étaient tabagiques. Il s’agissait d’un tabagisme actif dans 81% des cas. Dans la population féminine, seules 24.4% étaient tabagiques. Les femmes étaient beaucoup plus souvent obèses que les hommes avec des taux respectifs de 37.8% et 10.7% (p<0.001). L’altération de la fonction rénale était également plus fréquente chez les femmes avec un taux de 11.1% contre 3.9% chez les hommes (p=0.06). Dans la population féminine, 37.8% avaient des antécédents cardio-vasculaires (Insuffisance coronarienne, insuffisance cardiaque, accident vasculaire cérébral et artériopathie oblitérante des C Cardiologie Tunisienne 78 W. Sdiri & al. membres inférieurs) vs 40% des hommes (p=NS). L’IDM siégeait dans le territoire antérieur dans 66.6% des cas chez les femmes et dans 59% des cas chez les hommes. A l’admission, 26.7% des IDM chez les femmes étaient compliqués contre seulement 22.9% chez les hommes (p<0.05). Concernant l’état de choc cardiogénique à l’admission, il a été noté chez 31.1% des femmes, vs 9.8% des hommes (p<0.001). Dans notre étude, le délai moyen de consultation des patients par rapport au début de la douleur thoracique était de 387 minutes. Ce délai était en moyenne de 364±350mn chez les hommes alors qu’il était de 492±397mn chez les femmes (p<0.01). Par ailleurs, uniquement 15.6% des femmes ont consulté dans les 3 premières heures contre 32.7% des hommes et plus de la moitié des femmes a consulté au-delà de la 6ème heure avec une différence statistiquement significative par rapport aux hommes (55.5% vs 31.2%; p<0.05). Concernant les délais de prise en charge, le door-toneedle time a été estimé à 68.7 minutes en moyenne. Ce délai était plus long dans la population féminine (79.98mn vs 66.28 mn chez les hommes ; p<0.05). Le door-to-balloon time a été estimé à 84.88 minutes en moyenne. Ce délai était de 92 mn chez les femmes vs 83 mn chez les hommes (p<0.05). Caractéristiques angiographiques Chez les femmes, la lésion coupable était l’IVA dans 60% des cas, la Cx dans 11.1% des cas et la coronaire droite dans 28.8% des cas. Dans la population masculine, l’IVA était la lésion coupable dans 57.1% des cas, la circonflexe l’était dans 11.7% des cas et la coronaire droite l’était dans 31.2% des cas. L’atteinte de l’IVA proximale a été retrouvée dans 22.2% des cas chez les femmes et dans 23.9% des cas chez les hommes (p=NS). Concernant le flux au niveau de l’artère coupable, nous avons retrouvé une occlusion thrombotique totale (Flux TIMI 0) chez 57.8% des femmes et chez 65.4% des hommes. Un flux TIMI 1 a été retrouvé dans 20% des cas chez les femmes et dans 11.7% des cas chez les hommes. Ainsi 77.8% des femmes avaient un flux TIMI 0 ou 1 à l’admission vs 77.1% des hommes (p=NS). Le statut coronaire dans la population masculine est dominé par l’atteinte monotronculaire (91 patients; 44.4%). L’atteinte bitronculaire a intéressé 62 hommes (30.2%), alors que 52 seulement (25.4%) avaient un statut tritronculaire. Dans la population féminine, l’atteinte tritronculaire était prédominante avec un taux de 37.8% (17 patientes). Données procédurales Au cours de l’ATC, la majorité des patients ont bénéficié de l’implantation d’endoprothèses coronaires (83.9% des hommes et 80% des femmes ; p=NS). Un stenting direct a été possible chez 25.4% des hommes et 24.4% des femmes. Cent quinze hommes (56.1%) ont eu une pré2ème Trimestre 2013 dilatation au ballon suivie d’un stenting secondaire contre 51.1% des femmes. Cent pour cent des stents implantés étaient métalliques (BMS). En moyenne, nous avons implanté 1.35±0.7 stents/patient. Il n’y avait pas de différence significative entre les 