fahrenheit, cinéma ou jeu vidéo
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fahrenheit, cinéma ou jeu vidéo
JEUX NUMÉRO 31 RENAME VIDEOS FAHRENHEIT, CINÉMA OU JEU VIDÉO ? UN JEU D’AVENTURE NON LINÉAIRE OU FILM DONT VOUS ÊTES LE HÉROS ? PAR BENJAMIN CHAMBON P ortée par David Cage, la structure de Quantic Dream survit au raz-de-marée qui ruina la production vidéo-ludique française, grâce notamment à leur studio de motion capture. Leur nouveau projet, Fahrenheit, affiche l’ambition de révolutionner la façon de jouer à un jeu d’aventure, notamment en délinéarisant l’intrigue. Qu’en est-il au final ? ci-dessous The Nomad Soul : un chef d’œuvre encore dans les têtes 22 < RN De Nomad Soul à Fahrenheit En 999, Quantic Dream, un petit studio français, sortait leur premier jeu, The Nomad Soul, édité par Eidos. Ce jeu permettait de vivre une grande aventure dans d’immenses villes en 3D, de piloter des véhicules, de suivre des gens qui vivaient leur vie de façon autonome, et ce avant Midtown Madness et GTA3. Graphiquement le jeu affichait tous les derniers effets à la mode, et souffrait d’un far clipping un peu poussif permettant aux grosses machines de l’époque d’afficher correctement cette merveille. Surtout, en plus d’être un acteur majeur de la scène du jeu d’aventure, Nomad Soul affichait la volonté d’être différent, de chercher autre chose, de pousser l’expérience vidéoludique dans de nouveaux retranchements. Dans cette histoire, lorsque notre personnage mourrait, nous prenions simplement possession du premier corps qui passait par là. Cela changeait tout : il fallait redécouvrir notre nouvelle existence, cela nous donnait droit à de nouveaux accès dans la ville, mais également le moyen de connaître de nouveaux personnages, et de faire avancer différemment l’intrigue. Faute de moyens techniques, Quantic n’explora pas à 00% cette voie, mais laissait entrevoir une ambition bien à eux : jamais ils ne feraient un jeu vidéo sans montrer de nouvelles choses, sans permettre aux joueurs de connaître de nouvelles sensations. Leur nouveau produit sorti fin septembre, Fahrenheit (appelé « The Indigo Prophecy » aux USA pour les raisons que l’on connaît), affiche l’ambition de refondre la suite du jeu à chaque action du joueur sur l’intrigue. Mais qu’en est-il au final ? Du grand au petit écran… D’emblée cassons le suspens, l’ambition initiale a largement été revue à la baisse au profit d’un autre aspect : Fahrenheit est quasiment devenu un film interactif, autant ludiquement parlant qu’artistiquement. Du genre aventure, il a l’approche, qui est de mettre en avant une histoire et des personnages avant l’action et le gameplay. On se retrouve à contrôler un avatar dans un décor, la caméra bougeant au gré de nos pérégrination pour mettre en image nos actions. Parfois, l’écran se scinde en 2, 3 ou 4 parties, pour nous montrer un autre point de vue, attirer notre attention sur un détail, voir les mouvements dans la pièce d’à côté, ou simplement nous permettre une immersion sans précédent. A ce sujet ces choix de caméras sont presque sans faille, il nous est permit de modifier l’angle des points de vue, ou d’en changer, mais je crois avoir utilisé 3 fois cette option tellement le système est rodé. On ne parle plus de tableaux de jeu, mais de scènes et de plan. Et JEUX VIDEOS ceux-ci empruntent tous les artefacts des écoles du cinéma : travelling latéral, dézoom, champs/contrechamps, subjectivité, action de second plan, miroirs. Un vrai bonheur. Personnages et points de vue Le second parti pris, très présent, a été de mettre en scène de fortes personnalités. Tous les personnages de Fahrenheit possèdent un background bien plus fouillé que d’habitude, ils ont leur propre réflexion faces aux problèmes, leurs propres personnalités, de sorte qu’à la fin, nous les connaissons tous et l’environnement semble très cohérent. Dans ce jeu, nous jouons à tour de rôle chacun des personnages, de sorte que l’on se retrouve à tour de rôle meurtrier ou policier. Les actions que l’on effectue avec un personnage rend le travail de l’autre plus ou moins facile. Cela revient à jouer aux échecs contre soi-même vous me direz ? Certes, mais là où le jeu fait fort, c’est que le joueur devient impartial, souhaite rendre l’affaire la plus crédible possible. On ne joue pas, on réalise une histoire selon notre manière. Une nouvelle façon de jouer, peut-être pas, mais une nouvelle façon de raconter une histoire, indéniablement. Une boite de ton s’il vous plaît ! Fahrenheit est résolument adulte dans son approche, autant du scénario que des personnages, en passant par la réalisation. Les problèmes abordés ne sont pas ceux d’adolescents. Le jeu met en image de vrais adultes, en proie à une vie sentimentale pas toujours rose, à des problèmes de travail, sensibles à la misère du monde. David