2 sexes. La désobstruction de l’artère coupable a été réalisée par dilatation au ballon seule chez 14.6% des patients dans le groupe des hommes et chez 20% des patients dans le groupe des femmes. Une thrombo-aspiration a été réalisée chez seulement 10 patients (8 hommes (3.9%) et 2 femmes (4.4%)). Résultats immédiats Parmi nos 250 patients, un succès angiographique a été obtenu chez 73.3% des femmes contre 86.3% des hommes (p=0.04). Le sexe masculin multiplie la probabilité de succès par 2.3 (IC=95%). Un no reflow a été noté chez 13.3% des femmes contre uniquement 7.3% des hommes (p<0.05). Un succès procédural a été obtenu chez 64.4% des femmes vs 81.5% des hommes (p<0.05). La fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) après ATC primaire était de 47.47±10.62% chez les femmes et de 48.2 ±11.78% chez les hommes (p=NS). Dans notre série, nous avons eu 41 décès au cours de la phase hospitalière, ce qui nous donne un taux de mortalité intra-hospitalière de 16.4%. La mortalité intrahospitalière était de 35.6% chez les femmes et de 12.2% chez les hommes. Cette différence est statistiquement significative (p=0.001) avec un OR de 3.9. Le sexe féminin apparait comme un facteur prédictif de mortalité intra-hospitalière. En excluant les patients admis en état de choc cardiogénique, le taux de mortalité s’abaisse à 17.14% chez les femmes et 5.4% chez les hommes (p<0.01). En étude multivariée, le sexe féminin n’apparait pas relié à la mortalité intrahospitalière. Seuls l’état de choc à l’admission, l’échec angiographique et la dysfonction VG (FE<40%) ressortent comme facteurs prédictifs indépendants de mortalité intra-hospitalière. La durée moyenne du suivi était de 15.4 mois avec des extrêmes allant de 0 à 66 mois. La durée du suivi était meilleure chez les femmes (19.52±19.25 mois vs 14.6±14 mois chez les hommes ; p <0.05). Une thrombose de stent a été notée chez 10 hommes, soit 4.8% de la population masculine et chez 2 femmes soit 4.4% de la population féminine (p=NS). Le délai moyen de la thrombose était de 8.1 heures chez les hommes contre 0.5 heure chez les femmes. Toutes les thromboses étaient certaines (documentées par la coronarographie réalisée en urgence). Nous avons eu 11 thromboses aigues et une seule subaiguë. La durée moyenne de l’hospitalisation était de 5.88±3.26 jours, avec des extrêmes allant de 2 à 30 jours. Il n’existe pas de différence significative entre le groupe des hommes et celui des femmes. Au cours du suivi, nous avons noté 8 cas de resténose intra stent (RIS): 6 au cours de la Cardiologie Tunisienne 79 C L’anGiopLaStie CoRonaiRe pRimaiRe CHeZ La Femme première année suivant l’ATC primaire et 2 plus tardivement (une à 2 ans et l’autre à 3 ans). En tenant compte du sexe, le taux de RIS a été de 2.9% dans la population masculine contre 4.4% dans la population féminine (p=NS). Résultats à 12 mois Le taux de mortalité à 12 mois n’était pas influencé par le sexe (1.8% chez les hommes vs 0% chez les femmes ; p=1). Aucune corrélation n’a été retrouvée entre le sexe et la survenue de MACE à 12 mois. En effet, le taux de MACE à 12 mois était de 15.6% chez les hommes et 11.1% chez les femmes (p=0.643). DISCUSSION L’athérothrombose est le mécanisme physiopathologique à la base des SCA. Dans le cas de l’infarctus du myocarde (IDM) avec sus décalage du segment ST, une thrombose complète est constatée. De nos jours, 2 stratégies de reperfusion sont possibles : la thrombolyse intraveineuse et l’angioplastie coronaire transcutanée (ATC) primaire [3]. Dans les années 1980, la thrombolyse intraveineuse était le traitement de référence de l’IDM avec sus décalage de ST. Les effets bénéfiques de cette stratégie pharmacologique de reperfusion sur la morbimortalité aussi bien à court qu’à long terme ont été démontrés [4, 5]. Plusieurs études publiées ont comparé la thrombolyse et l’angioplastie primaire. L’ensemble des données plaide largement en faveur de la supériorité de l’ATC primaire sur la fibrinolyse en terme de mortalité précoce ou tardive et de survenue d’un MACE [6, 7, 8, 9]. Il reste toutefois vrai que la population féminine a toujours été minoritaire dans les études sur l’infarctus du myocarde et sa reperfusion. L’IDM avec sus décalage de ST est réputé plus grave chez la femme. En plus, le recours à un traitement invasif est beaucoup moins fréquent que chez l’homme [10]. Dans une étude monocentrique menée par Valente et al [11] sur 6 ans et incluant 1127 patients admis pour IDM, il a été retrouvé que les femmes étaient significativement plus âgées (p<0.001), plus souvent hypertendues (p<0.001) et plus souvent diabétiques (p=0.016). Elles présentaient par ailleurs plus de complications neurologiques (p=0.002), plus d’insuffisance ventriculaire gauche (p=0.015) et une surmortalité intrahospitalière (p=0.037). Cette série a ainsi démontré que les femmes présentent un profil de risque différent de celui des hommes, mais aussi qu’elles ont une réponse métabolique et inflammatoire différente à l’ischémie myocardique aigue (Une glycémie et un taux de fibrinogène plus élevés à l’admission, une vitesse de sédimentation plus accélérée et un taux d’hémoglobine plus bas). Tous ces facteurs peuvent expliquer le pronostic plus réservé de l’IDM chez la femme. Dans notre série, nous avons retrouvé un taux de diabète 2ème Trimestre 2013 à 64.4% dans la population féminine vs 37.1% dans la population masculine (p=0.001). L’HTA était aussi plus fréquente chez les femmes (62.2% vs 33.7% chez les hommes, p<0.001). L’obésité, la dyslipémie et l’insuffisance rénale chronique étaient également significativement plus fréquentes chez les femmes. Ces données rejoignent les données de la littérature. Vakili et al. [12] ont rapporté les résultats d’un registre new yorkais d’ATC primaire qui a colligé 317 femmes et 727 hommes. Les femmes étaient plus âgées (65 ans vs 59 ans) et avaient plus de comorbidités. La mortalité hospitalière était 2.33 fois plus importante chez les femmes (7.9%vs 2.3% IC=95%, p=0.016). Ces résultats ont été expliqués en partie, par le fait que les femmes se présentaient plus souvent en état de choc cardiogénique ou avec une instabilité hémodynamique à l’admission (25% des cas vs 17% chez les hommes ; p=0.003). Ceci pourrait être dû au fait que les femmes, longtemps protégées de l’athérosclérose par leurs œstrogènes, n’ont pas eu le temps de développer une circulation collatérale de suppléance, ni d’avoir un phénomène de préconditionnement quand survient un IDM. Une autre explication à l’altération de l’état hémodynamique chez les femmes serait une dysfonction diastolique plus sévère que chez l’homme et une réponse différente du système nerveux automnome avec une accentuation de la réponse vagale donnant plus d’hypotension et plus de bradycardie. La surmortalité féminine dans cette série découle aussi d’un retard à la consultation. En effet, dans cette étude, un traitement avant la 6ème heure était réalisé chez 63 % des femmes vs 74% chez les hommes (p<0.05). Dans notre série également, les femmes présentent plus d’instabilité hémodynamique et consultent plus tardivement que les hommes. En effet, 31.1% des femmes avaient un IDM compliqué d’un état de choc cardiogénique à l’admission contre seulement 