Cage avait annoncé que d’une part les jeux vidéos ne sont plus joués seulement par des ados, et que d’autre part son jeu n’était pas écrit pour une certaine population, qu’il plaira à un public qui n’est pas forcément une population joueuse, masculine et très jeune. Le produit final lui donne raison, avec des personnalités peu manichéennes, sensibles, des scènes d’amour (avec du vrai nu dedans, même qu’aux usa il est classifié -6ans !), d’action, d’horreur, de suspense. Le ton du jeu plaira aux fans de séries fantastiques pleines de romance et d’action. Comment on joue ? Pour l’interface, on distingue trois étapes. Le jeu se joue en déplaçant le personnage dans le décor, et en interagissant avec certains éléments (objets, personnages). Cette interaction s’effectue en dessinant un certain mouvement de souris indiqué en haut de l’écran, simulant l’action de du personnage (un balayement de souris pour passer la serpillière…). Lors d’une conversation, on choisit la réponse ou le sujet de conversation dans un temps limité. Tout ceci encore une fois dans l’optique de permettre au joueur d’effectuer l’action la plus intuitive possible, comme dans la vraie vie où on a pas 5 minutes pour réfléchir quoi répondre au contrôleur qui nous a grillé à sauter au-dessus du tourniquet. Le troisième moment concerne les séquences d’actions. Ce sont en fait des animations souvent spectaculaires sur lesquelles on influe grâce à des successions de pression de touche, par exemple pour éviter une voiture, ou récupérer un verre avant qu’il ne tombe, oui, comme dans Shen Mue. Cela permet d’un côté de dynamiser le récit, et de ne pas s’endormir pendant les cinématiques. Côté utile, pas d’inventaire, mais des actions qui s’adaptent à nos possessions : malin et libérateur. en haut Du « split screen » comme dans 24 pour juste faire frime, ou montrer que le méchant arrive ci-contre Oui, ya aussi des lumières dynamiques et des jolies nanas. RN > 23 JEUX VIDEOS FAHRENHEIT : CINÉ OU JV ? SUITE Graphismes C’est beau ? Oui, mais bon, ça n’est pas non plus le plus beau jeu du monde. D’un côté les textures sont magnifiques, très fines et réalistes, les éclairages sont eux aussi soignés, la motion capture est aussi importante dans le rendu réaliste du jeu. Cependant, certains modèles 3D manquent de finesse, et l’environnement manque généralement d’interaction avec les personnages (pas de moteur physique). Pour un jeu d’aventure, c’est tout de même au-dessus du lot. ci-contre, haut Le jeu vidéo français, ce sont aussi des injections de cocaïne liquide directement dans le cerveau. ci-contre, bas Tout est bien qui fini bien, rendezvous dans 5 ans pour Nomad Soul 2. Immersion C’est d’un côté une grande qualité du jeu, et un de ses principaux défauts. Tout est fait pour que l’on agisse vite, sans réfléchir, de manière intuitive. Cela confère une grande satisfaction de voir le récit dérouler à bonne vitesse sous notre impulsion. Malheureusement, le jeu est plutôt linéaire, malgré la multitude de variantes possibles grâce aux manières de réagir de chaque personnage. Si les actions ne sont pas les même quelque soit la façon de jouer, l’histoire reste inchangée, et même si ç’eut été difficile de faire autrement, c’est un petit peu frustrant au vu du reste. D’autre part, le jeu est très court, de 7 à 8h heures, soit deux ou trois soirées de jeu. C’est vraiment peu, mais c’est le prix à payer pour une histoire dense et émotionnellement Au final ? En attendant The Nomad Soul 2, Quantic Dream nous laisse encore un produit atypique, entre le jeu d’aventure et un épisode de « 24 heures chrono » interactif. Il permettra aux autres auteurs de jeux vidéo d’entrapercevoir les possibilités du 8e art, qui n’en est qu’à ses débuts, et qui mérite plus d’audace que ce que les tristes ///l’heure des comptes///////////////////////////////////////////////////////// auteurs en série des Quake 4 et consorts veulent bien nous montrer. Un • Réalisation impeccable • Situations intenables jeu qui mérite le détour, pour les fans • VF/VO • Ambiance géniale de cinéma ou les gens blasés par les • Multiples points de vue • Interaction intéressante jeux vidéo actuels. RN • Personnages profonds • Musique d’A. Badalamenti forte. Le scénario n’est pas vraiment démentiel, et rappelle à de nombreux abords celui de Nomad Soul, mais permet de vivre des séquences très différentes, et de faire évoluer notre personnage de façon très crédible, intuitive. Niveau immersion, c’est une franche réussite donc. + – • Graphismes (quoique) • Très court (7h de jeu) • Quel branleur ce David Cage (il apparaît dans le jeu) • Assez linéaire Notes finales Graphismes Réalisation Note globale 24 < RN • Interface limitée • Scénario mystico techno philosophique assez fumeux (on lui préfèrera l’efficacité de celui de Still Life) 3/20 8/20 5/20