9.8% des hommes (p<0.001). Seulement 15.6% de nos patientes ont consulté au cours des 3 premières heures vs 32.7% des hommes (p<0.05). Il existe par ailleurs un retard à la prise en charge des IDM chez les femmes [11,12]. Ceci aussi a été confirmé dans notre série puisque aussi bien le door-to-needle time que le door-to-balloon time ont été plus long dans la population féminine (79.98mn vs 66.28 mn et 92mn vs 83 mn respectivement ; p<0.05). Concernant les caractéristiques angiographiques et échocardiographiques, Vakili et al [12] ont démontré qu’il n’existe pas de différence significative entre les 2 sexes. Dans notre série également, nous avons trouvé des profils angiographique et échographique assez similaires dans les 2 sexes. Concernant la mortalité intra-hospitalière, la majorité des auteurs ont trouvé des taux plus élevés chez les femmes. Les résultats du registre florentin d’infarctus du myocarde reperfusé par ATC primaire [13] vont dans le même sens. En effet, ces auteurs ont retrouvé une plus Cardiologie Tunisienne 80 C W. Sdiri & al. grande comorbidité chez les femmes, un délai de présentation plus prolongé (160 minutes chez les femmes vs 130 minutes chez les hommes) et une mortalité multipliée par 2 dans le sexe féminin. Cependant, après ajustement en fonction de l’âge et des autres caractéristiques de base, le taux de mortalité aussi bien intra-hospitalière qu’à 1 an étaient indépendants du sexe ((RR=0.91, IC=95%) [14, 15]. Jackson et al. [16] ont montré également que la mortalité était plus élevée chez les femmes, mais que ceci était dû à un âge plus avancé et à une plus lourde comorbidité. Ceci est également vrai dans notre série puisque le taux de mortalité intra-hospitalière était de 35.6% chez les femmes contre 12.2% chez les hommes (p=0.001). Le sexe féminin apparait donc comme un puissant facteur de surmortalité intra-hospitalière avec un OR de 3.9. En étude multivariée, le sexe féminin n’apparait pas directement corrélé à la mortalité intra-hospitalière. Concernant les MACE, Kralev et al. [14] n’ont pas identifié le facteur sexe comme un facteur prédictif indépendant de MACE. REFERENCES 1. Reynolds HR, Farkouh ME, Lincoff AM, et al. Impact of female sex on death and bleeding after fibrinolytic treatment of myocardial infarction in Gusto V. Arch Intern Med 2007; 167:2054-60. 2. Claassen M, Sybrandy KC, Appelman YE, Asselbergs FW. Gender gap in acute coronary heart disease: Myth or reality? World J Cardiol 2012;4(2):36-47. 3. Keeley EC, Hillis LD. Primary PCI for myocardial infarction with ST-segment elevation. N Engl J Med 2007;356:47-54. 4. 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Elle est expliquée en partie par un âge plus avancé, une comorbidité plus lourde, un délai de présentation plus long et un retard à l’admission en salle de cathétérisme de la population féminine. Le fait que cette différence persiste après ajustement de l’âge et des autres facteurs laisse suggérer une éventuelle réponse biologique différente à l’ischémie myocardique chez la femme. trial): outcome after 3 years follow-up. Eur Heart J 2008;29:1259-66. 10.D’Ascenzo F, Gonella A, Quadri G, et al. Comparison of mortality rates in women versus men presenting with ST-segment elevation myocardial infarction. Am J Cardiol 2011; 107:651-4. 11.Valente S, Lazzeri C, Chiostri M, et al . Gender-related difference in ST-elevation myocardial infarction treated with primary angioplasty: a single-centre 6-year registry. Eur J Cardiovasc Prev Rehabil 2011 [Epub ahead of print]. 12.Vakili BA, Kaplan RC, Brown DL. 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